LE CADRE JURIDIQUE ET LE CONTEXTE DU CONTRÔLE
DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL

Votre commission des finances avait souhaité demander à la Cour des comptes, dans le cadre de la procédure prévue par l'article 58-2 de la loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), un rapport sur les modalités de financement de l'archéologie préventive. Elle avait été alertée sur les dérives et difficultés caractérisant ce secteur par le rapport d'audit sur l'archéologie préventive et l'Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP), de MM. Jacques Charpillon et Gérard Chomier et Mmes Ann Bolliet et Sarah Bouquerel 4 ( * ) .

Il a finalement été décidé de mettre en oeuvre, pour la première fois au Sénat, les modalités prévues par l' article 58-1 de la LOLF qui dispose, notamment, que la Cour des comptes a obligation de répondre aux demandes d'assistance formulées par le président et le rapporteur général de la commission chargée des finances de chaque assemblée dans le cadre de sa mission d'évaluation et de contrôle.

Extrait de l'article 58 de la loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001
relative aux lois de finances (LOLF)

La mission d'assistance du Parlement confiée à la Cour des comptes par le dernier alinéa de l'article 47 de la Constitution comporte notamment :

1 o L'obligation de répondre aux demandes d'assistance formulées par le président et le rapporteur général de la commission chargée des finances de chaque assemblée dans le cadre des missions de contrôle et d'évaluation prévues à l'article 57 ;

2 o La réalisation de toute enquête demandée par les commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat chargées des finances sur la gestion des services ou organismes qu'elle contrôle. Les conclusions de ces enquêtes sont obligatoirement communiquées dans un délai de huit mois après la formulation de la demande à la commission dont elle émane, qui statue sur leur publication.

Par courrier du 21 janvier 2004, notre collègue Jean Arthuis, président de la commission des finances, a demandé à ce que votre rapporteur spécial des crédits de la culture, nonobstant ses pouvoirs propres de contrôle résultant de l'article 57 de la LOLF précitée, puisse bénéficier de l'assistance de la Cour des comptes, en application de l'article 58-1 précité de la LOLF, pour le contrôle des services de l'archéologie du ministère de la culture et de la communication et de l'Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP). M. François Logerot, alors premier président de la Cour des comptes a nommé M. Christian Sabbe, conseiller-maître, pour exercer cette mission d'assistance, et l'a notifié au président de la commission des finances par courrier en date du 3 février 2004.

Notons que ce contrôle a « subi la concurrence » d'une autre initiative parlementaire, celle de notre collègue député Michel Bouvard, dans le cadre de l'examen du projet de loi pour le soutien à la consommation et à l'investissement en juillet 2004, qui a proposé d'amender le dispositif législatif en vigueur. Cette initiative a abouti à une nouvelle modification de la loi relative à l'archéologie préventive, qui sera présentée ci-dessous.

Dans le même temps, le ministère de la culture prévoyait d'évaluer le dispositif législatif applicable, afin de réformer la redevance d'archéologie préventive. Une étude devait ainsi être commandée à un cabinet d'audit pour évaluer l'impact financier des différentes réformes possibles de la redevance d'archéologie préventive 5 ( * ) .

Pour chaque hypothèse retenue dans le cadre de cette étude, le produit attendu de la redevance devait être évalué afin de moduler son taux et de garantir un rendement suffisant pour financer les diagnostics d'archéologie préventive et le fonds national d'archéologie préventive (FNAP) destiné à aider les aménageurs à s'acquitter du coût des fouilles d'archéologie préventive.

Les résultats de cette étude auraient dû être communiqués à l'automne 2004 afin de permettre un ajustement éclairé du financement de l'archéologie préventive. L'urgence de la situation n'a cependant pas laissé d'autre choix au Parlement que de légiférer sans attendre ces données financières précises.

Votre rapporteur spécial a tenu compte de la modification opérée par la loi du 9 août 2004 pour le soutien à la consommation et à l'investissement, dans le cadre de son contrôle, et a entrepris d'évaluer la portée des dispositions nouvelles adoptées, dans la mesure du possible. Il a également souhaité s'inspirer de l'expérience de pays comparables à la France pour évaluer au mieux le système français de protection et de mise en valeur de l'archéologie préventive.

La liste des auditions, des contrôles sur place et des voyages d'étude réalisés figurent en annexe du présent rapport.

I. UNE LOI SANS CESSE REMANIÉE, SYMPTÔME DE L'INTROUVABLE ÉQUILIBRE FINANCIER DE L'ARCHÉOLOGIE PRÉVENTIVE

A. LES DIFFÉRENTES ÉTAPES DE LA MODIFICATION DU FINANCEMENT DE L'ARCHÉOLOGIE PRÉVENTIVE

1. Un premier texte complexe en 2001, tendant à combler un quasi vide juridique

a) Des principes posés par la loi du 15 octobre 1941, validée le 13 septembre 1949

Rappelons que la « loi Carcopino » du 15 octobre 1941, validée par l'ordonnance n° 45-2092 du 13 septembre 1945, avait posé les fondements de la recherche archéologique en France. Elle comprenait trois titres relatifs :

- à la surveillance des fouilles. Une autorisation préalable devait être délivrée par le représentant de l'Etat avant toute fouille, programmée ou préventive, visant à rechercher des monuments ou des objets intéressant la préhistoire, l'histoire, l'art ou l'archéologie ;

- aux compétences de l'Etat pour exercer des fouilles, y compris sur un terrain privé ;

- et au droit de visite des services de l'Etat en cas de découverte fortuite.

