N° 27

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2006-2007

Annexe au procès-verbal de la séance du 18 octobre 2006

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des Affaires culturelles (1) sur la place de l' enseignement agricole dans le système éducatif français,

Par Mme Françoise FÉRAT,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Jacques Valade, président ; MM. Ambroise Dupont, Jacques Legendre, Serge Lagauche, Jean-Léonce Dupont, Ivan Renar, Michel Thiollière, vice-présidents ; MM. Alain Dufaut, Philippe Nachbar, Pierre Martin, David Assouline, Jean-Marc Todeschini, secrétaires ; M. Jean Besson, Mme Marie-Christine Blandin, MM. Jean-Marie Bockel, Yannick Bodin, Pierre Bordier, Louis de Broissia, Jean-Claude Carle, Gérard Collomb, Yves Dauge, Mme Annie David, MM. Christian Demuynck, Denis Detcheverry, Mme Muguette Dini, MM. Louis Duvernois, Jean-Paul Émin, Mme Françoise Férat, MM. François Fillon, Bernard Fournier, Hubert Haenel, Jean-François Humbert, Mme Christiane Hummel, MM. Soibahaddine Ibrahim, Alain Journet, Philippe Labeyrie, Pierre Laffitte, Simon Loueckhote, Mme Lucienne Malovry, MM. Jean Louis Masson, Jean-Luc Mélenchon, Mme Colette Mélot, M. Jean-Luc Miraux, Mme Catherine Morin-Desailly, M. Bernard Murat, Mme Monique Papon, MM. Jean-François Picheral, Jack Ralite, Philippe Richert, Jacques Siffre, René-Pierre Signé, Robert Tropéano, André Vallet, Jean-François Voguet.

Enseignement agricole.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Présentant, depuis 2001, les crédits de l'enseignement agricole dans le projet de loi de finances, votre rapporteur n'a cessé de mettre en avant la réussite de cette filière originale de formation.

Tous les ministres en charge de l'agriculture, sans exception, ont partagé ce constat, saluant, à chaque fois que l'occasion leur en était donnée, l'excellence et l'efficacité de cet enseignement, qui fait souvent figure de modèle au sein de notre paysage éducatif.

En effet, les spécificités de l'enseignement agricole, notamment son rattachement à un ministère « technique », mais aussi la pluralité de ses missions, sa petite dimension, les valeurs sur lesquelles il se fonde et la dynamique d'innovation dont il a longtemps été porteur, contribuent à la qualité d'un enseignement qui apporte, sans nul doute, une plus value à l'ensemble de notre système de formation.

En outre, par leur solide ancrage territorial, les établissements d'enseignement agricole participent à l'animation et au développement de nos espaces ruraux.

Toutefois, votre rapporteur a pu voir se creuser, au fil des années, le décalage entre les discours et la situation sur le terrain.

En effet, au-delà des préoccupations budgétaires, devenues centrales ces dernières années, un climat de malaise s'installe peu à peu chez l'ensemble des acteurs et partenaires de l'enseignement agricole. Ces derniers semblent gagnés, au fil du temps, par une résignation qui menace de briser la dynamique d'évolution du système, portée, depuis son origine, par la « force militante », l'engagement et la motivation de ses personnels.

Votre rapporteur le perçoit chaque année avec plus d'évidence, renouvelant, lors de chaque discussion budgétaire, ses mises en garde face aux risques d'un pilotage exclusivement financier, qui contraint les capacités d'accueil et les possibilités de développement de l'appareil de formation , en fonction des moyens disponibles, et non pas dans un souci d'adaptation aux besoins des jeunes et des territoires.

Il faut bien constater, avec regrets, que ces messages n'ont pas toujours eu l'écho et les effets escomptés.

Aussi, à l'automne dernier, lors de la première discussion du budget présenté en version « LOLF », les parlementaires, aussi bien à l'Assemblée nationale qu'au Sénat, ont fait usage de leur droit d'amendement, pour abonder de plus de 30 millions d'euros des dotations déphasées par rapport aux besoins réels des établissements et des élèves.

Votre rapporteur a souhaité pouvoir prolonger la réflexion, d'une façon plus approfondie que ne le permet la période budgétaire, où prédominent, le plus souvent, les préoccupations à court terme et les tensions autour de la gestion des « urgences financières ».

A cet égard, votre rapporteur remercie la commission des affaires culturelles et son président, M. Jacques Valade, d'avoir accepté de lui confier la préparation d'un rapport d'information sur la place de l'enseignement agricole au sein de notre système éducatif , destiné, notamment, à traduire ce que nous attendons, aujourd'hui et pour demain, de ce système de formation.

