TRAVAUX DE LA COMMISSION :

AUDITION DE MM. BERTRAND FRAGONARD, PRÉSIDENT DE LA 2EME CHAMBRE DE LA COUR DES COMPTES, JEAN-LOUP ARNAUD, PRÉSIDENT DE SECTION, PATRICK BOUQUET, CONSEILLER MAÎTRE, DE MM. LAURENT FLEURIOT, DIRECTEUR DE CABINET DU MINISTRE DES PETITES ET MOYENNES ENTREPRISES, DU COMMERCE, DE L'ARTISANAT ET DES PROFESSIONS LIBÉRALES, JEAN-FRÉDÉRICK LEPERS, CONSEILLER TECHNIQUE, ET LAURENT MOQUIN, SOUS-DIRECTEUR CHARGÉ DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES À LA DIRECTION DU COMMERCE, DE L'ARTISANAT, DES SERVICES ET DES PROFESSIONS LIBÉRALES, ET DE MM. GUILHEM BLONDY, CONSEILLER TECHNIQUE AU CABINET DU MINISTRE DÉLÉGUÉ AU BUDGET ET À LA RÉFORME DE L'ETAT, ET FRÉDÉRIC GUIN, SOUS-DIRECTEUR À LA DIRECTION DU BUDGET.

Présidence de M. Jean Arthuis,

Président

Séance du mercredi 15 mars 2006

__________

Ordre du Jour

- Auditions de M. Bertrand Fragonard, président de la 2 e chambre de la Cour des comptes, de MM. Jean-Loup Arnaud, président de section, Patrick Bouquet, conseiller maître, de MM. Laurent Fleuriot, directeur de cabinet du ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et des professions libérales, Jean-Frédérick Lepers, conseiller technique, et Laurent Moquin, sous-directeur chargé des affaires économiques à la direction du commerce, de l'artisanat, des services et des professions libérales, de MM. Guilhem Blondy, conseiller technique au cabinet du ministre délégué au budget et à la réforme de l'Etat, et Frédéric Guin, sous-directeur à la direction du budget.

__________

La séance est ouverte à 9 heures 35.

M. le président - Messieurs les présidents, MM. les directeurs, Mesdames et Messieurs, mes chers collègues, une fois encore, nous voici réunis pour une « audition de suivi » d'une enquête réalisée par la Cour des comptes en application de l'article 58-2 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF).

Il s'agit aujourd'hui d'une enquête sur le fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce, le FISAC, créé en 1989 pour répondre aux menaces pesant sur l'existence de l'offre commerciale et artisanale de proximité. Aujourd'hui, il se prononce sur environ un millier de dossiers par an, chiffre en sensible augmentation ces dernières années, et dispose de crédits de 80 millions d'euros pour l'année 2006.

En tant qu'élus locaux, de nombreux membres de la commission des finances ont eu une expérience concrète du FISAC, en particulier notre collègue Eric Doligé, rapporteur spécial de la mission « Développement et régulation économiques », dont relève le FISAC. C'est en croisant ces expériences de terrain, très diverses, que nous avons été amenés à nous interroger sur le fonctionnement de ce fonds et sur ses critères de hiérarchisation des dossiers.

Ce sont principalement ces interrogations qui ont conduit la commission des finances à solliciter de la Cour des comptes, le 1 er mars 2005, une enquête sur le FISAC, laquelle lui a été transmise le 2 décembre 2005.

La présente audition, comme les précédentes qui ont été organisées après livraison d'enquêtes de la Cour des comptes, a pour objet principal de faire en sorte que les travaux réalisés et les rapports publiés connaissent une suite effective, ce dont nous souhaitons nous assurer.

Cette préoccupation, s'agissant du FISAC, est commune aux commissions des finances et des affaires économiques. Je suis donc très heureux de recevoir les membres de la commission des affaires économiques ayant pu se libérer, en particulier notre collègue Gérard Cornu, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques pour la mission « Développement et régulation économiques ». Nous ne pouvons que nous réjouir du développement d'une étroite coopération entre nos deux commissions.

Nous recevons, pour la Cour des comptes, M. Bertrand Fragonard, président de la 2ème chambre et MM. Jean-Loup Arnaud et Patrick Bouquet, magistrats ayant participé à l'enquête.

Le ministère des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et des professions libérales sera représenté par M. Laurent Fleuriot, directeur de cabinet du ministre et par M. Jean-Frédérick Lepers, conseiller technique et correspondant du FISAC au sein du cabinet du ministre. Nous entendrons également M. Laurent Moquin, sous-directeur chargé des affaires économiques à la direction du commerce, de l'artisanat, des services et des professions libérales (DCASPL).

Il nous a également paru utile de bénéficier de la participation du ministère chargé du Budget, qui a été interrogé par la Cour des comptes dans le cadre de son enquête et qui pourra nous apporter son éclairage. Ce ministère sera représenté par M. Guilhem Blondy, conseiller technique au cabinet du ministre, et par M. Frédéric Guin, sous-directeur à la direction du Budget

Afin de préserver une possibilité effective de dialogue et de débat, je demande que les interventions liminaires de la Cour des comptes, du ministère des petites et moyennes entreprises et de celui du budget se limitent aux observations principales.

Ensuite, je donnerai prioritairement la parole à notre rapporteur spécial, puis au rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, M. Gérard Cornu.

Enfin, chaque commissaire, des finances comme des affaires économiques, qui le souhaitera, pourra librement poser ses questions.

Pour que tout ceci soit possible dans des délais raisonnables, il nous faut donc des interventions liminaires réduites à quelques observations, sachant que l'enquête de la Cour des comptes a déjà été diffusée aux commissaires des finances et des affaires économiques.

Je rappelle aux membres de la commission des finances que nous aurons ensuite à prendre une décision sur la publication de l'enquête de la Cour des comptes au sein d'un rapport d'information.

Pour commencer, je donne la parole à M. Bertrand Fragonard, président de la 2ème chambre de la Cour des comptes, pour présenter les points principaux de l'enquête réalisée par la Cour des comptes sur le FISAC.

M. Bertrand Fragonard - Je laisserai à Jean-Loup Arnaud le soin de présenter les observations de fond.

La procédure est bien celle de l'article 58-2 de la LOLF. Nous avons tenu le délai de 8 mois prévu, ce qui nous a semblé raisonnable.

C'est un contrôle qui s'est passé dans de bonnes conditions. Nous avons trouvé des administrations ouvertes, connaissant bien leurs dossiers.

Le déroulement de cette enquête a été pour nous facile -ce qui n'est pas toujours le cas.

M. Jean-Loup Arnaud - Les conditions de création du FISAC ont été rappelées.

En 1972 déjà, dans le cadre de la politique d'ensemble visant à sauvegarder le commerce et l'artisanat, dite loi Royer, avait été instituée une taxe sur le commerce et l'artisanat destinée à financer les indemnités de départ allouées aux artisans et commerçants, ainsi qu'une dotation au profit de leur régime d'assurance vieillesse. Cette taxe était recouvrée par l'Organisation autonome nationale de l'industrie et du commerce (ORGANIC).

La loi du 31 décembre 1989 a prévu d'affecter l'excédent du produit de cette taxe à des opérations visant à la sauvegarde de l'activité des commerçants et artisans et favorisant notamment la transmission et la restructuration de leurs entreprises.

Ainsi est né le FISAC, dont les règles ont été définies par plusieurs décrets successifs, puis réformées en 2003 par l'élargissement de sa mission au secteur des petites entreprises de services et de la création d'entreprises.

Le champ d'application des aides au FISAC a été progressivement étendu par la réglementation et recouvre l'essentiel des modes d'intervention financière en faveur du commerce, de l'artisanat et des services, hormis les actions de formation.

Par ailleurs, l'article 6 du décret de 2003 a ajouté comme bénéficiaires du FISAC les entreprises affectées par des mutations économiques techniques ou sociales consécutives à l'évolution de ces secteurs et les entreprises affectées par des circonstances sur lesquelles nous reviendrons.

Au total le FISAC a vu ses moyens fortement augmenter de 2001 à 2003 ; en engagements, on était autour de 52 millions d'euros en 2001 et on dépasse en 2004 les 100 millions d'euros.

Il y a des circonstances particulières pour l'augmentation en 2004, mais c'est une forte augmentation que l'on retrouve dans le nombre de décisions.

On est arrivé en 2004 à 969 décisions avec une ventilation qui a son intérêt : 628 opérations rurales pour 29,8 % des crédits, 216 opérations urbaines pour 24,2 % et 125 opérations de développement économique et aides diverses qui représentent 46 %, soit près de la moitié.

