III. FAUT-IL UN RÉGULATEUR EUROPÉEN DES COMMUNICATIONS ÉLECTRONIQUES ?

L'intégration croissante des marchés européens pose la question du niveau pertinent de régulation. Cette question n'a pas encore trouvé de réponse stable et définitive, mais la prochaine révision du cadre réglementaires européen des communications électroniques devrait fournir l'occasion pour la commissaire européen, Mme Viviane Reding, en charge de la société de l'information et des médias, de proposer une réponse. Elle a en effet évoqué son projet de créer un régulateur européen, qui pourrait être indépendant de la Commission européenne. La proposition définitive de la Commission ne sera toutefois connue qu'en octobre ou novembre, au lieu de juillet, comme annoncé initialement.

A. UN DÉFAUT PATENT DE COHÉRENCE DE LA RÉGULATION DANS L'UNION EUROPÉENNE

1. Un seul cadre réglementaire, mais divers modes de régulation

Le cadre réglementaire des communications électroniques adopté en 2002 -le « paquet télécom »- s'impose aux Etats membres comme à leur autorité de régulation nationale mais les conditions des offres d'accès à l'internet haut débit ou le prix des terminaisons d'appel divergent à travers l'Europe.

En effet, malgré l'existence d'un cadre commun, les options prises par les régulateurs diffèrent d'un pays à l'autre. Notamment, les obligations imposées aux opérateurs puissants ne sont pas aussi fortes d'un pays à l'autre. Ainsi, l'Allemagne a choisi de restreindre, dans un premier temps, l'accès des concurrents au réseau à très haut débit que déploie son opérateur historique : malgré les injonctions de la Commission européenne, cette pause réglementaire -« sunset clause » - a été votée par le législateur allemand afin de protéger les investissements en VDSL 157 ( * ) (Very high bit DSL) de Deutsche Telekom, malgré sa position dominante sur le marché du haut débit 158 ( * ) . Cette loi empiète sur l'indépendance du régulateur (la «Bundesnetzagentur») qui avait, pour sa part, fait des propositions pour obliger Deutsche Telekom à ouvrir à la concurrence ses réseaux à large bande, y compris ceux faisant appel à la technologie VDSL. Après plusieurs avertissements, la Commission a finalement adressé en février 2007 une mise en demeure à l'Allemagne, sans effet, avant de lui envoyer en mai un avis motivé, dernière étape avant la saisine de la Cour de justice des Communautés européennes que la Commission européenne annonce devrait annoncer incessamment . La procédure d'infraction ainsi lancée est la sixième en cours contre l'Allemagne en ce qui concerne les règles communautaires en matière de télécommunications...

De même, le régulateur espagnol a manifesté une certaine bienveillance à l'égard de l'opérateur historique, Telefonica, rendant très difficile la pénétration du marché par des concurrents, ce dont a directement pu pâtir France Télécom. La Commission européenne envisagerait même d'infliger une sanction pécuniaire à Telefonica pour abus de position dominante sur le marché du haut débit 159 ( * ) . L'année dernière, la Commission a accusé formellement le groupe espagnol d'avoir recours à des pratiques anticoncurrentielles, ses tarifs de gros étant proches des prix de détail dans le haut débit, empêchant ainsi ses concurrents de dégager des marges suffisantes.

* 157 La ligne à très haut débit VDSL peut être considérée comme le successeur de l'ADSL. Elle repose sur la même technologie : les signaux VDSL sont transportés sur une paire de cuivre, simultanément et sans interférence avec la voix; mais elle permet d'atteindre de très hauts débits, jusqu'à 52 Mbit/s en flux descendant et 12 Mbit/s en flux montant sur une seule paire de cuivre.

Cette technologie peut constituer le raccord entre un réseau de fibre optique et l'équipement terminal d'un foyer ou d'un bureau qui pourront continuer à utiliser leur ligne téléphonique à fil de cuivre. Toutefois, la portée du VDSL (la distance entre le réseau à haut débit et le terminal de l'utilisateur) est limitée à 300 mètres en configuration de flux descendant maximal, ce qui restreint considérablement le nombre d'abonnés pouvant être raccordés directement via le réseau de distribution.

* 158 En Allemagne, Deutsche Telekom contrôle près des trois quarts des accès au haut débit. Le taux de pénétration du haut débit en Allemagne est cependant deux fois moins élevé qu'aux Pays-Bas.

* 159 Selon le Financial Times du vendredi 22 juin 2007.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page