LES PROPOSITIONS DE VOTRE RAPPORTEUR

Axe n° 1 : Changer d'image


Ne plus tenir l'enseignement agricole à l'écart des procédures d'orientation des élèves : mener des actions d'information et de sensibilisation sur les filières et les métiers préparés, en direction des élèves, des familles, des professeurs de l'éducation nationale et des acteurs de l'orientation ; harmoniser les procédures d'orientation et d'affectation, pour que l'inscription dans un établissement agricole ne soit plus un « parcours du combattant » pour les familles.


• Développer les partenariats avec les écoles, collèges et lycées de l'éducation nationale
: programmes de coopération, visites d'établissements ou séquences d'information, notamment dans le cadre de l'option de « découverte professionnelle ».


• Promouvoir une image plus moderne et attractive
des filières et des métiers, dans le cadre d'actions de communication menées en association avec les milieux professionnels.


• Revoir la dénomination d'un enseignement qui n'est plus seulement « agricole ».

Axe n° 2 : Poursuivre l'adaptation des formations aux défis de demain


Clarifier et simplifier l'offre de formation : mettre en place une réflexion sur l'organisation de certaines filières autour d'un tronc commun par « familles » de métiers et d'enseignements de spécialisation.


Fluidifier les parcours : faire connaître et développer les passerelles au sein de l'enseignement agricole et avec les autres voies de formation ; favoriser les reconnaissances mutuelles de titres et les doubles qualifications, dans les domaines de formation de nature interministérielle (services, animation, etc.) ; relancer l'offre de formation au niveau du BTSA.


Adapter le contenu des formations et la « culture commune » aux nouveaux enjeux de l'agriculture et des territoires ruraux : mieux prendre en compte, dans les enseignements, le « fait alimentaire » et les enjeux liés à l'utilisation non alimentaire des produits agricoles ; raccourcir les délais de révision des référentiels de formation ; redonner à l'enseignement agricole une place stratégique au sein de son ministère : renforcer le dialogue entre la direction générale de l'enseignement et de la recherche (DGER) et les autres directions « techniques ».


Renforcer les liens avec les milieux professionnels pour identifier les débouchés et les besoins de formation : approfondir, dans le cadre de consultations nationales et régionales, la réflexion sur les besoins de compétences, notamment dans les secteurs émergents (tourisme rural, forêt, valorisation énergétique de la ressource bois, etc.) ; mieux réguler l'offre de formation et les flux d'entrée en fonction de l'analyse des débouchés ; revoir la composition et le rôle des instances consultatives, pour qu'elles reflètent l'ensemble des secteurs professionnels.


• Valoriser la contribution des établissements dans les « pôles d'excellence rurale ».

Axe n° 3 : Fédérer les énergies pour renforcer la cohérence, l'identité et l'excellence du système de formation


Fixer une ligne stratégique d'action claire et durable , dans le cadre de la révision du 4 e schéma prévisionnel national des formations.


« Réussir la déconcentration » : généraliser les « bons principes » permettant de tirer les bénéfices du pilotage de proximité, pour optimiser l'évolution des structures et l'utilisation des moyens (culture du dialogue et de l'évaluation, concertation avec l'ensemble des « familles », remontée des informations) ; clarifier le rôle d'autorité académique du directeur régional de l'agriculture et de la forêt et du chef du service régional de la formation et du développement : adapter leur recrutement et leur formation à leur nouveau « profil de compétences ».


Dépasser les logiques de concurrence : donner des moyens d'action renforcés aux équipes de direction (contractualisation des projets d'établissement, plus grande latitude dans l'utilisation des moyens humains et financiers) ; développer les réseaux d'établissements (publics et privés, agricoles et éducation nationale), pour favoriser la cohérence de l'offre et les mutualisations de moyens ou de compétences (ingénierie de formation, remplacements d'enseignants...).