Le montant moyen des aides rurales a été de 3.500 euros pour les aides individuelles et de 164.500 euros pour les aides collectives. En milieu urbain, on arrive à une moyenne de 144.000 euros.

Une observation me paraît devoir être soulignée : la très grande majorité de ces aides est cofinancée soit par les chambres de commerce et des métiers, mais surtout par les collectivités territoriales. La Cour a regretté que, dans les bilans du FISAC, on ne puisse totaliser tous ces co-financements.

Il nous a été répondu que des dispositions ont été prises, notamment du fait des changements informatiques en cours, pour parvenir à cette totalisation. C'est une information importante et souhaitée par la Cour.

Pour le reste, les différents types d'actions ne paraissent pas contestables dans leur principe.

On a posé le problème de la régularité juridique des aides aux catastrophes naturelles. Si la légitimité est évidente, la régularité ne l'est pas. Le problème vient de l'interprétation de cette notion de circonstances assez large, mais qu'on peut comprendre en la liant à des mutations structurelles, économiques, sociales et non aux événements conjoncturels que sont les catastrophes naturelles.

L'autre point qui nous paraît essentiel et qui va faire la transition vers l'évaluation, c'est le problème des objectifs de cette politique et du nécessaire recentrage. Il est vrai que, dans la mesure où les objectifs sont de plus en plus nombreux, les actions de plus en plus diversifiées, il est assez difficile de procéder à une évaluation.

Un recentrage des actions du FISAC est souhaité. Le ministère et la DCASPL auront peut-être des propositions à faire.

Je ne reviendrai pas sur la gestion administrative, car nous n'avons pas d'observations majeures sur ce point. Il y a bien sûr des problèmes informatiques, mais des mesures ont été ou vont être prises pour apporter des solutions.

Il y a aussi le fait -pour les perspectives, c'est fondamental- que l'instruction des dossiers est pour l'essentiel assurée au niveau local par les préfectures et les services du ministre du commerce et de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF). Quand bien même les décisions d'attribution des aides resteraient signées par le ministre, on peut se demander si un effectif d'une dizaine de personnes consacré à la gestion du fonds n'est pas excessif.

J'en viens à la question prioritaire pour la Cour : celle de l'évaluation.

L'article 7 du décret de 2003 prévoit que le bénéficiaire des aides qui ont été accordées par le FISAC doit produire des justificatifs relatifs à l'emploi de la subvention reçue et remettre un rapport présentant les effets des aides reçues.

Or, la Cour a constaté que ces rapports ne sont pas systématiquement produits ; lorsqu'ils le sont, ils son souvent très narratifs et peu utiles pour une véritable évaluation.

Cela étant, la Cour a bien remarqué quelques initiatives ponctuelles, notamment pour l'évaluation des subventions d'opérations de restructuration de l'artisanat et du commerce (ORAC) ou pour l'utilisation des aides pour les TPE.

Une enquête récente de 2005, dont on attend beaucoup, réalisée en zone rurale, devrait permettre de valider le seul indicateur pour le moment envisagé, celui du taux de survie des entreprises aidées, 3 ans après l'aide reçue, afin de le comparer à celui des entreprises qui ne le sont pas.

C'est une démarche à suivre et sur laquelle la Cour aimerait actualiser son information.

Sur le plan de l'évaluation, la réponse que nous avons reçue le 23 septembre dernier de la direction du budget conforte l'opinion de la Cour et montre bien la difficulté de l'entreprise et sa nécessité.

Enfin, du point de vue des perspectives, la Cour se demande s'il ne serait pas opportun que tout ou partie du FISAC soit retenu pour les expérimentations de délégation de compétences aux régions en matière de développement économique, telles qu'elles sont prévues par la loi.

En effet, de très nombreuses opérations subventionnées par le FISAC ne sont en fait que d'envergure locale et font l'objet d'importants co-financements par les communes, les départements et les régions, tandis que ces collectivités financent fréquemment, au titre de l'aménagement de leur territoire ou de leurs interventions économiques, des opérations analogues.

A tout le moins, si la décentralisation n'était pas retenue, les comptes des effectifs consacrés à la gestion du FISAC au niveau central devraient être sensiblement réduits.

M. le président - Merci.

La parole est aux représentants du ministère pour les observations qu'appellent les propos de la Cour sur l'analyse et les possibilités de déconcentration -et peut-être de transferts de compétences.

Pouvons-nous progresser en matière d'évaluation ?

M. Laurent Fleuriot - Je tiens d'abord à remercier la commission des finances d'avoir organisé cette audition, qui doit permettre à chacun de débattre en toute transparence du FISAC.

L'enquête de la Cour illustre parfaitement les conditions dans lesquelles doit s'exercer le contrôle de l'action publique.

Elle comporte de nombreuses recommandations, que nous avons regardées très attentivement. Je crois qu'elles nous seront très utiles pour faire évoluer cet instrument. Nous comptons bien le faire.

Je remercie le conseiller-maître Arnaud, moteur dans ce rapport.

Mes considérations liminaires se limiteront à rappeler l'intérêt du FISAC pour le ministre des PME que je représente.

Le FISAC est un outil de la politique du Gouvernement en matière commerciale et artisanale. Sa souplesse de gestion en fait un instrument de pilotage très fin, qui rejoint les préoccupations d'aménagement du territoire, notamment pour les interventions du fonds en milieu rural, et les soucis d'équilibre urbain. Il est notamment amené à intervenir pour la revitalisation des zones urbaines en difficulté.

Entre 1992 et fin 2005, le FISAC a apporté son aide à 9.869 opérations concernant le commerce, l'artisanat et les services. Le dispositif créé a donc très nettement trouvé sa place et reste très sollicité par l'ensemble des acteurs locaux.

La demande vis-à-vis du FISAC repose sur l'initiative locale.

Son mode de fonctionnement n'est pas en effet fondé sur la ventilation d'enveloppes de crédits avant même de connaître les besoins réels, mais sur des besoins réels, exprimés opération par opération, pour accorder les aides au vu des dossiers présentés.

Il nous semble que c'est une garantie de qualité et de cohérence de chacun des dossiers.

Pour le ministre des PME, le FISAC est un instrument nécessaire à plusieurs titres, d'abord parce que le maintien d'un commerce diversifié dans toutes ses formes et toutes ses dimensions est essentiel à la cohésion de nos territoires. Il y a plus de 200.000 commerces de détail en France, hormis les grandes surfaces. Certains ne connaissent pas de difficultés et sont même en croissance (dans les secteurs de l'équipement de la maison ou des produits de soins par exemple).

Mais le secteur des commerces, en particulier alimentaires, malgré un léger frémissement dans certaines activités depuis deux ans, est très fragile et doit faire l'objet de toute notre attention, car il est essentiel à nos concitoyens, notamment les plus âgés, et à l'animation de la vie locale.

Il doit y avoir une politique de préservation du commerce de détail, de sa modernisation et de sa transmission.

Je rappelle que les mesures fiscales récemment prises sur le régime des plus-value, la création d'un droit de préemption voté l'été dernier et dont le décret d'application est en cours de rédaction -droit de préemption très encadré il est vrai sur les baux commerciaux- la création d'une prime de transmission accompagnée, sans compter les mesures antérieures sur la protection du conjoint-collaborateur et la création d'entreprises sont bien des mesures orientées en faveur du commerce en particulier, de l'artisanat également, et forment un ensemble qui constitue, avec le FISAC, une politique cohérente du Gouvernement.

Le dispositif n'a certes pas fait l'objet d'une évaluation globale depuis 1992, mais nous avons bien l'intention d'y remédier.

Il demeure que les évaluations partielles, notamment celles dont la Cour a indiqué le lancement et dont nous avons quelques premiers résultats, tendent à démontrer une bonne efficacité, en particulier pour les opérations rurales individuelles. Le taux de survie des entreprises aidées à échéance de 5 ans est excellent, puisqu'il est de près de 95 %.

On voit également, dans l'autre enquête partielle qui a été faite, que les opérations rurales collectives produisent un effet net sur le chiffre d'affaires des entreprises aidées qui progresse sensiblement plus à échéance de 5 ans que celui des entreprises non aidées ; de même le taux d'embauche de ces entreprises est pratiquement le double de celui des entreprises non aidées.

Deuxième intérêt du FISAC : il s'adresse très spécifiquement au monde rural. Les opérations rurales concernent les communes de moins de 2.000 habitants. La part des opérations individuelles et collectives rurales a atteint en 2005 30 % du FISAC national contre 27 % en 2003. C'est 42 % du total du FISAC territorial.

