ALLEMAGNE

par Mme Marine de LA TOUR
de l'Université de Munich

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I - Remarques préliminaires

II - Statuts juridiques

III - Présentation de quelques organismes significatifs

IV - Liste et adresses des organismes

I - Remarques préliminaires

a) Ici ne seront présentés que les organismes fédéraux. Une étude similaire pourrait être effectuée au niveau des états fédérés auxquels revient la compétence de principe en matière administrative.

b) Le concept d'Autorité Administrative Indépendante n'existe pas en Allemagne, du moins dans le sens qu'il a en France. Cela est dû probablement à la différence des structures administratives des deux pays. L'Allemagne étant un État fédéral, la répartition des compétences administrative entre la fédération et les États fédérés est une matière constitutionnelle. La Loi Fondamentale de 1949 contient de longs développements relatifs à l'administration et prévoit déjà différents cadres juridiques pour les organismes que le législateur sera amené à créer. Les organismes correspondant aux AAI s'insèrent donc dans des formes constitutionnellement prévues.

II - Statuts juridiques

À côté de cas particuliers d'organismes directement liés au Parlement, la majorité des organismes correspondant en France aux AAI ont la forme d'« autorités administratives fédérales supérieures autonomes » (selbstsändige Bundesoberbehörde).

1. Les autorités administratives fédérales supérieures autonomes

L'administration fédérale se compose en principe de trois niveaux : celui des plus hautes autorités administratives (Gouvernement, Ministères, Bundesbank par disposition constitutionnelle), celui des autorités administratives moyennes et celui des autorités inférieures. L'administration par les autorités administratives fédérales autonomes constitue une exception à ce système hiérarchisé : l'autorité fédérale autonome est seule compétente sur l'ensemble du territoire et dispose d'une autonomie organisationnelle, sans pour autant posséder la personnalité juridique 402 ( * ) .

La possibilité de création de tels organismes est expressément prévue par la Loi Fondamentale à l'article 87 alinéa III. Comme évoqué précédemment, la compétence de principe en matière administrative appartient aux États fédérés. C'est à eux qu'il revient en particulier d'exécuter les lois fédérales, à moins que la Loi Fondamentale ne le prévoie autrement. L'article 87 al. III est une de ces exceptions à la compétence des États fédérés. Il prévoit que, dans un domaine pour lequel la fédération possède la compétence législative, une autorité fédérale supérieure autonome ou une personne morale de droit publique directement liée à l'État fédéral peut être créée par une loi fédérale.

Il n'existe apparemment pas de type unifié d'autorité fédérale supérieure autonome. Elles sont rattachées à un ministère tout en possédant une autonomie d'organisation et de fonctionnement. Elles ne sont liées que par les directives générales de leur ministère de rattachement et non par des directives spéciales relatives à des cas particuliers. Parfois, la loi qui les institue prévoit une liberté complète par rapport aux directives de leur ministre 403 ( * ) . Cette indépendance particulière n'est possible que quand elle s'appuie sur une disposition constitutionnelle autre que l'article 87 III de la Loi Fondamentale 404 ( * ) . Les autorités administratives autonomes ont un budget propre à l'intérieur du budget de leur ministère.

La diversité et la souplesse de leur régime juridique tient à leur mode de création. Les autorités de régulation et de contrôle sont presque toujours créées par la loi qui règle le domaine qui les concerne 405 ( * ) . Leur institution et la définition de leur statut, de leurs pouvoirs et de leurs procédures d'action fait suite aux règles matérielles qu'elles ont pour mission de faire observer.

Les mouvements de privatisation, initiés pour la plupart pour répondre aux exigences du droit communautaire, ont contribué à accroître l'importance de ces autorités administratives autonomes. Le domaine des postes et télécommunications en est un exemple significatif. La privatisation conduit à supprimer l'appareil administratif hiérarchique et à le remplacer par une autorité autonome qui n'a plus à effectuer que des tâches de contrôle, de coordination et de régulation.

2. Autres formes juridiques

Certaines des autorités administratives ont la forme de « Zentralstelle ». Cette pssibibité d'organisation est prévue à l'Art 87 al. I de la Loi Fondamentale. Elle est très voisine de celle des autorités administratives précédemment décrites, la différence essentielle résidant dans un lien plus fort avec les autorités correspondantes des États fédérés. Les Zentralstellen ont avant tout une mission de coordination et de concentration d'informations. Sous cette forme sont organisés le Zollkriminalamt dépendant du ministère des finances et chargé du contrôle des opérations douanières et le Bundeskriminalamt rattaché au ministère de l'intérieur et chargé de la coordinations des informations dans le domaine de la police criminelle, domaine normalement réservé à la compétence des États fédérés.

