II. LA FORMATION INITIALE DES MAGISTRATS : UNE PLUS LARGE OUVERTURE, UN CARACTÈRE PROBATOIRE PLUS EFFECTIF

Comme l'indique le Conseil supérieur de la magistrature dans son rapport d'activité pour 2002-2003, la formation initiale des magistrats doit « à la fois, préparer sur le plan technique et juridique des magistrats professionnellement compétents et leur donner les éléments pour comprendre la société dans laquelle leurs actes s'appliquent. Cependant, la difficulté a toujours été de trouver l'équilibre entre ces deux modèles -juriste techniquement compétent et humaniste éclairé- qui sont complémentaires mais se concurrencent lorsqu'en pratique se construit un programme pédagogique. »

La formation proposée dans le cadre de l'ENM tend à atteindre cet idéal, en alliant à la fois apprentissage des connaissances et techniques indispensables à l'exercice du métier de magistrat et périodes de stages au coeur même de l'institution judiciaire et de son environnement le plus immédiat.

A. ASSURER UNE FORMATION EXIGEANTE AUX FUTURS MAGISTRATS

La qualité de la formation initiale assurée par l'ENM est unanimement saluée par tous les acteurs de l'institution judiciaire, en particulier au regard de la richesse des enseignements et stages proposés. Ainsi, M. Léonard Bernard de la Gatinais s'est félicité du bon niveau des jeunes magistrats en poste dans les juridictions, constatant qu'en général les commentaires dans les tribunaux les accueillant étaient très laudatifs. De jeunes magistrats ayant quelques années d'ancienneté ont également indiqué à vos rapporteurs être très satisfaits de leur formation à l'ENM.

Certaines améliorations peuvent encore lui être apportées, afin de l'ouvrir davantage vers l'extérieur et de s'assurer qu'elle garantit une véritable prise en compte des aptitudes des auditeurs à devenir juges.

1. Une formation longue et riche dispensée par l'ENM...

- Le cadre de la formation initiale : la structure de l'école et le statut des auditeurs de justice au cours de leur scolarité

Etablissement public à caractère administratif, placé sous la tutelle du garde des sceaux, l'ENM est administrée par un conseil d'administration composé de vingt-quatre membres et présidé par le premier président de la Cour de cassation.

Composition du conseil d'administration

4 membres de droit

- Le premier président de la Cour de cassation, président

- Le procureur général près la Cour de cassation, vice-président

- Le directeur des services judiciaires

- Le directeur général de la fonction publique

9 membres nommés par le garde des sceaux

- 1 directeur à l'administration centrale du ministère de la justice

- 1 premier président ou procureur général de cour d'appel

- 1 magistrat hors hiérarchie ou du premier grade de la cour d'appel de Paris ou du tribunal de grande instance de Nanterre, Paris, Bobigny ou Créteil

- 1 président ou procureur de la République d'un tribunal de grande instance

- 1 magistrat ancien auditeur de justice ayant moins de sept ans de services effectifs depuis sa première installation

- 1 membre des professions judiciaires

- 2 personnalités qualifiées

- 1 personnalité exerçant une fonction à la formation de laquelle l'ENM contribue (article 3 du décret n° 2004-1003 du 22 septembre 2004)

2 membres nommés par arrêté conjoint du garde des sceaux et du ministre de l'éducation nationale

- 1 directeur d'institut d'études judiciaires

- 1 professeur d'université

1 chargé de formation élu par l'ensemble des chargés de formation

1 magistrat délégué à la formation, 1 directeur de centre de stage

3 représentants des organisations professionnelles représentatives des magistrats
(voix consultative)

- Union syndicale des magistrats

- Syndicat de la magistrature

- FO - Magistrats

4 représentants des auditeurs de justice

Le directeur de l'école est quant à lui nommé par décret du président de la République, pris en Conseil des ministres, sur avis du garde des sceaux.

Les auditeurs de justice sont considérés comme membres du corps judiciaire au cours de cette formation et doivent, en conséquence, prêter serment au début de leur scolarité. Ils perçoivent également un traitement et des indemnités de formation ou de stage.

Traitement et indemnités versés aux auditeurs de justice
au cours de leur formation initiale

Un auditeur de justice perçoit une rémunération mensuelle de 1.627 euros brut, soit 1373 euros net, basée sur l'indice 359 de la fonction publique.

Des indemnités s'ajoutent à cette rémunération :

- soit des indemnités de formation s'élevant à 320 euros brut, durant la scolarité à Bordeaux ;

- soit des indemnités de stage dégressives, non assujetties à cotisations sociales, allant de 793 euros le premier mois à 273 euros en fin de stage si l'auditeur dispose de la possibilité de prendre son repas dans un restaurant administratif ou assimilé, ou de 1058 euros le premier mois à 273 euros en fin de stage si cette possibilité ne lui est pas offerte.

Les auditeurs issus du deuxième ou troisième concours et ceux issus du recrutement sur titres perçoivent également une indemnité forfaitaire mensuelle s'ils justifient d'une activité antérieure. L'ENM prend ainsi en compte jusqu'à 8 ans d'activité professionnelle et l'indemnité, versée au prorata de cette durée, peut atteindre 816 euros bruts.

Une indemnité compensatrice est également versée aux auditeurs recrutés sur titres ayant la qualité de fonctionnaires titulaires détachés, qui couvre la différence entre leur nouvelle rémunération et leur salaire antérieur.

Source : ENM

- Le déroulement de la formation initiale : un enseignement complet combinant connaissances techniques et expériences concrètes

Les auditeurs de justice bénéficient d'une formation initiale de trente et un mois , réduits à vingt-huit mois pour les recrutés sur titres.

Comme l'indique le programme pédagogique pour 2007, la formation initiale organisée par cette école est axée autour de quatre principes directeurs :

- une formation à dominante généraliste ;

- une alternance entre stages et études ;

- une formation confiée à des professionnels ;

- une formation largement ouverte sur l'extérieur.

Elle comprend deux grandes périodes , chacune d'environ un an, la première consistant principalement en une scolarité technique à l'école et la seconde en un stage en juridiction auquel s'ajoutent de multiples autres stages. Une fois l'affectation de l'auditeur de justice connue, ce dernier suit enfin une formation spécialisée comprenant principalement un stage juridictionnel ciblé sur les premières fonctions que devra exercer l'auditeur.

Une fois admis au concours d'entrée de l'ENM, les auditeurs sont accueillis à l'école et prêtent serment. Ils débutent leur formation par un « stage découverte », lequel constitue généralement leur premier contact avec les juridictions. D'une durée de quinze jours, ce stage d'observation doit permettre aux futurs magistrats de mieux percevoir les différentes fonctions qu'ils pourront être amenés à exercer au cours de leur carrière.

Ensuite, les auditeurs de justice sont appelés à découvrir différents aspects de la vie professionnelle, économique et sociale, dans le cadre d'un stage de deux mois, dit « stage extérieur », qui s'effectue au sein d'une structure d'accueil choisie sur une liste établie par l'école.

Ainsi, les auditeurs de la promotion 2006 se sont vus proposer un stage auprès d'une institution européenne ou internationale, d'une institution administrative ou d'une structure agissant dans la définition ou la mise en oeuvre de politiques publiques -par exemple, une préfecture, une mairie, la Commission nationale de l'informatique et des libertés, l'Assemblée nationale, le Sénat, un ministère, la chambre régionale des comptes-d'un acteur des politiques sociales -tel que la DDASS, une commission de surendettement, un centre hospitalier, une association- ou d'une entreprise privée ou publique.