Relancer l'effort d'innovation : consolider le réseau des établissements d'appui ; recenser, diffuser et valoriser les « bonnes pratiques » ; renforcer le dispositif de formation initiale et continue des enseignants, pour transmettre et renouveler les identités professionnelles (pluridisciplinarité, exercice en synergie des cinq missions, contact avec le terrain et les milieux professionnels, etc.).


Développer les points de contact entre l'enseignement technique, l'enseignement supérieur et la recherche agricoles : développer les licences professionnelles ; consolider la politique des pôles régionaux d'enseignement supérieur, en y intégrant des lycées agricoles ; articuler, le cas échéant, les thématiques avec celles des pôles de compétitivité.

I. L'ENSEIGNEMENT AGRICOLE À LA CROISÉE DES CHEMINS

L'enseignement agricole a su -et dû- faire preuve, ces dernières décennies, d'une capacité d'adaptation pour conserver son attractivité et sa légitimité, dans un environnement en mutation. Il s'est diversifié, tant au niveau des publics accueillis que des formations dispensées, tout en consolidant les atouts et les spécificités qui fondent sa réussite.

Toutefois, le poids des contraintes budgétaires et l'absence de réel aiguillage autre que financier, font aujourd'hui prévaloir la logique de survie et le statu quo sur la dynamique de projet.

Si les évolutions passées ont pu contribuer à rendre l'identité du système moins lisible, celles à venir sont entrevues avec une inquiétude non dissimulée par l'ensemble des acteurs. Pourtant, elles sont nécessaires et, loin d'être à craindre, ouvrent des perspectives nouvelles et des débouchés prometteurs que le système de formation agricole, fort de ses qualités, a toute légitimité à investir. Le contexte actuel, marqué par la mise en place d'un nouveau cadre budgétaire et de la déconcentration, ouvre une opportunité de projeter le système vers l'avenir.

A. D'HIER À AUJOURD'HUI : UN ENSEIGNEMENT QUI N'EST PLUS SEULEMENT « AGRICOLE »

Fruit d'une longue tradition, l'enseignement agricole n'a plus -et ne pourrait plus avoir- la même vocation qu'hier :

- par la diversification de son offre de formation, il prépare désormais à une gamme élargie de métiers ;

- par la nature des publics qu'il forme, il s'adresse à tous, et non plus seulement aux jeunes issus du monde agricole ;

- enfin, par les savoirs dispensés, il est devenu un enseignement en prise avec des défis émergents.

1. Enseignement agricole et politique agricole : destins croisés

a) D'un objectif d'accompagnement du développement de l'agriculture française...

L'enseignement agricole fut le premier enseignement professionnel à être organisé, dans la cadre d'un décret-loi du 3 octobre 1848 , qui a fondé un système de formation complet et cohérent, à trois degrés : les fermes-écoles, les écoles régionales et l'Institut national agronomique.

Son identité est bâtie sur un projet clair, reposant sur un double objectif :

- un objectif de promotion scolaire et sociale : l'enseignement agricole doit contribuer à l'effort de formation en direction des jeunes issus du milieu agricole ou rural ;

- un objectif « technique » d'accompagnement du développement de l'activité du secteur agricole et des évolutions de l'agriculture française, notamment à travers le rôle des fermes-écoles en matière de démonstration, de diffusion et de vulgarisation des connaissances.

Placé sous la tutelle du ministère de l'agriculture, il sert à établir un lien direct entre la politique agricole du pays et la politique de formation des professionnels du secteur, servant ainsi de moteur de la modernisation et du développement de l'agriculture française.

La « loi Debré-Pisani » du 2 août 1960 1 ( * ) apporte une première relance au système et signe l'acte de naissance de l'enseignement agricole moderne :

- en l'harmonisant avec les formations relevant de l'éducation nationale : il existe ainsi une parité entre les deux systèmes sur le niveau des diplômes, les voies de formation et le statut des personnels ;

- en élargissant, dans un contexte de transformation accélérée de l'agriculture, son champ et sa cible : cet enseignement est destiné à tous et non plus seulement aux enfants d'agriculteurs.

