b) Le pic de production

La question du pic de production peut se résumer ainsi : à quel moment la production mondiale viendra-t-elle à décroître irrévocablement et ce, quels que soient les investissements nouveaux ?

Les estimations concernant la date du pic de production soulèvent de nombreuses controverses et opposent deux écoles : les optimistes et les pessimistes.

Les optimistes , qui regroupent essentiellement des économistes, s'appuient sur les considérations suivantes :

- toutes les prévisions de raréfaction des ressources faites dans le passé ont été démenties. Ainsi, au moment du premier choc pétrolier, on estimait qu'on disposait de 40 ans de production. Aujourd'hui, le même chiffre est avancé, mais ce après trente années de production ininterrompue ;

- les estimations de réserves ultimes récupérables ont tendance à augmenter avec le temps. L'United States Geographical Survey estimait leur montant à 1.700 milliards en 1984, puis a réévalué ce dernier à 3.000 milliards en 2000 ;

- le faible niveau des nouvelles découvertes s'explique par le fait qu'il est plus rentable pour les pays du Moyen-Orient d'augmenter leurs réserves en réévaluant celles des gisements anciens qu'en lançant des campagnes d'exploration ;

- les taux de récupération pourront être augmentés jusqu'à 60% ;

En conséquence, s'ils admettent que les ressources pétrolières ont un caractère fini, ils font remarquer que les capacités d'innovation de l'industrie et le progrès technique permettront l'accès à de nouvelles réserves. L'augmentation de la production serait assurée au moins jusqu'à 2035.

Les pessimistes , qui regroupent plutôt des géologues et sont organisés au sein de l'ASPO (Association of the Study of Peak Oil&Gas), avancent les arguments suivants :

- les connaissances acquises en matière de géologie ont fortement progressé : désormais, l'ensemble des bassins pétroliers sont recensés et l'échantillonnage de ces bassins sous forme de puits est suffisant pour que les méthodologies prédictives des réserves restant à découvrir soient raisonnablement fiables. Par ailleurs, il apparaît que les chances d'effectuer des découvertes majeures soient très réduites ;

- le renouvellement des réserves se fait seulement pour un tiers par de nouvelles découvertes. En conséquence, la baisse du volume des découvertes ne peut que conduire à une baisse du potentiel des réévaluations futures ;

- le taux de déclin des productions s'accélère ;

- la courbe représentant les découvertes dans un bassin donné en fonction du temps a généralement la forme d'une courbe en cloche. La courbe représentative de la production a une forme semblable avec un décalage dans le temps de 10 à 30 ans.

En conséquence, le pic de la production pétrolière mondiale devrait se situer entre 2005 et 2014 à un niveau de 90 millions de barils/jour, tous hydrocarbures confondus.

S'il ne rentre pas dans l'objet de ce rapport de trancher la question du pic de production, vos rapporteurs souhaitent cependant faire les remarques suivantes.

D'abord, les optimistes paraissent depuis quelques années moins affirmatifs sur la possibilité de repousser à un horizon très éloigné le pic de production pétrolière. Au contraire, il est significatif que l'écart entre la date retenue dans la version « moyennement » optimiste (2035) et celle figurant dans la version « moyennement » pessimiste (2014) n'est finalement que de vingt ans.

Par ailleurs, les marchés sont sensibles à un certain nombre d'observations qui vont plutôt dans le sens d'une réduction de la production de pétrole : le pic de production de la mer du Nord britannique est passé, celui de la Norvège apparaît et les incertitudes sur la Russie sont importantes.

En conséquence, le débat sur le pic de production ne doit pas nous faire sombrer dans le catastrophisme mais doit néanmoins être considéré comme un signal d'alerte : dans une vingtaine d'années, la production pourrait ne plus arriver à satisfaire la demande. Il convient donc dès à présent de prendre les mesures nécessaires pour préparer notre économie à cette nouvelle donne et éviter d'être pris de cours.

Réserves, taux de déclin des gisements et pic de production

En 2004, la Direction générale de l'Énergie et des matières premières a réalisé une étude afin d'évaluer la capacité des pays producteurs à satisfaire la demande mondiale compte tenu du niveau actuel des réserves mondiales d'hydrocarbures. Elle a calculé qu'à l'horizon 2030 et sur la base d'une croissance de la demande de 2% par an, celle-ci devrait atteindre 131 millions de barils/jour et totaliser un cumul de 940 milliards de tonnes pour les années 2005 à 2030. Dans la mesure où le montant des réserves prouvées est estimé à 1080 milliards de tonnes, les approvisionnements sur cette période semblent être assurés.

En fait, cette approche ne prend pas en compte le déclin des productions des gisements actuellement en production. Concrètement, cela signifie que si un champ X produit 100 l'année n, l'année n+1, il ne produira plus que 97 si on retient un taux de déclin de 3%. Comme la demande continue d'augmenter de 2% par an, pour satisfaire cette dernière, il faut développer de nouvelles capacités de production qui non seulement compensent la croissance de la demande, mais également le déclin du champ existant.

La présente étude calcule qu'un volume de réserves disponibles en 2005 de 1080 milliards de tonnes ne suffira pas à répondre à la demande au-delà de 2013 en raison du taux de déclin. En effet, seulement 695 milliards de tonnes pourront être exploitées d'ici 2030. La satisfaction des approvisionnements pétroliers dépendra donc des réserves qui seront découvertes entre 2005 et 2030.

Des estimations de la date du pic de production ont été réalisées en fonction de diverses hypothèses sur le taux de croissance des besoins futurs et sur le rythme de découvertes de nouvelles réserves après 2005. Cette date varie ainsi entre 2012 en l'absence de nouvelles découvertes et d'une croissance de la demande mondiale de pétrole de 3% à 2068 en retenant un volume de découvertes de 50 milliards de barils par an et un taux de croissance de la demande mondiale de 1%.

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