Ce stage ne devant en aucun cas être un simple stage d'observation, les élèves magistrats sont censés intégrer véritablement les services de leur structure d'accueil et participer au travail quotidien. L'auditeur est placé sous la responsabilité d'un maître de stage et doit rendre par la suite un rapport présenté à l'occasion d'un entretien devant deux évaluateurs.

Lors de son déplacement en Allemagne, la mission a rencontré trois auditrices de justice qui effectuaient alors leur stage au sein d'une juridiction allemande. Elles ont marqué l'intérêt de cette expérience qui leur a permis de découvrir un système judiciaire différent de celui de la France et d'améliorer encore leur maîtrise de cette langue.

Vos rapporteurs ont d'ailleurs pu constater que cette opinion était partagée par l'ensemble des auditeurs de justice rencontrés, en particulier lors du déplacement de la mission d'information à l'ENM. Ainsi, certains ont mis en évidence l'important enrichissement personnel qu'ils ont pu retirer de leur immersion dans les services d'une association de défense des droits de la femme ou un service hospitalier.

En 2002, la mission d'information sur l'évolution des métiers de la justice avait recueilli un autre point de vue, celle-ci s'étant en effet interrogée sur l'opportunité de ce stage, jugé décevant par plusieurs auditeurs de justice alors entendus 70 ( * ) .

A l'issue de ces deux stages, les auditeurs de justice rejoignent Bordeaux pour suivre une scolarité de six mois à l'ENM -de mai à décembre-, entrecoupée d'une période de vingt-cinq jours de congés en août.

Cette formation vise principalement à conférer aux futurs magistrats toutes les connaissances et techniques -réquisitoires, prestations orales de présidence, interrogatoires, auditions...- nécessaires à l'exercice de l'ensemble des fonctions judiciaires, tant du siège que du parquet.

Sur le fond, la scolarité est orientée autour de trois objectifs : découvrir les fonctions judiciaires, inculquer une culture éthique, déontologique et professionnelle et conforter la maîtrise d'une langue étrangère ainsi que de l'informatique et des nouvelles technologies.

Comme l'indique le programme pédagogique pour 2007, l'apprentissage des fonctions judiciaires a pour objet « de restituer chaque fonction dans sa spécificité », « d'en souligner la cohérence avec d'autres secteurs d'activités de la juridiction, et d'illustrer la mise en oeuvre concrète des grands principes de la procédure (respect du contradictoire, des droits de la défense, places respectives des parties et du juge, équité du procès, respect de la notion de délai raisonnable...) ». Six fonctions sont ainsi détaillées : tribunal d'instance ; tribunal de grande instance-siège civil, juge d'instruction, juge de l'application des peines-siège pénal, juge des enfants et parquet 71 ( * ) .

La formation des élèves magistrats s'attache également à leur inculquer les règles éthiques et déontologiques indispensables à leurs fonctions ainsi qu'à les informer sur l'environnement judiciaire , par exemple en prévoyant des enseignements en psychologie ou sur différents problèmes de société. Sept grands thèmes sont ainsi retenus -éthique, déontologie et approche de l'institution ; processus de décision ; Europe et international ; connaissance de la société contemporaine ; communication ; psychiatrie ; psychologie et médecine légale ; conduite à risque, conduites délinquantes-, chacun regroupant plusieurs modules obligatoires ou optionnels.

Enseignement non spécifique à une fonction juridictionnelle

Obligatoire

Optionnel (2)

Thème « Ethique, déontologie et approche de l'institution »

Modules : Ethique et déontologie

21 h

Fonctionnement et vie des juridictions

9 h

Justice et nouvelles technologies

40 h

Culture administrative et relations institutionnelles

6 h

Economie de la justice (initiation) (1)

6 h

Justice et nouvelles technologies

6 h

Total

48 h

Thème « Processus de décision »

Modules : La preuve

18 h

Victimes

6 h

Prise de décision et sanction

21 h

Modes alternatifs de résolution des conflits

6 h

Assises

6 h

Contrôle judiciaire et détention provisoire

9 h

Total

66 h

Thème « Europe et international »

Modules : Justices et droits européens

6 h

Coopération judiciaire internationale

18 h

Coopération judiciaire internationale (approfondissement)

- 50 -

40 h

Total

24 h

Thème « Connaissance de la société contemporaine »

Modules : Exclusion et discrimination

12 h

Famille (approfondissement)

40 h

Famille

3 h

Vie de l'entreprise

40 h

Actions citoyennes

30 h

Cultures étrangères

40 h

Environnement

6 h

Total

51 h

Thème « Communication »

Modules : Prise de parole

6 h

Communication en situation professionnelle et entretien judiciaire

9 h

Justice et média

9 h

Parole de l'enfant

6 h

Justice et images

40 h

Total

30 h

Thème « Psychiatrie, psychologie et médecine légale »

Modules : Médecine légale

12 h

Psychiatrie, psychologie

44 h

Total

56 h

Thème « Conduites à risque, conduites délinquantes »

Modules : Les toxicomanies

3 h

Violences routières

3 h

Maltraitance

6 h

Criminologie

40 h

Délinquance sexuelle

9 h

Total

21 h

Total enseignement obligatoire

296 h

(1) L'approfondissement sera développé durant la période de spécialisation.

(2) Chaque auditeur de justice choisit un module.

Total général enseignement non fonctionnel auditeur : 296 h + 40 h = 336 h

Depuis 2005, les auditeurs de justice doivent également suivre impérativement un enseignement dans une langue étrangère (anglais, espagnol ou allemand), portant sur la connaissance de la civilisation, les systèmes juridiques et judiciaires en Europe et la maîtrise de l'expression écrite et orale. Le conseil d'administration de l'ENM a d'ailleurs, lors de sa séance du 16 mars 2007, approuvé la création d'un département des langues et civilisations et le recrutement d'un chef de ce département. A compter de 2008, ce département proposera à une trentaine d'élèves ayant un certain niveau d'anglais de participer à une « majeure internationale » dans laquelle seront proposés des apprentissages renforcés d'anglais et divers enseignements dans cette langue, dans le cadre d'une nouvelle direction d'études intitulée « pratiques professionnelles comparées ». Il s'agit principalement de favoriser, à terme, les échanges entre magistrats français et étrangers et de contribuer à la construction de l'espace judiciaire européen.

Enfin, les élèves magistrats peuvent développer leur maîtrise de l'outil informatique et des nouvelles technologies, un enseignement personnalisé -en fonction de leur niveau- leur étant proposé en ligne, sur le réseau Intranet de l'école 72 ( * ) .

A partir de ces objectifs et thèmes d'enseignement, les méthodes pédagogiques développées par l'école sont les suivantes :

- les directions d'études . Ces groupes de travail réunissent environ dix-huit auditeurs (variable selon les années) et travaillent chacun avec une équipe de six enseignants, chargés de formation, autour de chacune des fonctions judiciaires ci-dessus mentionnées : siège du tribunal de grande instance, parquet, instruction, enfants, instance et jugement en matière pénale-application des peines.

L'apprentissage s'effectue à partir d'études de cas et de dossiers réels, les auditeurs étant invités à les préparer préalablement et à participer ensuite activement dans le cadre de ces directions d'études.

