D. LES FONCTIONS EXÉCUTIVES ET INTERCOMMUNALES

1. Les exécutifs municipaux

a) Pour les communes de plus de 3 500 habitants
(1) L'obligation de parité pour l'élection des adjoints

L'instauration de la parité au sein des exécutifs des communes de plus de 3 500 habitants faisait partie des souhaits formulés par le Président de la République lors de ses voeux de janvier 2006 et constitue l'une des principales dispositions du projet de loi déposé au Sénat. Selon la rédaction retenue par le Gouvernement dans ce texte, cette disposition n'aurait cependant qu'une portée transitoire puisqu'elle ne s'appliquerait que pendant une durée correspondant à deux mandats des conseils municipaux, soit douze ans.

L'instauration de la parité au sein des conseils municipaux dans les communes de plus de 3 500 habitants figure également dans presque toutes les propositions de loi soumises à l'examen de la délégation et a reçu l'approbation de la quasi-totalité des personnalités auditionnées par la délégation.

Ainsi, les propositions de loi n° 51 rectifiée (2004-2005) de Mme Valérie Létard 53 ( * ) , n° 147 (2004-2005) de Mme Gisèle Gautier 54 ( * ) , n° 226 (2004-2005) de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et plusieurs de ses collègues 55 ( * ) et n° 136 (2005-2006) 56 ( * ) et n°44 (2006-2007) 57 ( * ) de M. Jean-Louis Masson prévoient toutes la parité parmi les adjoints au maire , grâce à la désignation alternative d'un adjoint de chaque sexe. La proposition de loi n° 136 de M. Jean-Louis Masson précise en outre que lorsqu'il est procédé à l'élection d'un ou plusieurs adjoints en cours de mandat, l'écart entre le nombre des adjoints de chaque sexe doit rester inférieur ou égal à un. Sa proposition n° 44 prévoit une élection des adjoints au scrutin de liste majoritaire, chaque liste étant composée alternativement d'un candidat de chaque sexe.

La proposition de loi n° 153 (2005-2006) de notre collègue Muguette Dini prévoit pour sa part une élection des adjoints au maire au scrutin de liste majoritaire à un tour, chaque liste étant « composée de candidats des deux sexes, dans le respect et la limite de leur représentation respective au sein du conseil municipal » et ce dans l'ensemble des communes 58 ( * ) .

Au cours de son audition devant la délégation, notre collègue Valérie Létard a souligné que sa proposition de loi avait été ciblée sur le rééquilibrage entre les sexes dans l'attribution des fonctions d'adjoints au maire afin « d'amorcer la pompe » de la parité en favorisant la constitution, au sein des exécutifs locaux, d'un « vivier » de femmes élues ayant une expérience de la gestion des affaires publiques.

(2) L'obligation de parité pour l'attribution des délégations

S'agissant des communes de plus de 3 500 habitants, la proposition de loi n° 51 rectifiée de Mme Valérie Létard tend également à une parité des délégations accordées par le maire en prévoyant que celui-ci devrait porter alternativement son choix sur des conseillers de chaque sexe 59 ( * ) .

b) Pour les communes de moins de 3 500 habitants
(1) L'obligation d'une parité stricte

Pour les communes de moins de 3 500 habitants, il semble difficile dans l'immédiat d'instituer une stricte parité au niveau des exécutifs , dans la mesure où celle-ci n'existe pas au niveau des conseils municipaux ; c'est cependant ce à quoi tend la proposition de loi n° 226 (2004-2005) déposée par Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et plusieurs de ses collègues.

(2) Une représentation des femmes au sein de l'exécutif proportionnelle à leur représentation au sein du conseil municipal

Notre collègue Valérie Létard propose quant à elle dans sa proposition de loi n° 51 rectifiée (2004-2005) que le nombre des adjoints au maire soit proportionnel à leur représentation respective au sein du conseil municipal 60 ( * ) .

Selon une inspiration similaire, la proposition de loi n° 153 (2005-2006) de notre collègue Muguette Dini prévoit que les listes de candidats aux fonctions d'adjoints devraient être composées de candidats des deux sexes proportionnellement à leur représentation au sein du conseil municipal, dans les petites comme dans les grandes communes 61 ( * ) .

Au cours de son audition devant la délégation, notre collègue Pierre-Yves Collombat, entendu en sa qualité de premier vice-président de l'AMRF, a également évoqué l'idée de prévoir une représentation de chaque sexe dans l'exécutif proportionnelle à sa représentation dans le conseil municipal.

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité, a toutefois soulevé devant la délégation les problèmes pratiques que ne manquerait pas d'engendrer un tel dispositif, en particulier dans certaines petites communes ne comptant qu'une femme conseiller municipal.

