2. Une procédure dont la valeur ajoutée apparaît plus en termes qualitatifs que quantitatifs

L'institution de la CRPC répondait, il convient de le rappeler, à deux préoccupations : alléger les audiences correctionnelles des contentieux les plus simples ou les plus répétitifs, favoriser une mise en oeuvre de la justice moins fondée sur la confrontation que sur la compréhension, une justice plus « humaine », mieux comprise et, partant, mieux exécutée. C'est à l'aune de ce double objectif -plus quantitatif pour le premier, plus qualitatif pour le second- qu'il convient d'établir une première évaluation de cette procédure.

Une appréciation encore délicate du gain de temps permis par la CRPC

La CRPC a-t-elle permis de traiter de manière plus rapide des contentieux soumis jusqu'alors à d'autres voies procédurales ? A cette question, la réponse diffère selon la taille des juridictions.

Dans les tribunaux de taille moyenne ou modeste, la CRPC peut se substituer en partie à la comparution immédiate qui, compte tenu des moyens humains qu'elle mobilise -collégialité, greffe, forces de l'ordre- représente parfois une procédure lourde à mettre en place. En effet, la CRPC apparaît plus simple, même si elle couvre un champ d'infractions plus restreint.

A titre d'exemple, les statistiques du TGI de Laval semblent montrer une réduction du nombre de comparutions immédiates à mesure de la montée en puissance de la CRPC 80 ( * ) .

En revanche, ces juridictions connaissent moins de difficultés d'audiencement que des tribunaux de taille plus importante et, dans ce contexte, l'intérêt de substituer la CRPC à des audiences correctionnelles classiques revêt une moindre acuité.

La situation est inverse pour les tribunaux de grande instance confrontés à un flux important d'affaires. Dans ces juridictions, en effet, la comparution immédiate s'est vue dédier des audiences spécifiques organisées à intervalles réguliers. Le « gain » de temps permis par la CRPC au regard d'une procédure bien rodée n'apparaît pas évident comme l'ont confirmé les témoignages recueillis par la mission auprès des tribunaux de grande instance de Paris, Bobigny, Lyon et Nantes. En revanche, elle pourrait « mordre » sur d'autres modes de poursuite -citation directe ou convocation par officier de police judiciaire- et alléger, à terme, des audiences correctionnelles aujourd'hui souvent saturées.

Il semble par ailleurs que la CRPC puisse conduire à poursuivre des infractions qui, aujourd'hui, ne font pas l'objet d'un traitement pénal. Tel pourrait être en particulier le cas de certaines infractions économiques. Ainsi, un procureur de la République a indiqué qu'il proposerait la CRPC au directeur d'une entreprise importante située dans son ressort et contre lequel il n'aurait autrement pas engagé de poursuites compte tenu de l'impact négatif d'un procès en correctionnelle pour l'image de l'entreprise.

Dans tous les cas de figure, la mise en oeuvre de la procédure s'est traduite par un transfert de charge du siège vers le parquet . Cependant, celui-ci a accueilli avec faveur le nouveau dispositif et s'est organisé en conséquence.

S'il est sans doute encore difficile de se prononcer, faute de recul suffisant, sur le gain de temps qu'apporterait la procédure, les avantages qualitatifs apparaissent, quant à eux, avérés.

Vers une justice mieux comprise ?

Au regard des autres modes de poursuite, la CRPC présente un triple avantage.

En premier lieu, elle a permis de redonner au débat sur la peine une place parfois négligée dans l'audience correctionnelle classique.

Le déplacement du débat de la culpabilité vers la sanction permet de mieux adapter celle-ci aux circonstances de l'infraction et à la personnalité du délinquant.

Tel est le deuxième atout de cette procédure : une plus grande individualisation de la peine.

Procédure « plus humaine », « sur mesure », « cousu main »... : siège et parquet confondus, les magistrats ont généralement souligné, devant la mission, l'effort de personnalisation de la sanction . Significative à cet égard, apparaît l'évolution du barreau que la mission a pu mesurer au fil du déroulement de ses travaux. En effet, d'abord très réticents à l'égard du nouveau dispositif, les avocats lui manifestent désormais un réel intérêt comme en témoignent d'ailleurs les CRPC mises en oeuvre à leur initiative dans plusieurs juridictions 81 ( * ) .

L'infléchissement de la position initiale du barreau s'explique d'abord par la possibilité offerte par la CRPC d'éviter l'opprobre d'un procès en correctionnelle et la publicité qui s'y rattache, en particulier dans les ressorts les moins importants. En effet, même si l'audience d'homologation est publique, elle présente en principe une grande brièveté et partant, paraît moins stigmatisante en particulier pour les primo-délinquants. L'essentiel s'est en effet joué devant le procureur et dans ce cadre, l'expression de l'auteur des faits est plus libre et spontanée. Aussi beaucoup d'avocats reconnaissent-ils que lors de la réunion avec le procureur, prévaut une qualité d'écoute des magistrats plus grande que dans le cadre du circuit de droit commun. Dès lors, la sanction apparaît mieux ajustée. Ce sentiment rejoint celui exprimé par les représentants du parquet. Il ne semble pas exister, comme certains le redoutaient, de peines tarifées. Sans doute des barèmes ont-ils été établis, bien que certains parquets récusent le terme, qui permettent de garantir l'égalité de traitement du justiciable. Néanmoins, les témoignages recueillis par la mission semblent attester que les procureurs n'hésitent pas à réduire la peine initialement envisagée au vu des explications de l'intéressé et des éclairages apportés sur sa personnalité et sa situation familiale, professionnelle ou sociale.

Enfin, la CRPC permet une exécution de la peine dans de bonnes conditions : d'une part, la sanction est acceptée, d'autre part, elle est, en principe, immédiatement exécutée. Ainsi à Nantes, le condamné est immédiatement orienté vers le bureau d'exécution des peines, mis en place dans cette juridiction, afin que soient arrêtées les modalités d'exécution des sanctions prononcées.

* 80 Le nombre de comparutions immédiates sur 12 mois s'élève à 24 en mai 2005 (contre 29 en mai 2004), tandis que 9 CRPC ont été mises en oeuvre entre octobre 2004 et juin 2005.

* 81 Un procureur de la République a même indiqué que, dans sa juridiction, l'entretien avec l'intéressé et le représentant du parquet se déroulait dans les locaux du palais de justice habituellement réservés au barreau.

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