Lors de son déplacement à l'ENM, la mission a pu assister à des directions d'études 73 ( * ) et constater leur efficacité et leur intérêt quant à l'apprentissage pratique des techniques devant être maîtrisées par les magistrats. Ainsi, dans le cadre d'une direction d'études sur le siège pénal, les auditeurs de justice étaient invités à étudier un casier judiciaire, afin d'en extraire tous les éléments importants et d'en tirer les questions les plus pertinentes à poser au mis en examen ;

- les conférences, séances de travail, journées à thème et conférences-ateliers . Ils réunissent l'ensemble de la promotion ou plusieurs groupes de travail et visent à procéder à certains rappels du droit ou de la procédure sur des thèmes spécifiques.

Ainsi, des conférences sont par exemple organisées sur les thèmes des « pouvoirs et devoirs du juge au regard des grands principes de la Convention européenne des droits de l'Homme », des « frais de justice et l'aide juridictionnelle », du « rôle de la Chancellerie dans l'élaboration de la loi et sa participation aux politiques publiques ».

Les conférences-ateliers permettent notamment d'étudier « la loi organique relative aux lois de finances » (LOLF) et « les notions d'objectifs, d'indicateurs de performance et les statistiques judiciaires », de présenter « la police technique et scientifique » -en partenariat avec les spécialistes de l'institut de recherches criminelles de la gendarmerie nationale et de la direction de la police technique et scientifique de la police nationale- ou encore de faire connaître aux auditeurs de justice les « modes alternatifs de résolution des conflits » civils et pénaux, grâce aux témoignages de praticiens.

Les séances de travail prennent par exemple la forme d'exercices de « mise en oeuvre d'instruments juridiques en matière d'entraide pénale internationale ».

Enfin, plusieurs journées à thèmes, par exemple sur « la prise de décision et la sanction », « le choix de la peine », « la prison » et « les alternatives à l'emprisonnement » peuvent être programmées ;

- les simulations . L'ENM organise des exercices de simulations ayant pour objet, à partir de dossiers réels, de mettre en pratique des connaissances théoriques.

Les auditeurs participent ainsi, avec des acteurs, des élèves avocats voire des avocats en exercice, à des simulations d'audiences correctionnelles, de juge des tutelles, de juge aux affaires familiales et de juge des enfants ;

- les exercices écrits . Pour chaque fonction judiciaire étudiée, les auditeurs de justice sont appelés à rédiger des projets de jugement, des ordonnances, des réquisitoires. Il s'agit ainsi de leur permettre de se familiariser avec les écrits qu'ils produiront quotidiennement dans leurs fonctions. Ces exercices sont ensuite corrigés individuellement ;

- le tutorat . Pour les auditeurs qui le souhaitent, des séances de tutorat sont organisées au sein de l'école afin d'offrir une actualisation juridique de leurs connaissances en matière civile, pénale et de procédure. Elles sont animées par des assistants pédagogiques (des universitaires de troisième cycle).

PROMOTION 2007 - ENSEIGNEMENTS FONCTIONNELS CIVIL/PÉNAL

Siège TGI

INSTANCE

Siège pénale -Juge d'application des peines

Parquet

Instruction

Enfants

DE 1 Présentation

1h30

DE 1 Présentation

1h30

DE 1 Présentation

3h

DE 1 Statut

3h

DE 1 Présentation

3h

DE 1 Présentation

3h

DE 2 Principes directeurs du procès civil et saisine de la juridiction civile

3h

DE 2 Outils

3h

DE 2 Saisine, compétence et qualification (parquet-instruction)

3h

DE 2 AE1 - Danger

3h

DE 3 Approche empirique de l'analyse d'un dossier et prise de décision

3h

DE 3 Préparation de l'audience pénale

1h30

DE 3 Méthodologie du réquisitoire

3h

DE 3 Partie civile

3h

DE 3 AE2 - Procédure

3h

DE 4 Appréciation des preuves et prise de décision

3h

DE 4 L'audience correctionnelle

3h

DE 4 Les enquêtes

3h

DE 4 IPC et première audition de témoin assisté

3h

DE 4 AE3 - Mesures éducatives

3h

DE 5 Prise de décision et méthodologie de la formalisation

3h

DE 5 La prise de décision

3h

DE 5 Orientation des procédures - courrier

3h

DE 5 Investigations

3h

DE 5 AE4 - Urgence

3h

DE 6 Prise de décision et méthodologie de la formalisation

3h

DE 6 Peines restrictives de liberté (1)

3h

DE 6 Orientation des procédures - Traitement en temps réel TTR 1

3h

DE 6 Expertises Personnalité

3h

DE 6 Méthodologie du jugement civil

1h30

DE 7 Méthodologie de la formalisation et exécution de la décision

3h

DE 7 Peines restrictives de liberté (2)

3h

DE 7 Les réquisitions orales

3h

DE 7 Mesures coercitives

3h

DE 7 Corrigé jugement AE

1h30

DE 8 Synthèse

3h

DE 8 Peines privatives (1)

3h

DE 8 Correction 1 er réquisitoire

1h30

DE 8 Conduite de l'enquête

3h

DE 8 Pénal 1 (commune parquet DE 10)

3h

DE 9 La procédure contentieuse ordinaire

3h

DE 9 L'audience devant le tribunal d'instance

3h

DE 9 Peines privatives (2)

3h

DE 9 Le défèrement CRPC

3h

DE 9 Droits de la défense

3h

DE 9 Pénal 2

Ordonnance 2 février 1945

- 53-

3h

DE 10 Correction devoir 1

1h30

DE 10 Correction devoir

1h30

DE 10 Parquet des mineurs (commune avec JE)

3h

DE 10 Construction d'un dossier d'information 1

3h

DE 10 Pénal 3

Mesures éducatives

3h

DE 11 L'intérêt de l'enfant

3h

DE 11 Les baux d'habitation

3h

DE 11 Peines privatives (3)

3h

DE 11 Orientation des procédures TTR 2

3h

DE 11 Construction d'un dossier d'information 2

3h

DE 11 L'audience

3h

DE 12 Les incidences pécuniaires des contentieux familiaux

3h

DE 12 Tutelles mineurs

3h

De 12 Bilan simulations

1h30

DE 12 L'exécution des peines

3h

DE 12 Le mineur victime

3h

DE 12 Le tribunal pour enfants

3h

DE 13 Les procédures de divorce

3h

DE 13 Tutelles majeurs

3h

DE 13 Correction devoir

3h

DE 13 Correction réquisitoire 2

1h30

DE 13 Clôture de l'information

3h

DE 13 Corrigé jugement - Bilan

1h30

DE 14 Correction devoir 2

1h30

DE 14 Correction réquisitoire 3

3h

DE 14 Correction devoir - chambre de l'instruction

1h30

DE 15 Réparation du préjudice corporel

3h

DE 15 Les procédures d'injonction

1h30

DE 16 Réparation du préjudice corporel

3h

DE 16 Les litiges de la consommation

3h

DE 17 Correction devoir 3

1h30

Conférence procédures rapides

3h

TOTAL

48h

Dont 21h communes aux deux fonctions

48h

34h30

39h00

40h30

34h30

SIÈGE TGI

INSTANCE

SP-JAP

PARQUET

INSTRUCTION

ENFANTS

Simulation audience juge aux affaires familiales (½ groupe)

8h

Simulation Tutelles
(½ groupe)

8h

Simulation d'audience correctionnelle - 1

(½ groupe)

8h

AE5 Simulation assistance éducative (½ groupe)

3h

Simulation d'audience correctionnelle - 2

(½ groupe)

8h

Simulation pénale

(½ groupe)

3h

Directions d'études : 213 heures Source : programme de formation initiale 2007 de l'ENM

Simulations : 38 heures

Total général enseignement fonctionnel auditeur : 251 heures

DE : direction d'étude AE : assistance éducative

Au total, la scolarité regroupe 587 heures d'enseignement -soit 251 heures d'enseignements « fonctionnels » et 336 heures d'enseignements « non fonctionnels »-, sans compter les cours de langue étrangère et d'informatique.

