CHAPITRE VII - LES AUTORITES ADMINISTRATIVES, LE GOUVERNEMENT ET L'ADMINISTRATION

14.0. Les Autorités administratives indépendantes appartiennent à l'Etat mais échappent par nature au pouvoir exécutif, lequel fonctionne hiérarchiquement sous le pouvoir du Gouvernement. La difficulté de principe est forte et le modèle politique français de ce fait affecté 308 ( * ) , mais en pratique l'insertion s'est opérée assez bien 309 ( * ) .

SECTION 14 : LA QUESTION DU POUVOIR RÉGLEMENTAIRE

1. Recensement et bilan des autorités administratives indépendantes disposant d'un « pouvoir réglementaire »

14.1.1. Rappel des Autorités administratives indépendantes dotées d'un pouvoir réglementaire. Comme il a été indiqué à l'occasion de l'examen des pouvoirs des Autorités administratives indépendantes, celles qui sont dotées d'un pouvoir réglementaire sont la CNIL, l'AMF, l'ARCEP, le CSA et la CRE. Ce pouvoir permet une action plus directe sur les structures, soit sociales, soit économiques des Autorités administratives indépendantes. Ce pouvoir réglementaire est souvent considéré comme l'un des plus importants parmi ceux dont les Autorités sont titulaires 310 ( * ) . Des Autorités comme la Commission de Régulation de Énergie 311 ( * ) ou le Conseil Supérieur de l'Audiovisuel 312 ( * ) en demandent l'extension.

14.1.2. La position du Conseil constitutionnel quant à la délégation du pouvoir réglementaire. Le Conseil constitutionnel a admis avec réticence cette délégation du pouvoir réglementaire, dont le Gouvernement est ainsi dessaisi 313 ( * ) . Il ne l'a admis qu'à la condition que cet exercice délégué ne bénéficie à l'Autorité administrative indépendante qui l'exerce que proprio motu et non plus par transitivité du pouvoir constitutionnel du Gouvernement, soit à la fois précis et limité. Cette réticence, et la force de son fondement constitutionnel, expliquent sans doute que peu d'Autorités administratives indépendantes en soient dotées, ce qui entrave l'efficacité de leur action.

14.1.3. L'application peu rigoureuse du principe constitutionnel . Mais de fait, les Autorités dotées d'un tel pouvoir l'exercent largement. On peut citer à ce titre l'ampleur des règlements généraux de l'Autorité des Marchés Financiers, parfois en application directe de textes européens pour l'élaboration desquels le processus Lamfallusy lui a permis d'être active 314 ( * ) . De fait, la légalité n'en est pas contestée par les entreprises parties prenantes, ce que l'on peut examiner comme une sorte de déplacement du contrôle 315 ( * ) .

14.1.4. Exercice de droit et exercice de fait du pouvoir d'émettre des dispositions générales et abstraites. Soft Law et absence de contrôle juridictionnel . En outre, et plus encore si l'Autorité administrative en cause a du prestige et de l'autorité 316 ( * ) , il suffit que, notamment par le biais de son Président, elle formule des observations générales, ou des anticipations, ou des souhaits, pour que le crédit dont elle dispose entraîne le respect de ces formulations générales par les parties prenantes, surtout si nous sommes dans un système auto observé, comme si elles étaient dotées d'une potée normative. On peut alors faire l'observation suivante. Si au nom de la réticence de principe, légitime et portée par le Conseil constitutionnel lui-même, on refuse à des Autorités le pouvoir réglementaire, une autorité pourra puiser dans son propre crédit pour l'exercer de fait, sur le mode d'une Soft Law dont on connaît la puissance, et sans que les parties prenantes disposent des protections juridiques que leur offre l'exercice d'un pouvoir juridique formel 317 ( * ) . Sans doute vaut-il mieux que le droit confère, c'est-à-dire organise et limite, des pouvoirs plutôt que de feindre d'ignorer ceux qui sont exercés de fait.

* 308 V. supra.

* 309 Cela découle notamment de multiples entretiens menés, que les interlocuteurs soient favorables ou non aux Autorités administratives indépendantes. Ceux qui les critiquent le font sur le terrain des principes, et ceux qui les soutiennent insistent sur la réussite pragmatique de leur insertion dans le cadre général de l'Etat et de l'action administrative.

* 310 Ainsi, l'Autorité des Marchés Financiers, dans sa réponse au questionnaire, estime que tous les « instruments, qui permettent à l'AMF d'intervenir a priori et a posteriori selon les cas, sont bien entendus complémentaires et interdépendants. Ils participent tous à la régulation si bien qu'il semble difficile d'en privilégier un par rapport aux autres. ... on peut considérer que la première tâche, considérable et fondatrice, accomplie par l'AMF en 2004, a concerné la rédaction de son règlement général. Ce corps de règles, véritable « code » de la régulation de marché en France, intègre et actualise les textes conçus par la COB et le CMF. Evolutif, à l'image des marchés financiers, des acteurs et des produits que l'AMF est chargée de réguler, le règlement général de l'AMF est régulièrement mis à jour et complété au fur et à mesure des évolutions législatives et réglementaires, communautaires et nationales, comme des innovations issues de la pratique ».

* 311 Par exemple, la Commission de Régulation de l'Energie estime, dans sa réponse au questionnaire, que « l'exercice de ses missions serait amélioré grâce à : l'extension de son pouvoir réglementaire à la fixation des tarifs d'utilisation des réseaux de transport et de distribution ; ... l'octroi d'un pouvoir réglementaire supplétif dans le secteur du gaz ».

* 312 Le CSA l'exprime, dans sa réponse au questionnaire, estime nécessaire d'être détenteur : « de pouvoirs réglementaires accrus ; en effet, sa marge d'intervention est aujourd'hui extrêmement restreinte par le grand nombre et la complexité des décrets d'application de la loi de 1986 ; en outre, les domaines dans lesquels il dispose d'un pouvoir réglementaire sont résiduels : émissions électorales (article 16 de la loi), droit de réplique (article 54), émissions d'expression directe (article 55).

* 313 V. supra.

* 314 Sur ce processus Lamfallusy, v. supra.

* 315 Sur l'argument selon lequel la satisfaction des parties prenantes, ici par l'absence d'exercice du droit de critiquer par un recours devant le juge, ce qui peut constituer une façon pour l'Autorité de rendre des comptes, v. infra.

* 316 Sur cette importance décisive de la stature de l'Autorité, et de celle de son président, v. supra .

* 317 Pour la démonstration en matière bancaire, v. C.E. 30 décembre 2002, Rimonteil de Lombares.

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