LES TÉLÉVISIONS LOCALES EN ITALIE

1. Chaînes de télévisions locales

Le panorama italien des chaînes de télévision locales est aussi vaste qu'hétérogène. On compte aujourd'hui 596 autorisations de diffusion à échelle locale.

Une chaîne de télévision est considérée locale quand elle couvre moins de 50 % de la population italienne totale (ce seuil a été établi par la loi Gasparri du 3 mai 2004, il était auparavant situé à 60 % de la population). Les chaînes locales transmettent cependant à des échelles très variées. Il existe en effet aussi bien des chaînes multi-régionales que régionales, provinciales (une province italienne étant l'équivalent d'un département français), ou communales.

La très grande majorité de ces chaînes transmet à très petite échelle. Leur activité est très peu professionnalisée, elles diffusent peu de publicité, et réunissent des audiences marginales. Séparément, plus de la moitié de ces émetteurs ne réunit pas 50.000 auditeurs par jour et n'atteint pas 250.000 euros de récolte publicitaire par an.

Il est également important d'établir une distinction entre les deux catégories de chaînes locales. Il existe en effet parmi les 596 chaînes recensées :

- d'une part 453 chaînes commerciales (76 % de l'ensemble)

- d'autre part 135 chaînes "communautaires" (24 % de l'ensemble), chaînes à but non lucratif, qui ne publient pas de budget, et sont toutes gérées par des sociétés individuelles. Elles ne doivent pas dépasser le seuil de 5 % de publicité pour garder leur statut. Elles sont dans une très grande majorité des chaînes paroissiales ou diocésaines, mais peuvent aussi être les organes médiatiques d'associations, ou autres organisations à but non lucratif. Ce statut a en quelque sorte été inventé pour permettre aux chaînes dans une situation financière précaire de ne pas disparaître.

Notre étude portera principalement sur les chaînes commerciales, les autres ne présentant pas de bilan de leur activité financière.

L'ensemble du réseau des chaînes locales réunit environ 5 % (5,5 % en 2003) de l'audience télévisée globale.

Historique: Les chaînes de télévision locales subirent d'abord un développement sauvage dans les années 60-70, en l'absence de législation régulant leur activité ou établissant les modalités de délivrance d'autorisation de diffusion. Ce développement devenant réellement significatif, la Cour Constitutionnelle a rendu deux décisions le 9 juillet 1974 (n. 226) et le 15 juillet 1976 (n. 202) qui autorisent les transmissions de la part d'émetteurs privés par câble et par voie hertzienne, à échelle locale (à l'échelle nationale, la Rai détient encore le monopole). L'acquisition de fréquences s'intensifie à la suite de cette jurisprudence. On assiste à un développement massif du nombre d'émetteurs locaux.

Il est important de noter l'importance qu'ont eu les émetteurs locaux dans le processus qui aboutit à l'abolition du monopole national de la Rai. C'est en effet à partir de l'acquisition qu'il fit en 1978 de TeleMilano , qui deviendra 2 ans plus tard Canale 5 , que Silvio Berlusconi a construit l'empire médiatique qu'il possède aujourd'hui. L'actuel Président du Conseil avait à l'époque progressivement acquis de nombreuses chaînes locales, dont il avait harmonisé et synchronisé les programmes jusqu'à proposer dans les faits une diffusion nationale à travers ce réseau. Canale 5 émet dès 1980 à une échelle nationale. Après de nombreux rebondissements juridiques, la loi Mammì abolit en 1991 le monopole juridique de la Rai sur la diffusion nationale.

Enfin, en ce qui concerne la programmation de ces émetteurs locaux, il est difficile d'établir une description rendant compte de l'immense diversité induite par l'hétérogénéité de ce réseau. Comme nous le verrons par la suite, certaines chaînes exercent une activité journalistique et proposent ainsi des journaux télévisés locaux. Les chaînes les plus "riches" proposent également, à l'instar des chaînes nationales, des programmes de fiction.

Il existe dans l'ensemble assez peu d'émissions produites par les chaînes locales. Celles-ci ont en effet un coût élevé et la restriction des cibles de ces chaînes ne leur permet pas d'espérer une rentabilité financière.

La grande majorité des émetteurs locaux propose de nombreux programmes "amateurs". Parmi ceux-ci on peut relever un grand nombre de débats sportifs (football), des commentaires en direct des matchs (sans les images, les droits de diffusion étant détenus par les émetteurs nationaux), du télé shopping, de la voyance en direct.

2. Situation financière

On estime couramment qu'une centaine de chaînes font un chiffre d'affaire significatif.

En 2002 l'ensemble du marché télévisé présentait des recettes de 6.900 millions d'euros. Les chaînes locales percevaient 450 millions d'euros, soit 6,52 % des recettes totales du marché. Les 410 millions d'euro perçus par les chaînes locales via la publicité représentent 8,42 % des recettes publicitaires totales.

Néanmoins, parmi celles-ci, seulement 23 chaînes font un chiffre d'affaire publicitaire supérieur à 2.600.000 euros. Seulement 29 chaînes entre 1.500.000 et 2.600.000 euros. La grande majorité, (140) fait un chiffre d'affaire publicitaire inférieur à 250.000 euros.

Pour ce qui est du bénéfice: 192 sociétés gérant des chaînes locales présentent un bilan positif avec un total de 25.901.195 euros. 163 sociétés présentent en revanche un bilan négatif avec un total de pertes de 21.310.065 euros.