Certaines enfin sont des « Anstalten des öffentlichen Rechts » (Instituts de droit public), possédant la personnalité juridique, et dotées par là en général d'une plus grande indépendance. Leur régime juridique est encore moins unifié que celui des autorités administratives autonomes. Elles aussi doivent être créées par une loi et le législateur

dispose d'une grande liberté quant à leur organisation. Le Bundesanstalt für Finanzdienstleitungsaufsicht (équivalent de l'AMF) est organisé sous cette forme 406 ( * ) .

La banque fédérale est un cas particulier. Elle est ici évoquée car elle possède des attributions qui vont au-delà de la politique monétaire ; elle coopère avec la Bundesanstalt für Finanzdienstleistungsaufsicht pour la surveillance des opérations bancaires. Il est expressément prévu dans la Loi fondamentale qu'elle se situe au plus haut niveau de l'ordre administratif, au même titre que le Gouvernement et les ministères. Cela lui assure une indépendance très importante par rapport au pouvoir exécutif. Les membres du comité directeur sont nommés par le Président fédéral, le président, le vice-président et deux autres membres sur proposition du Gouvernement, les quatre autres membres sur proposition du Bundesrat (la chambre basse représentant les États fédérés) avec l'accord du Gouvernement. Ils sont nommés en général pour 8 ans, ce qui couvre la durée de deux législature et assure leur indépendance.

Enfin, pour ce qui concerne directement le contrôle de l'administration et les relations entre le pouvoir exécutif et les particuliers, les organismes compétents sont directement dépendants du Parlement, que ce soit sous forme de commission parlementaire ou de chargé d'affaire du Parlement 407 ( * ) .

III - Présentation de quelques organismes significatifs

Les organismes suivants ont été choisis pour essayer de couvrir à la fois des domaines d'activités variés et des statuts juridiques divers.

1. La régulation des réseaux : La Bundesnetzagentur (Agence fédérale des réseaux)

La « Bundesnetzagentur für Elektrizität, Gas, Telekommunikation, Post und Eisenbahnen » (Agence fédérale des réseaux pour l'électricité, le gaz, les télécommunications, la poste et les chemins de fer) est l'organisme chargé de la régulation des réseaux, recouvrant pour partie les attributions du CSA, de l'Autorité de Régulation des Télécommunications, de la Commission de Régulation de l'Energie et de l'ARCEP.

C'est une « Autorité administrative supérieure fédérale autonome » dans le domaine d'activité du ministère de l'économie et du travail. Elle résulte d'une légère transformation de l'Autorité de Régulation des Télécommunications et Postes (Regulierungsbehörde für Telekommunikation und Post), créée par la Loi sur les télécommunications du 25 juillet 1996 408 ( * ) . Cette loi, en particulier dans sa version remaniée du 22 juillet 2004, transpose les directives communautaires et y adapte le système allemand de télécommunications.

L'Agence fédérale des réseaux est chargée de veiller sur l'évolution des marchés de l'électricité, du gaz, des télécommunications, des postes, et à partir de janvier 2006 des infrastructures ferroviaires, par la libéralisation et la dérégulation. Elle gère en particulier la définition des fréquences disponibles 409 ( * ) , délivre les autorisations d'exploitation, contrôle l'interopérabilité des réseaux, veille au respect des impératifs de service universel, et assure une surveillance générale. Elle dispose de pouvoirs de sanction étendus 410 ( * ) . Alors qu'en général, les actes administratifs doivent avoir fait l'objet d'un recours interne à l'administration avant d'être soumis au contrôle juridictionnel, les décisions de l'Agence sont directement attaquables devant les juridictions administratives. Les voies de recours contre le jugement qui s'en suit sont en général exclues.

