C. UN AMORTISSEMENT PARASITÉ PAR UN ÉTAT IMPÉCUNIEUX

L'estimation de la dette amortie par la Cades est, au 31 décembre 2005, d'environ 29 milliards d'euros (29,263 exactement).

Selon les prévisions de la Caisse, ce montant atteindrait 39,5 milliards d'euros en 2009, année initialement prévue, dans l'ordonnance de 1996, pour constituer le terme de l'activité de la Cades. Au 31 décembre 2009, toutes choses égales par ailleurs, la dette restant à rembourser s'élèverait encore à 69,2 milliards d'euros .

Dans sa rédaction initiale, l'ordonnance de 1996 prévoyait un apurement de la dette sociale sur treize ans et un mois, soit jusqu'en 2009.

La réouverture de la « boîte » Cades, une première fois en 1998, a conduit à repousser à 2014 l'horizon de la fin des remboursements.

La loi n° 2004-810 du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie précitée a fait disparaître ce terme, le remplaçant par une formule prévoyant prudemment que la Caisse restera en place « jusqu'à l'extinction » de ses missions d'apurement de la dette sociale.

Le tableau ci-après permet de visualiser les conséquences résultant d'une part de l'instrumentalisation de la Cades au profit de la gestion budgétaire de l'Etat, d'autre part de l'élargissement continu des missions dévolues à la Caisse, au cours de ses dix premières années d'existence.

Affectation des ressources de la Cades

(en millions d'euros)

Années

Ressources (CRDS + Immobilier)
(1)

Versements (Etat-Séc.sociale) (2)

Intérêts
versés
(3)

Résultat

(4)

Fraction des ressources affectable aux amortissements
(4)/(1)
en %

1996

3.211

1.906

1.024

- 179

s.o.

1997

3.883

1.906

974

1.001

25,8

1998

4.261

1.906

1.586

538

12,6

1999

4.280

1.906

1.524

1.074

25,1

2000

4.504

1.906

1.462

1.138

25,3

2001

4.579

1.852

1.560

1.169

25,5

2002

4.805

3.000

1.433

227

4,7

2003

4.760

Etat

3.000

1.432

- 987

s.o.

S.S.

1.283

2004

4.896

Etat

3.000

1.554

- 752

s.o.

S.S.

1.097

2005

5.181

3.000

2.548

- 367

s.o.

2006 (p)

5.315

0

3.000

2.315

43,6

2007 (p)

5.501

0

3.150

2.351

42,7

2008 (p)

5.694

0

3.050

2.644

46,4

2009 (p)

5.893

0

2.950

2.943

49,9

Source : Cades

Ce n'est qu'en 2009 que, pour la première fois depuis la création de la Cades, le montant du résultat prévisible, affecté à l'amortissement des emprunts contractés, pourrait équilibrer à peu près le versement des intérêts.

Depuis 1996, le compte de résultat de la Caisse a en effet été grevé par des charges d'intérêt en forte augmentation ainsi que par des versements obéissant à des impératifs définis par l'Etat qui sont venus perturber le bon déroulement de la procédure d'amortissement des emprunts levés par la Cades, provoquant, contre toute logique, une baisse de la part affectée à cet amortissement, alors que cette part aurait dû s'accroître au fil des ans :

des charges d'intérêt en forte augmentation : d'un montant d'environ 1 milliard d'euros par an au début, elles sont passées à environ 1,5 milliard d'euros après la réouverture de 1998, puis à un étiage de 3 milliards d'euros après les dernières réouvertures de 2004-2006 ; cette progression constante ne s'explique que par l'accroissement spectaculaire de la masse d'emprunts à amortir, dans un contexte, rappelons-le, de baisse générale des taux proposés par le marché ;

des versements obéissant à des impératifs définis par l'Etat : le versement d'une soulte totale de 23,38 milliards d'euros au titre du remboursement de l'emprunt contracté par l'Acoss, puis repris à son compte par l'Etat en 1994, s'est traduit en recettes budgétaires, alors que ces remboursements auraient dû en toute rigueur apparaître au bilan de l'Etat en ressources de trésorerie venant en diminution de la créance de l'Etat ; quant à la prise en charge par la Cades, à hauteur de 2,38 milliards d'euros, de la dette du Forec à l'égard de la sécurité sociale, elle doit s'analyser ni plus ni moins comme une opération de débudgétisation , l'insuffisance de dotations du Forec relevant de la responsabilité pleine et entière de l'Etat qui, en application de l'article 5 de la loi du 25 juillet 1994, aurait dû compenser intégralement les exonérations de charges sociales qu'il avait décidées. Cette opération avait été dénoncée, en son temps, pour ces motifs par votre commission.