2. Les exécutifs régionaux

Également souhaitée par le Président de la République, la parité au sein des exécutifs des conseils régionaux est prévue par le projet de loi déposé au Sénat et par plusieurs des propositions de loi soumises à la délégation. Cette suggestion a d'ailleurs recueilli la quasi-unanimité des personnalités auditionnées par la délégation.

Selon la rédaction retenue par le Gouvernement dans ce projet de loi, cette disposition n'aurait cependant qu'une portée transitoire puisqu'elle ne s'appliquerait que pendant une durée correspondant à deux mandats des conseils régionaux, soit douze ans.

Les propositions de loi n° 147 (2004-2005) de Mme Gisèle Gautier, présidente de la délégation, n° 153 (2005-2006) de Mme Muguette Dini, n° 374 (2005-2006) et n° 44 (2006-2007) de M. Jean-Louis Masson tendent à instituer une exigence de parité au niveau de la commission permanente et de celui du bureau.

a) La parité au sein de la commission permanente

Selon les quatre propositions, la commission permanente pourrait être désignée par consensus à condition qu'une seule candidature ait été déposée pour chaque poste à pourvoir et que l'écart entre le nombre de candidats de chaque sexe ne soit pas supérieur à un. Dans l'éventualité où une élection à la représentation proportionnelle s'avérerait nécessaire, les listes devraient être composées alternativement d'un candidat de chaque sexe 62 ( * ) .

b) La parité au sein du bureau

En ce qui concerne le bureau , les propositions de loi de nos collègues Gisèle Gautier et Muguette Dini prévoient respectivement dans leurs articles 2 et 31 que parmi les membres du bureau autres que le président, l'écart entre le nombre d'hommes et de femmes ne pourrait être supérieur à un.

La proposition de loi n°374 de notre collègue Jean-Louis Masson tend pour sa part à instituer une exigence de parité au niveau des vice-présidents en prévoyant dans son article 1 er une élection alternative d'un vice-président de chaque sexe, l'écart entre le nombre de vice-présidents de chaque sexe devant rester inférieur ou égal à un. Sa proposition n° 44 prévoit dans son article 4 une élection des vice-présidents au scrutin de liste majoritaire, chaque liste étant composée alternativement d'un candidat de chaque sexe.

c) La parité au sein de l'exécutif de l'Assemblée de Corse

Les propositions de loi n° 147 de Mme Gisèle Gautier et n° 374 et n° 44 de M. Jean-Louis Masson complètent ce dispositif respectivement dans leur article 3, pour la première, 2 et 3, pour la deuxième, et 5 pour la troisième, en instituant de même une exigence de parité au niveau de la commission permanente et du conseil exécutif de l'Assemblée de Corse, soumise à un statut particulier.

Il est par ailleurs à noter qu'aucune proposition de loi ne prévoit d'instituer la parité au niveau des exécutifs des départements ; une telle proposition serait en effet irréalisable en l'état, compte tenu de la très faible féminisation des conseils généraux.

3. Les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI)

a) Au niveau de la désignation des délégués des communes
(1) La parité des délégués des communes de plus de 3 500 habitants dans les EPCI à fiscalité propre

À l'occasion de ses voeux du début d'année, M. Jacques Chirac, Président de la République, a souhaité que soit instituée une obligation de parité dans la désignation des délégués des communes dans les structures intercommunales. Cette idée a reçu l'approbation de nombreuses personnalités auditionnées par la délégation. Après avoir été envisagée au cours de la préparation du projet de loi pour les délégués des communes de plus de 3 500 habitants, elle a finalement été abandonnée dans le texte déposé sur le bureau du Sénat.

Au cours de son audition devant la délégation, le 29 novembre 2006, M. Brice Hortefeux, ministre délégué aux collectivités territoriales, a exposé les raisons qui avaient conduit le Gouvernement à évoluer sur cette question, après réflexion et au vu des consultations effectuées auprès des associations d'élus.

Le ministre a, d'une part, expliqué que l'instauration d'une telle obligation de parité supposerait d'élire les délégués au scrutin de liste, ce qui mettrait fin aux pratiques actuelles, qui permettent d'assurer une représentation de l'opposition.

Il a, d'autre part, évoqué l'existence, au plan juridique, d'un doute sur la constitutionnalité d'un tel dispositif, fondé sur l'analyse de la jurisprudence du Conseil constitutionnel sur la portée des dispositions de l'article 3 de la Constitution issues de la révision constitutionnelle de 1999 relative à la parité.

