II. LA GESTION DU DILEMME PUBLICATION / PROTECTION DES RÉSULTATS

La publication est un élément majeur dans la carrière des chercheurs. Or elle peut entrer en opposition avec les politiques de valorisation dans la mesure où une fois la publication réalisée, les travaux concernés par celle-ci ne peuvent plus faire l'objet d'une protection particulière.

Cette réalité, conjuguée en France à des statistiques insatisfaisantes en matière de dépôt de brevet et de licence, a conduit à la mise en place d'incitations financières importantes dans le cas où le chercheur choisit de valoriser sa recherche. Si l'intéressement financier peut être un élément de dynamique, il apparaît cependant que la modification des critères d'évaluation d'un chercheur soit tout aussi essentielle.

A. LES INCITATIONS FINANCIÈRES

L'intéressement financier des chercheurs aux produits issus de leur recherche présente, dans son principe, plusieurs avantages :

- il est de nature à augmenter la prise en compte des applications futures par le chercheur dès le stade de ses recherches ;

- il peut augmenter la motivation des équipes ;

- il est vecteur de fonds supplémentaires aux laboratoires.

1. L'intéressement du chercheur

L'intéressement des chercheurs aux résultats de leurs travaux fait l'objet d'un régime favorable en France depuis 2001. Le décret du 13 février 2001 a en effet porté à 50 % le complément de rémunération versé à l'agent sur les sommes perçues chaque année par l'entité qui a déposé le brevet, dans la limite de son traitement annuel brut et à 25 % au-delà. Ce décret a revalorisé l'intéressement des chercheurs dont le complément de rémunération avait été initialement fixé par le décret du 2 octobre 1996 à 25 % des revenus.

Ce régime est plus intéressant que dans d'autres pays. En effet, en Allemagne, ce taux est de 30 %, aux Etats-Unis de 28,3 %, en Israël de 40 %.

2. La prime au dépôt de brevet instituée par le décret du septembre 2005

Dans le cadre du plan « Innovation » présenté en 2003 par Mme Claudie Haigneré, alors ministre de la recherche, a été proposée une prime individuelle ainsi qu'une prime « environnement » pour le dépôt et la licence industrielle du brevet. Ces incitations financières complétaient les autres mesures destinées à améliorer la valorisation de la recherche par les entreprises.

Deux primes étaient ainsi prévues :

- d'une part, une prime individuelle accordée aux inventeurs physiques des organismes de recherche publique et des universités dans la mesure où l'activité inventive est liée à l'activité principale de recherche. Les modalités envisagées correspondaient au versement d'une première partie de la prime lors du dépôt du brevet et d'une seconde partie (à hauteur de 75 %) lors de la licence ou du contrat de cession de brevet ;

- d'autre part, une prime « environnement » versée pour chaque établissement d'enseignement supérieur et de recherche en fonction du nombre de brevets déposés et licenciés à une entreprise chaque année ; cette prime devant être reversée à l'équipe ou au laboratoire concerné.

Le décret portant création de la prime individuelle a été publié le 26 septembre 2005 17 ( * ) .

Ce décret ajoute à la prime d'intéressement, une prime au brevet d'invention, dont le montant a été fixé à 3.000 euros par l'arrêté du 26 septembre 2005 fixant le montant de la prime au brevet d'invention attribuée à certains fonctionnaires et agents de l'Etat et de ses établissements publics auteurs d'une invention 18 ( * ) .

Cette prime est selon les termes du décret « versée en deux tranches . Le droit au versement de la première tranche, qui représente 20 % du montant de la prime, est ouvert à l'issue d'un délai d'un an à compter du premier dépôt de la demande de brevet . Le droit au versement de la seconde tranche est ouvert lors de la signature d'une concession de licence d'exploitation ou d'un contrat de cession dudit brevet ».

Le premier versement, soit 600 euros, est donc accordé avant même qu'il n'y ait de retour financier. Ce dispositif appelle plusieurs critiques :

- d'abord, il renchérit le coût du brevet, alors même que le financement des dépôts de brevets se révèle problématique dans la plupart des établissements ;

- ensuite, c'est un encouragement en faveur de la quantité et non de la qualité ;

- enfin, le décret omet la prime « environnement, » qui était selon votre rapporteur spécial la prime la plus intéressante.

Il souhaiterait donc que le ratio soit revu afin que le versement ne prenne en compte que les différents modes d'activation du brevet. Dans cette perspective, il vous propose que le versement de cette prime soit également possible lorsque le brevet accompagne la création d'une start-up, c'est-à-dire lorsque l'université, par exemple, apporte le brevet au capital de la société.

* 17 Décret n° 2005-1217 du 26 septembre 2005 relatif à la prime d'intéressement et à la prime au brevet d'invention attribuées à certains fonctionnaires et agents de l'Etat et de ses établissements publics auteurs d'une invention et modifiant le code de la propriété intellectuelle.

* 18 Publié au JO n° 227, 29 septembre 2005.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page