Dans le même temps, le champ des ressources affectées au financement de la Cades n'a pas été modifié : contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS) d'une part, produits de cession du patrimoine immobilier de la sécurité sociale d'autre part (les derniers immeubles restant à vendre l'ayant été au cours de l'année 2003).

La Cades a ainsi présenté ces trois dernières années des comptes de résultat négatifs : à hauteur de 987 millions d'euros en 2003, de 752 millions d'euros en 2004 et de 367 millions d'euros en 2005 . Ces résultats négatifs, dus au cumul brutal de la majoration à 3 milliards d'euros des versements à l'Etat au titre du remboursement de la dette Acoss et de la mise en place des versements au titre de la dette du Forec, ont accru d'autant le besoin de financement de la Caisse et donc son endettement, ce qui ne peut en aucun cas être considéré comme une marque de bonne gestion. Un Etat moins impécunieux aurait pu et dû s'en tenir à un plan de charges qui n'accroissait pas encore le recours de la Cades à l'emprunt.

Un terme semble cependant devoir être mis à la « fuite en avant » reflétée, ces dernières années, par l'élargissement sans fin des missions de la Cades, avec l'adoption de l'article 20 de la loi organique n° 2005-881 du 2 août 2005 relative aux lois de financement de la sécurité sociale modifiant l'ordonnance fondatrice de 1996. Cet article dispose, en effet, que « tout nouveau transfert de dette à la Caisse d'amortissement de la dette sociale est accompagné d'une augmentation des recettes de la Caisse permettant de ne pas accroître la durée d'amortissement de la dette sociale ».

Ces dispositions ont été déclarées comme étant de nature organique par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 29 juillet 2005, une décision qualifiée d'historique par votre commission, le Conseil ayant clairement souligné le souci du législateur organique de ne pas reporter les charges de la solidarité sociale sur les générations futures.

Cette jurisprudence interdit en outre un éventuel contournement de l'obligation forte instituée par la disposition précitée et finit d'en faire un mécanisme réellement contraignant pour le Gouvernement.

D'autre part, toujours en application de la loi organique du 2 août 2005 précitée, l'objectif annuel d'amortissement de la dette gérée par la Cades fait dorénavant partie des dispositions devant figurer obligatoirement dans la loi de financement de la sécurité sociale .

De fait, le compte de résultat de la Cades pour 2006 devrait être à nouveau positif et permettre, pour la première fois, d'affecter plus de 40 % de la ressource au financement de l'amortissement : le dernier versement au titre de la soulte de 23,38 milliards d'euros de la dette Acoss de 1993 a été acquitté en 2005 et le montant des intérêts devrait désormais être à peu près stabilisé avec le dernier versement de la Cades au titre de la couverture du déficit de la branche maladie du régime général.

Amortissement de la dette reprise par la Cades

(en millions d'euros)

Année de reprise de la dette

Dette reprise cumulée

Estimation amortissement de l'année

Estimation amortissement cumulé

Situation nette
(Dette restant à rembourser au 31/12 de l'année)

1996

23.249

2.184

2.184

- 21.064

1997

25.154

2.907

5.092

- 20.063

1998

40.323

2.444

7.536

- 32.787

1999

42.228

2.981

10.516

- 31.712

2000

44.134

3.225

13.741

- 30.393

2001

45.986

3.021

16.762

- 29.224

2002

48.986

3.227

19.989

- 28.997

2003

53.269

3.296

23.285

- 29.984

2004

92.366

3.345

26.630

- 65.736

2005

101.976

2.633

29.263

- 72.713

2006 (p)

108.676

2.315

31.578

- 77.098

2007 (p)

108.676

2.351

33.929

- 74.747

2008 (p)

108.676

2.644

36.573

- 72.103

2009 (p)

108.676

2.943

39.516

- 69.160

Source : Cades

Selon les indications fournies par la Cades à la mission, l'horizon de remboursement médian espéré était, au 1 er avril 2006, de dix-sept ans ( 2023 ). Il existait 5 % de risques de ne pas avoir remboursé avant vingt et un ans (2027) et 95 % de chances que les remboursements soient achevés avant quatorze ans (2020).

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