En fin de compte, il a estimé qu'une réforme du mode de désignation des conseillers communautaires constituerait un préalable nécessaire à l'adoption d'un dispositif permettant de faire progresser la parité dans les structures intercommunales. A cet égard, il a noté qu'une transposition du système applicable pour les élections municipales à Paris, Lyon et Marseille apparaissait aujourd'hui probablement la formule la plus consensuelle, estimant qu'une éventuelle élection des délégués des communes au suffrage universel direct risquerait d'aboutir à porter atteinte à la légitimité des conseillers municipaux.

Les propositions de loi n° 136 (2005-2006) et n° 44 (2006-2007) déposées par notre collègue Jean-Louis Masson tendent à prévoir une obligation stricte de parité des listes de candidats pour l'élection des délégués des communes de plus de 3 500 habitants au sein des conseils d'une communauté de communes, d'une communauté d'agglomération ou d'une communauté urbaine, cette élection étant effectuée au scrutin de liste à la proportionnelle lorsqu'il y a plus d'un délégué 63 ( * ) .

La proposition de loi n° 153 de notre collègue Muguette Dini va plus loin en instituant une obligation stricte de parité des listes de candidats pour l'élection des délégués de l'ensemble des communes au sein d'une communauté de communes, d'une communauté urbaine ou d'une communauté d'agglomération et plus généralement d'un EPCI à fiscalité propre , cette élection étant effectuée au scrutin de liste à la proportionnelle lorsqu'il y a plus d'un délégué 64 ( * ) .

Au cours de son audition devant la délégation, M. Emmanuel Duru, responsable du service juridique de l'Association des communautés de France (ADCF), a indiqué que plusieurs solutions avaient été envisagées par l'ADCF pour améliorer la représentation des femmes au sein des intercommunalités.

Evoquant tout d'abord la solution qui consisterait à adopter un scrutin de liste majoritaire avec obligation de parité pour l'élection des délégués des communes de plus de 3 500 habitants , initialement envisagée dans le cadre de la préparation du projet de loi, il a estimé qu'elle comporterait le risque de fragiliser les équilibres politiques au sein des structures intercommunales, en mentionnant l'exemple de certaines communautés d'agglomération où des accords ont été passés pour assurer une représentation de l'opposition.

Il a ensuite noté, s'agissant de l'institution d'un scrutin de liste avec représentation proportionnelle pour l'élection de ces mêmes délégués , que ce mécanisme était aujourd'hui déjà en vigueur pour l'élection des délégués aux conseils des communautés urbaines et pourrait être transposé aux autres structures intercommunales.

M. Michel Guégan, vice-président de l'ADCF, a souligné la préférence de l'ADCF pour l'application du scrutin proportionnel , afin que les intercommunalités puissent représenter toutes les sensibilités politiques et locales.

M. Emmanuel Duru a par ailleurs évoqué la solution qui consisterait à en rester au statu quo pour la désignation des délégués des communes , en introduisant toutefois une obligation de résultat en termes de parité . Il a reconnu que ce choix soulèverait des difficultés d'application pour les communes qui désignent un nombre impair de délégués, indiquant qu'une priorité en faveur des femmes pourrait, par exemple, être instaurée pour résoudre ce problème.

(2) La parité des délégués des communes dans les autres EPCI

La proposition de loi de notre collègue Muguette Dini tend en outre à compléter ce dispositif en prévoyant la représentation de chaque commune, dans un syndicat de communes dont elle est membre, par deux délégués de sexe différent , le scrutin majoritaire étant toutefois maintenu 65 ( * ) . Au cours de son audition, Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité, a cependant appelé l'attention de la délégation sur le nombre peut-être excessif de délégués qui pourrait résulter de la désignation d'au moins deux délégués de sexe opposé par commune.

Mme Bérengère Poletti, déléguée générale aux femmes de l'UMP, a également fait valoir les difficultés concrètes que pourrait poser l'institution de la parité dans les structures intercommunales, notamment en ce qui concerne les petites communes qui ne comptent que peu de femmes au sein de leur conseil municipal et qui ne désignent parfois qu'un seul délégué pour siéger dans une structure intercommunale.

Notre collègue Hugues Portelli, également professeur de sciences politiques et de droit constitutionnel à l'université de Paris II, a pour sa part considéré qu'un problème constitutionnel pourrait se poser. Il a en effet estimé qu'il serait possible d'introduire la parité au sein des exécutifs des conseils municipaux, car les adjoints au maire font l'objet d'une élection, mais non au sein des structures de coopération intercommunale, car selon lui, les conseillers communautaires ne sont pas élus, mais désignés par les conseils municipaux des communes membres, d'autant que les structures intercommunales ne constituent pas des collectivités territoriales, mais des établissements publics, à moins d'envisager une évolution de la conception de l'intercommunalité.