On constate que c'est une sur-allocation très forte au bénéfice des zones rurales, rapportée aux densités commerciales respectives des zones urbaines et rurales.

Ceci est dans notre esprit bien dans la logique du FISAC. C'est pour le ministre des PME un objectif prioritaire, voire l'objectif prioritaire, que d'aider à la modernisation, au développement, à la survie et à la transmission des commerces en zone rurale.

Le dernier point très important pour nous concerne les opérations exceptionnelles de soutien. J'ai bien noté un développement de la Cour sur ce sujet. Ces opérations exceptionnelles de soutien ne sont pas récentes ; elles ont commencé en 1992, voire avant. Il s'agit des opérations de soutien lors de catastrophes naturelles.

On peut avoir un débat juridique, puisque ce n'est pas expressément prévu dans le dispositif législatif du FISAC. Peut-être faut-il l'adapter.

Cela dit, ce dispositif a fait ses preuves ; les petits commerçants ou artisans, face à une catastrophe du type de celle d'AZF, sont les premières victimes des difficultés économiques.

J'ai bien noté les constatations de la Cour, notamment concernant les questions de décentralisation, de déconcentration et de ciblage du dispositif.

J'y répondrai dans un second temps, mais je voudrais, avant de conclure porter mon propos, insister sur deux points.

Le terme de banalisation, s'agissant du FISAC, a été employé dans le rapport de la Cour au motif que les aides financières distribuées ont été progressivement étendues par la réglementation en vigueur. Cette interrogation nous paraît légitime.

Malgré cette diversité apparente des aides collectives, individuelles, rurales ou urbaines, il ne s'agit pas d'une banalisation, mais de l'emploi systématique, au travers du FISAC, de tous les instruments permettant d'aider les petits commerces. Le FISAC a sa légitimité. Il s'agit de prendre en compte des besoins très ciblés et nécessairement différents.

Parfois, il s'agit de financer une quote-part d'un camion de distribution ou de tournée pour permettre à des hameaux isolés d'avoir tous les jours une offre commerciale alimentaire. Le FISAC permet de le faire.

Parfois, il s'agit au contraire de monter une opération de redynamisation du centre d'une petite ville ou d'un bourg, avec de l'investissement pour aider l'ensemble des commerçants à améliorer leur point de vente, mais également pour aider des opérations de promotion commerciale.

Je crois que le FISAC répond à cette multiplicité d'objectifs, sans que l'on puisse parler de ce point de vue d'une banalisation.

Je voudrais enfin souligner l'évolution des crédits annuels.

A périmètre constant, les crédits n'ont pas échappé à la rigueur budgétaire.

Renaud Dutreil, secrétaire d'Etat de 2002 à 2004, puis à partir de 2005, a toujours fait preuve d'une grande rigueur budgétaire.

Le FISAC n'y a pas échappé. Le budget total du ministère des PME a été réduit de près de 5 % en 2003. Il a été largement stabilisé, hors opérations exceptionnelles. Le FISAC a été stabilisé en 2003, 2004 et 2005, hormis la dotation exceptionnelle de 29 millions d'euros consentie dans le cadre du débat sur la modernisation de la loi Galland, mais il a aussi été l'objet de mesures de régulation (à hauteur de 4,3 millions d'euros en 2003, 5 millions d'euros en 2004 et 4 millions d'euros en 2005).

De ce point de vue, nous sommes rigoureux et nous entendons bien évidemment maintenir l'enveloppe, ne pas aller vers une dérive constante. Nous pensons qu'elle est aujourd'hui bien calibrée.

M. le président - Quel est votre point de vue sur la décentralisation ? Il y a peut-être une présomption d'excès de centralisation.

M. Laurent Fleuriot - Il y a deux sujets différents, la décentralisation aux collectivités locales et la déconcentration aux services préfectoraux.

Le FISAC n'est pas organisé comme un dispositif créateur de droits pour les entreprises bénéficiaires. Il n'y a pas de procédure fixant un certain nombre de critères de façon absolue, ouvrant droit au bénéfice du FISAC.

Second point : le montant des crédits du FISAC est d'un peu moins de 100 millions d'euros, ce qui représente pour l'ensemble du territoire une masse relativement limitée.

La question que nous nous sommes posée est de savoir comment assurer le maintien d'une politique active en faveur du commerce et de l'artisanat avec une masse budgétaire relativement restreinte et sans obligation particulière, sans système légal, ouvrant droit aux entreprises remplissant les critères à bénéficier des aides du FISAC.

Il nous semble en réalité que si nous décentralisons les crédits, nous aurions une première difficulté qui est de fixer des enveloppes appropriées pour chaque région. Nous n'avons pas aujourd'hui de critère pertinent de répartition des enveloppes.

On ne peut dire qu'on va le faire en fonction du nombre de commerces existants, car on surpondère dès lors les zones urbaines ; on ne peut dire qu'on va le faire en fonction de la population, car on a le même résultat.

Pour ces opérations particulièrement ciblées et d'un petit montant à l'échelon national, la fixation d'enveloppes est une première difficulté.

En second lieu, il nous semble que les masses qui seront affectées à chaque région ou à chaque département seront relativement faibles.

En fait, dans chaque département, une enveloppe moyenne serait de l'ordre de 500.000 euros. La question est de savoir si l'ensemble des collectivités territoriales souhaiteront maintenir ou non une politique d'aide aux commerces.

Si l'Etat souhaite maintenir une politique d'aide aux commerces homogène sur l'ensemble du territoire tout en intégrant ces enveloppes dans la masse des crédits de développement économique, rien n'indique que certaines régions ne choisiront de continuer à aider le petit commerce.

Nous ne sommes pas, par principe, contre la décentralisation, mais nous nous interrogeons sur le point de savoir s'il est possible de répartir des enveloppes de façon pertinente et , d'autre part, de savoir si l'on sera assuré d'avoir dans chaque région et dans chaque point du territoire un dispositif de soutien aux commerces.

Voici les deux raison pour lesquelles nous pensons, à ce stade, que le dispositif centralisé, compte tenu de la modestie de l'enveloppe, reste légitime.

M. le président - Je me tourne vers le budget...

M. Guilhem Blondy - Merci de nous avoir associés à cette audition. Merci également à la Cour de son travail qui, pour nous, est une référence utile s'agissant de ce dispositif d'intervention dont les crédits ne sont pas négligeables.

Je voudrais revenir sur deux observations relevant de notre champ de compétences, la gestion administrative et l'évaluation d'autre part.

Sur la gestion administrative, la Cour fait un certain nombre d'observations sur le dispositif particulier de gestion du FISAC qui passe par l'ORGANIC.

Nous partageons assez largement les constats de la Cour, à savoir que ce dispositif, globalement, en termes d'efficacité, donne plutôt satisfaction. Les délais de paiement son plutôt bons ; il n'y a pas de difficultés particulières.

Ce dispositif est néanmoins relativement dérogatoire par rapport au droit budgétaire.

La Cour a une interrogation, en régime LOLF, du fait de la possibilité de fongibilité, sur les extensions de cette procédure.

Nous estimons que le risque existe, mais qu'il ne s'est pas matérialisé ; les contrôleurs financiers sont vigilants. Jusqu'à maintenant, les crédits FISAC figurent dans la lettre-plafond et dans la justification des crédits, ce qui garantit que cette procédure n'est utilisée que pour son objet.

Cette procédure ayant un fondement légal, à ce stade, nous estimons qu'elle présente des garanties suffisantes.

Néanmoins, en termes d'efficience de la procédure, nous serions assez preneurs d'un indicateur de coût de gestion des dossiers, relativement classique pour ce genre de procédure, et qui nous paraît souhaitable.

En ce qui concerne l'évaluation du dispositif, la Cour note que la loi de 2003 prévoit un dispositif rigoureux de compte rendu d'emploi des fonds par les bénéficiaires, très imparfait dans son application.

Cette imperfection, le ministère a essayé d'y pallier par des enquêtes à caractère général. Nous estimons que l'on peut néanmoins aller au-delà, notamment en matière d'indicateurs relatifs au taux de survie des entreprises bénéficiant du FISAC, qui figurent dans le projet de performance mais qui ne sont pas renseignés, ou d'indicateurs relatifs au taux de croissance des entreprises aidées et aux effets de ces aides sur l'emploi.

En ce qui concerne l'évaluation individuelle, il nous semble que le régime du FISAC offre une possibilité intéressante non exploitée aujourd'hui, qui est celle d'un mécanisme d'avance remboursable.

