B. CLARIFIER ET CONFORTER LE STATUT DU DIRECTEUR

1. Sortir de l'impasse relative à la détermination du statut ou diplôme requis pour certaines catégories d'établissements

Ainsi qu'il a été rappelé dans la première partie du présent rapport, la loi de 2002 a prévu que des décrets déterminent les catégories d'EPCC dont le directeur doit relever d'un statut ou être titulaire d'un diplôme figurant sur une liste établie par décret.

Si un premier décret de septembre 2002 a bien déterminé les catégories d'EPCC concernées (musées, patrimoine, fonds régionaux d'art contemporain, établissements d'enseignement artistique spécialisé de musique, de danse et d'art dramatique, bibliothèques, archives...), le décret devant définir le statut dont doivent relever les directeurs de ces catégories d'EPCC ou les diplômes dont ils doivent être titulaires n'a toujours pas été publié en raison des difficultés rencontrées par les administrations concernées pour la définition d'un dispositif satisfaisant.

A ce propos, la réponse écrite apportée par le ministère de l'intérieur à une question parlementaire sur la non-publication de ce décret illustre la difficulté soulevée de façon récurrente par le ministère, qui indique que la proposition de loi susceptible d'être déposée par votre rapporteur pourra contribuer au règlement des problèmes...

Autant dire qu'il serait souhaitable de modifier la loi pour sortir de cette « quadrature du cercle ». C'est pourquoi votre rapporteur suggère que la liste des statuts et diplômes, lorsqu'elle s'avèrera nécessaire, soit fixée par un simple arrêté du ministre chargé de la culture. De plus, il conviendrait de prévoir un dispositif de reconnaissance de l'expérience professionnelle, pris dans le cadre d'une commission créée à cet effet.

Il convient, en effet, de ne pas exclure l'accès aux fonctions de directeur à un professionnel doté d'une grande expérience, quand bien même il ne disposerait pas du statut ou du diplôme requis. Il appartiendrait alors à cette commission de juger de la qualité de ce type de candidature et de son adéquation avec le poste.

2. Clarifier et préciser le statut et la nature du contrat du directeur

Les professionnels s'interrogent aujourd'hui sur les règles applicables au directeur d'un EPCC. Tant l'évolution de l'environnement juridique que certaines lacunes des textes incitent à une remise à plat. Il faut pour ce faire distinguer clairement selon que le directeur est nommé à l'occasion de la transformation d'une structure existante en EPCC ou que l'on procède à un changement de directeur au cours de l'existence de l'EPCC.

Le tableau synthétique ci-contre retrace la situation juridique actuelle.

LE STATUT DU DIRECTEUR D'EPCC

Création d'un EPCC à partir d'une structure existante

Fonctionnement courant de l'EPIC

Création d'un EPA

Création d'un EPIC

EPA

EPIC

Ø 3 premiers alinéas de l'article 3 de la loi du 4 janvier 2002

Maintien des stipulations du contrat de travail en cas de transformation d'une personne de droit public

Transfert dans certaines conditions en cas de transformation d'une personne de droit privé

Ø Article 20 de la loi du 26 juillet 2005 : reprise des clauses substantielles du contrat

Le Code du travail n'est pas applicable au directeur et aux comptables qui sont contractuels de droit public.

Application du statut de la fonction publique (fonctionnaires ou non titulaires selon le cas)

Contrat de droit public

Si structure existante : personne morale de droit public

Si structure existante : personne morale de droit privé

Dernier alinéa de l'article 3 de la loi de 2002 : transfert (avec maintien de l'ancienneté et de la rémunération)

Silence de la loi du 4 janvier 2002 dans ce cas

Application du statut de la fonction publique

a) Le cas spécifique de la création d'un EPCC à partir d'une structure existante : chercher à assurer la continuité

Deux cas de figure sont alors à envisager selon la nature de l'établissement, telle que déterminée dans ses statuts : EPA ou EPIC.

