IV. LES COMPARAISONS INTERNATIONALES

Au moment où l'AFAA vient de se transformer en CULTURESFRANCE, une comparaison avec les choix des autres grands Etats européens qui ont une politique de rayonnement culturel à l'étranger n'apparaît pas inutile.

A la demande de la Cour, un questionnaire a été adressé par les services du ministère des affaires étrangères aux ambassades auprès des pays concernés, en l'espèce l'Espagne pour l'Institut CERVANTES, l'Allemagne pour le GOETHE INSTITUT, le Royaume-Uni pour le BRITISH COUNCIL et la Confédération helvétique pour PRO HELVETIA. La synthèse des éléments de présentation de ces agences, figurant en annexe, appelle les remarques suivantes.

Si l'on met en perspective ces différents opérateurs par rapport aux missions de l'AFAA, c'est avec PRO HELVETIA que l'association française fait apparaître le plus de similitudes. Les deux agences ont en commun une taille assez comparable, caractérisée par un budget de même ampleur et une absence de réseau pour l'AFAA, tandis que PRO HELVETIA se limite à trois implantations à l'étranger, Paris, Rome et New York, complétées par trois antennes au Caire, au Cap et à Varsovie. Leur champ de compétence est similaire, centré sur l'action culturelle et excluant l'enseignement, le domaine cinématographique et la promotion de la « musique actuelle ». Les deux opérateurs conduisent des actions assez comparables : PRO HELVETIA est présenté comme une agence de moyens qui s'engage progressivement dans des actions de programmation, de même que l'AFAA passe d'une logique de projet à une logique de programme ; l'une comme l'autre conduisent des opérations de grande envergure, les Saisons pour la France et des manifestations majeures pour la Suisse, telle qu'une opération réalisée au Japon pendant deux ans (« Swiss contemporary art in Japan ») et qui devrait être répétée en région Rhône-Alpes puis en Rhénanie.

Contrairement à la France, la Suisse, en revanche, ne semble pas souhaiter mettre en place une politique active d'enseignement à l'étranger ne serait-ce que parce qu'elle n'a pas une langue commune ; il est vrai que cette dernière politique, s'agissant de la France, relève d'autres opérateurs, notamment l'AEFE et l'ALLIANCE FRANCAISE et de multiples organismes congréganistes. Par ailleurs, la comparaison entre les deux entités a une limite liée à la taille du réseau diplomatique et culturel dont ces deux puissances disposent à l'étranger, celui de la France étant plus proche des ambitions des grands pays européens, tels que l'Allemagne, l'Espagne ou le Royaume Uni.

Contrairement aux multiples correspondances relevées ainsi entre le modèle suisse et l'association française, c'est d'une rupture qu'il faut parler lorsqu'on examine les trois autres réalisations européennes que sont le GOETHE INSTITUT, le BRITISH COUNCIL et l'Institut CERVANTES. Ces trois agences se caractérisent par la disposition de moyens financiers et en personnel considérables, leurs budgets sont respectivement de l'ordre de 250, 700 et 90 M€ contre 31 M€ pour l'AFAA. Elles ont constitué un réseau à l'étranger qui leur est affecté en propre, tout en s'appuyant largement sur le réseau diplomatique du pays dont elles sont l'émanation. Elles exercent en outre des compétences étendues ne se limitant pas au seul secteur culturel mais englobant l'enseignement de la langue, voire la coopération scientifique.

Le GOETHE INSTITUT et le BRITISH COUNCIL affirment leur présence dans les nouvelles régions émergentes du monde (Chine, Proche et Moyen Orient), sans pour autant délaisser l'Europe qui constitue toujours pour ces deux institutions un objectif prioritaire. Le BRITISH COUNCIL est l'agence dont la couverture géographique est le plus clairement affirmée. Il fait porter son action surtout dans les pays suivants : Inde, Chine, Proche et Moyen Orient et Afrique du Nord. L'Europe reste un domaine de prédilection tandis que le reste du monde par comparaison est moins présent. Le BRITISH COUNCIL est d'ailleurs cité, par les différents interlocuteurs chargés du dossier qui a abouti à la création de CULTURESFRANCE, comme le modèle de référence. Il est vrai qu'il constitue une réalisation remarquablement homogène au regard de laquelle la disparité du réseau et des opérateurs français, peut donner l'impression d'une moindre cohérence.

Si le BRITISH COUNCIL devenait effectivement un modèle pour le nouvel opérateur dont les attributions ne sont pas encore à ce jour clairement définies, à l'exclusion des compétences propres de l'AFAA et de l'ADPF qui viennent de fusionner, il faudrait alors repenser l'organisation de l'action culturelle de la France à l'étranger en tenant compte des éléments susceptibles d'être repris par notre pays à partir de l'expérience britannique. Dans cette perspective, se poserait la question de ne plus séparer l'action en faveur du rayonnement culturel de la France de l'apprentissage de notre langue à l'étranger. Ceci supposerait un rapprochement des différents opérateurs et une réorganisation du réseau. Il s'agirait d'une réforme de très grande envergure. Celle-ci impliquerait la mise en place d'une tutelle renforcée, la réalisation sur le plan juridique de la compatibilité entre les différents statuts d'établissements relevant de régimes divers, une harmonisation des situations d'emploi très hétérogènes du personnel, sans compter les évolutions de structures rendues nécessaires par le pilotage d'un tel réseau. Il n'appartient pas à la Cour de se prononcer sur l'opportunité d'une telle réforme alors que le modèle français fonctionne, certes dans des conditions qui peuvent appeler la critique, mais qui ne sont pas fondamentalement inefficaces. Elles pourraient devenir plus performantes grâce en particulier à une plus grande vigilance portée par les ministères dont dépend l'AFAA sur les opérations qu'elle entreprend, dans le sens d'une action plus cohérente et plus continue tenant compte de priorités mieux définies, faisant l'objet après réalisation d'une évaluation plus systématique et plus critique.

Si chacune de ces étapes : définition des priorités, vigilance sur les opérations menées, appréciation plus rigoureuse des résultats obtenus, était mieux suivie, il deviendrait possible d'en tirer des conclusions qui ne manqueraient pas d'être d'une grande utilité dans le choix de la structure la mieux adaptée à un plus ample rayonnement culturel de la France à l'étranger.

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