L'intérêt par rapport à l'aide directe, notamment en cas de succès, est de pousser à une appréciation plus fine de l'impact individuel des aides, le remboursement n'étant exigible que si un certain nombre de conditions ont d'été remplies, ce qui oblige évidemment à ce que celles-ci aient été atteintes par les entreprises.

M. le président - Merci de nous rappeler les principes lolfiens, ainsi que les exigences de performances et d'évaluation de ces performances.

Du fait des co-financements, il faudra peut-être former le souhait que la LOLF et ses vertus se généralisent aux collectivités territoriales.

La parole est au rapporteur spécial.

M. Eric Doligé, rapporteur spécial - Ici, nous sommes tous connaisseurs et avons tous l'expérience du FISAC ; nous en sommes parfois même adeptes, et l'on en connaît un peu mieux que le ministère, semble-t-il, l'évaluation au plan local.

Suite à l'enquête de la Cour, quelques remarques sur le fondement juridique, s'agissant du fait de savoir si l'on doit revisiter la loi et bien vérifier que les aides sont bien dispensées dans le cadre de la loi. C'est le problème des entreprises victimes de calamités. Nous avons étudié le projet de décret d'avance hier et constaté qu'il y a des sommes assez considérables par rapport au FISAC qui ont été inscrites et qui pourront permettre de bien compléter notre réflexion, aussi bien sur l'évaluation que sur la rapidité de mise en place de ces aides.

Par ailleurs, nous avons le sentiment que la gestion du FISAC se fait un peu au fil de l'eau, en fonction de l'arrivée des dossiers.

Les territoires peu demandeurs n'ont évidemment pas grand-chose, puisque l'on ne fait que répondre à la demande.

Je n'avais pas compris jusqu'à présent pourquoi l'on centralisait à outrance un certain nombre d'aides ou de financements : c'est uniquement parce que les enveloppes sont modestes !

Concernant la gestion, les remarques ont été faites.

Pour ce qui est de l'évaluation, les utilisateurs ont le sentiment que celle-ci est très poussée. Nous sommes obligés de justifier dans la demande du nombre de commerçants, d'artisans ou de sociétés de services qui sont en mesure de bénéficier du FISAC et l'on suit de très près l'évaluation de créations d'emplois ainsi que l'impact au plan local.

En effet, dans l'évaluation, l'on ne tient pas seulement compte des structures qui peuvent bénéficier d'aides du FISAC, mais également de tous les emplois induits qui peuvent être créés ou maintenus sur un territoire grâce aux moyens financiers injectés par le FISAC et par l'effet levier qu'il peut avoir localement.

Les apports locaux des collectivités -départements et régions- sont considérables. Il serait important de savoir ce qu'entraînent les 80 millions d'euros de crédits du FISAC. Nous le savons au plan local, mais je trouve surprenant de ne pas avoir d'évaluation rapide et précise. Tout est déjà prêt localement ; il suffit de rassembler les informations. Peut-être n'a-t-on pas les mêmes systèmes informatiques, mais il doit y avoir un moyen d'y parvenir.

Peut-être faudrait-il réaliser des schémas de cheminement des dossiers. Quand des collectivités demandent à bénéficier du FISAC, elles n'ont aucune information précise pour savoir si elles seront retenues et dans quels délais. Ensuite, cela va assez vite, même si les choses sont parfois compliquées du fait de la multiplicité des acteurs locaux.

Concernant la décentralisation et la déconcentration, j'ai bien compris la remarque de M. le directeur, que je prends à sa juste valeur. C'est fonction de l'importance des crédits, mais si l'on persiste dans ce raisonnement, il y a peu de perspectives d'ouverture vers une décentralisation ou une déconcentration.

Celle-ci poserait également le problème de la détermination de l'échelon opportun de décentralisation, avec la difficulté que pourrait entraîner la tutelle d'une collectivité sur une autre.

Nous nous posons également parfois la question de savoir s'il est utile ou non d'intervenir sur l'aménagement des villes -places, environnement. Est-ce vraiment une fonction ou une utilisation nécessaire des crédits ? C'est une question que l'on peut se poser. Des opérations « coeur de village » voire d'autres systèmes peuvent être mis en place.

S'agissant des crédits qui doivent être débloqués concernant le chikungunya à la Réunion, je pense qu'il va y avoir déconcentration ou décentralisation. Cette expérience sera intéressante à suivre, puisque 35.000 commerces, artisans et services peuvent relever des 30 millions d'euros qui vont être débloqués. Ce sont des sommes relativement importantes par rapport aux 80 millions d'euros disponibles sur une année, mais cela veut dire qu'il va falloir faire face potentiellement à 35.000 dossiers dans un délai extrêmement court.

Avez-vous prévu un système particulier totalement déconcentré ou décentralisé ? Comment pourrez-vous en mesurer l'efficacité et le fait que les sommes arriveront bien aux endroits où il est indispensable qu'elles arrivent ?

M. le président - Vos convictions centralisatrices ou décentralisatrices sont soumises à rude épreuve, Monsieur le Directeur !

M. Laurent Fleuriot - S'agissant du problème de l'aide aux calamités, nous sommes prêts à faire évoluer le dispositif, à proposer au Parlement une modification du texte de loi pour assurer totalement sa sécurité juridique et à l'intégrer très rapidement.

Pour ce qui concerne la Réunion, le Gouvernement a pensé qu'il était très utile pour les petites entreprises de monter très vite un dispositif de soutien. Nous avons une enveloppe de 29,55 millions d'euros, qui ont été attribués dans le cadre du décret d'avance qui vous est soumis. Cette enveloppe sera utilisée dans le cadre du FISAC et nous avons prévu pour cette opération un dispositif totalement déconcentré. La circulaire qui précise les modalités d'utilisation de ces sommes va partir aujourd'hui et nous avons pris contact avec l'ORGANIC pour qu'elle soit en mesure d'assurer les paiements dans les jours à venir.

Le dispositif est déconcentré. Une commission locale créée autour du préfet et du TPG, comprenant l'ensemble des parties intéressées, décidera dans les limites fixées d'attribuer les aides aux entreprises qui pourront justifier d'une perte de résultats à partir de leurs comptes et de leurs données comptables.

L'avantage du FISAC est qu'on peut le faire fonctionner dans les huit ou dix jours. On considère que les premiers paiements pourront être effectués sans difficulté. La procédure est totalement déconcentrée au préfet, avec obligation pour lui et ses équipes de nous faire rapport régulièrement, notamment sur l'évaluation du dispositif.

Quant à la gestion au fil de l'eau, l'idée est vraiment de partir des besoins des chefs d'entreprises et de ceux exprimés localement.

Les dossiers sont ensuite instruits localement par les préfectures et les Délégations régionales au commerce et à l'artisanat (DRCA) donnent leur avis. Les dossiers ne sont ensuite transmis à Paris que pour instructions complémentaires et vérifications.

De ce point de vue, il nous semble que la procédure est relativement claire ; il est vrai qu'il existe des progrès à faire dans certaines régions sur la rapidité d'instruction des dossiers et sur la cohérence des examens. Une circulaire est en préparation pour mieux harmoniser les procédures et les modes d'examen des dossiers.

Cela étant, le passage à Paris est loin d'être inutile, les aides accordées étant adaptées après passage et instruction dans les services de la DCASPL.

Concernant l'aménagement des villes, M. le rapporteur a dit qu'il n'était peut-être pas vraiment nécessaire d'aider de telles opérations. Nous sommes là au coeur du problème du FISAC, qui est son ciblage.

Il existe trois grands types d'opérations : les opérations rurales individuelles ou collectives, les opérations urbaines -avec aménagements de villes ou opérations d'animation commerciale- et le FISAC national -aides aux réseaux consulaires et aux syndicats professionnels à monter des actions en faveur du commerce, de l'artisanat et des services et opérations spécifiques, notamment.

C'est la catégorie essentielle sur laquelle nous devons mettre l'accent. La réforme de 2003 a eu pour objet de renforcer les opérations rurales et d'augmenter le taux d'aide dans les quartiers de la politique de la ville. Cependant, un certain nombre d'opérations de villes qui ont été subventionnées -aménagement de parkings ou de voiries- n'ont pas toujours grand-chose à voir avec le commerce et l'artisanat. Nous pensons que les opérations urbaines doivent être resserrées.

Pour ce qui est des opérations du FISAC national, nous avons la même idée. L'évaluation est très difficile lorsqu'un réseau consulaire ou une chambre consulaire décide, en concertation avec nous, de monter un programme d'appui à l'informatisation ou à la modernisation. Les résultats sont ensuite difficiles à évaluer et pas toujours à la hauteur. L'orientation prise notamment pour 2006 est donc de réduire ce volet et de continuer d'augmenter corrélativement le montant des aides en zones rurales et dans les quartiers de la politique de la ville.

