B. L'INÉVITABLE TECHNOCRATIE DE LA COORDINATION DE L'AIDE

1. Une architecture élaborée

Compte tenu de la multitude de bailleurs, le processus d'harmonisation des bailleurs et de coordination avec la planification et les programmes des autorités locales est indispensable et très avancé au Vietnam, pays pilote dans ce secteur. Plusieurs mécanismes se sont mis en place au cours des dernières années, dans la continuité de la Déclaration de Paris du 2 mars 2005 :

- l'ensemble des bailleurs de fonds et le gouvernement vietnamien (Ministère du plan et de l'investissement) sont réunis dans le Groupe de partenariat sur l'efficacité de l'aide ( Partnership Group for Aid Effectiveness - PGAE) qui a pris une importance croissante dans le processus d'harmonisation. C'est l'instance de concertation et de travail sur les suites de la Déclaration de Paris, déclinée dans la Déclaration de Hanoi sur l'harmonisation de l'aide ;

- dans le cadre de l'Union Européenne , des réunions régulières (généralement mensuelles) rassemblent les délégations présentes au Vietnam aux niveaux des conseillers d'ambassade et des chefs de mission. Des groupes de travail se sont mis en place (éducation, santé, secteur privé, hauts plateaux centraux et gouvernance) et une « feuille de route » sur l'harmonisation et la coordination des bailleurs a été rédigée et est régulièrement mise à jour ;

- l'AFD participe au « Groupe des cinq banques » de développement aux cotés de la Banque Mondiale, de la BAsD, de la Japan Bank for International Cooperation (JBIC) et de la KfW allemande. Ce groupe travaille sur des chantiers pratiques d'harmonisation comme par exemple le cycle de préparation des projets ;

- un ensemble de 6 pays, le « Like Minded Donors Group » (LMDG), regroupant le Royaume-Uni, les Pays-Bas, la Norvège, la Suisse, la Nouvelle Zélande, le Canada et l'Allemagne, s'est organisé afin d'harmoniser ses projets de coopération sur le terrain. Ce groupe doit toutefois s'appuyer sur un partenariat avec les Etats membres de l'Union européenne pour peser sur les dossiers d'importance ;

- le groupe des 11 agences onusiennes a aussi développé début 2006 une interface de coopération directe avec le gouvernement : l' United Nation Development Assistance Framework (UNDAF), structure concertée qui doit servir de base à une programmation commune des agences onusiennes présentes au Vietnam, dans le cadre d'une réforme plus en profondeur du système des Nations Unies au niveau des pays (le Vietnam fait ainsi partie de 8 pays pilotes en la matière). Le PNUD est censé jouer un rôle décisif dans la mise en oeuvre de l'UNDAF, mais les responsabilités et pouvoirs du coordinateur étaient fin mars 2007 mal identifiées. L'UNDAF, ainsi que l'évaluation conjointe réalisée au niveau local avec le gouvernement, doivent permettre un meilleur alignement des actions et programmes des Nations Unies sur les priorités vietnamiennes et une coordination des trois principaux fonds présents au Vietnam (PNUD, UNICEF et FNUAP) dans la perspective d'un bureau unique des Nations Unies ;

- le Groupe consultatif des bailleurs de fonds . Il se tient chaque année au mois de décembre à Hanoi et est co-présidé par les autorités vietnamiennes et la Banque mondiale. Il constitue l'instance privilégiée de dialogue et de suivi du Vietnam - au travers des différents plans et programmes mis en oeuvre. La séance plénière de fin d'année est l'occasion d'annoncer les engagements d'APD pour l'année à venir. De manière informelle, une conférence à mi-parcours s'est instaurée depuis quelques années, cet événement permettant de faire le point sur l'avancée des réformes en cours.

Le volume de bailleurs et de programmes est tel que les niveaux intermédiaires de concertation , au sein de l'Union européenne et des agences de l'ONU par exemple, sont à la fois nécessaires, nombreux et insuffisants en soi. Le risque est réel que ces instances intermédiaires prolifèrent et créent de nouvelles distorsions, alors que la « méta-coordination » rassemblant tous les bailleurs et le gouvernement vietnamien au sein du PGAE doit « garder la main » sur l'ensemble du processus.

