LE SUIVI DES AUDITS DE MODERNISATION

LA MODERNISATION DU PAIEMENT DES AMENDES : 3 MAI 2006

Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, sous la présidence de M. Jean Arthuis, président , la commission a procédé à l'audition de M. Dominique Lamiot, directeur général de la comptabilité publique, de MM. Bertrand Brassens et André Barilari, inspecteurs généraux des finances, de M. Yves Delbos, inspecteur général des services judiciaires, et de M. Jean-Yves Le Gallou, inspecteur général de l'administration , sur la modernisation du paiement des amendes .

Au préalable, M. Jean Arthuis, président, a rappelé que l'audition s'inscrivait dans un cycle consacré à la modernisation et à la réforme de l'Etat, dont la matière était constituée par le suivi des audits de modernisation initiés par M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l'Etat. Dans ce cadre, il était heureux d'accueillir le nouveau directeur général de la comptabilité publique, M. Dominique Lamiot, ayant indiqué que le recouvrement des amendes en phase contentieuse se caractérisait, aujourd'hui, par un faible taux de paiement spontané, un taux de contestations élevé, une procédure manuelle mal sécurisée et une efficience administrative réduite avec des recettes équilibrant à peine le coût global de gestion.

M. Dominique Lamiot, directeur général de la comptabilité publique , a d'abord rappelé le rôle du Trésor public dans le recouvrement des amendes forfaitaires majorées, c'est-à-dire non recouvrées en phase amiable. L'audit se cantonnait au paiement des infractions routières, qui représentaient 90 % des 11 millions de titres d'amendes émis annuellement. Le taux de recouvrement des amendes majorées constaté s'élevait à 34 % et l'objectif était d'améliorer ce taux de 2 % par an pour atteindre 42 % en 2008, année qui constituait l'horizon du projet annuel de performance et d'un contrat pluriannuel de performance signé avec le directeur du budget et le secrétaire général du ministère pour la période courant de 2006 à 2008.

Afin de réaliser cet objectif, il a indiqué que deux types d'actions avaient été engagés. Certaines tendaient à améliorer le recouvrement, qu'il s'agisse d'un meilleur pilotage des services, de la mise en place de poursuites mieux graduées ou d'une dématérialisation des échanges avec les huissiers de justice, les juridictions et les banques. Les autres actions avaient pour objet de développer l'offre de service, qu'il s'agisse de la généralisation du télépaiement, de l'amélioration de l'accueil téléphonique ou des encouragements au paiement volontaire dans les trente jours.

M. Dominique Lamiot a précisé que toutes ces actions étaient en cours de réalisation. Ainsi, les timbres fiscaux dématérialisés étaient en cours d'expérimentation dans 18 bureaux de tabac où les contrevenants avaient désormais la possibilité de payer directement leur contravention, le buraliste procédant alors à un télépaiement via Internet et à l'émission d'un justificatif du paiement.

Puis M. André Barilari a souligné que l'audit avait mis en évidence des « pertes en ligne » importantes dans un dispositif qui comportait notamment des possibilités d'« indulgences », et dont l'économie générale était injuste, car il entraînait des inconvénients non négligeables pour les personnes de bonne foi et ménageait de trop bonnes perspectives aux personnes de mauvaise foi. Dans sa globalité, le dispositif de gestion des amendes coûtait aussi cher que leur produit. Cependant, il a observé que cette analyse recouvrait des situations fortement différenciées : la gestion des radars automatiques, dont les amendes donnaient lieu à 70 % de paiements spontanés, présentait un rendement satisfaisant, tandis qu'il n'en allait pas de même de la chaîne de verbalisation ordinaire. La principale amélioration consistait donc à transposer le système de paiement des amendes se rapportant aux contraventions constatées par les radars automatiques aux autres amendes, en l'améliorant et en l'adaptant dans le sens d'une plus grande justice et d'une gestion plus transparente des « indulgences ». La verbalisation manuelle serait alors assistée par ordinateur. A l'instar des « amendes radars », elle donnerait lieu à l'envoi d'un courrier aux contrevenants et offrirait une palette de paiements comprenant notamment le timbre dématérialisé ou le télépaiement direct. Pour les cas où le recouvrement forcé s'avérerait indispensable, les actions précitées tendant à l'amélioration de la performance du Trésor public participeraient ensuite à une meilleure efficience globale de la gestion du paiement des amendes.