Enfin, concernant l'évaluation, il est vrai que l'effet de levier du FISAC est important. Cela étant, nous n'avons pas à ce jour une vision consolidée de l'ensemble des opérations et de l'impact global. Cette évaluation est difficile à conduire. Nous étudions, au moins sur un panel d'opérations, les moyens d'une telle évaluation.

M. le président - On a compris que cela ne devait pas être simple de construire des indicateurs d'efficacité !

La parole est au rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques.

M. Gérard Cornu, rapporteur pour avis - Je ciblerai mon intervention sur le FISAC territorial, notamment concernant les communes de moins de 2.000 habitants.

Il y a deux questions récurrentes : décentralisation ou déconcentration ?

C'est mon rôle de le dire -il faut faire avancer le débat : je suis contre la décentralisation dans ce domaine ! Pourtant, je suis très favorable à la décentralisation d'habitude.

Pour les communes de moins de 2.000 habitants, sauvegarder le dernier commerce est une opération extrêmement lourde.

Je suis maire d'une commune de 700 habitants où la transmission de la boulangerie coûte 180.000 € à la commune. Or, nous n'avons pas envie de la voir partir. Si je n'avais que les 30 % de subvention du FISAC, je ne pourrais rien faire.

Que se passerait-il avec la décentralisation ? Certes, les crédits seraient affectés. Aujourd'hui, le développement économique est plutôt du domaine de la région. Tous les crédits y seraient donc affectés. Aujourd'hui, je peux avoir un peu plus de subventions parce que la région et le département m'aident. Même si on est contre les financements croisés, du moment qu'ils permettent de sauver un dernier commerce, on ne les rejette pas !

Sans le FISAC, on n'aurait pas non plus de subventions de la région ou du département. Cela pénaliserait donc les communes rurales. Cela reviendrait dans le budget global et les communes rurales ne pourraient pas avoir le montant de subventions qui leur permet de sauver leur dernier commerce.

Voilà pourquoi je ne suis pas pour la décentralisation dans ce domaine !

On pourrait réfléchir aussi au problème de la déconcentration. Des efforts ont été faits. On a supprimé la commission nationale -et c'est une bonne chose. La déconcentration, pour moi, va dans le sens de la réactivité et de la rapidité d'instruction des dossiers.

Réactivité signifie aussi instruction des dossiers au fil de l'eau. Si on veut être réactif, il faut prendre les dossiers tels qu'ils viennent. Pour sauver son dernier commerce en milieu rural, il faut être très réactif. S'il s'écoule huit à dix mois, les consommateurs prennent l'habitude d'aller consommer ailleurs et c'en est fini de votre boulangerie !

Cela ne me gêne donc pas que les dossiers soient instruits au fil de l'eau. Vu la faiblesse des montants nationaux -et je rejoins mon collègue Doligé- je crains plus une répartition par région !

S'agissant de la réactivité dans l'instruction des dossiers, il ne faut pas oublier que sur des communes de moins de 1.000 habitants, il n'y a pas toujours de secrétaire de mairie à temps plein. Le maire et le conseil municipal vont donc s'investir. Le dossier financier va obérer les finances communales pour la mandature. Il faut vraiment une volonté politique forte pour aller jusqu'au bout !

En outre, avant de demander les subventions FISAC, il faut une étude de faisabilité économique et financière qui sera réalisée par les chambres de commerce et d'industrie ou des métiers, qui ne travaillent pas pour rien. Elles demandent 750 à 800 euros pour monter le dossier. Celui-ci est instruit pendant 3 ou 4 mois. Vous avez un calendrier de résiliation, vous devez avoir les devis détaillés, l'appel d'offres, etc., le compromis de vente avec le futur acquéreur qui, voyant les délais qui s'allongent, va peut-être se sauver entre temps...

De plus, il faut établir le contrat de bail liant la collectivité territoriale au futur exploitant. C'est un parcours du combattant qui n'est pas à la hauteur des services administratifs d'une commune de moins de 1.000 habitants avec une secrétaire de mairie à mi-temps.

Je suis donc opposé à la décentralisation, favorable à la déconcentration, mais surtout pour la simplification des dossiers, peut-être avec un contrôle a posteriori. Pour sauver son commerce de proximité, il faut être réactif, efficace et rapide. Or, les contraintes liées à l'instruction du dossier ne le permettent pas au maire rural.

De grâce, conservons cette action, extraordinaire pour les communes rurales, qui doit être ciblée pour le maintien du commerce de proximité, sédentaire ou non -je pense ici au véhicule de tournée. C'est ainsi que l'on parvient à maintenir une activité en milieu rural !

M. le président - Voilà un plaidoyer en faveur du FISAC ! Eric Doligé, sollicitant à peine les propos de M. Fleuriot, disait que moins il y avait de crédits, plus cela justifiait l'exercice des responsabilités par le ministre lui-même.

Plus la commune est petite, plus elle fait confiance à l'Etat, avec une sorte de défiance pour les échelons que peuvent constituer le département ou la région.

M. Laurent Fleuriot - On a dit pas mal de choses sur la décentralisation mais, pour nous, il est important de s'assurer que l'on aura un dispositif de soutien sur l'ensemble du territoire. Tel que le mécanisme fonctionne aujourd'hui, sur demande d'entreprises, avec instruction d'un dossier. Nous ne sommes pas sûrs, si nous décentralisons, que le dispositif sera maintenu dans certaines régions.

Je ne parle même pas de la question des financements croisés évoqués par M. Cornu, mais il faudrait, à mon sens, si l'on voulait décentraliser, créer un mécanisme d'obligations extrêmement précis et détaillé pour maintenir le dispositif sur l'ensemble du territoire -et nous pensons qu'il doit être maintenu. C'est pourquoi nous avons une réserve sur ce point.

Quant à la rapidité et à la réactivité, il y a eu, en 2004, un retard énorme sur le traitement des dossiers du FISAC.

En effet, la question de la décentralisation avait été évoquée à l'époque. Finalement, le Gouvernement y a renoncé et nous avons eu 1.700 dossiers à instruire au lieu de 8 à 900 habituellement.

Au 31 janvier, il reste 200 dossiers en stock, 152 au titre de 2005 et 48 au titre de 2006. De ce point de vue, un effort réel a été fait pour résorber cet énorme stock.

Beaucoup d'élus ont écrit l'an dernier pour se plaindre que leur dossier n'avançait pas, mais on a vraiment eu un problème atypique.

Ceci ne diminue pas la valeur de ce qu'a dit M. Cornu sur la réactivité et la complexité des dossiers. Un progrès a été fait en 2004 avec la mise en place d'une fiche d'instruction simplifiée par circulaire de deux pages, qui comprend l'ensemble des éléments destinés aux opérations rurales individuelles.

L'idée est de généraliser ces procédures allégées et ces fiches d'instruction type pour l'ensemble des opérations d'ici à quelques mois.

M. le président - Quel est le montant moyen de l'aide par dossier et combien coûte l'instruction d'un dossier ?

M. Laurent Moquin - Il faut distinguer les opérations rurales et urbaines. Pour les opérations rurales individuelles portées par un entrepreneur, l'intervention du FISAC est de l'ordre de 6 à 7.000 euros par dossier.

M. le président - Combien coûte l'instruction ?

M. Laurent Moquin - Les coûts exposés localement ne sont pas connus. Aujourd'hui, les coûts identifiés représentent à peu près 1 % du coût total des crédits d'intervention. J'inclus dans ce calcul les coûts des personnels de l'administration centrale et les coûts de gestion de l'ORGANIC.

M. le président - Cela fait 60 euros par dossier.

M. Laurent Moquin - On peut le présenter ainsi.

M. le président - Cela rejoint-il les calculs de la Cour ?

M. Bertrand Fragonard - Il faut rapporter le coût total à l'aide individuelle et ne pas globaliser la totalité de l'opération, qui s'échelonne entre 6.000 et 150.000, voire 250.000 euros.

Pour la partie centralisée dont on connaît la nature, c'est de l'ordre de 1.600 euros par dossier.

C'est une problématique que nous rencontrons dans beaucoup d'autres secteurs. Lorsqu'on distribue une aide faible parce que le besoin n'est pas gigantesque, au bout d'un temps, le ratio du coût de l'instruction sur l'aide est significatif. On le voit fréquemment dans le domaine social. Il ne faut donc prendre pas ce ratio comme seul critère.

C'est cependant un indicateur intéressant ; au demeurant, il faut tenir compte des frais d'instruction de l'échelon local, sur lequel nous n'avons aucune visibilité.