2. Une coordination qui a progressé mais peut s'améliorer

Le CAD de l'OCDE a publié en 2006 une étude sur la mise en oeuvre en 2005 de la Déclaration de Paris dans 34 pays bénéficiaires de l'APD, dont le Vietnam. Les différents indicateurs utilisés révèlent que la coordination et l'harmonisation sont encore perfectibles. On peut ainsi relever que :

- le ratio de cohérence entre les prévisions d'aide internationale du budget vietnamien et les flux effectifs en 2005 s'établit à 81 % 127 ( * ) , pour une cible de 90 % d'ici 2010 ;

- 85 % de l'assistance technique internationale était coordonnée avec les programmes vietnamiens (dont seulement 40 % pour la France), c'est-à-dire mise en oeuvre dans le cadre de programmes régis par le gouvernement vietnamien. Celui-ci considère cependant que le taux réel serait plus proche du tiers ;

- les « unités parallèles de mise en oeuvre de projets », c'est-à-dire les structures dédiées de gestion courante de l'aide créées par les bailleurs, sont au nombre de 111, alors que l'objectif de la Déclaration de Hanoi est de les éliminer d'ici 2010 ;

- seules 10 % des missions des bailleurs étaient coordonnées (la cible étant de 40 %), avec de grandes différences selon les pays (100 % pour le Royaume-Uni et la Norvège, 0 % pour la France, le Japon ou l'Australie).

La France ne paraît pas jouer un rôle suffisamment moteur dans le processus de coordination, bien qu'elle figure parmi les premiers bailleurs et que le délégué de l'Union européenne au Vietnam ait fait part à votre rapporteur spécial de sa satisfaction . De même, elle intervient dans quasiment tous les secteurs comme au Cambodge (cf. tableau infra ), alors que les autres bailleurs bilatéraux - en particulier l'Australie et le Japon si l'on se place dans le même ordre quantitatif - tendent à cibler davantage leurs interventions.

Document-cadre de partenariat - Articulation des interventions de la France avec celles des autres bailleurs de fonds en 2006-2010

Secteurs prioritaires

Banque mondiale

Système des Nations-unies

BAsD

Commission Européenne

Allemagne

Australie

Belgique

Danemark

Etats-Unis

Espagne

Japon

Pays-Bas

Royaume Uni

Suisse

France (montants indicatifs du DCP)

1. La croissance économique comme principal moteur de la lutte contre la pauvreté

Développement des services financiers

XXXX

XX

XXXX

XX

X

XX

XX

XX

XXXX

XX

XXXX

Appui au développement des PME

XXXX

XX

XX

XX

XX

X

XXX

2. Modernisation et développement des infrastructures

Transport

XXXX

XXXX

XXX

X

XX

XXXX

XX

XXXX

Energie

XXXX

XXXX

X

Environnement et assainissement

XXXX

XXXX

XX

X

XXX

X

3. Agriculture et sécurité alimentaire

Production agricole

XXXX

XXXX

XXX

XXXX

X

XXX

X

XX

XXXX

Ressources naturelles

XXXX

XX

XXX

XXX

X

XXX

4. Développement du secteur social (éducation, santé, formation des élites, sciences et technologies)

Système de santé et lutte contre le sida

XXX

XX

XX

XX

XX

X

X

XXX

XX

XX

X

Formation des ressources humaines et recherche

XXXX

XX

X

X

XX

X

X

X

X

XXX

Education de base

XXXX

XX

XXXX

XX

XX

X

X

XXXX

XX

5. Bonne gouvernance

Réforme administrative et lutte contre la corruption

XXXX

XX

X

XX

X

XX

XX

X

Finances publiques

XXXX

XX

XX

XX

XX

X

X

X

XXXX

XX

X

5. Autres

Aide budgétaire multi-bailleurs PRSC

XXXX

XX

XX

XX

XX

X

XXXX

XX

XX

XX

XX

Programmes nationaux de lutte contre la pauvreté

X

Total décaissements prévus 2006-2010

XXXX

XXX

XXXX

XXX

XXXX

XXXX

XX

XXX

XXX

XX

XXXX

XXX

XXX

XXX

XXXX

Source: matrice des bailleurs de fonds 2006

XXXX

> 100 M€

XXX

50-100 M€

XX

10-50 M€

X

< 10 M€

* 127 L'écart s'explique par différents facteurs : aide publique transitant par des canaux non gouvernementaux, défaut de reporting au sein de l'administration vietnamienne, décalage calendaire entre l'année fiscale vietnamienne et la planification des donateurs.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page