(3) L'idée d'une élection des conseillers communautaires en même temps que les conseillers municipaux ou au suffrage universel direct

À cet égard, notre collègue Hugues Portelli a estimé que les conseillers communautaires pourraient être élus selon des modalités inspirées de celles applicables aux élections municipales à Paris, Lyon et Marseille, c'est-à-dire que les conseillers municipaux, élus dans les premiers rangs d'une liste paritaire, seraient en même temps élus conseillers communautaires, ce qui présenterait l'avantage de supprimer la désignation de ceux-ci par les conseils municipaux.

Selon la même inspiration, notre collègue Pierre-Yves Collombat, entendu en sa qualité de premier vice-président de AMRF, a proposé que soit institué un mode de scrutin comportant un choix préférentiel permettant d'élire en même temps les conseillers municipaux et les représentants des communes dans les conseils communautaires , sur le modèle de la loi applicable à Paris, Lyon et Marseille. Il a précisé qu'un tel mode de scrutin permettrait d'engager le débat sur l'intercommunalité lors des élections municipales, de mieux représenter l'opposition et de prévoir une obligation de représentation féminine.

M. Emmanuel Duru, responsable du service juridique de l'ADCF, a de même évoqué la possibilité de transposer le mode de scrutin applicable aux élections municipales à Paris, Lyon et Marseille en instaurant un dispositif de « fléchage », sur les listes de candidats aux élections municipales, des candidats appelés à siéger dans les conseils intercommunaux, avec une obligation de résultat en termes de parité, ce qui supposerait néanmoins de trouver des candidatures en nombre suffisant.

Pour sa part, Mme Laurence Rossignol, secrétaire nationale aux droits des femmes et à la parité au PS, a estimé que la question de la parité au sein des structures intercommunales était liée à celle de leur mode d'élection et qu'il faudrait passer au suffrage direct pour l'élection des conseillers communautaires, au moins pour les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) de grande taille.

De même, Mme Florence Richard, présidente du conseil d'administration de l'association « Femmes, débat et société », a préconisé l'élection des conseils intercommunaux au suffrage universel direct et au scrutin proportionnel, tout en reconnaissant qu'au plan pratique une telle mesure soulevait quelques difficultés de mise en oeuvre.

M. Éric Kerrouche, chercheur au CERVL, a considéré que l'exigence démocratique impliquait désormais une élection au suffrage universel des conseils communautaires, avec une garantie de représentation de la minorité et une obligation de parité. À cet égard, il a estimé que la transposition du mode de scrutin applicable à Paris, Lyon et Marseille constituerait le système le plus « lisible » pour les citoyens.

b) Au niveau des exécutifs

Compte tenu de la faible présence actuelle des femmes au sein des EPCI, la parité au niveau des exécutifs ne semble pour l'instant pouvoir être envisagée que pour les plus importants d'entre eux.

La proposition de loi n° 136 (2005-2006) présentée par notre collègue Jean-Louis Masson tend à instituer une exigence stricte de parité au niveau des vice-présidents dans les bureaux des communautés urbaines et des communautés d'agglomération, en prévoyant que l'écart entre le nombre de vice-présidents de chaque sexe ne pourrait être supérieur à un 66 ( * ) .

Au cours de son audition, Mme Régine Saint-Criq, présidente de l'association « Parité », a indiqué que cette association était également favorable à l'introduction de l'obligation de parité parmi les vice-présidents des structures intercommunales.

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité, a cependant relevé devant la délégation la difficulté de parvenir à la parité au sein des exécutifs des structures de coopération intercommunale, dès lors que les communes de moins de 3 500 habitants elles-mêmes ne sont pas soumises à une obligation de parité des conseils municipaux.

* 53 Cf. article 1 er de la proposition de loi.

* 54 Cf. article 1 er de la proposition de loi.

* 55 Cf. article 3 de la proposition de loi.

* 56 Cf. article 1 er de la proposition de loi.

* 57 Cf. article 7 de la proposition de loi.

* 58 Cf. article 23 de la proposition de loi.

* 59 Cf. article 2 de la proposition de loi.

* 60 Cf. article 1 er de la proposition de loi.

* 61 Cf. article 23 de la proposition de loi.

* 62 Cf. art. 2 de la proposition de Mme Gautier, art. 30 de la proposition de Mme Dini et art. 1 er et 4 des propositions de M. Masson.

* 63 Cf. articles 2, 3 et 4 de la proposition de loi n° 136 et article 8 de la proposition de loi n° 44.

* 64 Cf. articles 25, 27, 28 et 29 de la proposition de loi.

* 65 Cf. article 26 de la proposition de loi.

* 66 Cf. article 5 de la proposition de loi.

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