Une nouvelle relance viendra en 1984, alors que l'enseignement agricole traverse, depuis la fin des années 1970, une crise marquée par une sclérose de ses formations et une stagnation de ses effectifs : les « lois Rocard » engagent une rénovation majeure du système de formation, notamment dans l'objectif d'élever « le niveau des connaissances et des aptitudes de l'ensemble des agriculteurs et des membres des professions para-agricoles et d'accroître leur niveau scientifique et technique ».

L'une rénove l'enseignement agricole public 2 ( * ) ; l'autre réforme les relations entre l'État et les établissements privés sous contrat 3 ( * ) , dont la part est devenue prépondérante.

Ces lois affirment pour la première fois, en outre, la pluralité des missions des établissements d'enseignement agricole , reconnaissant ainsi le rôle majeur et structurant de ces derniers au sein de leur environnement social et professionnel.

b) ...à un élargissement progressif des enjeux

Comme le relève l'Observatoire national de l'enseignement agricole (ONEA), alors présidé par M. René Rémond, dans son rapport bilan 1996-2004, « depuis les années 1950-1960, la conception même du développement de l'agriculture a beaucoup changé, passant d'une pratique essentiellement « productiviste » à des objectifs complexes où la recherche de l'efficience de la production doit s'équilibrer avec le souci de l'environnement, de la protection de la nature, avec la qualité alimentaire et sanitaire des produits, l'insertion des agriculteurs au sein de la société globale, etc. ».

Ces évolutions fondamentales reflètent les exigences nouvelles qui s'imposent à notre système de production, notamment au niveau européen, dans le cadre de la Politique agricole commune (PAC).

En consacrant la notion de multifonctionnalité de l'agriculture, la loi d'orientation agricole du 9 juillet 1999 4 ( * ) donne ainsi le ton des nouveaux enjeux qui se posent au système de formation agricole.

En effet, son article 1 er consacre une définition élargie de la politique agricole : celle-ci « prend en compte les fonctions économique, environnementale et sociale de l'agriculture et participe à l'aménagement du territoire, en vue d'un développement durable. »

En parallèle, sans remettre en cause le « socle législatif » issu des lois de 1984, la loi d'orientation de 1999 reconnaît la diversité des champs de compétences de l'enseignement agricole , qui a vocation à préparer aux « métiers de l'agriculture » au sens large, c'est-à-dire :

- les métiers « de la forêt, de l'aquaculture, de la transformation et de la commercialisation des produits agricoles » ,

- ainsi que « d'autres métiers concourant au développement de ceux-ci, notamment dans les domaines des services et de l'aménagement de l'espace agricole, rural et forestier, de la gestion de l'eau et de l'environnement. » 5 ( * )

L'enseignement agricole s'articule ainsi de plus en plus avec la politique rurale : la loi n° 2005-157 du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux a réaffirmé le rôle des établissements d'enseignement agricole dans la politique de revitalisation rurale.

2. Une diversification, condition et signe d'attractivité

a) Des effectifs et une offre de formation en forte expansion dans un monde agricole en déclin démographique et économique

Cette vision ouverte de l'enseignement agricole démontre la réactivité et la capacité d'adaptation dont il a su faire preuve pour conserver son utilité, dans un contexte marqué par le recul de la place de l'agriculture dans l'économie et la société françaises. En effet :

- le nombre d'actifs agricoles a été divisé par deux entre 1970 et 2000 ; la part de la population active agricole dans la population active totale est passée de 12,9 % en 1970 à 5,9 % en 1990, puis 3,5 % en 2002 ;

- le nombre d'exploitations agricoles diminue de près de 3 % par an depuis 20 ans : il est passé de 2,3 millions en 1955 à 545 000 en 2005 ;

- la production agricole est passée, en part de PIB, de 6 % à 3 %, de 1975 à 1995.

En parallèle, l'enseignement agricole a investi de nouveaux créneaux de formation, en amont ou en aval de son « coeur de métier », et recrute désormais au-delà de son vivier « traditionnel » issu du monde agricole.