M. le président - 1.600 euros pour un dossier de 6.000 euros!

M. Laurent Moquin - J'ai parlé des opérations les plus petites. Si on prend une opération rurale collective, on a un projet qui débouche sur une subvention de 160.000 euros en moyenne. Si l'on prend le coût moyen par dossier, calculé comme l'a fait la Cour, la valeur relative est bien plus faible.

Dans une opération urbaine, en moyenne, la subvention apportée par le FISAC est de l'ordre de 115.000 euros. Il faut apprécier l'ensemble des coûts de gestion : d'une part une petite équipe au niveau central, composée de 8 cadres A et B et d'une secrétaire et des coûts de gestion de l'ORGANIC plafonnés par une convention avec cet organisme à hauteur de 0,3 % des sommes déléguées. Ce sont des coûts de gestion extrêmement raisonnables.

M. le président - Quand on parle d'opération collective en milieu rural pour 160.000 euros, il s'agit en fait d'une opération individuelle ?

M. Laurent Moquin - C'est à la fois une opération destinée à aider individuellement des entrepreneurs à moderniser leur appareil de production, mais aussi à accompagner les dépenses de fonctionnement d'une opération collective de dynamisation du commerce : promotion commerciale, étude de marché qui dépasse le simple marché local de l'entreprise aidée...

M. le président - Quelle fraction de l'ensemble la somme de 115.000 euros par opération représente-t-elle dans les opérations d'urbanisme ?

M. Laurent Moquin - Sachant que le taux de subvention maximum est de 50 % pour les dépenses de fonctionnement exposées dans une opération et de 20 % pour les dépenses d'investissement, que dans les opérations urbaines, les dépenses d'investissement constituent la part la plus importante, approximativement, on peut dire que le taux de subvention est de l'ordre de 15 %.

M. le président - Rapporté à l'ensemble du projet, ce n'est pas significatif. C'est commode pour les maires d'équilibrer l'opération mais, en termes d'impulsion, c'est à mon avis dérisoire !

M. Laurent Moquin - Je ne peux parler que les que des sommes éligibles. Si le projet est présenté par la collectivité comme une partie de l'opération, l'évaluation ne peut être faite.

M. le président - Il y a toute une ingénierie sur le terrain mais, en définitive, cela fait des pourcentages dérisoires.

M. Laurent Moquin - Lorsque le FISAC intervient dans les zones de la politique de la ville, les taux sont majorés. Notamment en matière d'investissements, on peut aller jusqu'à 40 % des investissements réalisés par les collectivités. C''est un apport financier extrêmement important pour la réalisation des opérations.

M. le président - La parole est aux commissaires.

M. Jean-Jacques Jégou - Le recours à l'ORGANIC est-il toujours indispensable, voire nécessaire ?

M. Laurent Fleuriot - Le FISAC a été rebudgétisé dans le cadre de la LOLF en 2003, en anticipant son entrée en vigueur.

Le Parlement a à ce moment décidé explicitement que la gestion du dispositif restait confiée à l'ORGANIC. Il est apparu que les contrôles qui pouvaient être exercés sur l'ORGANIC était de très bonne qualité, pouvaient s'exercer sans difficulté et que l'ORGANIC donnait une souplesse et une rapidité de gestion incomparable.

Quand une décision d'attribution du FISAC est prise, il peut se passer de nombreux mois avant que la collectivité ou l'entrepreneur ne présentent les factures.

Le système de l'ORGANIC permet de tenir compte de ces décalages et de payer très rapidement les factures quand elles sont présentées, mais aussi d'attendre leur présentation effective et de gérer les retards éventuels.

Mme Nicole Bricq - La LOLF est faite pour assurer une grande souplesse de gestion, notamment avec la fongibilité. On pourrait donc se poser la question de la réinternalisation de la gestion. C'est une nouveauté par rapport à 2003.

Par ailleurs, je n'étais pas élue au moment de la saisine ; la Cour n'a traité que les opérations locales et a écarté les opérations nationales. Pourquoi ?

En second lieu, la Cour ne fait pas d'observations particulières sur le changement de périmètre intervenu en 2003, qui a entraîné de nouvelles modalités de répartition des crédits.

Enfin, concernant les taux de survie des entreprises à trois ans, lors du débat sur la loi PME, on avait fait observer que c'était souvent au-delà qu'il y avait un vrai problème. Je m'interroge donc sur la pertinence de cet indicateur.

M. le président - Vous étiez déjà élue lorsque l'enquête à été demandée à la Cour, début 2005 !

Mme Nicole Bricq - Je ne l'ai pas suivie.

M. Bertrand Fragonard - Pour ce qui est de la procédure, le Sénat exprime un certain nombre de préoccupations et, par des échanges réguliers, nous essayons de préciser notre programme de travail pour satisfaire aux demandes du Sénat.

En tout état de cause, le FISAC aurait été inscrit au programme de la Cour. La demande du Sénat a précipité une investigation qui aurait normalement eu lieu, compte tenu du fait qu'il s'agit de crédits qui ne sont pas totalement négligeables.

Je ne pense pas que nous ayons oublié de traiter le FISAC national.

S'agissant des indicateurs de performance, je comprends la perplexité des administrations qui les gèrent. C'est très difficile à établir. Ceux qui sont envisagés sont les plus crédibles. La grande difficulté réside dans le fait que l'on ne sait pas si les entreprises ont réussi parce qu'elles ont eu une aide ou s'il s'agit d'un effet d'aubaine.

S'il y avait une corrélation négative, ce serait fâcheux. Quand la corrélation est positive, elle est difficile à interpréter. Néanmoins, on finit par préciser les choses par des analyses de type régressif.

Nous pensons qu'il est opportun que le ministère aille dans le sens des études déjà engagées. Nous croyons même que la vraie plus-value de l'administration centrale est de faire des analyses de ce type sur le taux de cofinancement par les collectivités locales, des évaluations. C'est bien la vocation-mère des administrations centrales.

M. le président - Une entreprise aidée réussit en général mieux qu'une entreprise qui ne l'est pas, mais faut-il aider tout le monde ? Seuls les plus malins arrivent-ils à se faire aider ? Il est assez complexe de mesurer la performance.

M. Laurent Fleuriot - Pour en revenir à la question des indicateurs, il est exact que l'indicateur LOLF a été bâti sur trois ans. Cela étant, l'enquête porte aussi sur un taux de survie à cinq ans, sensiblement plus significatif. Il est de l'ordre de 94 ou 95 %, ce qui est très satisfaisant.

Concernant les opérations nationales, il est vrai que celles-ci étaient dans le champ de l'étude, mais je crois avoir indiqué que nous avions nous-mêmes des questions sur un certain nombre d'opérations nationales et que notre idée était plutôt de cibler les opérations territoriales les plus utiles.

M. Jean-Loup Arnaud - Concernant le changement de périmètre intervenu en 2003, la Cour a constaté que cet élargissement conduisait à rendre l'évaluation d'autant plus difficile.

Comme l'a rappelé M. Laurent Fleuriot, les opérations nationales, qui représentent près de la moitié du nombre des crédits -campagnes de communication pour le commerce de proximité, plans de dynamisation du commerce urbain de proximité, etc.- sont très difficiles à évaluer.

L'élargissement n'a pas conduit pour le moment la Cour à juger que ceci conduisait à plus d'efficacité. Autant sur les opérations rurales, qui sont une des raisons de la justification de ce recentrage, on peut avoir une certaine appréhension, sur les autres, c'est beaucoup plus difficile. Le jugement de la Cour est donc plutôt réservé.

M. Eric Doligé - J'ai dû faire cinq ou six opérations financées par le FISAC. Cela présente beaucoup d'avantages et donne de bons résultats directs et indirects, mais il faut vraiment avoir la foi pour monter ces opérations.

Cela a l'avantage de rassembler les gens et d'essayer de convaincre qu'il faut moderniser et se mettre autour d'une table, mais le travail est considérable. Il faut réunir chambres consulaires, mairies, intercommunalités, département, région, préfet, DRCA, ministre, etc. C'est d'une complexité terrible pour des sommes relativement modestes individuellement. Il faut donc se poser la question du coût et de l'efficacité.

J'en reviens à la décentralisation ou à la déconcentration. Il est difficile d'avoir un jugement à l'emporte-pièce et de dire ce qui est le mieux. Je constate que la peur de l'organisme centralisateur est qu'on ne le fasse plus.

