B. UNE ACTION COMMUNAUTAIRE JUGÉE INSUFFISANTE, DES RÉPONSES DIVERGENTES ENTRE ÉTATS MEMBRES

1. Créer, au sein de l'Union européenne, un véritable pôle de commandement des opérations de protection civile

Si le rôle du centre de suivi et d'information du mécanisme de la protection civile (MIC) à Bruxelles est salué de manière unanime par les États membres, certains souhaiteraient qu'il puisse disposer de moyens supplémentaires pour assurer une véritable veille opérationnelle .

La Grèce , par exemple, souhaiterait que le MIC endosse des fonctions opérationnelles, en dehors de son rôle d'information. La Grande-Bretagne insiste pour que le MIC gère les crises internes et externes à l'Union européenne et elle a proposé la mise en place d'un groupe directeur de crise rassemblant la présidence, la Commission, le secrétariat général du Conseil et les États membres qui pourra recourir aux moyens de la Commission autant qu'aux capacités militaires des États membres.

2. Renforcer la visibilité de l'Union européenne par la création d'une force d'intervention rapide

Le mécanisme communautaire de protection civile est à la fois bien accepté et critiqué pour certaines de ses insuffisances, qui se sont révélées lors de la gestion de crises externes à l'Union (tsunami, tremblement de terre au Pakistan). Lors de ces crises, la réponse européenne est en effet apparue morcelée, peu visible, avec un manque de coordination dans le déploiement sur le terrain et l'acheminement des secours, même si chaque État membre a répondu de manière significative aux besoins sur place.

Des propositions précises ont donc été faites par les États membres, et en premier lieu la France, qui souhaite donner une plus grande visibilité à l'action européenne.


Les propositions françaises pour la création
d'une force d'intervention rapide européenne (FIRE)

Le Président de la République a exprimé le souhait, au lendemain du tsunami et des difficultés de coordination de l'aide européenne, de créer une force d'intervention rapide européenne (FIRE ) et de s'appuyer sur les capacités militaires de l'Union, en particulier le centre d'opération implanté au sein de l'État-major intégré au secrétariat général du Conseil. Il a par ailleurs inscrit sa démarche dans le cadre des Nations unies qui pourraient compter sur un pôle européen disposant de ressources préalablement identifiées et d'équipes entraînées à travailler conjointement.

La constitution de cette force d'intervention rapide se ferait par l'acquisition de moyens collectifs pour renforcer sa capacité d'action (avions polyvalents gros porteurs, bombardiers d'eau et transport de personnels, hôpital de campagne projetable, pompes de grande capacité). Une proposition précise a été faite par lettre du ministre de l'intérieur au Président de la Commission européenne en octobre-novembre 2005.

Le ministre de la défense a également adressé une lettre au Haut représentant pour la politique étrangère et de sécurité commune, Javier Solana, en décembre 2005, afin de lui faire part des propositions en matière de permanence des capacités de transport, de planification et de commandemen t, en appuyant l'action de l'Union européenne en matière de protection civile sur les capacités militaires dans le cadre de la PESD.

3. De fortes réticences à une communautarisation des moyens de protection civile

En dépit des initiatives françaises, de nombreux États membres mettent l'accent sur la coordination des moyens et le retour d'expérience, et non sur la « communautarisation » des moyens .

La création d'une véritable force de protection civile européenne est largement soutenue par les pays méditerranéens soumis à de nombreux risques communs (Espagne, Italie, Portugal, Slovénie, Chypre et Malte) mais aussi par la Belgique et le Luxembourg.

En revanche, un groupe de pays souhaite restreindre les initiatives de l'Union européenne en matière de protection civile, au profit d'un réseau d'experts qui seraient mis à la disposition des Nations unies sans réelle visibilité européenne. Les pays nordiques (Danemark, Suède) préfèrent en effet inscrire leur action dans le cadre des Nations unies, organisation avec laquelle ils travaillent parfaitement. Les Pays-Bas, et à un degré moindre la Grande-Bretagne, privilégient le cadre de l'OTAN. Le Royaume-Uni plaide davantage pour la responsabilité des États membres.

