b) Des propositions ne pouvant être mises en oeuvre en l'état

Les propositions du CAE ne sauraient cependant être mises en oeuvre en l'état. Une refonte aussi globale de notre fiscalité directe suppose une légitimité politique intacte, c'est-à-dire qu'elle ne peut prendre place qu'en tout début de quinquennat.

De plus, le rapport préconise une réforme de la taxe professionnelle qui irait beaucoup plus loin que celle proposée par la commission Fouquet, puisque le nouvel impôt reposerait exclusivement sur la valeur ajoutée 35 ( * ) , ce qui présenterait en particulier l'inconvénient de rendre impossible la détermination d'une assiette locale, et donc la modulation des taux d'imposition par les collectivités territoriales.

Surtout, la réforme rencontrerait, si elle était ainsi formulée, des obstacles majeurs. On aurait en effet le choix entre mécontenter les classes moyennes, qui seraient davantage taxées pour financer l'allégement de l'IS (scénario A), et un financement de la réforme par le supplément de croissance, par nature aléatoire, qu'elle serait censée susciter, ou par une réduction des dépenses publiques (scénario B).

c) Une réforme moins justifiée par la concurrence fiscale que par des exigences d'efficacité économique

Le rapport justifie essentiellement la réforme proposée par la concurrence fiscale des autres Etats membres de l'Union européenne, et en particulier des nouveaux Etats membres.

Si la réforme proposée semble économiquement souhaitable, cet argument n'est pourtant pas le plus pertinent, si l'on en croit les commentaires annexés au rapport. Ainsi,  M. Jean-Philippe Cotis, économiste en chef de l'OCDE, écrit :

« Je ne suis pas très à l'aise (...) avec une justification de la réforme, qui serait trop exclusivement centrée sur les problèmes de concurrence fiscale. Nous savons encore peu de choses, en effet, sur les conséquences économiques concrètes de la concurrence fiscale et c'est par hypothèse que le rapport anticipe que celles-ci pourraient être très vite très lourdes. L'appel à la baisse des taux marginaux se présente donc un peu comme une nouvelle application du principe de précaution, la concurrence fiscale jouant ici le rôle d'une nuisance d'ampleur inconnue mais potentiellement très dommageable. Cette approche qui met fortement l'accent sur les coûts associés à l'intégration internationale, sans en rappeler peut-être suffisamment les bénéfices, peut conduire à une forme de « mercantilisme fiscal ». Elle risque d'être perçue comme une utilisation exagérée des périls extérieurs conduisant à justifier des politiques peut-être contraires à l'équité.

« Il existe déjà en France trop de tentations de justifier des réformes domestiques utiles par des arguments relevant de la contrainte extérieure. À la longue, ces arguments d'autorité tendent à aliéner l'opinion publique et à amputer la discussion des réformes d'une partie de son contenu. Une approche plus équilibrée de la réforme fiscale ne paraît pourtant pas impossible. (...)

« Parmi les justifications d'une réforme fiscale à la française, les coûts domestiques associés à un système complexe, peu lisible, et décourageant l'initiative méritent d'être valorisés en tant que tels et dans l'absolu ».

De même, dans son commentaire, M. Jacques Delpla (BNP-Paribas) écrit : « A la différence des auteurs, je ne crois pas que la raison principale d'un passage à une flat tax soit la concurrence fiscale des NEM [nouveaux Etats membres] (en revanche l'efficacité économique est une excellente justification) ». M. Jacques Delpla souligne en particulier que les nouveaux Etats membres ne représentent que 5 % du PIB de l'Union européenne, et que le travail, déjà peu mobile entre pays d'Europe de l'Ouest, le sera probablement encore moins des pays d'Europe de l'Ouest vers les nouveaux Etats membres, ne serait-ce que pour des raisons linguistiques.

* 35 A un taux de 2 % jusqu'à 1 million d'euros de valeur ajoutée, et de 2,75 % au-delà.

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