3. L'insertion de la considération des orientations de politique générale et des intérêts nationaux dans le fonctionnement des autorités administratives indépendantes

La composition ès qualités. C'est ce qui justifie la composition de certaines Autorités administratives indépendantes qui est opérée es qualités 324 ( * ) . Est exemplaire le CECEI, dans lequel siègent des représentants directs de l'exécutif hiérarchisé 325 ( * ) . On comprend bien que la préservation de la solidité bancaire est un enjeu national, auquel le Ministre doit être sensible. Mais l'importance de l'enjeu est précisément souvent ce qui a justifié que la fonction soit confiée à une Autorité indépendante, qui peut notamment maintenir dans le temps ses prises de position 326 ( * ) . Dès lors, une telle composition consiste à reprendre d'une main l'indépendance que l'on a donné de l'autre, et d'une façon plus générale la composition ès qualités entraîne mécaniquement une suspicion sur l'indépendance de l'Autorité administrative indépendante, alors même que cette indépendance doit se donner à voir 327 ( * ) . Dès lors, la composition ès qualités qui serait concevable concernerait des personnes qui, au titre d'une Autorité administrative indépendante particulière, pourraient être présentes de droit dans une autre Autorité, le fait de la désignation obligée ne portant alors pas atteinte à l'indépendance en raison de l'origine des personnes désignées. Il faut encore traiter à part la situation de la CNIL dans laquelle siègent deux députés et deux sénateurs. La Commission souligne que cela «contribue à assurer des relations régulières et directes avec le pouvoir politique » 328 ( * ) . Il est vrai que la distance est moins cruciale entre l'Autorité et le Parlement qu'elle n'est entre l'Autorité et le Gouvernement. Mais si l'on en revient à des membres de l'administration traditionnelle, comment résoudre cette importance de ce sur quoi porte l'action de l'Autorité pour le Gouvernement et le principe d'impartialité apparente de l'Autorité ?

15.1.1. Le commissaire du Gouvernement . On retrouve ici une fois encore le commissaire du Gouvernement. Celui-ci a précisément pour fonction de faire entendre la voix du Gouvernement, qui doit avoir droit de parole, et par l'intermédiaire de son commissaire le droit de solliciter des délibérations, sans que cela ne doive jamais aboutir à se substituer à l'Autorité administrative indépendante. Dès lors et à ce titre, la présence d'un commissaire du Gouvernement permet d'articuler action gouvernementale et action de l'Autorité, sans porter atteinte à l'indépendance de l'Autorité.

15.1.2. Le pouvoir gouvernemental d'activer les Autorités administratives indépendantes . De la même façon, on retrouve ici le droit d'action. Le Gouvernement doit avoir le droit de saisir les Autorités sur des questions générales (par le pouvoir d'avis 329 ( * ) ) ou sur des cas particuliers, pour que celles-ci exercent leur office. En cela, lorsqu'il s'agit d'exercer le pouvoir de sanction administrative, le Gouvernement peut jouer le rôle analogue à celui du Ministère public devant les juridictions, sur le modèle du rôle joué par la DGCCRF à l'égard du Conseil de la concurrence, et sans que cela ôte l'opportunité d'attribuer par ailleurs à l'Autorité un pouvoir d'auto saisine 330 ( * ) .

15.1.3. L'application à l'exemple des régulateurs bancaires . Ainsi, sans revenir sur l'opportunité déjà soulignée de faire fusionner la Commission bancaire et le CECEI 331 ( * ) , l'on pourrait réformer la composition de cette Autorité, pour l'aligner sur la composition plus ordinaire des collèges des Autorités administratives indépendantes, dans lesquels les personnes sont désignées par des personnes légitimes pour le faire (généralement Président de la République, Présidents des Assemblées, etc.) 332 ( * ) , et non es qualités. S'il convient de juguler le risque d'une moindre compétence technique des personnes ainsi désignées par rapport à l'incontestable compétence technique des personnes désignées es qualités, alors il convient de mettre en oeuvre les mesures proposées pour s'assurer de cette compétence technique 333 ( * ) , voire adopter le système d'audition qui permet de s'en assurer 334 ( * ) . En outre, la possibilité pour le Gouvernement à la fois d'exercer un droit d'action et le rôle que tiendrait un commissaire du Gouvernement pour faire entendre sa voix, permettraient sans doute par l'ensemble de ces dispositions corrélées d'améliorer le dispositif institutionnel, de l'aligner sur un modèle plus commun et de maintenir les exigences de compétence technique et d'action gouvernementale.

15.1.4. La haute main du Parlement. En toutes hypothèses, le pouvoir législatif a le pouvoir et le devoir d'assurer l'unité de l'action générale de l'Etat et de l'action d'intérêt général, lorsque l'action gouvernementale vient à heurter l'action normative (de fait ou de droit) des Autorités administratives indépendantes. C'est une raison de plus pour que le Parlement accorde une attention particulière, renforcée et constante, sur l'action des Autorités administratives indépendantes 335 ( * ) . C'est également la raison pour laquelle les Autorités elles-mêmes reconnaissent sans difficulté cette supériorité 336 ( * ) .

* 324 Sur la question générale de la composition des Autorités administratives indépendantes, v. supra.

* 325 Le CECEI comprend le gouverneur de la Banque de France, le directeur du Trésor ou son représentant, le président de l'AMF ou son représentant, le président du directoire du fonds de garantie des dépôts ou son représentant ainsi que huit membres ou leurs suppléants, nommés par arrêté du ministre chargé de l'économie pour une durée de trois ans, à savoir : un conseiller d'Etat, un conseiller à la Cour de cassation, deux représentants de l'Association française des établissements de crédit et des entreprises d'investissement exerçant ou ayant exercé des fonctions de direction, dont un au titre des établissements de crédit et un au titre des entreprises d'investissement, deux représentants des organisations syndicales représentatives du personnel des entreprises ou établissements soumis à l'agrément du comité et deux personnalités choisies en raison de leur compétence.

* 326 V. supra.

* 327 V. supra.

* 328 Réponse au questionnaire.

* 329 V. supra.

* 330 V. supra.

* 331 V. supra.

* 332 V. supra.

* 333 V. supra.

* 334 V. supra.

* 335 Sur l'importance de cela au regard de la reddition des comptes, v infra.

* 336 Par exemple, la CNIL, dans sa réponse au questionnaire, estime que « On pourrait certes estimer que la CNIL n'a pas assez de pouvoir face aux décisions du Gouvernement ou du législateur mais il s'agit d'établir un équilibre satisfaisant entre les pouvoirs constitutionnels et une autorité établie par la loi. ».

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