Il a ainsi connu, ces vingt dernières années, de façon parallèle au déclin de la population agricole, une expansion dynamique de ses effectifs et de son offre de formation , comme le montrent les tableaux suivants. Celle-ci s'est accompagnée d'une diversification des publics accueillis et des formations proposées.

EFFECTIFS GLOBAUX DE L'ENSEIGNEMENT TECHNIQUE DE 1985 A 2005

1985

1990

1995

1999

2000

2003

2005

Total

131 681

132 410

159 954

178 569

175 330

172 780

175 830

ÉVOLUTION DES STRUCTURES PÉDAGOGIQUES (NOMBRE DE CLASSES)

1985

1992

1998

2000

2003

Total

6 712

7 206

7 657

7 950

8 153

b) Une attractivité qui dépasse le cercle des enfants d'agriculteurs

Le vivier de recrutement de l'enseignement agricole s'est renouvelé et élargi ces trente dernières années : alors que les enfants d'agriculteurs ou de salariés agricoles représentaient 55 % des élèves en 1975 , leur part est passée à 40 % en 1985 puis à 35 % en 1990 ; ils ne sont plus aujourd'hui que 17 % à être directement issus d'un milieu familial agricole .

Les enfants d'agriculteurs restent, bien entendu, relativement plus nombreux que dans les établissements relevant de l'éducation nationale, où ils représentent moins de 3 % des effectifs.

RÉPARTITION DES ÉLÈVES DE L'ENSEIGNEMENT TECHNIQUE AGRICOLE SELON LEURS ORIGINES SOCIOPROFESSIONNELLES

1990

1999

2004

Dont :

Public

Privé TP

Privé RA

Agriculteurs exploitants

34,3

19,0

15,7

19,6

14,3

12,2

Salariés agricoles

1,9

1,7

1,3

1,1

1,0

1,9

Artisans, commerçants, chefs d'entreprise

8,0

8,2

8,2

7,4

9,0

8,2

Cadres, professions intellectuelles supérieures

5,8

7,3

7,5

9,7

7,0

5,2

Professions intermédiaires

7,7

10,6

12,3

14,3

11,1

10,9

Employés

15,6

23,0

19,9

20,8

20,8

17,9

Ouvriers non agricoles

15,7

18,6

23,1

17,6

25,8

27,3

Retraité

2,7

2,0

1,9

1,7

1,8

2,2

Inactifs, situation inconnue

8,3

9,9

10,1

7,8

9,1

14,1

Source : Ministère de l'agriculture - DGER

RÉPARTITION DES ÉTUDIANTS DE L'ENSEIGNEMENT AGRICOLE
SELON LEURS ORIGINES SOCIOPROFESSIONNELLES (en %)

Ensemble

Écoles
publiques

Écoles
privées

Agriculteurs exploitants, salariés agricoles

13,9

5,9

26,1

Artisans, commerçants, chefs d'entreprise

7,8

8,5

6,6

Cadres, professions intellectuelles supérieures

46,0

49,2

40,9

Professions intermédiaires

12,9

14,7

9,8

Employés

7,2

7,9

6,0

Ouvriers non agricoles

3,0

3,4

2,6

Retraité, inactifs, inconnue

9,5

10,3

8,1

Source : Rapport de l'Observatoire national de l'enseignement agricole (ONEA), 2006.

Cette diversification des publics est le signe de l' attractivité des formations délivrées, qui dépassent désormais la seule sphère agricole.

c) Une gamme de formations élargie

Même si l'objectif de formation des agriculteurs et de développement agricole perdure, l'enseignement agricole ne saurait désormais s'y réduire. Comme l'a souligné un récent rapport 6 ( * ) , « désormais, le périmètre des savoirs qu'il dispense se déplace du pôle « agricole » vers un triptyque plus élargi « agriculture, alimentation, environnement ». »

En effet, l'enseignement agricole prépare à quatre grandes « familles » de métiers, dans les secteurs professionnels suivants :

- la production (production agricole, horticole et aquacole, viticulture-oenologie, agroéquipement, métiers du cheval ou de l'animalerie) ;

- la transformation (industries agroalimentaires) ;

- l' aménagement (travaux paysagers, aménagement de l'espace, protection de l'environnement, forêt, gestion et maîtrise de l'eau) ;

- les services en milieu rural (services aux personnes et aux entreprises, commerce, tourisme).

