C. UNE PERFORMANCE DES OPÉRATEURS DIFFICILE À APPRÉCIER

Un autre élément, important à prendre en compte s'agissant de l'optimisation des moyens financiers alloués à la sécurité sanitaire, est la performance des agences de sécurité sanitaire .

Il est vrai que la politique de sécurité sanitaire induit une conception particulière de celle-ci, dans la mesure où l'objectif est de parvenir à ce qu'une crise sanitaire soit évitée ou, si elle se produisait, ait le moins d'impact possible. Or ceci dépend de nombreux facteurs extérieurs à l'Etat.

Cependant, compte tenu des ressources engagées par la collectivité, une analyse, au titre de la performance, de l'activité des agences de sécurité sanitaire s'impose , ceci d'autant plus que ces dernières sont des acteurs importants et les principaux bénéficiaires des crédits du programme « Veille et sécurité sanitaires ».

1. Un enjeu essentiel : le rôle central des opérateurs dans le programme « Veille et sécurité sanitaires »

Les opérateurs sont, à côté des services déconcentrés, les acteurs centraux de la réalisation des objectifs de la mission et plus particulièrement du programme n° 228 « Veille et sécurité sanitaires ». La déclinaison des programmes en leur sein revêt, dès lors, une importance stratégique au regard de la mise en oeuvre de cette politique publique et de la performance attendue.

Ceci d'autant plus que les agences sanitaires sont les principaux destinataires des crédits de la mission . En effet, pour 2007, les subventions de fonctionnement qui leur sont versées s'élèvent, en crédits de paiement, à près de 130 millions d'euros, soit 46 % de l'ensemble des dépenses de fonctionnement de la mission.

Le financement des agences s'imputent, pour l'essentiel, sur les crédits du programme n° 228 « Veille et sécurité sanitaires ». Sur les 105,25 millions d'euros demandés sur ce programme pour 2007, 80,47 millions d'euros correspondent aux subventions versées à ces opérateurs, soit 76 % des crédits du programme.

Quant au nombre d'emplois équivalents temps plein travaillés (ETPT) rémunérés par les opérateurs, hors plafond d'emplois ministériels, celui-ci s'élève, pour 2007, à 9.780 emplois (8.786 au titre du programme n° 228 « Veille et sécurité sanitaires » et 994 au titre du programme n° 206 « Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation »).

Subventions pour charges de service public versées aux opérateurs
dans le cadre de la mission « Sécurité sanitaire »

(en euros)

AFSSAPS

AFSSA

AFSSET

ABM

INVS

TOTAL

Programme n° 228

Action 01

462.585

4.556.810

2.470.514

2.968.730

45.103.876

55.572.515

Action 02

0

119.948

112.500

0

5.887.340

6.119.788

Action 03

4.670.504

1.869.964

37.500

2.969.733

0

9.547.701

Action 04

221.248

101.046

375.000

4.087.643

4.446.609

9.231.546

Total

5.354.337

6.657.768

2.995.514

10.026.106

55.437.825

80.471.550

Programme n° 206

Action 04

0

49.096.000

0

0

0

49.096.000

Total

5.354.337

55.753.768

2.995.514

1.026.106

55.437.825

129.567.550

Source : PAP 2007

2. L'insertion difficile des agences dans la démarche de performance

Or, malgré leur place centrale dans la mission, votre rapporteure spéciale n'a pu que constater, au cours de sa mission de contrôle, l'insertion difficile des agences dans la démarche de performance prônée par la LOLF .

a) Une difficulté à retracer, dans les PAP, la part de leur activité

Il s'agit, tout d'abord, de la difficulté à retracer, au sein des projets annuels de performances (PAP), la contribution effective des opérateurs au programme concerné.

Ainsi au sein du programme n° 228 « Veille et sécurité sanitaires », seules l'AFSSAPS et l'ABM se voient rattacher des objectifs propres , alors qu'aucun objectif du programme n° 206 « Sécurité et qualité sanitaires alimentaires » ne concerne directement l'AFSSA , seul opérateur du programme. A cet égard, le CIAP indique « la mission ne peut que regretter l'absence d'objectif et d'indicateur pour cet opérateur, facteur clé de la performance du programme. L'évolution du coût moyen d'un avis ou d'une saisine qui figure dans le rapport d'activité 2004 de l'agence mais, délaissé depuis, aurait mérité d'être suivie 72 ( * ) ».