(1) Création d'un établissement public administratif

L'article 3 de la loi de 2002 : des dispositions protectrices

L'article 3 de la loi de 2002 fixe les dispositions transitoires applicables aux personnels en cas de transformation d'une personne de droit public ou de droit privé en EPCC constitué en établissement public administratif. Il prévoit alors le maintien des stipulations du contrat de travail dans le premier cas, les modalités du transfert dans le second.

La loi a donc clairement envisagé ce cas de figure, ceci dans le respect de la directive européenne 2001/23/CE du Conseil du 12 mars 2001 concernant le rapprochement des législations des Etats membres relatives au maintien des droits des travailleurs en cas de transfert d'entreprises, d'établissements ou de parties d'entreprises ou d'établissements.

L'article 20 de la loi du 26 juillet 2005 : la généralisation des dispositions applicables en cas de transfert de salariés de droit privé vers un EPA

Cette directive a été partiellement traduite en droit national par la loi n° 2005-843 du 26 juillet 2005 portant diverses mesures de transposition du droit communautaire à la fonction publique. L'article 20 de cette loi fixe la règle applicable à une entité économique employant des salariés de droit privé et dont l'activité est, par transfert de cette entité, reprise par une personne publique dans le cadre d'un service public administratif.

LE CHAMP D'APPLICATION
DE LA DIRECTIVE CE DU N° 2001/23 DU 12 MARS 2001

D'après les renseignements fournis à votre rapporteur, les EPCC entrent bien dans le champ d'application de cette directive relative au maintien des droits des travailleurs en cas de transfert d'entreprises. Cette dernière ainsi que la jurisprudence de la Cour de Justice des Communautés Européennes (CJCE) ont défini ce que recouvrent les termes « entité économique ».

L'article premier point 1b) de la directive définit l'entité économique « comme un ensemble organisé de moyens, en vue de la poursuite d'une activité économique, que celle-ci soit essentielle ou accessoire . »

La jurisprudence de la CJCE « Mayeur » (CJCE, 26 septembre 2000 n° C-175/99, point 34) précise ainsi cette notion : « Or, conformément à une jurisprudence constante, la notion d'entreprise au sens de l'article 1 er , paragraphe 1, de la directive 77/187 comprend toute entité économique organisée de manière stable, c'est-à-dire un ensemble structuré de personnes et d'éléments permettant l'exercice d'une activité économique qui poursuit un objectif propre (...). Une telle notion est indépendante du statut juridique de cette entité et de son mode de financement . »

Dans le cas d'un tel transfert, le repreneur public doit proposer à ces salariés un contrat de droit public, à durée déterminée ou indéterminée selon la nature du contrat dont ils sont titulaires. Le contrat doit alors reprendre les clauses substantielles de ce contrat, sauf dispositions législatives ou réglementaires ou conditions générales de rémunération et d'emploi des agents non titulaires de la personne publique contraires.

Les clauses substantielles du contrat de travail - fixées par la jurisprudence - couvrent les éléments essentiels de ce contrat, au titre desquels peuvent être notamment cités, la rémunération, la durée du contrat, et l'ancienneté.

En cas de refus par un salarié de modifications de son contrat, la personne publique procède à son licenciement, dans les conditions prévues par le droit du travail et par le contrat.

Jusqu'ici, ces dispositions n'étaient transposées dans aucun dispositif légal général en droit français, ces situations étant réglées au cas par cas, en particulier par l'adoption de dispositions législatives ad hoc, tel que l'article 3 de la loi de 2002 susmentionné.

Compte tenu du dispositif retenu dans la loi du 26 juillet 2005, cet article apparaît d'ailleurs - au moins partiellement - redondant avec la nouvelle législation, qui est de portée générale.

(2) Création d'un établissement public industriel et commercial

La situation est différente lorsque l'EPCC est constitué sous forme d'EPIC. Rappelons qu'en application du II de l'article L. 1431-6 du CGCT, les personnels d'un tel établissement sont, à l'exception du directeur et du comptable, soumis au code du travail. L'article L. 122-12 de ce code s'applique donc notamment pour ces personnels, dont les contrats de travail « en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur » et eux-mêmes.