La période est en effet charnière :

- d'une part, la mise en oeuvre de la LOLF, qui regroupe, dans une même mission, l'enseignement agricole et l'enseignement scolaire relevant de l'éducation nationale, incite à repenser les spécificités et l'identité d'un système de formation « hors norme », qui ne représente guère qu'1 % des effectifs et du budget de l'éducation nationale ;

- de l'autre, le contexte agricole et rural en profonde mutation impose à l'enseignement agricole de s'adapter, comme il a su le faire par le passé, à cette nouvelle donne , pour accompagner et soutenir des défis cruciaux pour notre agriculture, nos territoires, et, au-delà, notre société toute entière : ainsi, le Président de la République a évoqué, le 5 octobre dernier, en inaugurant le Sommet de l'élevage en Auvergne, les « nouvelles frontières de l'agriculture française » , soulignant les perspectives qui s'offrent à elle dans le domaine du développement durable et des hautes technologies notamment.

La commande récente de plusieurs rapports publics concernant l'enseignement agricole traduit une première prise de conscience de ces nécessaires évolutions du système :

- à l'automne dernier, le ministre en charge de l'agriculture, en liaison avec le ministre de l'éducation nationale, a confié à M. François Grosrichard , ancien journaliste au Monde, une mission sur « l'éducation et la ruralité » , qui a abouti, au mois de juin, avec la remise d'un rapport intitulé « L'enseignement agricole au coeur de la modernité rurale » ;

- dans le cadre des audits de modernisation de l'État initiés par le ministre en charge du budget, une mission sur « l'analyse de l'adéquation formations-enseignants-élèves dans l'enseignement agricole » a remis ses conclusions dans un rapport publié en juin dernier ;

- enfin, le ministre de l'agriculture a confié à l'ancien recteur M. André Legrand, l'évaluation -en cours- des conditions d'exercice, par les établissements, des différentes missions qui leur sont assignées par la loi.

Votre rapporteur a pu rencontrer ces personnalités au cours de leur mission, et s'appuyer sur leurs conclusions, pour la préparation du présent rapport. Par-delà les méthodes et les objectifs propres à chacun, il existe une convergence pour mettre en avant la réussite et les atouts de l'enseignement agricole, mais aussi pour souligner les points faibles et les menaces de dérive.

S'inscrivant en complémentarité de ces travaux, votre rapporteur a auditionné , depuis le mois de mars dernier, près de cinquante personnalités , attachées, de près ou de plus loin, à l'enseignement technique et supérieur agricole -syndicats d'enseignants du public et du privé, associations de directeurs d'établissement, fédérations d'établissements privés, parents d'élèves, personnels d'orientation, institutionnels, représentants des milieux professionnels, dans le secteur agricole, mais aussi le tourisme rural, la valorisation des ressources agricoles...

En outre, au cours de deux déplacements en région, à Dijon et à Toulouse , votre rapporteur a rencontré des responsables et acteurs de terrain, dont l'enthousiasme à défendre la qualité de leur système d'enseignement n'a d'égal que leurs inquiétudes liées à un profond manque de reconnaissance et un déficit de pilotage.

En effet, il ressort très nettement de l'ensemble de ces entretiens que l'enseignement agricole souffre, en dehors du cercle restreint des « initiés », d'une méconnaissance totale auprès du grand public, qui n'en a, de fait, qu'une image décalée , désuète, empreinte des préjugés négatifs attachés au monde agricole.

Votre rapporteur tient d'abord, par les propositions formulées dans le présent rapport, à redonner ses « lettres de noblesse » à un enseignement parfois tenu à l'écart de notre système éducatif et regardé comme une voie de formation marginale, soit réservée aux enfants d'agriculteurs et à la formation des agriculteurs, soit destinée à accueillir ceux que le système général aurait considérés comme « inadaptés ». La réalité de cet enseignement pluriel est toute autre : le système général aurait parfois intérêt à s'en inspirer.

De façon plus générale, comme le souligne fort justement l'Observatoire national de l'enseignement agricole (ONEA), que préside notre collègue M. Jean François-Poncet, dans son récent rapport annuel pour 2006 : « Parce que sa place et son rôle dans le système éducatif national ne paraissent plus suffisamment intelligibles et explicites, parce que l'on assiste à l'émergence de nouveaux métiers dans son champ de compétences et parce que la profession agricole est confrontée à de nouveaux défis, l'enseignement agricole, qui a maintes fois prouvé sa capacité à se réformer et à innover, doit se fixer de nouvelles ambitions : il est temps d'envisager un nouveau projet mobilisateur pour l'enseignement agricole. »

* *

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La situation et les enjeux actuels placent ainsi l'enseignement agricole « à la croisée des chemins » : alors qu'il a fait preuve, par le passé, d'une capacité d'adaptation qui a conduit à une diversification de son offre de formations et une forte expansion de ses effectifs, son projet semble aujourd'hui en panne.

Au moment où des opportunités et des perspectives s'offrent à lui, l'enseignement agricole a besoin d'un nouveau souffle, d'une ambition fédératrice fixant, pour les prochaines années, une ligne d'action claire et durable. Notre système éducatif, nos territoires ruraux et notre agriculture ont entre leurs mains un enseignement doté d'un fort potentiel et d'une identité originale, qui a confirmé, au fil des années, son succès : cela constitue une richesse à mieux valoriser et à préserver, en l'adaptant aux besoins de formation de demain.

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