Concernant la mise en oeuvre de l'ensemble des préconisations de la mission, M. André Barilari a souligné la nécessité de mettre en place un « chef de file » compte tenu de l'éclatement des intervenants avec, d'une part, la gendarmerie et la police municipale ou nationale pour ce qui était des services verbalisateurs et, d'autre part, les différents ministères concernés : équipement, finances et justice. Ainsi, une délégation interministérielle, placée auprès du ministère de l'intérieur, était appelée à engager la réforme tout en veillant à un « retour sur investissement » suffisant.

M. Jean Arthuis, président , s'est alors interrogé sur la « gestion des indulgences ». En réponse, M. Yves Delbos en a souligné l'opacité, leur octroi s'effectuant hors du cadre législatif. L'« évaporation » s'opérait, notamment, au niveau des officiers du ministère public avec, par exemple, le cas des médecins verbalisés pour stationnement gênant, mais arguant d'un motif légitime. Il n'existait pas d'indications objectives sur la nature et l'ampleur de ces indulgences, et si des instructions de fermeté avaient été données à la fin de l'année 2002, leur application apparaissait aujourd'hui très différenciée.

M. Yves Delbos a ensuite précisé à M. Jean Arthuis, président, que si l'ampleur du phénomène était confirmée à Paris, il n'existait pas de « cartographie des indulgences ». M. Bertrand Brassens a ajouté qu'une régulation des « indulgences » au niveau local, où elles étaient uniformément pratiquées quoique à des degrés divers, s'avérait indispensable. Au « non-dit » existant pourrait succéder soit une fermeté absolue, soit une gestion des « indulgences » transparente, encadrée et donnant lieu, en particulier, à la présentation d'un rapport au conseil municipal.

M. Yves Delbos a alors souligné qu'il s'agissait d'une question de politique pénale : les maires, en tant qu'officiers de police judiciaire, étaient, en effet, sous l'autorité du procureur de la République. De même que le Garde des sceaux, le 7 avril 2006, a uniformisé les critères de poursuite concernant les contrôles de vitesse automatiques au moyen d'une circulaire, il pourrait élaborer un texte à destination des maires en vue d'unifier la gestion des « indulgences ».

M. Jean Arthuis, président , s'est interrogé sur la destination du produit des amendes et sur son rapprochement avec le coût de leur gestion. En réponse, M. André Barilari a indiqué que le coût administratif des amendes s'établissait à 330 millions d'euros en 2004, montant à rapprocher des recettes hors amendes forfaitaires majorées, établies à 377 millions d'euros, montant intégralement dévolu aux collectivités territoriales. Pour ce qui était des amendes forfaitaires majorées, dont le produit revenait à l'Etat, le coût de leur recouvrement s'établissait à 30 millions d'euros.

Puis M. Jean-Yves Le Gallou est revenu sur la nécessité de mettre fin aux saisies multiples, indiquant que le coût du traitement des contraventions dans les bureaux de police municipale ou nationale ressortait à 8 euros par infraction. A titre d'illustration, si les radars automatiques récemment mis en place ne l'avaient pas été, il aurait fallu employer 6.500 policiers supplémentaires. Ainsi, il convenait d'équiper les agents d'un « terminal nomade », qui permettrait un traitement des contraventions analogue à celui mis en place pour les radars automatiques.

M. Jean-Yves Le Gallou a ensuite précisé, sur la demande de M. Jean Arthuis, président, que cela nécessiterait ainsi l'acquisition de 20.000 à 40.000 terminaux mobiles dont le coût unitaire pouvait être évalué à 1.000 euros, soit une dépense susceptible d'atteindre 40 millions d'euros.

Un large débat s'est alors instauré.

M. Bernard Angels en sa qualité de rapporteur spécial de la mission « Gestion et contrôle des finances publiques » a notamment déploré l'éclatement des compétences et l'indétermination du « taux d'indulgences ». Puis il s'est interrogé sur la faiblesse et le champ exact du taux de recouvrement, rappelant qu'il était actuellement établi à 34 %. En réponse, M. Dominique Lamiot a précisé qu'il convenait de distinguer la « chaîne radar » de la « chaîne traditionnelle ». Pour cette dernière, le taux de paiement spontané était estimé à 50 % et le taux de recouvrement des amendes majorées, qui faisaient suite aux amendes non payées spontanément, s'élevait à 34 %, ce qui conduisait à un taux de recouvrement global de l'ordre de 70 %. Concernant la « chaîne radar », les paiements spontanés étaient déjà de l'ordre de 70 %, taux qui, combiné aux 34 % de recouvrement des amendes majorées, conduisait à un taux de recouvrement global de l'ordre de 80 %. Quoi qu'il en soit, ces taux globaux étaient largement inférieurs à ceux constatés pour les différentes impositions, qui s'établissaient entre 98 % et 99 %, laissant augurer de réelles marges de progression. M. Jean Arthuis, président , s'est alors étonné de l'existence de dysfonctionnements dans les procédures coercitives appliquées en cas de non-recouvrement des amendes majorées, s'agissant, en particulier, de la non-délivrance de la carte grise.

