B. UNE PRIORITÉ DONNÉE À LA LIBÉRALISATION DU MARCHÉ EUROPÉEN DU GAZ ET DE L'ÉLECTRICITÉ

1. Une ouverture à la concurrence par étapes

La logique des deux directives initiales de 1996 et 1998 était de libéraliser la demande , afin de stimuler la concurrence au niveau de l'offre. Effectivement, si les consommateurs ne sont pas autorisés à changer de fournisseur, l'offre ne peut pas être créée et se structurer.

La concurrence a été introduite de manière progressive et restreinte, en fixant des seuils de libéralisation de la demande. Cela s'est traduit concrètement par le droit accordé à certains clients, dits « éligibles », de choisir leurs fournisseurs d'électricité ou de gaz, tandis que d'autres clients, dits « captifs », ne disposent pas de cette liberté et demeurent soumis à la nécessité de se fournir auprès de leurs fournisseurs habituels.

La directive électricité de 1996 prévoyait trois étapes de libéralisation de la demande, sur une période de six années (1997-2003) :

- ouverture de 27 % du marché en février 1997 ;

- ouverture de 30 % du marché en février 2000 ;

- ouverture de 35 % du marché en février 2003.

La directive gaz de 1998 prévoyait trois étapes de libéralisation de la demande, sur une période de dix années (2000-2008) :

- ouverture de 20 % du marché en août 2000 ;

- ouverture de 28 % du marché en août 2003 ;

- ouverture de 33 % du marché en août 2008.

Les seuils minimaux d'ouverture de la demande fixés par les directives de 1996 et 1998 ont été largement dépassés par la plupart des États membres. Dès 2000, le seuil d'ouverture moyen pour le marché européen de l'électricité était de l'ordre de 66 %. Pour le gaz, il atteignait 79 %.

La grande majorité des États membres est donc allée beaucoup plus loin et beaucoup plus vite que ce qui était prévisible au moment des négociations.

Le Royaume-Uni et l'Allemagne avaient déjà dès 2000 totalement ouvert leur marché du gaz, l'Espagne l'envisageait pour le 1 er janvier 2003, l'Autriche, l'Italie et les Pays-Bas pour 2004 et, au total, neuf États membres se sont fixé cet objectif pour l'année 2008.

En ce qui concerne l'électricité, la Finlande, la Suède, le Royaume-Uni et l'Allemagne avaient déjà opté dès 2000 pour une ouverture complète, alors que six autres États membres entendaient le faire à court ou moyen terme : Autriche, Belgique, Danemark, Irlande, Pays-Bas et Espagne.

Cet état de fait a encouragé la Commission à proposer d'achever rapidement l'ouverture complète du marché européen de l'énergie.

Les directives 2003/54/CE concernant les règles communes pour le marché intérieur de l'électricité et 2003/55/CE concernant les règles communes pour le marché intérieur du gaz, du 26 juin 2003, prévoient le calendrier suivant d'ouverture du marché :

- jusqu'au 1 er juillet 2004, les clients éligibles visés par la directive de 1996 ;

- à partir du 1 er juillet 2004, tous les clients non résidentiels ;

- à partir du 1 er juillet 2007, tous les clients.

La libération quantitative de la demande d'électricité et de gaz s'est accompagnée d'une restructuration de fond en comble du secteur de l'énergie.

L'organisation mise en place par les directives de 1996 et 1998 distingue les fonctions de production d'électricité et de transport d'électricité (sur des lignes à haute tension) ou de gaz (via des gazoducs à haute pression) ; de distribution d'électricité (sur des lignes à moyenne et basse tension) ou de gaz (via des réseaux locaux ou régionaux de gazoducs) ; de stockage dans le cas du gaz ; de fourniture d'électricité et de gaz.

Historiquement, ces différentes fonctions ont très souvent été intégrées au sein d'une ou de quelques entreprises opérant sur leur marché national respectif. L'arrivée de nouveaux concurrents peut se heurter à des problèmes de discrimination au profit des opérateurs historiques. L'objectif du droit communautaire est de proscrire ces discriminations, en ouvrant à la concurrence les deux extrémités de la chaîne, c'est-à-dire la production et la fourniture d'énergie.

En revanche, les fonctions médianes de transport et de distribution ne peuvent être concurrentielles, car il s'agit de monopoles naturels . En effet, il serait économiquement peu rationnel de dédoubler les lignes électriques et les gazoducs existants. Le cadre réglementaire communautaire prévoit toutefois un mécanisme d'accès des tiers au réseau qui permet, sous la surveillance de « régulateurs nationaux », de s'assurer que les gestionnaires de réseau agissent de manière non discriminatoire.

La faculté pour les États membres d'imposer des obligations de service public aux opérateurs du marché de l'électricité et du gaz a par ailleurs été préservée.

Trois bourses européennes ont été lancées pour réguler le marché : Nord Pool en Scandinavie ; European Energy Exchange (EEX) en Allemagne ; Powernext en France. Toutefois, l'absence d'interconnexions suffisantes entre les différents pays membres de l'Union européenne freine la montée en puissance d'un véritable marché.

Dans les faits, les marchés nationaux restent largement monopolistiques . En Allemagne, où le marché est totalement ouvert depuis 1998, quatre groupes contrôlent les 4/5 ème de la production, et seuls 5 % des ménages ont effectivement changé de fournisseur. En Espagne, où la vente d'électricité est libre depuis 2003, aucun nouvel opérateur n'a encore pu pénétrer le marché. En Italie, le premier opérateur contrôle 50 % d'un marché libéralisé à 80 %. En France, bien que 70 % des marchés soient théoriquement ouverts à la concurrence depuis le 1 er juillet 2004, au 1 er juin 2005, Gaz de France détient encore 82 % du marché du gaz et EDF 86 % du marché de l'électricité.

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