LES SECTEURS DE FORMATION

Le ministère de l'agriculture a compétence sur seize familles de métiers auxquels préparent les diplômes de huit secteurs d'enseignement professionnel.

1. Production

- production agricole

- production horticole

- production aquacole

- viticulture-oenologie

2. Transformation

- industries agroalimentaires

- laboratoire d'analyse

3. Commercialisation

- commerce, distribution

4. Aménagement de l'espace et protection de l'environnement forêt

- travaux paysagers

- aménagement de l'espace

- gestion et maîtrise de l'eau

5. Activités hippiques

- élevage, soins et entraînement, maréchalerie

6. Services

- accueil, services en milieu rural en collectivité et en administration

7. Equipements pour l'agriculture

- conduite, entretien de machines, gestion de chantiers mécanisés

8. Elevage et soins aux animaux

- élevage canin

- animalerie

Formations spécialisées :

Apiculture ; Élevage de gibier ; Héliciculture ; Berger d'alpage ; Chien truffier

Ces domaines de formation ont connu des évolutions différenciées depuis 1985 , qui ont modifié l'équilibre entre les secteurs :

- les formations de la production voient une diminution de leur part, qui correspond à celle du nombre d'actifs dans ces secteurs ;

- les effectifs du secteur de la transformation stagnent à un niveau très faible, lié, notamment, à la mauvaise image des métiers préparés ;

- le secteur de l'aménagement a connu une émergence rapide, en raison du développement de nouveaux marchés (une forte croissance dans le secteur des travaux paysagers ou du traitement des déchets notamment) et de l'engouement des jeunes pour ces filières en lien avec la nature, l'environnement et le développement durable ;

- le secteur des services, qui n'est pas spécifique à l'enseignement agricole, s'est développé et le niveau des formations s'est élevé.

ÉVOLUTION DE LA RÉPARTITION DES EFFECTIFS D'ÉLÈVES
PAR SECTEUR DE FORMATION
(tous statuts et tous niveaux confondus)

Secteurs professionnels

1985

1990

1999

2004

Ø Production

49 606

50 115

55 985

48 546

(60,5 %)

(54,9 %)

(41,7 %)

(38,5 %)

Ø Transformation

2 164

4 457

8 364

5 818

(2,6 %)

(4,9 %)

(6,2 %)

(4,6 %)

Ø Aménagement Forêt

5 001

7 064

23 621

24 511

Ø (6,1 %)

(7,8 %)

(17,6 %)

(19,4 %)

Ø Services aux personnes

13 526

17 621

32 135

36 024

Ø (16,5 %)

(19,3 %)

(23,9 %)

(28,6 %)

Ø Services aux entreprises et commercialisation

11 636

11 972

13 124

11 173

(14,2 %)

(13,1 %)

(9,8 %)

(8,9 %)

Source : Observatoire national de l'enseignement agricole, Rapport 2006

3. Un enseignement en prise avec des problématiques émergentes

a) Les nouveaux défis de l'agriculture

Comme le soulignait M. Dominique Bussereau, ministre de l'agriculture et de la pêche, devant les directeurs régionaux de l'agriculture et de la forêt réunis le 4 janvier 2005, les enjeux de l'adaptation de l'agriculture sont désormais en lien avec les préoccupations de tous les citoyens : « L'agriculture s'inscrit dans une réflexion générale sur l'avenir économique et social (...). Loin d'être un passé à conserver, l'avenir est à bâtir et c'est une chance. »

En effet, l'agriculture renvoie aujourd'hui à des questions -et des défis- qui concernent notre société et notre avenir commun :