Telle était d'ailleurs la solution retenue par la Cour de cassation pour un service public industriel et commercial.

La situation du directeur et du comptable n'a en revanche été que partiellement traitée dans la loi de 2002 et il convient ici de distinguer selon que la structure initiale est une personne morale publique ou privée.

(a) Si la structure existante est une personne morale de droit public

Le dernier alinéa de l'article 3 de la loi de 2002 prévoit que les agents contractuels de droit public employés par une personne morale de droit public au sein d'une régie directe dont les moyens sont transférés à un EPIC sont transférés à ce dernier et conservent le bénéfice tant de leur ancienneté que des conditions de rémunération résultant de leur contrat en cours.

La situation est donc claire.

(b) Si la structure existante est une personne morale de droit privé

L'article 3 de la loi de 2002 n'a pas prévu le cas du transfert d'une structure privée - une association par exemple - vers un EPIC.

Toutefois, en l'absence de disposition législative, le respect de l'esprit de la directive de 2001 précitée devrait être respecté.

A cet effet, au moins trois solutions pourraient être envisagées :

- soit, la reprise des clauses substantielles du contrat dont bénéficiait le directeur dans son ancienne structure, la nature du contrat pouvant figurer au titre de ces clauses ; en cas de CDI, il pourrait être mis fin au contrat à la fin du mandat ;

- soit, compte tenu de la nature de l'emploi de direction, l'octroi d'un contrat dont la durée serait calée sur celle du mandat ; la situation serait alors alignée sur celle du cas pérenne exposé dans le b) ci-dessous ;

- soit, le maintien du directeur dans ses fonctions au sein de la nouvelle structure, par exemple jusqu'à la fin du mandat en cours dans son ancien établissement.

En cas de regroupement de plusieurs structures existantes, la nécessaire évolution des fonctions de certains des directeurs - tous ne pouvant par définition pas être nommés directeurs de l'EPCC - peut toutefois entraîner une modification de certaines clauses substantielles de leur contrat antérieur.

Par parallélisme avec les dispositions prévues à l'article 20 de la loi du 26 juillet 2005 précitée, en cas de refus par des salariés d'accepter les modifications de leur contrat, l'EPCC procède alors à leur licenciement, dans les conditions prévues par le droit du travail et leur ancien contrat.

Précisons que dans une telle hypothèse 5 ( * ) , si aucun directeur desdites structures n'est pressenti pour assurer la direction de l'établissement, il convient de procéder à un appel à candidatures dans les conditions prévues par l'article L. 1431-5 du code général des collectivités territoriales.

b) Le changement de directeur au cours de la vie de l'EPCC
(1) La mise en oeuvre de son projet artistique et culturel dans le cadre d'un mandat et d'un contrat adaptés

Il s'agit à la fois d'assurer une certaine stabilité au directeur et de permettre de sortir de la relation contractuelle entre ce dernier et l'EPCC à l'issue d'un certain nombre de mandats.

Votre rapporteur signale - pour le regretter - qu'il a été confronté à des divergences d'interprétation entre différents services ministériels sur l'application ou non du statut des non-titulaires de la fonction publique, d'où il résulte un certain flou concernant le statut des directeurs d'EPIC en France. Son sujet d'étude étant circoncrit aux EPCC, il propose en tout état de cause, et compte tenu des besoins et spécificités du secteur culturel, d'octroyer aux directeurs d'EPCC un statut spécifique adapté, ainsi que l'autorise d'ailleurs la directive précitée.

Le conseil d'administration pourra décider de recruter un nouveau directeur, le contrat à durée déterminée (CDD) étant le type de contrat le plus adapté pour un tel emploi de direction .

Ceci s'inscrit d'ailleurs dans le cadre de la directive 1999/70/CE du Conseil du 28 juin 1999 concernant l'accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée. En effet, celle-ci pose le principe selon lequel les CDI « sont et resteront la forme générale des relations d'emploi entre employeurs et travailleurs », mais elle convient cependant que les CDD « sont une caractéristique de l'emploi dans certains secteurs, occupations et activités qui peuvent convenir à la fois aux travailleurs et aux employeurs» et elle demande qu'un cadre soit établi pour prévenir les abus résultant de l'utilisation de contrats ou de relations de travail à durée déterminée successifs.