C'est un risque politique de la décentralisation locale. Chacun prend ses responsabilités. C'est le vrai problème de fond de la décentralisation : jusqu'où peut-on déléguer ? Dans le monde rural, on nous apporte 5 % du financement du sport et 2 % de la culture. Quand nous constatons le cheminement et le nombre de personnes qui s'en occupent, nous nous posons quand même des questions ! Faut-il prendre le risque de décentraliser et que la politique soit abandonnée ? C'est la question.

Je m'inquiète de voir l'empilement du nombre d'échelons qu'il faut franchir face à la faiblesse des crédits mis en oeuvre. Par rapport au temps passé et au nombre de dossiers, au final, le delta n'est pas élevé. On n'a jamais fait d'analyse, ni de calcul. Peut-être la LOLF, dans 30 ou 40 ans, nous permettra-t-elle d'aller au bout de cette réflexion.

M. Gérard Cornu - Il ne faut pas comparer le culturel et le sportif, qui sont de nature différente. En matière de sauvegarde du commerce, on s'adresse au privé, alors que pour le culturel ou le sportif, cela relève plus de la collectivité.

Ce n'est pas tout à fait de même nature et on peut très bien comprendre qu'une région, par rapport aux enjeux de territoire, puisse ne pas être intéressée par la sauvegarde du petit commerce en milieu rural.

Il y a eu deux lois sur les PME ; j'ai eu l'honneur d'être le rapporteur de la dernière. Elles ont accentué l'effort en matière de transmission d'entreprises. La problématique, notamment en milieu rural, repose sur les normes sanitaires pour le commerce de bouche. On a fait des efforts considérables au plan national, mais au plan local, la transmission n'est pas aisée, car la mise aux normes coûte très cher et dissuade le repreneur potentiel dans les zones de chalandise faible. En ville, où la zone de chalandise est forte, il y a moins de problèmes.

C'est une question d'aménagement du territoire et je considère que c'est le premier rôle d'un ministère comme celui du commerce et de l'artisanat que d'avoir une politique en faveur de ce secteur.

M. Philippe Dallier - A la dernière page, je constate que la Seine-Saint-Denis, entre 1992 et 2004, a bénéficié de 4 millions d'euros de crédits et l'Ille-et-Vilaine de 12 millions d'euros. Je ne doute pas qu'il y ait en Ille-et-Vilaine des problèmes liés au commerce, mais je peux vous garantir qu'il y en a en Seine-Saint-Denis et je suis assez étonné et même catastrophé de cet écart.

On s'interroge sur ce que l'on peut financer comme opération. En Seine-Saint-Denis, j'ai monté des opérations avec réhabilitation du centre-ville. On a fait subventionner de la voierie, du stationnement, etc.

Je trouve en outre que les commerçants des quartiers difficiles sont très peu informés des possibilités et que les chambres consulaires communiquent très mal. On est tous les jours contacté par des commerçants confrontés à des problèmes de mise aux normes et très peu savent ce qu'il est possible de faire !

Mme Nicole Bricq - Les crédits concernant la politique de la ville figurent-ils dans cette page ?

M. Laurent Moquin - Le tableau évoqué ici ne présente que des opérations initiées par le niveau local. L'une des explications des chiffres que vous avez cités se trouve dans le dynamisme des pays bretons qui ont mené des politiques dynamiques en faveur du soutien du commerce et de l'artisanat, ce qui explique que les départements bretons aient reçu beaucoup de subventions.

Néanmoins, pour les départements urbains dans lesquels la politique de la ville se développe, le FISAC va intervenir davantage ; au dernier comité interministériel des villes, il a été décidé d'augmenter encore le taux d'intervention pour commerces individuels, et ceci sans préjudice de l'accroissement des moyens de l'Etablissement public national d'aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux (EPARECA).

M. Laurent Fleuriot - Dans les zones en difficultés, les ZUS en particulier, il y avait déjà un taux de subventionnement particulièrement élevé qui pouvait atteindre 80 % des dépenses de fonctionnement.

En second lieu, on a autorisé la prise en charge des dépenses dites de sécurité depuis 2003 ; ce n'est pas négligeable lorsqu'il s'agit d'installer un rideau de fer ou autres dépenses assez coûteuses, ceci pour les opérations individuelles.

Troisième point : nous dotons l'EPARECA d'une nouvelle enveloppe significative dans le cadre du plan banlieue annoncé par le Premier ministre. Nous pensons que l'EPARECA a un vrai rôle à jouer dans ces zones difficiles.

En effet, beaucoup de petits centres commerciaux des années 60-70 sont dégradés. L'EPARECA est capable de les réhabiliter complètement et d'y remettre de la vie. Nous pensons que ce sont des opérations structurantes intéressantes. On a prévu de tripler la capacité d'intervention de l'EPARECA dans les trois années à venir.

Enfin, le dernier porte sur l'accroissement du taux pour les opérations collectives, ainsi que l'a souligné M. Moquin.

M. Laurent Moquin - L'aide individuelle aux entreprises sera majorée et il ne sera plus fait obligation aux collectivités territoriales d'apporter une aide égale à celle apportée par l'Etat.

On pense que les opérations collectives vont pouvoir se mener avec des plans de financement plus adaptés.

M. François Marc - La Bretagne semble être bénéficiaire du dispositif depuis 1992. On ne peut que s'en réjouir, puisque cela suggère des dynamismes à la source.

En ce qui concerne le montage des dossiers et l'appréhension globale des opérations, quelle attitude a-t-on aujourd'hui par rapport à la dynamique de l'intercommunalité ou des pays ?

J'ai cru comprendre que le montage des dossiers devrait pouvoir se faire grâce aux transferts de compétences et aux intercommunalités en charge de l'action économique locale.

L'intercommunalité et les pays ne sont-ils pas l'interlocuteur naturel de l'Etat ? Ceci est-il pris en considération ?

M. le président - Lorsque la commune doit se surpasser pour mener à bien un dossier, peut-on palier la difficulté par l'intercommunalité ? L'intercommunalité intervient-elle souvent ? Sans doute pour les opérations collectives...

M. Laurent Fleuriot - L'expérience montre que ce sont principalement les communes qui interviennent parce qu'elles ont la meilleure approche des petits dossiers.

Cela dit, il n'y a aucun problème pour que les intercommunalités interviennent lorsqu'elles veulent monter une opération.

Il faut ensuite voir, entre commune et intercommunalité, qui porte le projet ; de ce point de vue, il n'y a en pas eu beaucoup jusqu'ici. Ce sont plutôt les communes qui les portent encore aujourd'hui, mais il n'y a pas de consigne particulière, à mon sens, à donner sur ce sujet.

M. Gérard Cornu - Je suis en intercommunalité. Le développement économique est bien ciblé. C'est un développement économique d'une zone d'activités. On pourrait l'étendre à tous les commerces de centre-bourg, etc., mais les statuts de l'intercommunalité ne le prévoient pas de façon obligatoire.

Nous n'avons pas compris l'aide aux commerces de proximité dans nos statuts, certains ne voulant pas aider telle ou telle commune, pour des raisons de concurrence qui n'étaient pas faciles à régler. C'est peut-être pourquoi ils n'y a pas beaucoup de dossiers intercommunaux.

M. le président - Cette audition touche à sa fin et nous allons pouvoir dresser un état des lieux. Cette étude s'est avérée fort utile ; elle nous permet de mettre en évidence le dynamisme et l'opiniâtreté de ceux qui sollicitent cette aide. L'épreuve à laquelle ils sont confrontés lorsqu'ils la mènent à bien est un signe d'excellence qui les qualifie ensuite pour la réussite. Ce sont moins les enjeux financiers que le sursaut d'énergie qu'ils manifestent ainsi.

Il m'est souvent arrivé de penser que le commerce et l'artisanat était moins une question d'argent que de commerçants et d'artisans.

Il ne suffit pas de faire une boulangerie financée sur les fonds municipaux avec l'aide de l'Etat ; tout va dépendre du professionnalisme, du courage, de l'enthousiasme du boulanger et du sourire de la boulangère.

Or, on a souvent un déficit de candidats. Il faut presque aller chercher les gens pour qu'ils acceptent d'être commerçants ou artisans. La réussite va largement dépendre de la qualité des personnes.

Il va falloir essayer d'y voir plus clair dans la gestion du FISAC. Il n'est pas inintéressant d'avoir des répartitions par région et département, de bien sérier ce qui relève de l'aide aux commerçants et artisans en milieu rural de ce qui relève des actions en faveur de l'urbanisme. Je souhaite que l'on s'en donne les moyens.

Chez M. Dallier, quand on a recours au FISAC, qu'est-ce que cela représente par rapport à l'investissement global ?