Deux indicateurs transversaux du programme « Veille et sécurité sanitaires » sont également susceptibles d'être renseignés par l'ensemble des agences sanitaires. Cependant ils concernent aussi les services de la DGS et les directions régionales et départementales des affaires sociales et sanitaires (DRASS et DDASS). Il s'agit de l'indicateur 1.2 « Pourcentage d'agents assurant des astreintes formés à la gestion des alertes sanitaires » et de l'indicateur 2.2 « Pourcentage de communiqués de presse repris par la presse ».

Liens opérateurs - Projet annuel de performances (PAP)

Opérateur

Objectifs PAP

Indicateur de performance

AFSSAPS

Objectif 3 du programme n° 228 : « Améliorer les fonctions de contrôle et de police »

Indicateur 3.1 : « Nombre de détections d'anomalies / nombres de contrôles »

Objectif 4 du programme n° 228 : « Améliorer le traitement de la délivrance des autorisations »

Indicateur 4.1: « Délai de traitement des autorisations de mise sur le marché »

ABM

Objectif 5 du programme n° 228 : « Accroître le nombre de greffes d'organes »

Indicateur 5.1 : « Nombre de greffes d'organes »

Source : PAP 2007

Cette difficulté à couvrir l'activité des opérateurs par les objectifs définis dans le PAP s'explique par le nombre important d'organismes concernés et leur contribution variable au programme . Ainsi s'agissant de la mission « Sécurité sanitaire », sont concernés les sept opérateurs, mais aussi les services déconcentrés et les services de l'administration centrale.

Autre difficulté : les opérateurs semblent insuffisamment associés à l'élaboration des PAP . En particulier, la définition des objectifs et des indicateurs ne semble pas faire l'objet de discussions approfondies avec les organismes concernés.

Ceci pourrait dès lors expliquer que certains des objectifs ou indicateurs retenus soient assez contestables . La directrice générale de l'ABM souligne, par exemple, que l'indicateur, que doit renseigner son agence, à savoir le « nombre de greffes d'organe » 73 ( * ) n'est pas réellement pertinent, dans la mesure où l'agence ne dispose pas des leviers d'action permettant sa satisfaction . En effet, cet indicateur est tributaire de l'activité hospitalière, l'agence ne jouant en la matière qu'un rôle d'appui.

b) Une contractualisation qui ne permet pas de vérifier la performance des opérateurs

La déclinaison des objectifs et indicateurs au niveau des opérateurs passe également par des démarches de contractualisation entre agences et administration de tutelle . Si de telles procédures sont engagées s'agissant des agences sanitaires et qu'elles tendent à avoir des effets positifs, force est néanmoins de constater qu'elles manquent leur but .

Aujourd'hui, trois agences ont finalisé une telle procédure : l'AFSSA, l'AFSSET et l'ABM . D'autres agences ont engagé des discussions avec leurs tutelles : l'AFSSAPS, l'INVS et l'EFS, mais peinent à s'entendre sur le volet « moyens ».

Comme a pu le constater votre rapporteure spéciale, cette démarche a produit des effets positifs :

- elle a fortement mobilisé les services des agences ;

- elle a offert un nouveau cadre de dialogue entre les opérateurs et leurs administrations de tutelle et notamment de co-tutelles ;

- elle a favorisé l'émergence d'une « doctrine commune » de gestion des opérateurs, dont témoigne l'architecture proche des documents élaborés ;

- elle a, enfin, permis d' asseoir la légitimité de certaines agences et de fixer une vision partagée sur les missions et la place de chacune d'elles.

Pour autant, l'élaboration de ces contrats se heurte à des blocages , principalement le souhait des agences à obtenir un engagement pluriannuel de la direction du budget sur leurs moyens.

De ce point de vue, votre rapporteure spéciale a mis en évidence un manque de clarté et d'homogénéité s'agissant des contrats qui viennent d'être signés. Théoriquement, deux types de contrats doivent être distingués :

- les contrats d'objectifs et de moyens (COM), signés par la tutelle, l'établissement public et la direction du budget, qui prévoient un engagement pluriannuel sur les moyens ;

- les contrats de performance qui, eux, ne comprennent qu'un « volet moyens » indicatif et que la direction du budget souhaite développer.

Or, force est de constater, que les trois contrats qui viennent d'être signés ne répondent pas clairement à cette distinction :

- l'ABM a signé un « contrat de performance » dont le « volet moyens » a un caractère indicatif, ce qui correspond bien à la définition de ce document ;

- en revanche, l'AFSSET a conclu un « Contrat d'objectifs et de moyens » qui n'a pas été signé par la direction du budget ; il ne peut dès lors s'agir d'un réel contrat d'objectifs et de moyens ;

- enfin concernant l'AFSSA, elle a, elle aussi, conclu un « Contrat d'objectifs et de moyens », signé par la direction du budget, mais qui prévoit la stabilisation des moyens de l'agence sur la période 2007-2011, à missions constantes 74 ( * ) .