Le corps professoral de l'ENM est constitué :

- de vingt-quatre chargés de formation, permanents à l'ENM . Tous magistrats de premier grade, ils sont dotés d'une expérience professionnelle d'au moins sept ans et détachés à temps plein, par arrêté du garde des sceaux, pour trois ans, renouvelables une fois. Ils sont répartis en six spécialités fonctionnelles enseignées à l'école ;

- depuis 2006, d'un professeur en psychologie , également membre permanent de la formation des auditeurs de justice ;

- d' enseignants associés , parmi lesquels non seulement des magistrats , mais aussi des fonctionnaires et autres partenaires de l'institution judiciaire. Ils conservent leur activité professionnelle tout en dispensant ponctuellement des enseignements à l'école ;

- 900 vacataires , parmi lesquels des magistrats , des universitaires ou d'autres professionnels de diverses disciplines intéressant la matière juridique ou l'environnement judiciaire (avocats...).

En outre, en vertu du récent décret n° 2007-591 du 24 avril 2007, le directeur de l'ENM est désormais habilité à recruter des « collaborateurs extérieurs, appartenant ou non à l'administration, qui lui apportent leur concours de façon continue ou intermittente sans renoncer à leur occupation principale ». Ces collaborateurs extérieurs seront appelés à assurer des directions d'études. Ils pourront être recrutés parmi des magistrats de tribunaux ou cours, y compris hors hiérarchie, des magistrats étrangers, des universitaires, des sociologues, des psychologues ou des greffiers en chef.

L'école attend notamment de cette réforme « l'importation en son sein des meilleures pratiques professionnelles des cours et tribunaux et une continuité entre enseignement et pratique. L'école souhaite ainsi intégrer des compétences de magistrats de haute valeur pour une durée d'au moins deux exercices pédagogiques. »

Le docteur en psychologie déjà recruté par l'école et les cinq enseignants en psychologie qui forment son équipe devraient désormais bénéficier de ce statut de collaborateurs extérieurs.

M. Léonard Bernard de la Gatinais, directeur des services judiciaires, s'est félicité de cette évolution du corps enseignant vers des magistrats hors hiérarchie et des partenaires de l'institution judiciaire.

M. Jean-Louis Nadal, procureur général près la Cour de cassation, a affirmé qu'il était indispensable que les enseignants de l'ENM aient une expérience importante et des connaissances approfondies et que l'école s'ouvre.

Après cette scolarité à Bordeaux, les auditeurs de justice effectuent un stage en juridiction pendant quatorze mois. Plusieurs stages complémentaires brefs (une à deux semaines), auprès d'autres professionnels de la justice, sont également organisés au cours de cette même période, parmi lesquels un stage auprès d'un avocat , dont la durée a été récemment prolongée par le législateur.

Le stage juridictionnel tend à constituer le « premier pas » réel des élèves magistrats vers l'exercice des futures fonctions juridictionnelles. Sous la responsabilité de leurs maîtres de stage 74 ( * ) et à partir des connaissances acquises pendant leurs études, ils exercent toutes les fonctions qu'ils seront susceptibles d'occuper à l'issue de leur formation.

Ce stage de plein exercice se divise par conséquent en six périodes correspondant aux six fonctions juridictionnelles principales 75 ( * ) :

- fonction « magistrat du parquet » (huit semaines) ;

- fonction « juge au tribunal de grande instance » (sept semaines) ;

- fonction « juge d'instance » (six semaines) ;

- fonction « juge de l'application des peines » (cinq semaines) ;

- fonction « juge des enfants » (cinq semaines) ;

- fonction « juge d'instruction » (six semaines).

Tous les magistrats entendus par la mission ont insisté sur le grand intérêt du stage juridictionnel . M. Samuel Gillis, magistrat issu de la promotion d'auditeurs de justice 2001, a ainsi expliqué que ce stage lui avait paru très bénéfique dans la mesure où les auditeurs « participent pleinement à l'activité juridictionnelle ». M. Nicolas Guillou, issu de la même promotion, a confirmé l'apport considérable de ces stages. De même, M. Léonard Bernard de la Gatinais, directeur des services judiciaires, a estimé que le stage en juridiction permettait d'« entrer dans le vif du sujet ». Pour M. Paul-André Breton, président du tribunal de grande d'instance d'Angers, vice-président de la conférence des présidents de tribunaux de grande instance, cette expérience permet aux auditeurs de justice de « prendre réellement conscience de la réalité des justiciables et de la charge de travail qu'impliquent ces fonctions ».

Plusieurs magistrats entendus, et plus particulièrement MM. Léonard Bernard de la Gatinais et Samuel Gillis, ont toutefois indiqué que la qualité des stages pouvait varier en fonction de la juridiction d'accueil , tant en raison de sa taille -l'idéal étant une juridiction « ni trop grande ni trop petite »- qu'au regard de l'implication des maîtres de stage .

Au cours du stage juridictionnel, un regroupement des auditeurs de justice est organisé à Paris pendant deux jours, afin de leur faire découvrir les juridictions suprêmes, à raison d'une demi-journée à la Cour de cassation, au Conseil d'Etat, au Conseil constitutionnel et à la Cour des comptes.

Cinq stages complémentaires complètent le stage juridictionnel :

- le stage « police gendarmerie », d'une durée de quinze jours, au cours duquel les auditeurs de justice sont immergés dans les services de police et les unités de la gendarmerie, afin d'observer le travail des enquêteurs ;

- le stage pénitentiaire, d'une durée de quinze jours. Les auditeurs de justice exercent tout d'abord la fonction de surveillant pendant une semaine. La seconde semaine est ensuite consacrée à la découverte de l'ensemble des services de l'établissement pénitentiaire.

Tous les magistrats rencontrés par la mission ont souligné l'importance de ce stage qui permet aux auditeurs de justice de prendre pleinement conscience des réalités du monde carcéral ;

- le stage d'une semaine au sein d'une étude d'un huissier de justice ;

- le stage « de plein exercice greffe » d'une durée d'une semaine, au cours duquel les élèves magistrats assistent les greffiers, en effectuant différentes tâches telles que l'enregistrement des procédures au bureau d'ordre, la mise en forme des dossiers à l'audiencement ou l'enrôlement des procédures ;

- le stage « avocat » , effectué par les auditeurs de justice pendant deux mois, avant de passer leur examen de classement.

La durée de ce stage avocat a été prolongée de deux à six mois par l'article 3 de la loi organique du 5 mars 2007 précitée pour les auditeurs de justice « nommés à compter du 1 er janvier 2008 ». En effet, la commission d'enquête parlementaire sur l'affaire d'Outreau avait proposé d'allonger la durée de ce stage de deux à douze mois et de le distinguer davantage du stage juridictionnel, afin de favoriser l'émergence d'une culture commune entre les magistrats et les avocats 76 ( * ) . Suivant la proposition du gouvernement, le législateur a finalement retenu un délai de six mois.