L'Agence fédérale des réseaux a à sa tête un président et un Conseil. Le président est nommé pour une période renouvelable de 5 ans par le Gouvernement fédéral qui doit entendre l'avis du Conseil 411 ( * ) . Le Conseil se compose de 16 membres du Bundestag (la chambre haute du Parlement) et de 16 représentants du Bundesrat (la chambre représentant les gouvernements des États fédérés). Il existe aussi une commission des Länder qui regroupe les autorités de régulation des États fédérés. Les décisions sont prises en général par des chambres de décision (Beschlusskammer) constituées sur les indications du ministère de l'économie et du travail. L'Agence rend tous les deux ans un rapport au Parlement sur ses activités, sur la situation et l'évolution du domaine des télécommunications, sur l'état de la concurrence, en présentant les nécessités d'évolution ou d'adaptation de la régulation. Le Gouvernement fédéral prend position sur ce rapport face au pouvoir législatif. En outre, l'Agence présente chaque année un rapport public sur l'évolution du marché des télécommunications et la planification de son activité future.

L'Agence est financée par des redevances prélevées ponctuellement lors des différents services qu'elle rend (délivrance d'autorisations et de fréquences...), et par des cotisations attachées à l'utilisation des réseaux 412 ( * ) . Ses coûts administratifs de fonctionnement doivent être ainsi couverts.

2. La protection des données : le Beauftragte für den Datenschutz

La protection des données est assurée de façon décentralisée. La loi sur la protection des données du 14 janvier 2003 prévoit que, dans chaque service public ou privé ayant à gérer des données, doit être nommée une personne nommée « Datenschutzbeauftragte », spécialement chargée de la protection des informations et données. Le responsable du service concerné n'a pas de pouvoir hiérarchique sur le Datenschutzbeauftragte ; les éventuels conflits sont réglés par l'autorité administrative supérieure.

Au niveau fédéral, il existe aussi un Datenschutzbeauftragte qui se présente lui-même comme équivalent allemand de la CNIL. Il a un statut juridique unique. Il est élu par le Bundestag à la majorité de ses membres sur proposition du Gouvernement fédéral et nommé par le Président fédéral. Son mandat est de 5 ans renouvelables une fois. Son indépendance est expressément affirmée dans la Loi sur la protection des données. Il est soumis à un contrôle de légalité, mais non d'opportunité, de la part du Gouvernement fédéral. Ses services et son personnel dépendent du ministère de l'Intérieur, mais le Bundesbeauftragte doit donner son accord pour toute nomination. Il ne peut être révoqué que par le Président fédéral sur proposition du Gouvernement, et seulement pour des raisons qui justifieraient le renvoi à vie d'un magistrat.

3. Les fonctions de médiation entre l'État et les « administrés »

L'Allemagne n'a pas de Médiateur de la République ou d'Ombudsman. Des fonctions équivalentes sont exercées en partie par une commission parlementaire appelée Petitionssausschuss (Commission des Pétitions). Son existence est prévue expressément à l'article 45c de la Loi Fondamentale et correspond aux exigences du droit fondamental à être entendu par les instances parlementaires inscrit à l'article 17 de la Loi Fondamentale.

Certains parlements des États fédérés ont en plus de leur commission parlementaire un « chargé d'affaire » pour recevoir les plaintes et suggestions des citoyens (Bürgerbeauftrage).

La Commission des pétitions dispose de pouvoirs d'informations importants vis à vis du Gouvernement et des autorités administratives fédérales, ainsi que vis-à-vis des autres organismes et personnes de droit publics dans la mesure où ils sont soumis au contrôle du Gouvernement 413 ( * ) .

La Commission effectue tout d'abord un travail de médiation. Elle peut émettre une recommandation de décision adressée au Bundestag. Le Bundestag peut alors prendre une décision sur la pétition. Cette décision, qui n'a que le caractère de recommandation en raison de la séparation des pouvoirs, est transmise au Gouvernement ou à l'organe concerné.

À côté de cette Commission non spécialisée, il existe un délégué parlementaire remplissant une mission analogue dans le domaine particulier de la Défense.

IV - Liste et adresses des institutions

Ici sont répertoriés les organismes les plus significatifs. Leurs sites Internet disposent tous de pages d'information en anglais et parfois en français.