Outre cette hétérogénéité et ce manque de clarté dans la définition des documents retenus, votre rapporteure spéciale tient à souligner, surtout, que ces documents, en dépit de leur qualification (« Contrats de performance ») ne permettent pas d'apprécier la performance des opérateurs :

- ces documents pâtissent, tout d'abord, d'un souci d'exhaustivité qui entre en contradiction avec la volonté d'en faire un document stratégique ;

- ils paraissent ensuite davantage axés sur les missions de l'opérateur que sur les objectifs définis au niveau des PAP , alors que ces derniers devraient retracer au minimum les objectifs du programme auquel l'opérateur se rattache 75 ( * ) ;

- les indicateurs retenus sont encore nombreux , malgré une réduction importante en cours de négociation, et sont davantage des indicateurs d'activité que de performance ;

- quant à la partie consacrée à l'exercice de la tutelle et aux modalités de mise en oeuvre et de suivi du contrat, elle est souvent réduite .

c) Un dialogue de gestion quasi-inexistant

Le dialogue de gestion est également un élément essentiel d'appréciation de la performance des opérateurs. Dans la logique de la LOLF, celui-ci a, en effet, vocation à devenir un instrument essentiel de pilotage de la subvention pour charge de service public versée par l'Etat à l'opérateur, en fonction de la réalisation ou non des objectifs fixés à celui-ci.

Or, il est encore largement à construire. S'agissant, par exemple, de la fixation du montant de la subvention pour charge de service public, les agences semblent intervenir très en amont de la procédure budgétaire pour faire part de leurs demandes au responsable de programme et ne plus être ensuite associées aux discussions entre la direction du budget et le responsable de programme.

d) Une mesure de la performance aléatoire

La qualité des outils de gestion interne des opérateurs est également au coeur de la mesure de la performance des agences, de même qu'un élément central dans l'établissement de relations de confiance entre agences et administration centrale. Cette notion de confiance est essentielle afin, à terme, de pouvoir adapter les modalités d'exercice de la tutelle financière aux capacités et à la qualité de gestion des opérateurs.

Or, des lacunes en la matière ont souvent été dénoncées . Ainsi les inspections générales IGAS-IGF-IGE-COPERCI indiquaient dans leur rapport de 2004 76 ( * ) : « on peut parler pour toutes les agences issues de la loi de juillet 1998 d'une carence généralisée en matière de gestion administrative et financière, carence qui n'est encore que partiellement en voie de correction » .

Depuis, des progrès ont été réalisés . Les agences sanitaires disposent, aujourd'hui, dans leur grande majorité d'un dispositif de comptabilité analytique ou sont sur le point de s'en doter. Cependant, d'après les propos recueillis par votre rapporteure spéciale, le degré de finesse et de fiabilité de ces comptabilités est assez variable en fonction des agences.

Les outils de gestion interne des agences

Agence

Outils de gestion interne

INVS

Service de contrôle financier qui permet de disposer d'indicateurs reliant les actions, les effectifs, les dépenses de personnel et les dépenses relatives aux fonctions support

AFSSAPS

Cellule de contrôle de gestion

Mise en place d'une comptabilité analytique à l'étude

AFSSA

Comptabilité analytique

Schéma directeur des ressources humaines prévu par le COM

Programme d'investissement pluriannuel prévu par le COM

AFSSET

Changement de logiciel de gestion comptable et financière

Développement d'une comptabilité analytique prévu dans le COM

ABM

Unité de contrôle de gestion

Comptabilité analytique

EFS

Service d'audit et de contrôle de gestion

* 72 CIAP, Rapport d'audit n° 2007-R-57-01 mars 2006 sur le programme 206 « Sécurité et qualité sanitaires des aliments ».

* 73 Indicateur 5.1 du programme n° 228 : « Nombre de greffes d'organes ».

* 74 Le COM prévoit la recomposition de la capacité d'investissement de l'agence et de la croissance annuelle de la masse salariale qui tient compte du solde de GVT et de l'augmentation du point d'indice.

* 75 Circulaire 4 BCJS-06-2856 du 31 juillet 2006 relative à la préparation des budgets des opérateurs pour 2007.

* 76 IGAS, IGF, IGE, COPERCI, Evaluation de l'application de la loi du 1er juillet 1998 relative au renforcement de la veille et du contrôle sanitaire, mai 2004.

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