N° 381

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2006-2007

Annexe au procès-verbal de la séance du 11 juillet 2007

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation (1) sur l' enquête de la Cour des comptes portant sur le recouvrement des créances de contrôle fiscal et le recouvrement contentieux des amendes et des condamnations judiciaires ,

Par M. Bernard ANGELS,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Jean Arthuis, président ; MM. Claude Belot, Marc Massion, Denis Badré, Thierry Foucaud, Aymeri de Montesquiou, Yann Gaillard, Jean-Pierre Masseret, Joël Bourdin, vice-présidents ; M. Philippe Adnot, Mme Fabienne Keller, MM. Michel Moreigne, François Trucy, secrétaires ; M. Philippe Marini, rapporteur général ; MM.  Bernard Angels, Bertrand Auban, Mme Marie-France Beaufils, M. Roger Besse, Mme Nicole Bricq, MM. Auguste Cazalet, Michel Charasse, Yvon Collin, Philippe Dallier, Serge Dassault, Jean-Pierre Demerliat, Éric Doligé, André Ferrand, Jean-Claude Frécon, Yves Fréville, Paul Girod, Adrien Gouteyron, Charles Guené, Claude Haut, Jean-Jacques Jégou, Alain Lambert, Gérard Longuet, Roland du Luart, François Marc, Michel Mercier, Gérard Miquel, Henri de Raincourt, Michel Sergent, Henri Torre, Bernard Vera.

AVANT-PROPOS

La présente enquête, établie en application de l'article 58-2° de la LOLF, a été demandée à l'initiative de votre rapporteur spécial, à partir d'une analyse des indicateurs présentés dans le projet annuel de performances de la mission « Gestion et contrôle des finances publiques » annexé au projet de loi de finances pour 2006 qui soulignait, d'une part, que le taux de recouvrement des créances de contrôle fiscal ainsi que le taux de recouvrement contentieux des amendes 1 ( * ) et des condamnations judiciaires, étaient particulièrement faibles , et que d'autre part, les objectifs fixés à l'administration pour améliorer ces recouvrements paraissaient limités .

Une audition, le 3 mai 2006, par votre commission, de M. Dominique Lamiot, directeur général de la comptabilité publique et de M. Bertrand Brassens, inspecteur général des finances, sur la modernisation du paiement des amendes avait déjà mis en évidence les carences dans ce domaine.

Saisie le 25 janvier 2006, la Cour des comptes n'a remis son enquête que le 1 er juin 2007, avec un retard de huit mois par rapport au délai de huit mois fixé par l'article 58-2° de la LOLF.

Formellement, l'enquête de la Cour des comptes se compose de deux enquêtes distinctes, l'une sur le recouvrement des créances de contrôle fiscal, l'autre sur le recouvrement des contentieux des amendes et des condamnations judiciaires.

Quelques chiffres témoignent de l'importance de l'enjeu :

- le montant des droits redressés au titre du contrôle fiscal s'est établi en 2004 à 12 milliards d'euros , pour des montants effectivement encaissés en 2004 de 4 milliards d'euros ;

- plus de 17.000 agents participent partiellement ou totalement au recouvrement des créances de contrôle fiscal, à la direction générale des impôts (16.000 emplois consacrés au moins en partie à cette activité), 780 emplois à la direction générale des douanes et des droits indirects, 4.640 à la direction générale de la comptabilité publique ;

- les créances d'amendes et de condamnations judiciaires atteignaient en 2005 1,69 milliard d'euros , pour un montant recouvré de 506 millions d'euros .

Le recouvrement des créances de contrôle fiscal et le recouvrement contentieux des amendes et condamnations judiciaires relèvent du même programme budgétaire intitulé « Gestion fiscale et financière de l'Etat et du secteur public local » et concourent au même objectif de performance intitulé « renforcer la lutte contre la fraude fiscal et le recouvrement offensif des impôts et amendes ». Les deux types de recouvrement constituent des recouvrements forcés et, par nature, leur mise en oeuvre présente des difficultés. Dans les deux cas, le taux de recouvrement est assez faible, moins de 40 %, mais le montant des recouvrements constitue un enjeu non négligeable tant en termes financiers que pour l'efficacité globale de la politique fiscale d'une part, de la politique pénale d'autre part .

Néanmoins, les conditions de prise en charge des créances diffèrent. Les peines d'amendes forfaitaires majorées, prononcées par les officiers du ministère public relevant du ministère de l'intérieur, tout comme les autres condamnations pécuniaires prononcées par les tribunaux, sont recouvrées par le Trésor public . En revanche, trois administrations sont chargées du recouvrement des créances de contrôle fiscal : direction générale des impôts (DGI) (impôt sur les sociétés, ISF, taxe sur les salaires, droits d'enregistrement, TVA), direction générale de la comptabilité publique (DGCP) (impôt sur le revenu, impôts locaux) et direction générale des douanes et des droits indirects (droits de douane, TIPP, TVA).

Au cours de l'audition des représentants de la Cour des comptes et des trois directions du ministère du budget concernées (direction générale des impôts, direction générale de la comptabilité publique, direction générale des douanes et des droits indirects) pour « suite à donner » en date du 11 juillet 2007, votre commission des finances n'a pu que constater que, le contrôle fiscal aboutissait rarement, pour les fraudeurs, au paiement de pénalités.