En ce qui concerne le capital : la somme des capitaux nets des sociétés gérant les 355 chaînes étudiées est de 241.885.375 euros. Il s'avère que 10 sociétés ont un capital net inférieur à 0.64 sociétés ont un capital inférieur à 154.937 euros (ce qui constitue le seuil minimum prévu par la loi pour la délivrance de la concession). 167 sociétés ont un capital net compris entre 154.937 euros et 500.000 euros tandis que 114 dépassent les 500.000 euros, parmi lesquels 42 sont au-dessus de 1.550.000 euros.

3. Législation concernant l'intervention des collectivités territoriales et les règles de concentration capitalistique

La loi interdit que des collectivités locales ne possèdent des chaînes de télévision locales ou qu'elles n'interviennent dans leur capital ou leur financement.

En ce qui concerne les règles de concentration capitalistique, la loi Gasparri du 3 mai 2004 impose aux chaînes de télévision locales les mêmes contraintes qu'aux autres émetteurs (télévision nationale aussi bien que presse écrite ou radio). Celle-ci dispose qu'aucun organe de communication ne peut concentrer plus de 20 % des revenus totaux du SIC ( Sistema integrato delle comunicazioni qui regroupe l'ensemble des ressources provenant des secteurs des communications, télévision, radio, presse écrite). Les ressources du SIC sont estimées à 32 milliards d'euros.

4. Mode de diffusion

La très grande majorité des chaînes locales diffusent aujourd'hui par voie hertzienne. Comme pour les chaînes nationales, la diffusion par câble ne concerne que très peu d'émetteurs locaux en Italie. Un nombre un peu plus important de chaînes locales diffuse ses programmes par satellite via le bouquet Sky.

Le passage au numérique terrestre pose de nombreuses questions. Il serait techniquement tout à fait possible que toutes les chaînes locales existant à ce jour poursuivent leur activité sur le réseau TNT. Il semblerait néanmoins que le passage au numérique verra disparaître une grande partie des émetteurs locaux. Le coût de la transformation du mode d'émission (de l'analogique au numérique) s'élève en effet à environ 500.000 euros par émetteur. Très peu de chaînes locales peuvent assumer de telles dépenses. Un fond de soutien triennal de 50 millions d'euros a été prévu en 2003 pour aider les chaînes locales qui voulaient passer sur le réseau TNT. Cette aide consistait en un remboursement, prévu à hauteur de 80 % (en réalité 76 %), des dépenses induites par le développement des infrastructures nécessaires au changement du mode d'émission. Ce fond de soutien est cependant aujourd'hui épuisé.

Les chaînes locales qui émettent aujourd'hui via le réseau TNT sont environ une cinquantaine. La majorité couvre néanmoins une portion de territoire très limitée et certaines n'effectuent leurs retransmissions sur ce réseau que quelques heures par jour.

Il est en outre important de noter le problème que pose la période pendant laquelle les deux réseaux analogiques et numériques coexisteront (jusqu'au 31 décembre 2006, date à laquelle la loi prévoit que toutes les diffusions devront être effectuées sur le réseau TNT). Si les grands groupes nationaux peuvent assumer les coûts induits par une activité parallèle sur les deux réseaux, ce n'est pas le cas de l'immense majorité des chaînes locales. On estime donc couramment qu'environ 80-90 chaînes locales seront financièrement capables d'effectuer le passage au numérique et que les autres disparaîtront. Il n'est cependant pas exclu que d'autres chaînes locales naissent par la suite sur le réseau TNT.

5. Capital

Vue la considérable hétérogénéité du panorama des chaînes de télévision locales, les sources de capitaux sont très diverses. Elles peuvent aussi bien appartenir à un groupe de presse, qu'à une entreprise gérant une tout autre activité, à une association ou même à une famille.

6. Financement public

Aucune aide publique n'est spécifiquement prévue pour les chaînes de télévision locales. L'unique aide publique dont peuvent bénéficier les TV locales est celle qui est accordée à tout organisme exerçant une activité journalistique, aide fondée sur une volonté de sauvegarde du pluralisme de l'information. Si la validité de l'activité journalistique poursuivie est reconnue, les chaînes locales (au même titre que les organes de presse écrite, les chaînes nationales...) peuvent percevoir une aide à travers un remboursement annuel d'une partie de leurs dépenses. Ce remboursement arrive très souvent avec plusieurs années de retard. Le montant de cette aide pour les télévisions locales dans leur ensemble fut de 99 millions d'euros en 2002. Le nombre de chaînes de télévision locales à avoir bénéficié de cette aide est d'environ 300. Il est toutefois important de noter qu'environ 80 chaînes parmi les 300 ont canalisé 80 % de cette aide. Pour celles-ci, il arrive que cette source de financement constitue jusqu'à 25 % du chiffre d'affaire.

7. Fiscalité

Il n'existe pas une fiscalité spécifique au sein du secteur audiovisuel.

8. Part d'origine publicitaire dans les ressources propres

Sur les 355 chaînes locales commerciales étudiées (parce qu'ayant une activité significative) en 2002, les revenus publicitaires constituent 77 % des ressources totales. Il est important de noter à ce propos que le télé shopping constitue la principale forme de publicité (environ 70 %) sur les chaînes de télévision locales.

Environ 12 % de leurs revenus proviennent de subventions (voir ci-dessus pour le mode d'attribution).

Le reste de leurs revenus provient d'autres activités comme la production ou la participation à d'autres organes de communications (presse écrite, radio...)

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N.B. : La plupart des données reportées ci-dessus sont issues d'une étude menée en 2002, la dernière en date à fournir de telles précisions, sur les bilans financiers des chaînes de télévision locales. Ces renseignements nous ont été fournis par la Fédération Radio Télévision (FRT).

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