- la qualité, l'hygiène et la sécurité sanitaires sont ressenties comme des exigences de plus en plus fortes chez les consommateurs, en écho aux récentes crises sanitaires (« vache folle », grippe aviaire, etc) ;

- les liens entre l'alimentation et la santé, notamment face aux enjeux liés à la prévention et la lutte contre l'obésité ;

- la préservation de l'environnement et des ressources naturelles, dans le cadre de l'objectif de développement durable exprimé depuis la Conférence de Rio en 1992 ;

- les questions éthiques liées aux sciences du vivant, par exemple aux organismes génétiquement modifiés ;

- enfin, l'utilisation non alimentaire des produits agricoles, en particulier dans le domaine énergétique, avec le développement des biocarburants, des agro ressources, etc.

Sur ce dernier point, M. Claude Roy, coordonnateur interministériel pur la valorisation de la biomasse, a indiqué à votre rapporteur que la « deuxième révolution agricole » était déjà amorcée : en effet, il existe désormais une prise de conscience que le meilleur rempart contre la raréfaction des ressources pétrolières ou gazières et contre l'effet de serre, réside dans une mise en valeur efficace, intensive -mais responsable- de la terre. De ce fait, la valorisation de la biomasse , qui peut se substituer à toutes les matières premières, ouvre des perspectives de débouchés nouveaux pour notre agriculture et nous fait redécouvrir sa modernité, en l'inscrivant au coeur d'enjeux cruciaux pour notre société et notre planète.

En réponse, l'enseignement agricole devra composer avec cette nouvelle donne et intégrer ces nouveaux enjeux dans ses formations : en effet, la « dynamique de progrès » en cours va susciter la création de nombreux emplois, répondant à des besoins de compétences nouvelles.

LES ENJEUX DE LA VALORISATION DE LA BIOMASSE

Le 5 avril 2006, les ministres chargés de l'agriculture et de l'industrie ont présenté, en conseil des ministres, une communication sur la stratégie mise en oeuvre par le Gouvernement en vue d'accroître la valorisation de la biomasse agricole et forestière dans les domaines de l'énergie thermique et électrique, des matériaux et des produits de la pétrochimie.

Cette action, qui s'inscrit dans le prolongement du « Plan Biocarburants » engagé fin 2004, vise à répondre à des enjeux stratégiques :

- maîtriser notre consommation de ressources non renouvelables ;

- lutter contre l'effet de serre et les changements climatiques ;

- valoriser le potentiel agricole et forestier français, tout en permettant l'émergence de nouveaux débouchés pour ces filières, et donc la création d'activités et d'emplois durables dans les territoires.

Les objectifs fixés sont les suivants :

- préparer une filière biocarburants de deuxième génération, en s'appuyant notamment sur une diversification des formes de biomasse utilisées (bois, paille, déchets...) ;

- augmenter de 50% en 5 ans la contribution de la biomasse à la production nationale de chaleur et d'électricité, en la portant à environ 20% des besoins, en substitution du pétrole, du gaz et du charbon ; une puissance électrique supplémentaire de 1 000 mégawatts sera produite grâce à la construction de biocentrales de cogénération ;

- accroître la place des « bioproduits » dans les marchés des matériaux et de la chimie.

Cette politique devrait permettre la création ou le maintien de près de 40 000 emplois dans la production et la valorisation de la biomasse, à l'horizon 2010-2015. Elle nécessitera de développer des synergies entre les différentes filières de valorisation de la biomasse et d'accroître les efforts de recherche, de formation et d'information.

b) Le renouveau des « campagnes » : des gisements d'emplois et d'activités à sonder

En parallèle, le renouveau du monde rural ouvre de nouvelles perspectives et des créneaux porteurs pour l'enseignement agricole.

Dans son étude prospective intitulée « Quelle France rurale en 2020 ? », la DATAR 7 ( * ) constate que la croissance de l'emploi rural compense désormais la chute de l'emploi agricole , alors qu'un Français sur quatre réside dans l'espace rural et qu'un sur cinq y travaille : « l'enseignement agricole, au sens large, a un rôle essentiel à jouer dans la formation, l'accompagnement de ces futurs actifs ruraux ».

