B. UNE NÉCESSAIRE GESTION CONSOLIDÉE DES DETTES DE L'ETAT

Les comparaisons européennes montrent que la structure chargée de la gestion de la dette est à géométrie variable. Dans certains cas, le mandat est strictement limité à la gestion de la dette (Portugal, Espagne) ou à la gestion de la dette et de la trésorerie de l'Etat (Allemagne).

Les agences de la dette les plus dynamiques exercent une mission de contrôle et de surveillance de certains risques financiers directs ou indirects. Ainsi, en Suède, la structure de gestion de la dette couvre les garanties octroyées par l'Etat. Les agences de la dette sont pour certaines en mesure de porter l'endettement d'autres collectivités publiques, comme les collectivités territoriales, ou de financer les partenariats public-privé, venant en concurrence avec les banques.

Compte tenu du professionnalisme de l'Agence France Trésor, votre rapporteur spécial n'est pas partisan de la vision restrictive qui a prévalu jusqu'à aujourd'hui dans la définition de ces missions , conduisant à une fragmentation de la dette de l'Etat, condamnable, tant en termes de transparence qu'en termes de gestion.

Il paraît souhaitable de s'appuyer sur l'AFT pour améliorer la couverture des risques financiers de l'Etat, recentraliser autant que possible les dettes de l'Etat, ou du moins favoriser une gestion consolidées de celles-ci, et de mettre enfin en place, conformément à l'esprit de la LOLF, des objectifs coordonnées, des indicateurs de performance identiques et une gestion des risques commune.

1. Organiser la prise en charge des risques financiers de l'Etat par l'Agence France Trésor

L'AFT gère aujourd'hui les risques liés à la gestion de la dette et de la trésorerie de l'Etat. Ce faisant, elle gère les responsabilités financières prises par l'Etat envers les correspondants du Trésor : établissements publics et collectivités territoriales. Elle est responsable des risques opérationnels correspondants.

L'Agence France Trésor est également ordonnateur des avances du Trésor, sur des dossiers hautement politiques comme ceux de la banane ou des marins pêcheurs : elle porte des risques de contrepartie encourus par l'État. D'autres risques financiers de l'Etat restent cependant non couverts.

Comparaison des risques financiers d'une entreprise et d'un Etat

Entreprise

Etat

Risque de change

Sur toutes les opérations en devises

Sur quelques dépenses, en ce qui concerne des engagements hors zone euro

Risque de taux

Sur les charges financières nettes et les éléments financiers du bilan et du hors bilan.

Certains actifs essentiels ne sont pas exposés au risque de taux. L'Etat peut couvrir ce risque en levant l'impôt.

Risque de liquidité

= risque de cessation de paiement.

Egalement risque d'enchérissement/restriction d'accès au crédit

N'existe qu'en théorie

Risque de contrepartie

Avec les cocontractants

Sur les débiteurs de l'Etat

Risque d'appel en garantie : garanties explicites votées par le Parlement ; garanties implicites à fondements juridique, économique ou politique divers (liés à l'exercice de pouvoir du tutelle, au droit des établissements publics, à l'usage de la force militaire ou de police, à la promotion de politiques sectorielles : amiante, nucléaire...)

Il faut se féliciter que l'article 39 du projet de loi de finances pour 2006 crée un compte de commerce « couverture des risques financiers de l'Etat » , retraçant les opérations de couverture des risques financiers affectant précisément une action de l'Etat financée par un programme du budget général ou au sein d'un compte spécial. Cette couverture des risques est, à ce stade, limité aux risques relatifs aux variations de prix des approvisionnements pétroliers nécessaires aux besoins des armées et aux risques relatifs aux variations de change pour la reconstitution des fonds de l'association internationale de développement, relevant du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie et participant de la mission interministérielle « Aide publique au développement ».

Il paraît souhaitable d'aller plus loin dans un deuxième temps, selon votre rapporteur spécial, en s'interrogeant notamment sur l'exposition au risque de change du ministère des affaires étrangères , en ce qui concerne, par exemple, le financement des opérations de maintien de la paix, dont la facture est présentée en dollars par l'ONU.

2. Faire de l'Agence France Trésor le pivot des dettes de l'Etat

La fragmentation de la dette de l'Etat n'est pas satisfaisante. Il faut se féliciter, dans cette perspective, de l'extinction à l'horizon de fin 2007 de la dette de Charbonnages de France. Il faut s'interroger sur l'opportunité de maintenir, à moyen terme, l'existence de l'ERAP, établissement destiné à porter les dettes de l'Etat que celui-ci ne souhaite pas porter lui-même.

Pour les structures publiques para-étatiques demeurant en situation d'endettement, une recentralisation des émissions paraît indispensable. Il est ainsi pour le budget annexe « contrôle et exploitation aériens » qui soit s'interroger sur l'opportunité de faire porter ses émissions par l'Agence France Trésor. De la même manière, des émissions communes entre la CADES et l'AFT, sur les produits proches pourraient être menées à bien.

Une réflexion commune entre ces deux organismes sur la stratégie en matière d'endettement paraît indispensable : votre rapporteur spécial souhaite que l'AFT tende vers une gestion consolidée des dettes de l'Etat.

L'exemple britannique, qui consiste, pour le DMO, à porter la dette des collectivités territoriales qui le souhaitent, et à financer les partenariats public-privé, paraît une piste à suivre.

3. Mettre en oeuvre une évaluation de la performance commune à tous les gestionnaires des dettes de l'Etat

Il ne paraît pas conforme à l'esprit de la LOLF qu'opérateur aussi important pour la dette de l'Etat que la CADES reste en-dehors de la démarche de performance qu'a initiée, dans le domaine de l'endettement public, l'Agence France Trésor .

On pourrait d'ailleurs se demander si la CADES, même si elle relève de la loi organique n° 2005-881 du 2 août 2005 relative aux lois de financement de la sécurité sociale, ne constitue pas, au sens de la LOLF, un opérateur de l'Etat, soumis, à ce titre, à intégration, pour information, dans le programme « gestion de la dette et de la trésorerie » de la mission « engagements financiers de l'Etat », et astreint à définition d'objectifs et d'indicateurs de performance.

Même si la CADES devait considérer que la démarche de performance ne lui est pas juridiquement applicable, elle l'est cependant en opportunité. L'adoption d'objectifs issus de l'AFT paraît tout à fait possible, hormis la prise en compte d'un objectif qui lui est propre, celui de l'extinction de la dette sociale, le plus tôt possible. Les indicateurs de performance peuvent également être fortement inspirés de ceux mis en place par l'Agence France Trésor. Ceci vaut bien évidemment également pour les autres gestionnaires des dettes publiques.

Une politique commune de gestion des risques paraît également hautement souhaitable.

Cette démarche de performance initiée pour l'ensemble des gestionnaires des dettes de l'Etat, il paraîtra alors possible aux commissions des finances de chaque assemblée de réaliser un contrôle consolidé des dettes de l'Etat, grâce à une gestion et une démarche de performance qui auront été, elles mêmes, consolidées.

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