M. Jean-Louis Nadal, procureur général près la Cour de cassation, s'est félicité de cette initiative de nature à sensibiliser les auditeurs de justice à « la culture de la défense » qui anime l'action des avocats. M. Christian Raysséguier, inspecteur général des services judiciaires, s'est également réjoui de cette réforme.

Comme nous l'a indiqué M. Michel Dobkine, en sa qualité de directeur de l'ENM, l'application de cette réforme commande de revoir l'organisation des trente et un mois de formation suivie par les auditeurs de justice, l'allongement de la durée de la scolarité paraissant exclu, tant en raison de son coût que de la nécessité pour la justice que ces magistrats prennent leurs fonctions le plus rapidement possible. En effet, comme l'a rappelé M. Léonard Bernard de la Gatinais, directeur des services judiciaires, plus de 300 départs de magistrats à la retraite sont prévus au cours des prochaines années et ces juges devront être remplacés.

D'après les récentes informations fournies à vos rapporteurs, le conseil d'administration de l'ENM le 3 juillet dernier aurait arrêté plusieurs orientations pour tirer les conséquences de l'allongement de la durée du stage avocat, en vue de :

- supprimer le stage extérieur ;

- définir un nouveau positionnement, dans le calendrier de formation, du stage avocat, désormais prévu entre la scolarité à Bordeaux et le stage en juridiction ;

- localiser à l'antenne parisienne de l'ENM (et non plus à Bordeaux) des cours assurés pendant un mois, dans le cadre de la formation de perfectionnement, aux auditeurs de justice ayant fait le choix de leur affectation. La nouvelle chronologie de la formation créée en effet un encombrement des installations de l'ENM à Bordeaux, deux promotions devant désormais y être présentes au même moment.

En outre, d'autres propositions sont encore à l'étude telles que la suppression du stage découverte en juridiction, le stage huissier et le stage greffe et la réduction d'une semaine du stage juridictionnel.

La mission observe que, si la proposition du Sénat d'allonger la durée de ce stage à cinq mois plutôt qu'à six, écartée par la commission mixte paritaire, avait été choisie, il ne serait pas d'actualité de supprimer les stages huissier et greffe intéressants pour la connaissance par les auditeurs de justice des personnels avec lesquels ils seront constamment amenés à travailler.

Enfin, d'après les informations fournies par l'ENM, afin de préparer plus spécifiquement les auditeurs de justice à ce stage avocat, l'école envisage d'organiser :

- des directions d'études sur différents thèmes : l'organisation et la gestion des cabinets/les honoraires, client et responsabilité/déontologie de l'avocat, assignation et procédures devant le tribunal de grande instance et le tribunal d'instance, les procédures devant le tribunal de commerce, les procédures d'urgence, la rédaction de contrats et les techniques de consultation. Ces directions d'études pourraient être élaborées et mises en place en liaison avec le centre régional de formation professionnelle des avocats de Bordeaux, des avocats étant susceptibles de les assurer sous le nouveau statut de collaborateurs extérieurs de l'école 77 ( * ) ;

- plusieurs conférences, afin d'aborder différents sujets (la connivence ou la rupture, l'audience en défense et l'audience en partie civile). D'après les informations fournies par l'ENM, M. Gérard Nicolay, directeur de l'école française des barreaux de la Cour d'appel de Paris a donné son accord de principe pour que ces conférences soient mises en oeuvre avec la collaboration des avocats ;

- des exercices de simulation de plaidoiries.

Cette préparation au stage avocat représenterait 30 à 40 heures de formation (hors simulation).

A l'issue de cette formation de près de vingt-six mois, les auditeurs de justice passent un examen de classement comprenant trois épreuves :

- la rédaction d'une décision de droit civil (épreuves en six heures) ;

- un oral de vingt minutes correspondant à un réquisitoire pénal (préparation de quatre heures) ;

- une conversation de quinze minutes avec le jury « visant à apprécier l'intelligence que l'auditeur a du rôle de la justice, notamment au travers des réflexions que lui inspire l'expérience acquise au cours de sa scolarité ».

Composé d'un magistrat hors hiérarchie à la Cour de cassation, d'un directeur ou sous-directeur au ministère de la justice, d'un maître des requêtes au Conseil d'Etat ou d'un conseiller référendaire à la Cour des comptes, d'un magistrat d'une cour d'appel, d'un magistrat d'un tribunal de grande instance et de deux professeurs d'université -dont un professeur de droit- 78 ( * ) , ce jury doit dresser le classement des auditeurs de justice qu'il juge aptes à exercer les fonctions judiciaires après leur formation à l'ENM, en vertu de l'article 21 de l'ordonnance statutaire du 22 décembre 1958.

L'évaluation des élèves s'effectue à partir :

- des notes obtenues au cours des études à Bordeaux (coefficient 10). Sont pris en compte le rapport de stage extérieur et la présentation devant deux évaluateurs, l'appréciation des chargés d'étude dans le cadre des directions d'études, l'évaluation de la langue vivante en fonction de l' « assiduité et l'implication de l'auditeur » et enfin l'« implication de l'auditeur dans l'organisation d'activités spécifiques au cours de la scolarité » ;

- de l'évaluation du stage juridictionnel (coefficient 12). A partir des évaluations des maîtres de stage, dont le bilan est établi par le magistrat de la cour d'appel délégué à la formation ; la note de stage est arrêtée par le directeur de l'école et le directeur de la formation initiale, sur proposition du sous-directeur des études et des sous-directeurs de stages ;

- l'examen de classement (coefficient 6, chacune des trois épreuves ayant un coefficient 2).

En fonction de la moyenne de ces notes, un classement de sortie est établi par le jury sur le fondement duquel les auditeurs de justice choisissent le poste qu'ils souhaitent occuper parmi une liste de postes qui leur sont offerts par le ministère (article 26 de l'ordonnance de 1958 précitée). Une large part de ces postes (environ 40 %) est proposée au parquet 79 ( * ) .

Le jury peut également assortir la déclaration d'aptitude de chaque auditeur de recommandations , ou de réserves , sur les fonctions qu'il pourra exercer lors de sa nomination à son premier poste (art. 21 de l'ordonnance organique n° 58-1270). L'article 5 de la loi organique du 5 mars 2007 précitée a complété ce dispositif en prévoyant que ces recommandations et réserves, ainsi que les observations que l'auditeur de justice peut également formuler en réponse, sont désormais versées au dossier du magistrat . En outre, en vertu de l'article 10 de cette loi, les auditeurs de justice sont liés par les recommandations du jury de classement et ne peuvent plus choisir un premier poste ayant fait l'objet de réserves 80 ( * ) .

Si un auditeur n'est pas jugé apte à devenir magistrat, le jury peut également proposer son redoublement ou son exclusion. Si le recours à ces deux solutions est jusqu'à présent resté très rare , il doit être noté une évolution des pratiques, le jury ayant décidé cette année une dizaine de redoublements et une exclusion.

Une fois l'affectation des postes décidée, les auditeurs de justice suivent une formation de perfectionnement de cinq mois, adaptée à la fonction qu'ils devront occuper et composée d'une scolarité d'un mois à Bordeaux et d'un stage de pré-affectation de quatre mois.