M. Bertrand Brassens a précisé qu'outre les « indulgences », les immatriculations étrangères, d'une part, et l'impossibilité de retrouver l'adresse des contrevenants, d'autre part, constituaient des motifs importants de « pertes en ligne ». Puis il a indiqué que si l'on étendait aux stationnements les procédures mises en place pour les radars automatiques, il importerait de veiller à la protection des libertés, car la qualité des preuves réunies pour les infractions constatées par radar était actuellement meilleure que celle concernant le stationnement.

M. Dominique Lamiot a alors inventorié les actions d'ores et déjà mises en oeuvre pour faciliter les relations avec les contrevenants : les possibilités de télépaiement étaient généralisées, les oppositions administratives se cantonnaient désormais au strict montant de l'amende, et les comptables ne s'autorisaient pas à pratiquer d'opposition sur plus d'un compte au nom du contrevenant.

M. Yves Fréville est revenu sur les modalités de redistribution du produit des amendes aux collectivités territoriales, estimant injuste qu'elle se fasse au prorata des émissions d'amendes et non au prorata de leur recouvrement. En outre, il s'est interrogé sur l'existence de statistiques concernant ces taux de recouvrement locaux et, par ailleurs, de l'incidence de la proximité des échéances électorales sur le taux de recouvrement global.

Pour sa part, M. Auguste Cazalet s'est inquiété d'une éventuelle possibilité d'« indulgences » pour les contraventions constatées par radar automatique, de l'impunité manifeste des conducteurs de voitures immatriculées à l'étranger et d'un probable trafic de fausses plaques d'immatriculation qui aboutirait à des verbalisations erronées.

Puis M. Adrien Gouteyron s'est déclaré préoccupé par une éventuelle augmentation du contentieux des infractions routières. Il s'est étonné, par ailleurs, de ce que le refus de transfert de carte grise résultant du non-recouvrement des amendes majorées, mesure particulièrement attentatoire aux libertés, ne nécessitât pas d'intervention de l'autorité judiciaire.

M. Philippe Adnot s'est demandé à quelle échéance les recettes résultant de la mise en place des radars automatiques, provisoirement affectées à l'amortissement du matériel, reviendraient aux collectivités territoriales.

Enfin, M. Yann Gaillard s'est inquiété de la situation des conducteurs verbalisés à tort, évoquant les difficultés rencontrées pour obtenir la restitution de points qui étaient ôtés à la suite d'une infraction qui n'avait jamais pu être commise.

Pour sa part, M. Jean Arthuis, président , a renouvelé son souhait de connaître la proportion des contraventions donnant lieu à « indulgences ».

M. Dominique Lamiot a préalablement indiqué que seul le taux de recouvrement par département en phase contentieuse était disponible et qu'en conséquence, la mise en place d'un « infocentre » global serait intéressante, prenant ainsi acte de la première des observations de M. Yves Fréville. En réponse aux autres intervenants, il a mentionné l'existence d'une convention avec le Luxembourg qui aboutirait à mettre un terme à l'impunité des contrevenants luxembourgeois en France. Concernant les radars automatiques, il a précisé que la photo pouvait toujours être réclamée, seules les photos qui établissaient incontestablement l'infraction donnant normalement lieu à exploitation.

En complément de réponse, M. Jean-Yves Le Gallou a précisé que le retrait de points constituait un acte administratif lié à une décision de justice, mais dont la contestation devait être portée devant un tribunal administratif. De fait, certains contrevenants ne réagissaient qu'au stade de la connaissance du retrait de points, ce qui renforçait l'intérêt d'une gestion plus rapide.

