2- l'introuvable avantage américain

En dépit de critiques récurrentes, la comparaison des politiques européenne et américaine de la concurrence ne fait pas apparaître d'avantage définitif au profit de cette dernière.

Tout d'abord, s'agissant du marché pertinent , il convient de rappeler que si la réforme a eu pour effet de donner une plus grande marge d'appréciation à la Commission, c'est précisément pour permettre une analyse plus souple, au cas par cas, des risques encourus par une concentration. En cela, la formulation retenue s'est beaucoup inspirée et rapprochée du droit américain, alors que le règlement de 1989 ne retenait comme seul critère que l'abus de position dominante. Il est possible et souhaitable que le rapprochement avec la situation américaine concerne aussi l'assouplissement observé depuis quelques années aux Etats-Unis en matière de concentrations .

De même, la modernisation du « test de dominance » introduite par le règlement de 2004 a pour objet de mieux prendre en compte les effets économiques des rapprochements et tend à s'inspirer du « test SLC » américain ( substantial lessening of competition , soit la « diminution substantielle de la concurrence »), qui était auparavant perçu comme un élément distinctif de l'approche américaine. La relative convergence entre les deux systèmes de contrôle de la concurrence pourrait également s'inscrire dans la continuité de l'assouplissement observé depuis quelques années aux Etats-Unis en matière de concentrations.

Cette évolution pourrait notamment s'inscrire dans la prise en compte croissante de préoccupations de politique industrielle, plus volontiers affichée par la Commission, en particulier depuis sa communication du 9 octobre 2005 sur ce sujet, ainsi intitulée : « Un cadre politique pour renforcer l'industrie manufacturière : l'Union européenne vers une approche intégrée de la politique industrielle ».

Ensuite, il convient de rappeler que la traditionnelle rigueur européenne sur le sujet correspond à une volonté de privilégier une intervention ex ante , en évitant que la constitution d'un groupe trop important n'aboutisse à une position dominante et en s'épargnant ainsi d'avoir à décider de la dissociation d'un groupe déjà constitué.

Cette politique préventive apparaît fondée dès lors que l'on n'imagine pas que les institutions européennes (Commission et CJCE) puissent décider et obtenir le démantèlement d'une entité déjà existante, comme ce fut possible aux Etats-Unis pour AT&T, avec une fermeté difficile à imaginer en Europe.

S'agissant des aides d'Etat, en revanche, il existe une réelle différence entre le discours européen et la pratique américaine , qui consiste en une politique industrielle indirecte mais volontariste visant notamment à favoriser les secteurs de haute technologie ou les secteurs industriels les plus structurants, comme l'automobile.

Il convient toutefois de noter que la Commission européenne a su ainsi se montrer pragmatique, en admettant par exemple les soutiens nationaux à l'aéronautique, au travers des avances remboursables, pendant indispensable au soutien américain à Boeing, notamment par le biais des commandes militaires. Le fait que la politique européenne de la concurrence ne constitue par un désavantage absolu ne signifie toutefois pas qu'elle ne gagnerait pas à être aménagée, et ce, dans le respect de ses principes.

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