En ce sens, le développement des formations dans le domaine des services à la personne , dans lequel l'enseignement agricole a acquis un réel savoir-faire, répond à des besoins qui sont appelés à s'accroître.

En effet, les tendances démographiques dans les espaces ruraux, marquées par un vieillissement des populations d'un côté, et l'installation de nouvelles familles de l'autre, suscitent une forte croissance de la demande de personnels qualifiés, dans les domaines de la petite enfance ou de l'accompagnement des personnes âgées.

Au-delà, de nouvelles perspectives s'ouvrent, dans des domaines que l'enseignement agricole a toute légitimité à investir.

La mission sur « l'éducation et la ruralité », confiée au journaliste M. François Grosrichard, à l'automne dernier, par le ministre de l'agriculture, en liaison avec le ministre de l'éducation nationale, exprime une première prise de conscience de ces enjeux, puisque son objectif est de « détecter les métiers agricoles et ruraux de demain ».

Votre rapporteur constate avec satisfaction qu'à l'issue de ses rencontres et déplacements sur le terrain, M. François Grosrichard a clairement ciblé son propos, dans un rapport rendu public en juin dernier 8 ( * ) , sur le rôle majeur de l'enseignement agricole, dans un contexte de « renouveau récent des campagnes françaises » , pour accompagner la vocation nouvelle du monde rural et soutenir les activités qui s'y développent.

Il relève, en effet, que l'espace rural, bien que multiforme, n'est plus un espace en voie de désertification : « il ne serait pas exact de continuer de parler d'exode rural, de déclin démographique et économique des campagnes comme ont pu le faire les observateurs dans les années 1960-1980 » ; « aujourd'hui, sauf quelque 300 ou 350 cantons situés dans ce que les géographes appellent « la diagonale aride » (...), les communes rurales françaises voient leur population augmenter, se diversifier, se renouveler. Elles sont attractives. Elles sont des « foyers » pour y ancrer des activités et des métiers. »

Comme l'avaient déjà mis en avant les sociologues Bertrand Hervieu et Jean Viard, dans leur ouvrage « Au bonheur des campagnes », les analyses actuelles se rejoignent pour reconnaître que, loin d'être un « chef d'oeuvre en péril », l'espace rural est devenu « un champ d'expérimentation, un terrain d'aventures inédites et un réservoir de rêves modernes » 9 ( * ) .

Ainsi, l'avenir de l'enseignement agricole n'est pas derrière, mais devant lui, au coeur d'enjeux qui interpellent notre société contemporaine.

Il dispose, par sa position originale au sein de notre système d'éducation et de formation, de solides atouts pour y répondre.

* 1 Loi n° 60-791 du 2 août 1960 relative à l'enseignement et à la formation professionnelle agricoles.

* 2 Loi n° 84-579 du 9 juillet 1984 portant rénovation de l'enseignement agricole public.

* 3 Loi n° 84-1285 du 31 décembre 1984 portant réforme des relations entre l'Etat et les établissements d'enseignement agricole privés et modifiant la loi n° 84-579 du 9 juillet 1984 portant rénovation de l'enseignement agricole public.

* 4 Loi n° 99-574 du 9 juillet 1999 d'orientation agricole (JO n° 158 du 10 juillet 1999).

* 5 Article L. 811-1 du Code rural.

* 6 Mission d'audit de modernisation de l'Etat, rapport sur l'enseignement technique agricole, juin 2006.

* 7 « Quelle France rurale pour 2020 ? Contribution à une nouvelle politique de développement rural durable », étude prospective de la Délégation à l'aménagement du territoire et à l'action régionale (DATAR), septembre 2003.

* 8 « L'enseignement agricole au coeur de la modernité rurale », rapport de M. François Grosrichard à M. Dominique Bussereau, ministre de l'agriculture et de la pêche, Juin 2006.

* 9 Jean-Pierre Rioux, « La France d'un siècle à l'autre (1914-2000) », Hachette.

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