Cette formation de perfectionnement est ponctuée de stages. Tout d'abord, l'un, de quinze jours, est organisé dans les services spécialisés de la police et de la gendarmerie (SRPJ, offices centraux, police de l'air et des frontières...), et un autre est prévu dans une cour d'appel, également pendant quinze jours. Ensuite, selon la nature du poste que l'auditeur de justice occupera, des stages sont organisés auprès de divers partenaires des magistrats : douanes, mandataires liquidateurs, notaires, associations...

- L'ouverture de l'école à l'environnement judiciaire : l'accueil d'élèves avocats, l'ébauche d'une culture commune

Depuis 2006, l'ENM accueille également des élèves avocats pendant six mois, dans le cadre de leur projet pédagogique individuel.

L'intégration d'élèves avocats a pour objectif de permettre à ces derniers ainsi qu'aux auditeurs de justice « d'intégrer mutuellement au cours de leur formation la logique professionnelle de l'autre par une meilleure connaissance réciproque des mécanismes intellectuels et de la culture institutionnelle de chaque profession. » Cette logique est identique à celle ayant conduit le législateur à prolonger la durée du stage avocat de deux à six mois.

En 2006, l'ENM a accueilli dix-huit élèves avocats issus de l'école française des barreaux de la cour d'appel de Paris et du centre régional de formation professionnelle des avocats de Bordeaux, de mai à novembre. D'après l'étude effectuée auprès des auditeurs de justice, des élèves avocats et des chargés de formation, cette ouverture de l'école est une réussite . En effet, l'intégration d'élèves avocats au sein de l'école a été jugée excellente ou très satisfaisante (réponses de 86 % des auditeurs de justice et 100 % des élèves avocats) et les relations entre les auditeurs de justice et les élèves avocats qualifiées « d'excellentes, de très bonnes, d'amicales, de respectueuses ». S'agissant de l'impact de cette expérience, 90 % des auditeurs ont déclaré que « la présence des élèves avocats a été positive pour leur formation en raison de la qualité des échanges, de l'apport d'un autre regard, d'une prise de conscience des contraintes respectives, d'une réflexion en commun et d'une meilleure prise en compte des droits de la défense. 46 % d'entre eux estiment que cette présence a contribué à faire évoluer leur vision du rôle des avocats bien qu'une partie pense que l'intervention des avocats en exercice dans les directions d'études ou les simulations soit plus efficace à cet égard. »

En 2007 , ce sont dix-huit nouveaux élèves avocats issus de sept centres régionaux de formation professionnelle des avocats (CRFPA) qui suivent la scolarité des auditeurs de justice depuis le 30 avril et jusqu'au 30 octobre prochain.

2. ... Qui doit s'ouvrir encore davantage sur l'extérieur et garantir la démonstration des aptitudes des auditeurs à devenir juges

Nonobstant la qualité de la formation dispensée par l' ENM , celle-ci est l'objet également l' objet de critiques . Ainsi, dans son ouvrage Le devoir de déplaire , Eric de Montgolfier, estime que « la Justice n'est pas terre d'expérience personnelle et ceux qui en subissent les effets peuvent légitimement prétendre à ce qu'elle soit rendue par des magistrats qui en ont la capacité, sans avoir à espérer qu'ils l'auront un jour.

« Cette exigence n'était pas dans les moeurs et je doute qu'elle s'y soit installée dans une école qui, au fil du temps et des volontés politiques différentes mais toujours convergentes sur ce point, marque sa préférence de la forme sur le fond. A des têtes bien faites, on persiste à préférer des têtes bien pleines, des techniciens de la justice plutôt que des magistrats ».

Certains (le barreau de Paris par exemple) ont pu aller jusqu'à prôner la suppression de cette école, notamment pour proposer la création d'une école de formation commune aux magistrats et aux avocats.

Evoquant cette solution dans un rapport au Premier ministre de 1994 sur la formation professionnelle des magistrats et des avocats, M. Jean-Jacques Hyest, à l'époque député, l'avait toutefois écartée, estimant que le « système fondé sur une école nationale offre une solution satisfaisante pour obtenir des juges de qualité ».

De même, M. Jean-Louis Nadal, procureur général près la Cour de cassation, a estimé que la suppression de l'ENM constituerait une fausse solution aux problèmes actuellement posés par la formation des magistrats.

Vos rapporteurs partagent également ce point de vue, l'ENM assurant aux juridictions l'apport de magistrats d'un très bon niveau juridique et ayant bénéficié d'une formation pratique opérationnelle grâce aux nombreux stages effectués .

Toutefois, certaines améliorations peuvent toujours être apportées au système actuel, tant afin d'ouvrir davantage l'école à l'environnement judiciaire et, plus généralement aux réalités socio-économiques et culturelles, de renforcer encore l'intérêt des stages et enfin d'accentuer le caractère probatoire de la formation initiale.

- Remédier au cloisonnement de l'école

L'ENM fait périodiquement l'objet de critiques quant au risque de cloisonnement qu'elle fait courir aux auditeurs de justice.

M. Jean-Louis Nadal, procureur général près la Cour de cassation, a ainsi estimé indispensable de donner « un souffle d'ouverture de l'école à la société civile ». Plusieurs magistrats entendus par vos rapporteurs ont également qualifié l'école de « vase clos » et le directeur de l'ENM, a estimé indispensable de « renationaliser l'école », en ce sens qu'elle doit être au coeur de l'institution judiciaire et, en particulier, accessible à l'ensemble des magistrats et de leurs partenaires.

Tout d'abord, le corps enseignant de l'école est jusqu'à présent quasiment exclusivement composé de magistrats. En particulier, tous les chargés de formation sont nécessairement des magistrats du premier grade.

Plusieurs personnes entendues par vos rapporteurs, ont déploré que les magistrats hors hiérarchie ainsi que les divers partenaires de la justice (avocats, greffiers, psychologues...) ne puissent jusqu'à présent faire partie de l'équipe pédagogique de l'école.

Toutefois, cet établissement a fait un premier pas en avant vers une plus grande diversité depuis la publication du décret précité du 24 avril 2007, en créant un statut de collaborateur extérieur pour confier des directions d'études à des personnes « appartenant ou non à l'administration, qui lui apportent leur concours de façon continue ou intermittente sans renoncer à leur occupation principale ».

L'ensemble des magistrats entendus par vos rapporteurs s'est réjoui de cette avancée vers les autres professionnels proches de l'environnement judiciaire.

Ensuite, l'école est administrée par un conseil d'administration presque exclusivement composé de magistrats ou de professionnels du droit 81 ( * ) .

Certains magistrats, et en particulier le directeur de l'ENM, ont estimé nécessaire d'élargir la composition du conseil d'administration. Ce directeur a notamment proposé que des parlementaires soient associés à l'administration de l'école.

Parallèlement à cette ouverture du conseil d'administration, cet interlocuteur a également jugé utile de réduire le nombre de ses membres -qui s'élève actuellement à 24-, afin de le rendre plus opérationnel.

Enfin, le décloisonnement de l'ENM doit également passer par un échange plus riche entre les magistrats et les avocats. Vos rapporteurs notent les importants efforts produits récemment dans ce sens, d'une part par l'allongement de deux à six mois de la durée du stage avocat et, d'autre part, par l'intégration à l'ENM d'élèves avocats pendant six mois.