Dans les faits, cette « loi » ne s'appliquait qu'à des opérations très particulières, et l'Association pour les fouilles archéologiques nationales (AFAN) fut créée en 1973 pour tenter de faciliter les négociations entre les aménageurs, les opérateurs de fouilles et les services de l'Etat 6 ( * ) . La création de cette association régie par la loi de 1901 tendait à donner un fondement aux pratiques communes.

Lors de la réalisation d'une opération d'urbanisme, la protection des vestiges archéologiques s'appuyait essentiellement sur les dispositions du code pénal 7 ( * ) , et l'intervention d'archéologues dépendait du bon vouloir des aménageurs. Le financement des travaux de fouilles archéologiques n'était pas prévu par la « loi » de 1941. De fait, dans le meilleur des cas, les travaux de l'AFAN étaient financés par les aménageurs, en l'absence de toute base légale. Le Parlement, comme la Cour des comptes, ont dénoncé un démembrement de l'administration, l'AFAN exerçant clairement une mission de service public, à la demande des services de l'Etat. Les modalités de financement des travaux d'archéologie étaient assimilables à une gestion de fait, passible de sanctions.

b) La reconnaissance de la mission de service public de l'archéologie préventive

La loi n° 2001-44 du 17 janvier 2001 relative à l'archéologie préventive est intervenue dans ce contexte pour renforcer la protection de l'archéologie en France.

L'Etat a été chargé de concilier, aux termes de ce texte, « les exigences respectives de la recherche scientifique, de la conservation du patrimoine et du développement économique et social ».

L'INRAP a alors été créé pour succéder à l'AFAN. Il s'agit d'un établissement public administratif chargé de réaliser les fouilles archéologiques et d'assurer l'exploitation scientifique et la diffusion des résultats des fouilles menées. Cet EPA bénéficie d'un complet monopole public pour l'accomplissement de ses missions. Le sort de l'archéologie préventive fut scellé lorsqu'il fut décidé de recruter sous contrat de droit public la majeure partie des effectifs de l'AFAN pour constituer le personnel de l'INRAP .

A la négociation avec l'aménageur, la loi du 17 janvier 2001 a substitué un système de financement basé sur deux redevances : la redevance de diagnostic et la redevance de fouilles, dues lorsque le diagnostic ou les fouilles sont prescrits.

Le nombre de recherches archéologiques préventives prescrites par les services de l'Etat a alors augmenté de façon exponentielle, mais le système de calcul de la redevance, basé sur la nature stratifiée ou non du terrain, était jugé trop complexe. Le montant de cette imposition était beaucoup trop élevé, notamment pour les petites communes rurales, alors même que son produit était insuffisant. La redevance ne permettait pas de couvrir le coût réel des recherches archéologiques et l'INRAP était au bord de la faillite .

En décembre 2002, lors de l'examen de la loi de finances pour 2003, le Parlement, à l'initiative de notre collègue député Daniel Garrigue, a décidé un écrêtement d'un quart du montant de la redevance d'archéologie préventive pour satisfaire les demandes pressantes des petites collectivités territoriales et, plus globalement, des constructeurs. Dès lors, le financement de l'archéologie préventive n'était plus assuré, ce qui a abouti à une modification du dispositif législatif le 1 er août 2003 .

* 4 Rapport d'audit sur l'archéologie préventive et l'Institut national de recherches archéologiques préventives (Inspection générale des finances n° 2003-M-020-04 ; Inspection générale de l'administration des affaires culturelles n° 2003-28 ; Inspection générale de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche n° 03-047), établi par Ann Bolliet, inspectrice générale des finances, Sarah Bouquerel, commissaire contrôleur des assurances, Jacques Charpillon, inspecteur général de l'administration des affaires culturelles, et Gérard Chomier, inspecteur général de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche - juillet 2003.

* 5 Soit des ajustements de la redevance à assiette constante, avec un plafonnement et éventuellement un étalement dans le temps de son paiement, soit une modification de l'assiette, différentes pistes étant alors envisagées, telles que l'emprise au sol, la surface hors oeuvre nette (SHON) pondérée d'un coefficient dépendant du type de constructions réalisées sur le modèle de la taxe locale d'équipement (TLE), etc.

* 6 C'est-à-dire les services régionaux de l'archéologie (SRA) et les directions régionales des affaires culturelles (DRAC).

* 7 Article 322-2 du code pénal : « La destruction, la dégradation ou la détérioration d'une découverte archéologique faite au cours de fouilles ou fortuitement, d'un terrain contenant des vestiges archéologiques est punie de trois ans d'emprisonnement et de 45.000 euros d'amende ».

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page