Datenschutzbeauftragter

http://www.bfd.bund.de

Petitionssausschuss (Commission des pétitions)

http://www.bundestag.de/parlament/gremien15/a02/index.html

Bundesnetzagentur (Agence fédérale des réseaux)

Home: http://www.bundesnetzagentur.de

La loi sur les Télécommunications est disponible en français à l'adresse suivante : http://www.bmwa.bund.de/Redaktion/Inhalte/Pdf/Gesetz/telekommunikationsgesetz-fr,property=pdf,bereich=,sprache=de,rwb=true.pdf

Bundeskartellamt (équivalent du Conseil de la concurrence)

http://www.bundeskartellamt.de/

Site en Francais: http://www.bundeskartellamt.de/wFranzoesisch/index.shtml

Bundesanstalt für Finanzdienstleitungsaufsicht (équivalent de l'Autorité des Marchés Financiers)

http://www.bafin.de

Bundesbank (Banque fédérale)

http://www.bundesbank.de

Statistisches Bundesamt (Institut fédéral des statistiques)

http://www.destatis.de

Deutsche Patent- und Markenamt (Office allemand des brevets et des marques)

http://www.dpma.de

Bundesprüfstelle für jugendgefährdende Medien (Autorité administrative autonome chargée de la protection de la jeunesse dans le domaine des médias). http://www.bundespruefstelle.de

Integrationsbeauftragte (Beauftragte für Migration, Flüchtlinge und Integration) - Chargé d'affaire du Gouvernement pour l'immigration, les réfugiés et l'intégration

Bundesinstitut für Arzneimittel und Medizinprodukte (Institut fédéral pour les médicaments et les produits médicaux)

http://www.bfarm.de

Robert-Koch-Institut (Autorité de surveillance et de prévention des maladies)

http://www.rki.de

Paul-Ehrlich-Institut (Institut chargé de la recherche, du contrôle et des autorisations d'exploitation dans le domaine des biotechnologies et des traitements médicaux spécifiques)

http://www.pei.de

Bundeskriminalamt (Office de coordination et d'information en matière de police criminelle)

http://www.bka.de

Zollkriminalamt (Office de la protection et de la répression des fraudes en matière douanière)

http://www.zollkriminalamt.de

Bundessortenamt (Organisme chargé de la protection et de l'autorisation des espèces végétales)

http://www.bundessortenamt.de

Bundesamt für Güteverkehr (Office fédéral pour la circulation des biens)

http://www.bag.bund.de

Biologisches Bundesanstalt für Land und Fortwirtschaft (Organisme chargé de la protection de l'environnement en matière agricole)

http://www.bba.de

* 402 Cf. par exemple UMBACH/CLEMENS, Grundgesetz - Mitarbeiterkommentar, t. II, Art. 87 Nr. 100 ss. Et BULL, in: Kommentar zum Grundgesetz für die Bundesrepublik Deutschland (« Alternativkommentar »), Art. 87 Nr. 25 ss.

* 403 Voir l'Autorité fédérale de contrôle des médias présentant un danger pour la jeunesse (Bundesprüfstelle für jugendgefährdende Medien) § 19 Abs. 4 de la Loi de protection de la jeunesse (Jugendschutzgesetz). Ce n'est pas le cas en revanche des autorités aux compétences quasi-juridictionnelles comme le Bundeskartellamt (Office fédéral de la concurrence) ou le Deutsche Patent- und Markenamt (Office allemand des brevets et des marques) qui sont soumis aux directives générales de leur ministre de rattachement.

* 404 Les droits fondamentaux des 20 premiers articles de la Loi Fondamentale sont souvent invoqués à l'appui de cette exigence d'indépendance.

* 405 Le statut du Bundeskartellamt est réglé dans la loi sur la concurrence, le statut de l'Agence fédérale des réseaux en grande partie dans la loi sur les télécommunications.

* 406 Le secteur de la régulation des marchés financiers a connu récemment un mouvement de concentration comparable à celui qui a conduit en France à la création de l'Autorité des Marchés Financiers. En Mai 2002 a été créée la Bundesanstalt für Finanzdienstleisungsaufsicht (Institut fédéral pour la surveillance des services financiers). Elle regroupe les organes de surveillance pour le crédit, pour les assurances, et pour les échanges monétaires.

* 407 Voir ci-dessous III c.

* 408 Une traduction française de cette loi est disponible à l'adresse suivante : http://www.bmwa.bund.de/Redaktion/Inhalte/Pdf/Gesetz/telekommunikationsgesetzfr,property=pdf,bereich=,sprache=de,rwb=true.pdf

* 409 Leur attribution précise relève de la compétence des autorités de régulation des Länder.

* 410 Cf. p.ex. § 126 Telekommunikationsgesetz.

* 411 § 3 et 4 de la Loi sur la Bundesnetzagentur du 7 juillet 2005.

* 412 § 142 ss. Telekommunikationsgesetz.

* 413 Cf. § 1 et 2 de la Loi sur les compétences de la Commission des pétitions du 19 juillet 1975.

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