En effet, si le Portugal va jusqu'à souhaiter une mise en commun (une mutualisation) des moyens de lutte contre les catastrophes naturelles, en particulier les incendies, cette position est loin d'être partagée. De nombreux pays souhaitent que les États membres restent maîtres de leurs propres ressources et de leur compétence nationale. Par ailleurs, pour les crises de nature régionale en Europe (feux de forêt en Europe méridionale, inondations en Europe centrale), la question est plutôt celle du renforcement des efforts d'investissement des États membres concernés.

Une difficulté particulière réside également dans la coordination entre les initiatives de l'Union européenne et celles de l'OTAN . Plusieurs pays (Grande-Bretagne, Suède, Pologne, Pays-Bas) posent la question de l'articulation entre le MIC et le centre euro atlantique de coordination des réactions en cas de catastrophe de l'OTAN (EADRCC), et soulèvent le projet d'une plus grande implication de l'OTAN dans le transport des équipes de protection civile. La Grande-Bretagne a également évoqué la possibilité de réserver à l'OTAN un rôle spécifique pour des « niches » (domaine NRBC, coordination des moyens de transport stratégique aérien).

Un clivage réel existe donc entre la France, la Belgique, le Luxembourg et les pays méditerranéens qui souhaitent donner une véritable visibilité à l'Union européenne et d'autres pays, dont principalement les Pays-Bas qui souhaitent mettre en valeur leur action dans le cadre de l'OTAN.

En conclusion, de nombreux pays accepteraient sans doute une plus forte assistance communautaire dans le domaine des transports pour faciliter l'acheminement jusqu'au théâtre d'opérations. Il pourrait être question de renforcer l'aide communautaire pour l'emploi de moyens spécialisés (pompes de grande capacité, hôpital de campagne) mais le financement communautaire devrait être marginal (la responsabilité des transports restant de la compétence des États membres).

4. Davantage d'échanges d'expérience et de formation que de réglementation

Les exercices communs sont considérés comme une partie indivisible du mécanisme communautaire de protection civile et de nombreux États membres estiment utile de les multiplier. Les Pays-Bas, par exemple, pensent que la mise en place d'exercices spécifiques est nécessaire pour rendre le mécanisme européen de protection civile efficace. L'Italie insiste également sur l'importance de la formation au niveau européen. En janvier 2004, la Commission européenne a approuvé la proposition italienne d'un exercice international ayant pour scenario un important évènement sismique dans le secteur de la Sicile orientale.

Le Royaume-Uni souhaiterait d'abord favoriser une prise de conscience des enjeux communs en matière de protection civile en parvenant à identifier une demi-douzaine de risques majeurs sur lesquels travailler ensemble (ex : grippe aviaire, rupture d'approvisionnement en hydrocarbures, risques transfrontaliers). Des retours d'expériences plus structurés au niveau européen concernant les différentes crises gérées par les États membres seraient également les bienvenus.

Il est incontestable que les pays européens ont des expériences variées en matière de protection civile, qui devraient faire l'objet d'échanges d'information plus nombreux. Par exemple, l'Irlande s'est dotée en décembre 2004 d'un plan national d'urgence pour les accidents nucléaires, qui est un modèle de référence.

Par contre, d'une manière générale, il y a peu de demande des États membres pour davantage de réglementation européenne. Plusieurs États membres ont clairement mis en valeur le principe de subsidiarité, sans toutefois que ce principe se décline de la même manière. Ainsi, l'Autriche reconnaît l'opportunité d'une réglementation sur les structures critiques transnationales, mais le Danemark juge inacceptable la définition des infrastructures nationales sensibles au niveau communautaire.

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