La mission d'information propose par conséquent de poursuivre les efforts actuels pour placer véritablement l'école au coeur du fonctionnement de l'institution judiciaire en :

- concrétisant rapidement les possibilités de faire appel, pour assurer des directions d'études, à l'ensemble des magistrats -de tous grades- en poste dans les juridictions ainsi qu'à des partenaires de l'institution judiciaire (recommandation n° 12).

Il pourrait ainsi s'agir d'avocats, d'huissiers, de greffiers mais aussi de psychologues, de médecins légistes, de professeurs d'université ou même de magistrats étrangers ;

- allégeant et diversifiant la composition du conseil d'administration pour lui permettre d'être une véritable force de proposition et d'impulsion pour la pédagogie de l'école (recommandation n° 13) ;

- amplifiant les échanges entre les élèves avocats et les auditeurs de justice au stade de la formation initiale (recommandation n° 14) .

La volonté d'ouverture de l'ENM sur l'extérieur nécessite donc que les auditeurs de justice bénéficient d'échanges importants avec les magistrats et l'ensemble de leurs partenaires. La multiplication des intervenants extérieurs et la volonté d'accueillir les personnalités les plus intéressantes nécessitent un accès direct à l'école, ce qui a conduit vos rapporteurs à s'interroger sur sa localisation à Bordeaux .

Interrogés sur ce point lors des auditions, tous les hauts magistrats entendus par la mission ont souligné les inconvénients de cette localisation. M. Michel Dobkine, en sa qualité de directeur de l'ENM, a pour sa part souligné l'impact budgétaire déjà très substantiel occasionné par les frais de déplacement des nombreux intervenants ne résidant pas à Bordeaux, ajoutant que le poids de ces dépenses ne ferait que s'accroître avec la mise en oeuvre des possibilités de faire appel à de nouveaux acteurs de l'institution judiciaire prévues par le récent décret d'avril 2007.

Sans aller jusqu'à affirmer comme Montaigne qu' « il n'y a de clarté que de Paris » ni proposer catégoriquement le déménagement de l'école vers la région parisienne, vos rapporteurs ont souhaité attirer l'attention sur la difficulté, inhérente à la localisation de l'ENM à Bordeaux, de s'ouvrir davantage sur l'extérieur, tout en se situant à plusieurs centaines de kilomètres de ce qui constitue, dans le cadre de la mondialisation, l'un des foyers les plus actifs de la vie publique.

Par un accès plus aisé à Paris, les auditeurs pourraient ainsi, pour leurs loisirs, bénéficier pleinement d'opportunités de tout ordre (culturelles, sociales, politiques) offertes par cette capitale.

Cette réflexion n'implique aucune appréciation des mérites comparés de la qualité de la vie entre Bordeaux et Paris, non plus que des qualités intellectuelles, morales ou techniques, respectives des populations concernées. Elle procède uniquement du caractère spécifique confié à l'agglomération parisienne par le processus de centralisation qui a marqué notre histoire.

Vos rapporteurs notent que la généralisation de l'obligation de formation continue introduite par la loi du 5 mars 2007 précitée permettra à tous les magistrats de suivre des sessions à l'antenne parisienne (dédiée à la formation continue) de l'ENM. En outre, mérite également d'être signalée la récente décision du conseil d'administration de l'ENM ayant prévu le transfert de la phase théorique de la formation spécialisée des auditeurs de justice à Paris.

- Renforcer l'efficacité des stages comme premier pas vers la vie professionnelle

Nombre de personnes entendues par la mission d'information considèrent que, si la qualité des stages effectués dans le cadre de la formation initiale, et en particulier du stage en juridiction, n'est plus à démontrer, celle-ci dépend beaucoup du maître de stage qui les encadre.

Ainsi, M. Christian Raysséguier, inspecteur général des services judiciaires, a affirmé que la réussite des stages provenait essentiellement « de la personnalité et de l'engagement » des magistrats ou autres professionnels qui accueillent les auditeurs de justice. M. Samuel Gillis, auditeur de justice issu de la promotion 2001 et actuellement substitut du procureur au tribunal de grande instance de Bobigny, a partagé ce même constat à propos plus particulièrement du stage juridictionnel.

Les maîtres de stage ne disposent pas toujours de moyens suffisants pour recevoir les auditeurs de justice dans les meilleures conditions.

Le procureur général près la Cour de cassation, M. Jean-Louis Nadal, a pour sa part estimé que la pédagogie n'était pas suffisamment enseignée aux magistrats tuteurs.

M. Paul-André Breton, président du tribunal de grande d'instance d'Angers, vice-président de la conférence des présidents de tribunaux de grande instance, a quant à lui mis en évidence l'importante charge de travail supplémentaire que constituait la prise en charge d'un ou plusieurs auditeurs de justice pour un magistrat souvent déjà très occupé et ne bénéficiant à cet effet d'aucun renfort particulier.

La mission d'information estime donc indispensable d'assurer une meilleure formation des magistrats maîtres de stage et de valoriser cette fonction (recommandation n° 15) .

La mission d'information s'est tout particulièrement intéressée au déroulement du stage avocat, dont la durée a été récemment allongée par le législateur de deux à six mois, considérant qu'il était essentiel que magistrats et avocats développent une culture commune et que, plus particulièrement, les premiers comprennent davantage le sens de l'action des seconds ainsi que l'exercice réel de leur métier. Au cours de son audition, Mme Pamela Hudson, magistrate de liaison britannique en France, s'est d'ailleurs étonnée de la méconnaissance réciproque entre les magistrats et les avocats.

L'intérêt de cet allongement de la durée du stage avocat ne paraît plus devoir être discuté -tous les magistrats entendus par vos rapporteurs s'étant réjouis de cette avancée, à l'exception de certains auditeurs de justice qui ont pu manifester un certain scepticisme. Il apparaît en revanche essentiel de s'intéresser aux modalités de sa mise en oeuvre.

En effet, l'allongement de ce stage vise à permettre aux auditeurs de justice de s'intégrer réellement dans le cabinet qui les accueille et d'exercer pleinement le métier d'avocat.

Au regard des observations formulées par certains magistrats entendus par la mission, il est apparu nécessaire que cet allongement de la durée du stage s'accompagne d'un encadrement plus précis de ce dernier.

M. Samuel Gillis, magistrat issu de la promotion des auditeurs de justice 2001, a notamment expliqué que le stage avocat devrait être mieux encadré par l'école, « une vraie réflexion devant être menée en amont entre les chargés de formation et les auditeurs de justice sur l'intérêt recherché du stage, à savoir en particulier la perception qu'ont les avocats des magistrats et des éventuels défauts de ces derniers dans leurs rapports avec les avocats. »

L'ENM envisage d'ailleurs une évolution de la scolarité en ce sens, en prévoyant une préparation plus spécifique des auditeurs de justice à ce stage (directions d'études, conférences, simulations...) 82 ( * ) .

Plusieurs magistrats entendus ont également mis en évidence la nécessité que ce stage avocat permette une immersion complète dans ce milieu professionnel. En effet, il est trop souvent cantonné à un stage d'observation, où le futur magistrat est appelé à suivre des dossiers, à écrire des conclusions et des plaidoiries.

M. Samuel Gillis a suggéré que les auditeurs de justice participent aux commissions d'office, estimant que des dossiers pourraient peut-être leur être plus aisément confiés, toujours bien sûr sous le contrôle d'un avocat.