Apportant d'autres éléments de réponse, M. Yves Delbos a souligné que la chaîne de traitement des infractions constatées par les radars automatiques ne laissait aucune place à la pratique des « indulgences », puis il a indiqué que la circulaire du 7 avril 2006, précédemment évoquée, répertoriait, pour mieux les traiter, la liste des « échappatoires » aux contrôles automatisés. Concernant le problème spécifique des plaques étrangères, de nouvelles conventions internationales devaient être négociées. Revenant sur le problème de la quantification des « indulgences », tout en soulignant son impossibilité théorique, il a émis l'hypothèse d'une fourchette d'« évaporation » comprise entre 10 % et 15 % des verbalisations. Concernant l'incidence des échéances électorales, il s'est cantonné à observer qu'elles aboutissaient à une « indulgence légale ». Enfin, concernant l'ampleur des recours, M. Yves Delbos n'a pas véritablement décelé d'évolutions quantitatives, mais plutôt une médiatisation croissante.

M. Jean Arthuis, président, a remercié l'ensemble des intervenants pour les précisions ainsi apportées, qui démontraient amplement l'utilité d'une telle audition.

LA GARDE DES CENTRES DE RÉTENTION ADMINISTRATIVE : 3 MAI 2006

Réunie le mercredi 3 mai 2006 , sous la présidence de M. Jean Arthuis, président , la commission a procédé à l'audition de M. Christian Munch, directeur de l'évaluation de la performance et des affaires financières et immobilières au ministère de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, de M. Eric Le Douaron, directeur central de la police aux frontières, et de M. Bernard Jullien, chargé de mission à l'inspection générale de l'administration (IGA), sur la garde des centres de rétention administrative .

M. Jean Arthuis, président , a rappelé que cette audition s'inscrivait dans le cadre du cycle consacré par la commission à la modernisation et à la réforme de l'Etat et portait sur l'audit relatif aux centres de rétention administrative. Il a précisé que la commission avait souhaité s'intéresser aux résultats de ces auditions, en confrontant l'équipe d'audit, ceux qui préconisent la réforme, et ceux qui sont chargés de la mettre en place afin de pouvoir en tirer d'utiles enseignements. Il a indiqué que le bilan de l'audit, conduit par l'équipe représentée à cette occasion par M. Bernard Jullien, s'ordonnait autour des conclusions suivantes :

- le constat de l'improvisation et de l'urgence, sans règle directrice ni méthode dans la mise en place des centres de rétention administrative ;

- un système d'une extrême complexité caractérisé par un double ordre de juridictions, l'absence de « modèle » de centre de rétention administrative opérationnel et la diversité du parc immobilier ainsi que du niveau de « prestation » offert ;

- une dispersion et une hétérogénéité des personnels nombreux en charge des structures et de leur garde ;

- et un enchevêtrement de compétences ainsi qu'une imbrication des canaux de financement masquant le coût réel de l'éloignement des étrangers et rendant difficile son optimisation.

M. Bernard Jullien, chargé de mission à l'Inspection générale de l'administration (IGA) , a souligné que le rapport présenté avait été établi dans le cadre de la première phase des audits de modernisation, du 15 novembre au 15 décembre 2005. Il a observé qu'il constituait, de par la composition du groupe d'audit, la première coopération, en la matière, entre le ministère de la justice et le ministère de l'intérieur.

Il a indiqué que ce rapport proposait d'approfondir les politiques déjà en vigueur en vue d'une rationalisation à court et moyen termes, d'une part, et visait à imaginer des pistes de réflexion à explorer pour le long terme, d'autre part.

S'agissant de la rationalisation à court et moyen termes, M. Bernard Jullien a précisé que les recommandations de la mission d'audit s'articulaient autour des fonctions de surveillance et d'escorte.

Il a rappelé que les centres de rétention administrative étaient placés sous la responsabilité des services de police et de gendarmerie qui en assuraient la gestion, la garde, le greffe, et avaient également la responsabilité des escortes des étrangers retenus.

Il a observé que cette mission mobilisait plus de 1.140 fonctionnaires pour une vingtaine de centres de rétention administrative. Plus spécifiquement, il s'est enquis d'un éventuel recours à des hôtels pour accueillir de tels centres.

M. Jean Arthuis, président , a souhaité connaître la répartition géographique de ces centres et les dispositions matérielles les caractérisant. Plus spécifiquement, il s'est enquis d'un éventuel recours à des hôtels pour accueillir de tels centres.