M. Philippe Dallier - Cela remonte à quelques années, je n'ai plus les chiffres en tête.

M. le président - Celui qui monte le projet se demande où il va trouver de l'argent. Il fait l'inventaire de tout ce qui existe, mais il n'y a pas grand-chose de déterminant.

Voilà comment on en arrive à une sur-administration et à une réforme de l'Etat qui n'aboutit pas. On a les mêmes problématiques dans nos départements et dans les régions. Il y a beaucoup de monde le jour de l'inauguration, avec cinq ou dix discours de gens intervenus dans le financement, mais souvent pour des sommes dérisoires.

Cela relève plus d'une démarche de partenariat politique que de véritables impulsions. On est là dans un exercice qui n'est pas forcément celui de l'efficience administrative. Il faut que l'on essaye de recadrer tout cela et de distribuer les aides du FISAC au regard de l'ensemble des opérations. Certains montages financiers font que l'on soumet au ministre un petit bout du dossier, mais il n'a pas l'ensemble, celui qui monte le dossier étant un expert qui sait comment arranger les morceaux du puzzle.

M. Jean-Jacques Jégou - Je viens de bénéficier d'une aide du FISAC, dans le cadre de l'aménagement politique de la ville, pour la restructuration d'un marché couvert et la construction d'un parking souterrain en centre-ville, afin de faire en sorte que le petit commerce trouve des clients qui puissent se garer et de remettre aux normes un marché qui ne l'était plus. J'ai bénéficié de 400.000 euros -alors que j'avais le droit à 800.000 euros- pour une opération de 8 millions d'euros.

J'en suis très heureux, mais c'est relatif par rapport à ce que disent nos amis des villes rurales. Il y a un plafonnement des subventions.

Ce n'est pas le facteur déclenchant, mais c'est utile. La taxe du FISAC est prélevée sur des hypermarchés, des gens qui nous sucent le sang. On pourrait éventuellement avoir plus d'aides dans les villes de la région parisienne. Il est sûr que nous sommes très demandeurs.

M. le président - A chaque fois que vous mettez une taxe supplémentaire sur la grande distribution, elle le répercute un peu plus sur ses fournisseurs.

M. Jean-Jacques Jégou - Notre problème est de garder les centres-villes dans nos villes périphériques pour qu'il y ait une vie dans nos communes.

M. le président - La question est de savoir sur quel périmètre géographique on organise le commerce : 36.000 espaces géographiques ou des zones de chalandise un peu plus larges que le territoire communal ?

M. Jean-Jacques Jégou - Je voudrais insister sur un point qu'a abordé Philippe Dallier concernant la méconnaissance des petits commerces de la possibilité d'être aidés par le FISAC à se mettre aux normes et leur incapacité, parfois, à imaginer qu'ils peuvent faire financer une part de leurs investissements et de leurs magasins, quelquefois peu attractifs pour les consommateurs.

Nous éprouvons, nous, élus, beaucoup de frustrations en matière de chambres de commerce. On se rend en effet compte que les commerçants n'ont aucune information.

M. le président - ... Ainsi qu'à propos du fonctionnement des délégations régionales au commerce et à l'artisanat (DRCA) !

Avez-vous des mesures de performance, Monsieur le directeur du cabinet du ministre ? Les DRCA fonctionnement-elles bien ? Il y a maintenant des chambres régionales des métiers et des chambres régionales du commerce. Pour ce qui est de l'empilement d'institutions, cela a plutôt bien fonctionné. Il y a du monde pour entretenir des dialogues de ventriloque, mais cela ne transpire pas ! Bien souvent, les acteurs économiques eux-mêmes ne sont pas dans le coup !

Ils se réunissent entre représentants des chambres de métiers, des chambres de commerce. Il y a un press-book pour dire qu'ils font quelque chose, mais ce n'est pas forcément le signe de la capacité à faire vivre un réseau efficacement.

M. Laurent Fleuriot - J'ai été surpris d'apprendre qu'une chambre consulaire a demandé 700 euros pour monter un dossier. Je trouve cela discutable !

M. le président - Toutes les chambres consulaires le font, les chambres d'agriculture également.

M. Laurent Fleuriot - Monsieur Dutreil présente en ce moment même en conseil des ministres un décret qui applique la réforme des chambres de commerce et d'industrie. Nous avons initié une réforme en 2002-2003 qui vise à concentrer un peu le réseau des chambres de commerce et d'industrie et à le doter progressivement de référentiels de qualité sur ses différentes missions. Ceci est inscrit expressément dans le projet de loi et nous allons le décliner.

Nous voulons rendre l'action des chambres de commerce et d'industrie plus lisible, les mettre sous assurance qualité -beaucoup ne le sont pas- pas le biais de ces référentiels et viser à une relative concentration du réseau.

Le problème de l'empilement de petites strates de subventions venant de diverses sources, dont une petite partie pour le FISAC, rejoint les préoccupations du ministre des PME. Nous avons plutôt dans l'idée d'augmenter les taux de subventionnement et de les réserver à un certain nombre d'opérations bien définies, notamment rurales.

Quand on met 5 ou 10 % de subvention dans une énorme opération, cela n'a pas beaucoup d'intérêt. En 2003, on a revalorisé certains taux de subvention avec l'idée de cibler davantage l'intervention de l'Etat.

M. le président - Bien souvent, les subventions faussent le marché. Si c'est subventionné, il est probable que le banquier en profitera pour ne pas faire d'effort particulier sur les taux d'intérêt ou sur les frais de montage de dossier. Si c'est bien subventionné, les chambres des métiers en profiteront pour développer une activité, recruter trois collaborateurs supplémentaires ou en reconvertir quelques-uns pour monter les dossiers.

Si les subventions sont vraiment à la marge, cela ne détermine pas une action. L'intervention publique n'a donc pas d'intérêt.

En revanche, quand le taux est significatif, cela peut répondre à une volonté politique et, en ciblant bien, on a incontestablement une plus grande efficacité.

Il y a le milieu rural et il y a les actions urbaines. Il faudrait qu'on y réfléchisse à nouveau parce qu'il y a d'autres lignes de financements. Il faut avoir à l'esprit la simplification de l'architecture étatique, car si nous voulons que le commerce soit efficace, il faut que les prélèvements obligatoires puissent baisser. Or, ils ne le pourront pas si, à chaque fois que l'on monte une opération, on génère de la sur-administration et des complications de tous ordres. C'est contradictoire.

La répartition d'argent pour faire face à des situations n'a pas grand-chose à voir avec le FISAC. Quand vous allez donner un coup de main aux artisans et commerçants réunionnais à propos de l`épidémie de chikungunya, cela n'a rien à voir. Cela pourrait aussi bien être de la responsabilité du ministère des DOM-TOM.

Comment allez-vous financer les 30 millions d'euros ? C'est un redéploiement ?

M. Laurent Fleuriot - Le FISAC a été choisi parce que c'était le dispositif le plus adapté.

M. le président - C'est comme le Centre national pour l'aménagement des structures des exploitations agricoles (CNASEA) : c'est commode ! Le FISAC et le CNASEA, c'est un peu la même chose de ce point de vue.

M. Guilhem Blondy - Il s'agit d'un décret d'avance financé intégralement par redéploiement.

M. le président - Qu'est-ce que cela représente à l'intérieur du FISAC ? Globalement, le FISAC va-t-il être doté de 30 millions d'euros supplémentaires ?

M. Laurent Fleuriot - Oui.

M. le président - Cela ne remet donc pas en cause les autres actions.

M. Laurent Fleuriot - Il y a 36.000 entreprises à la Réunion dont, pensons-nous, un nombre conséquent entre dans les critères du FISAC.

M. le président - C'est vraiment de la pulvérisation ! Je doute de l'efficacité !

M. Laurent Fleuriot - Les premières évaluations de diminution du chiffre d'affaires et des résultats laissent penser qu'entre 20 et 40 % d'entreprises seront touchées au maximum -plutôt de l'ordre de 20 %- avec une réduction du chiffre d'affaires qui pourrait aller jusqu'à 20 ou 30 %, à l'exception du secteur de l'hôtellerie, qui est couvert par le fonds de secours des DOM-TOM.

M. le président - M. Doligé se réjouit déjà du contrôle qu'il fera ! Nous avons une foi profonde dans la LOLF. Elle peut contribuer à notre salut collectif.

Merci à chacun.

Ceux qui se sont exprimés seront invités à relire la transcription de leurs propos et éventuellement à la corriger.

Je note que la commission est unanime pour demander la publication de cette très intéressante audition pour suite à donner.

La séance est levée à 11 heures 35.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page