La directive 6 ( * ) prévoit que Etats membres « introduisent d'une manière qui tienne compte des besoins de secteurs spécifiques et/ou de catégories de travailleurs, l'une ou plusieurs des mesures suivantes » :

- des raisons objectives justifiant le renouvellement de tels contrats ou relations de travail ;

- la durée maximale totale de leurs renouvellements successifs ;

- le nombre de fois où ils peuvent être renouvelés.

Votre rapporteur propose, à cette fin, que la notion de « mandat » soit introduite dans la loi et soit généralisée à l'ensemble des EPCC, qu'ils soient constitués en EPIC ou en EPA , alors que cette notion ne figure aujourd'hui que dans le décret et pour les seuls EPIC. Ce mandat pourrait être de 3 à 5 ans, sachant qu'une durée de 5 ans s'avère souhaitable pour un premier mandat mais qu'elle peut éventuellement être plus courte pour le ou les mandats suivants.

Après un certain nombre d'années et de mandats, sans que le directeur ait démérité d'aucune façon, il peut apparaître en effet légitime de changer de direction afin de donner une nouvelle orientation ou impulsion au projet artistique.

Les relations qui lient un directeur au conseil d'administration, caractérisées par un nécessaire climat de confiance, proche de celui qui prévaut pour les emplois de direction de la fonction publique territoriale ou les emplois à la discrétion du Gouvernement de la fonction publique d'Etat, justifient et nécessitent une telle disposition, par ailleurs parfaitement comprise par la plupart des intéressés.

Les directeurs des théâtres nationaux d'art dramatique (qui sont des établissements publics nationaux) sont d'ailleurs liés par un contrat de mandat (matérialisés par le décret de nomination et la décision conjointe des ministères de la culture et des finances concernant leur rémunération).

(2) Le recours à un appel à candidatures

La question se pose de savoir si l'appel à candidatures doit s'imposer à la fin de chaque mandat du directeur.

Votre commission estime souhaitable l'organisation d'une mise en concurrence afin d'assurer la transparence dans le recrutement des directeurs d'EPCC - ceci valant d'ailleurs pour ceux des autres structures de même nature - et de favoriser une saine émulation entre projets.

A la fin du mandat d'un directeur, en cas de non renouvellement de ce dernier, la vacance d'emploi doit donc entraîner un appel à candidatures permettant la mise en concurrence des candidats, qui doivent présenter un projet et être auditionnés.

En revanche, une telle procédure n'a de sens que si le conseil d'administration envisage de changer de directeur et, par conséquent, elle ne s'impose pas à la fin de chaque mandat, car, dans le cas contraire, ne serait-elle pas en effet factice ? Ne risquerait-elle pas de décourager des candidats qui, ayant le sentiment d'avoir perdu leur temps dans de telles circonstances, renonceraient pour l'avenir à concourir pour d'autres EPCC ? En outre, ne serait-il pas paradoxal de recruter un directeur le cas échéant sur un contrat à durée indéterminée et d'organiser la remise en cause symbolique de ce dernier à la fin de chaque mandat ?

C'est au vu de ses « propositions d'orientations artistiques, scientifiques, pédagogiques ou culturelles » qu'est recruté le directeur , ainsi que le précise le décret d'application. Votre rapporteur propose de donner valeur législative à ces dispositions. Ainsi, le projet culturel apparaîtra plus clairement comme étant au coeur du dispositif et l'autonomie du directeur sera mieux affirmée pour mettre en oeuvre ce projet.

* 5 que votre rapporteur estime peu souhaitable dans le secteur du spectacle vivant, ainsi qu'il l'a indiqué dans la première partie du présent rapport.

* 6 cf. clause n° 5 de l'annexe à la directive communautaire 1999/70/CE.

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