M. Bernard Jullien a indiqué que la localisation de ces centres était souvent marquée par l'héritage du passé : d'anciens hôtels de police ou d'anciennes écoles de police ayant été réutilisés à cette fin. Il a ajouté que de nouveaux centres de rétention administrative étaient désormais construits à proximité des aéroports. Il a précisé que les centres de rétention administrative comportaient des espaces communs, des bureaux administratifs tels que les greffes, des locaux prévus pour l'accueil des familles et des avocats.

Il a souligné que les centres ne maîtrisaient pas l'organisation des escortes, et que, pour remédier à cette difficulté, le rapport d'audit recommandait une délégation des compétences aujourd'hui détenue par les préfectures.

M. Bernard Jullien a observé que les propositions formulées par le rapport d'audit, pour le long terme, allaient à l'encontre des principes communément admis et préconisaient un transfert de compétences au profit de la préfecture du lieu d'arrestation, une évolution du schéma immobilier en faveur de centres plus grands et plus proches des aéroports, et le recours à des personnels non policiers.

Il a expliqué que la politique de rétention s'était développée de manière empirique et était donc le résultat d'un héritage parfois lourd. Il a remarqué, dans cette perspective, que le centre de rétention administrative de Lyon provenait du réemploi d'un hôtel de police. Il a indiqué que les étrangers retenus pouvaient, en outre, être placés dans des lieux de rétention provisoire.

M. Eric Le Douaron a précisé qu'en 2005, 29.257 personnes avaient fait l'objet d'une rétention administrative. Il a également précisé qu'environ 50 lieux de rétention administrative provisoire étaient appelés à disparaître et qu'il n'était désormais plus question, même si à Roissy les infrastructures hôtelières avaient été mises à contribution par le passé, de recourir à ce type d'hébergement.

M. Eric Le Douaron a observé un point d'inflexion de la politique de détention des étrangers en situation irrégulière résultant de la réforme prévue par la loi n° 2003-1119 du 26 novembre 2003 autorisant, notamment, une durée de rétention pouvant aller jusqu'à 32 jours. Il a ainsi rappelé que si, en 2003 on dénombrait 28.155 « retenues placées » pour un taux d'occupation de 64  % des places disponibles et une durée moyenne de rétention de 6 jours, en 2004, on décomptait 30.043 placements pour un taux d'occupation de 73 % et une durée moyenne de rétention de 8,5 jours. Il a ajouté qu'au cours du premier trimestre 2006, on comptabilisait déjà 10.563 placements pour un taux d'occupation de 90 % et une durée moyenne de rétention de 9 jours et demi.

M. Eric Le Douaron a également noté une hausse régulière des éloignements menés à leur terme, qui étaient passés de 12.482 en 2003 à 19.841 en 2005. Il a indiqué que, pour le premier trimestre 2006, ce chiffre s'élevait déjà à 5.050, pour un objectif de 25.000 sur l'année.

Au vu de ces chiffres , M. Jean Arthuis, président , s'est interrogé sur le sort des personnes n'ayant pas fait l'objet d'une mesure d'éloignement.

M. Eric Le Douaron a déploré les difficultés, pour certaines destinations, à obtenir les laissez-passer consulaires nécessaires au retour dans leur pays d'origine des étrangers en situation irrégulière et sans document d'identité. Il a toutefois relevé que, grâce à l'établissement d'une liste des « pays posant problèmes », le taux de délivrance de ces documents avait sensiblement crû entre 2005 et le début de l'année 2006, passant de 35 % à 47,5 %. Il a, en outre, souligné le caractère précieux de la coopération du ministère des affaires étrangères pour ces questions. Dans ce contexte, il s'est félicité que la cellule, mise en place depuis un an et demi au sein de sa direction, et ayant pour mission de suivre tous les consulats dotés d'une représentation unique en France, ait pu atteindre un taux de délivrance de 57  %.

M. Jean Arthuis, président , a évoqué l'importance du travail conduit en commun par le ministère de l'intérieur et celui des affaires étrangères sur ces questions.

Pour illustrer ce travail interministériel, M. Christian Munch a cité le comité interministériel de contrôle de l'immigration comme lieu de collaboration privilégié entre les deux ministères. Il a indiqué, par ailleurs, que des négociations s'engageaient avec les consulats étrangers refusant trop systématiquement de livrer des laissez-passer.

M. Eric Le Douaron a estimé que la réussite future de la politique d'éloignement menée dépendrait essentiellement de la capacité d'hébergement dans les centres de rétention administrative et d'une initiative qui sera prise dans les jours prochains par le comité interministériel de contrôle de l'immigration.