Alors que les droits rappelés en contrôle fiscal supportent 25 % à 50 % de pénalités, ces pénalités, deux ans après, ne sont recouvrées en moyenne qu'à hauteur de 15 %. Le niveau global des remises accordées aux contribuables apparaît préoccupant : il pourrait donner le sentiment que la fraude fiscale n'est pas, ou peu, sanctionnée en France, ce qui pourrait entretenir des comportements d'incivisme fiscal, à l'opposé de la finalité des pénalités. Du point de vue de votre commission des finances, ce sentiment de relative impunité fiscale doit être dissipé par la clarification de la politique menée en matière de pénalités et d'intérêts de retard. Elle recommande des investigations plus fines afin de distinguer les causes du faible taux de recouvrement des pénalités, en distinguant les intérêts de retard des pénalités sanctionnant les fraudes caractérisées, et en faisant la part des pénalités abandonnées en raison de l'insolvabilité des débiteurs par rapport aux remises accordées par l'administration fiscale.

Il y a là un enjeu majeur pour l'efficacité globale de la politique fiscale.

Au cours de l'audition pour « suite à donner » précitée, votre commission des finances a regretté que l'administration des douanes ne dispose pas d'instrument de mesure fiable du recouvrement des créances de contrôle fiscal et n'ait pas adopté l'indicateur commun de recouvrement élaboré par les deux autres administrations de Bercy. Elle a mesuré l'ampleur du chantier informatique à mener d'ici 2010 pour que l'ensemble des administrations chargées du contrôle fiscal soient en mesure de parler un « langage commun », et d'éviter tout dysfonctionnement entre l'agent qui fait le contrôle fiscal d'un côté, et celui qui est ensuite responsable du recouvrement des dettes.

En ce qui concerne le recouvrement contentieux des amendes et condamnations pécuniaires, l'audition pour « suite à donner » a laissé apparaître le caractère inachevé de la réforme des bureaux d'exécution des peines.

En 2006, seulement 33,1 % des amendes forfaitaires majorées et des condamnations judiciaires ont été payées par les contrevenants. Sur 1,65 milliard d'euros de créances, correspondant à 11,5 millions d'amendes et condamnations judiciaires, seulement 506 millions d'euros ont été recouvrés par le Trésor public. Pourtant, le non-paiement des amendes et des condamnations judiciaires remet en cause l'effectivité des peines prononcées par les tribunaux. Il engage la crédibilité de la politique pénale.

Dans ce contexte, la création des bureaux d'exécution des peines (BEX) dans tous les tribunaux de grande instance, et l'introduction d'une réduction de 20 % pour le paiement avant 30 jours des condamnations judiciaires, apparaissent comme un progrès. Ces mesures permettent, en effet, aux condamnés de s'acquitter, dès le jugement, du montant des annonces prononcées. Encore faudrait-il, selon votre commission des finances, que la logistique suive.

Entre ministère de la justice et Trésor public, comme entre police, gendarmerie et justice, les interfaces informatiques apparaissent déficientes. Les condamnés doivent calculer eux-mêmes le montant de leur amende, ce qui n'est pourtant pas à la portée de tous. Le paiement en liquide est limité, alors que nombre de contrevenants ne disposent ni de chéquier, ni de carte bancaire. Enfin, et surtout, les greffiers ne souhaitent pas « prendre la responsabilité » de percevoir le produit des amendes et condamnations judiciaires. De son côté, le Trésor public n'entend pas dépêcher des agents dans les tribunaux pour recouvrer ces créances, alors que l'implication de ses agents avait été, en large partie, à l'origine de la réussite de l'expérimentation initiale des bureaux d'exécution des peines.

Votre commission des finances souhaite que les condamnés ne sortent pas des tribunaux avant d'avoir réglé leurs amendes, le cas échéant en prévoyant une réduction encore plus incitative que le taux actuel de 20 % pour un paiement le jour même. Elle considère que les bureaux d'exécution des peines doivent être mis rapidement en mesure d'encaisser les amendes, que ce soit par une extension des compétences des greffiers ou le détachement d'agents du Trésor public dans les tribunaux. L'efficacité de la politique pénale est en jeu.

L'ENQUÊTE SUR LE RECOUVREMENT DES CRÉANCES DE CONTRÔLE FISCAL

L'enquête de la Cour des comptes souligne que le recouvrement des créances de contrôle fiscal est fondamentalement hétérogène, en raison de la multiplicité des impôts et taxes mis en recouvrement, la diversité d'organisation des trois réseaux chargés du recouvrement ainsi que de l'existence de trois types de contrôle fiscal.

UNE SPÉCIALISATION EN COURS DE LA FONCTION RECOUVREMENT

L'automatisation des contrôles, par le biais de l'informatisation du contrôle sur pièces, se renforce. Une spécialisation des métiers « recouvrement » est en cours, la direction générale des grandes entreprise étant aujourd'hui chargée du recouvrement de l'impôt sur les sociétés, tandis que la direction générale de la comptabilité publique a créé dans son réseau des pôles spécialisés dans le recouvrement des créances contentieuses.

* 1 Le champ de l'étude ne concerne donc évidemment pas le paiement spontané des amendes, dites amendes forfaitaires, mais le champ des amendes forfaitaires majorées, qui entrent dans le champ pénal.

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