Un large débat s'est alors instauré.

M. Paul Girod s'est montré préoccupé par l'activité de certaines associations vis-à-vis des centres de rétention administrative.

M. Eric Le Douaron a considéré que le travail de ces associations ne posait aucun problème fondamental à l'administration.

Revenant sur la carte des implantations des centres, M. Christian Munch a confirmé qu'elle était profondément orientée par le poids de l'histoire et par l'influence des lieux de passage, comme en attestaient les centres de Marseille, Roissy, Lille ou Coquelle.

Il a indiqué qu'en la matière, l'objectif était de parvenir à un maillage efficace du territoire, avec, notamment, des centres à Rennes, Lyon, Bordeaux ou Strasbourg. Il a, en outre, souligné que le choix de ces implantations ne pouvait réussir que dans le cadre d'une démarche pragmatique et par la conduite de négociations avec les acteurs locaux.

M. Jean Arthuis, président , s'est interrogé sur le degré d'informatisation des greffes.

M. Eric Le Douaron a indiqué que tous les greffes étaient informatisés, mais que la mise en place d'un nouveau logiciel nécessitait un certain temps d'adaptation. Il a ajouté qu'un logiciel visait, en particulier, à gérer les flux d'entrée et de sortie des étrangers en situation irrégulière dans les centres de rétention administrative.

M. Jean Arthuis, président , a souhaité connaître l'ampleur de ce phénomène.

M. Eric Le Douaron a fait état de 60.000 personnes interpellées par la police des airs et des frontières, la moitié faisant l'objet d'une rétention administrative. Parallèlement à l'optimisation de la gestion des places, grâce à ce nouveau logiciel, il a souhaité des escortes plus efficientes qui accapareraient moins les personnels policiers en fonctions au sein de ces centres.

M. Jean Arthuis, président , a estimé que le maillage territorial n'était peut-être pas encore suffisant, que ce soit dans certains lieux de transit tels que les grands aéroports, mais aussi dans les départements moins exposés aux flux migratoires.

M. Eric Le Douaron a remarqué que Roissy était en réalité la première frontière du pays. Il a ajouté qu'au-delà des filtres normaux, un dispositif nouveau, dit de « contrôle en porte d'avion », avait été mis en place avec succès et consistait à contrôler la régularité des titres d'immigration avant même l'entrée des étrangers en zone de transit.

M. Jean Arthuis, président , s'est demandé, dans cette perspective, si la possibilité de laisser des étrangers en situation irrégulière dans l'avion les ayant transportés en France jusqu'au retour dans le pays d'origine pouvait être envisagée.

M. Eric Le Douaron a considéré qu'une telle mesure ne pouvait être envisagée que si l'avion avait un taux de rotation suffisant et qu'elle était d'ores et déjà mise en oeuvre aux frais des compagnies aériennes. Il a rappelé que 500 personnes par jour étaient en attente d'un retour dans leur pays d'origine, il y a quelques années à Roissy, et qu'il n'y en avait plus aujourd'hui que 60 par jour, avec une moyenne de 12 heures entre l'arrivée sur le territoire et le départ. Il a observé une poussée de plus en plus forte des arrivées d'étrangers en situation irrégulière en provenance de la Chine et d'Amérique du sud.

Afin de limiter ces tentatives d'entrées illégales sur le territoire national, M. Eric Le Douaron a déclaré avoir demandé à ses services de prendre tous contacts utiles avec les ambassades des pays concernés. Il s'est, en outre, montré particulièrement soucieux de la formation des personnels des compagnies aériennes, et de celle dispensée aux agents des services équivalents à la police des airs et des frontières dans les pays d'origine. Il a annoncé que deux filières d'immigration clandestine avaient été découvertes, à Roissy, depuis début 2006, notamment grâce au travail fourni par l'Office central pour la répression de l'immigration irrégulière et de l'emploi d'étrangers sans titre, en lien avec les pays étrangers, et par les officiers de liaison « immigration » établis auprès des ambassades des pays d'origine ou de rebond. A titre d'exemple de cette coopération à l'échelle européenne, il a cité le démantèlement, en décembre 2005, d'une « filière pachtoune » vers l'Angleterre, via l'Italie, l'Allemagne, la Belgique et la France.

M. Jean Arthuis, président, a remercié l'ensemble des internautes pour les précisions ainsi apportées.

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