Enfin, l'allongement de la durée du stage avocat et la nécessaire suppression de certains stages qui en découle -eu égard à la volonté du législateur et du gouvernement marquée lors des travaux parlementaires de ne pas allonger la durée de la scolarité-, pourraient utilement conduire à un nouveau « séquençage » de la formation initiale des magistrats et donc à positionner plus efficacement le stage avocat dans le calendrier de l'école.

Vos rapporteurs se félicitent des orientations retenues le 3 juillet dernier par le conseil d'administration de l'ENM.

Il convient d' éviter que le stage avocat ne soit effectué comme actuellement à la toute fin de la scolarité , juste avant l'examen de classement. En effet, comme l'a précisé M. Nicolas Guillou, magistrat issu de la promotion d'auditeurs de justice de 2001, beaucoup d'auditeurs de justice ont « la tête ailleurs » lorsqu'ils effectuent actuellement celui-ci concomitant avec la préparation de l'examen de sortie.

Ce stage ne doit en aucun cas être fractionné . En effet, l'allongement de sa durée perdrait alors tout son intérêt et l'auditeur de justice risquerait d'être encore réduit à un rôle d'observateur dans le cabinet d'avocats qui l'accueille.

La mission d'information invite l'école à donner un véritable contenu au stage avocat en garantissant la réelle implication de l'auditeur dans la compréhension et la défense des justiciables et en définissant une chronologie adaptée dans le cursus de formation . Le stage avocat doit en particulier être accompli en une seule fois et avant le stage en juridiction (recommandation n° 16)

- Accentuer le caractère probatoire de la formation initiale

Vos rapporteurs estiment que les trente et un mois de formation initiale ne correspondent pas à une réelle période probatoire. S'ils sont effectivement l'occasion d'acquérir des connaissances et techniques, puis de les mettre en pratique dans le cadre de stages, ils n'aboutissent, en revanche, généralement pas à une sanction en cas de défaillance constatée de l'auditeur.

Certes, l'ordonnance statutaire du 22 décembre 1958 précitée permet au jury de classement d'assortir la déclaration d'aptitude de chaque auditeur de recommandations ou de réserves sur le poste qu'il pourrait occuper à sa sortie de l'école, voire de proposer son redoublement, et prévoit également la possibilité d'exclure un auditeur de l'école 83 ( * ) . Toutefois, il apparaît qu'en pratique, ces dispositifs ne sont guère efficaces.

Répondant pour partie à cette critique, la loi organique du 5 mars 2007 a permis de renforcer l'impact des recommandations et réserves prononcées par le jury de classement sur l'affectation des auditeurs de justice à la sortie de l'école, ces derniers étant désormais liés par ces recommandations et ne pouvant plus choisir un premier poste ayant fait l'objet de réserves 84 ( * ) .

En permettant ainsi une réelle prise en compte des recommandations et réserves du jury de classement, la mission d'information espère que ces nouvelles dispositions inciteront ce jury à intervenir plus efficacement dans le choix du poste susceptible d'être occupé par les auditeurs de justice.

Alors qu'il apparaissait que, chaque année, quelques auditeurs de justice ne démontraient pas les qualités requises pour devenir magistrats , vos rapporteurs ont pu constater que les redoublements et les exclusions n'étaient que très rarement prononcés . Cette situation paraît regrettable dans la mesure où plusieurs personnes entendues lors des auditions et déplacements ont mis en évidence la nécessité que la période de formation initiale soit davantage probatoire et sanctionnée par un véritable « diplôme d'aptitude » à intégrer la magistrature. Il convient toutefois de constater que dix redoublements et une exclusion ont été prononcés cette année s'agissant de la promotion sortante (promotion 2005), ce qui rompt avec la politique de l'ENM des années précédentes.

Les magistrats entendus par vos rapporteurs ont expliqué qu'il était difficile de prononcer de telles sanctions (exclusions, redoublements) envers des auditeurs de justice reçus à un concours très sélectif et ayant suivi une formation de près de trois années.

M. Christian Charruault, conseiller à la Cour de cassation, président du jury des concours d'entrée à l'ENM de la future session 2007 et des deux dernières sessions, a quant à lui précisé que le recours plus fréquent à l'exclusion, auquel il s'est déclaré favorable, conduirait nécessairement à une augmentation des recours contentieux.

La mission d'information estime indispensable d'identifier plus clairement et écarter les auditeurs de justice n'ayant manifestement pas les aptitudes requises pour être magistrat (recommandation n° 17) .

Elle considère qu'il convient d'éviter que de tels auditeurs puissent exercer la fonction de magistrat alors que leur inaptitude a pu être repérée lors de leur scolarité à l'ENM et par le jury de classement. Le prononcé de recommandations et de réserves ainsi que les décisions de redoublement ou d'exclusion devraient ainsi être utilisés plus fréquemment, étant entendu que les redoublements ne sont pas une garantie à corriger une inaptitude.

Afin de tenir compte du fait que ces auditeurs de justice ont tout de même réussi le concours et suivi une formation exigeante pendant trente et un mois, d'éventuelles passerelles vers les autres fonctions publiques ou le métier d'avocat -par exemple en prévoyant que, comme les titulaires d'une thèse de droit, les auditeurs de justice puissent intégrer directement un centre régional de formation professionnelle des avocats, sans passer le concours- devraient être prévues.

Afin de prendre davantage en compte la personnalité de l'auditeur et déceler au mieux ses compétences techniques ainsi que ses qualités humaines et psychologiques pour devenir magistrat , la mission d'information considère que l' évaluation des auditeurs de justice doit être améliorée .

D'après certains magistrats entendus par votre commission, il semblerait que la différence dans le classement de sortie entre les auditeurs de justice ne soit principalement fondée que sur l'examen final -examen de classement-, lequel n'est pourtant censé ne représenter qu'un coefficient 6-contre un coefficient 10 pour la scolarité à l'ENM et un coefficient 12 pour le stage juridictionnel 85 ( * ) .

En effet, comme l'expliquaient Mmes Caroline Tharot et Isabelle Gare, toutes deux auditrices de justice de la promotion 2005 -la première issue du concours interne, et la seconde du recrutement sur titres-, lors du déplacement de la mission d'information à l'ENM, la note du stage juridictionnel n'est pas suffisamment discriminante , dans la mesure où :

- d'une part, une harmonisation des notes est prévue, non seulement au niveau de chaque cour d'appel, puis par l'ENM, ce qui tend ainsi à réduire les écarts entre les notes ;

- d'autre part, certains évaluateurs hésitent à porter une appréciation sévère à l'encontre du stagiaire, considérant qu'il appartient désormais au corps de la magistrature, après avoir réussi un concours difficile, et qu'il ne serait pas juste de discréditer un débutant.

M. Paul-André Breton, président du tribunal de grande d'instance d'Angers, vice-président de la conférence des présidents de tribunaux de grande instance, a également estimé que l'examen de classement tenait une place trop importante dans l'établissement du classement de sortie, au détriment, en particulier, des notes obtenues lors des stages.

Votre commission souhaite que l'ENM engage une réflexion sur les différentes composantes permettant de définir le classement de sortie, en particulier l'importance de l'évaluation du stage .

Vos rapporteurs considèrent en effet que la note du stage juridictionnel doit constituer la note la plus discriminante dans la détermination du classement de sortie -comme le laisse d'ailleurs à penser le coefficient qui lui est déjà attribué. Une pondération différente des différentes notes prises en compte dans le calcul de la moyenne de l'auditeur de justice pourrait également être envisagée.

Ensuite, parmi les épreuves de l'examen de classement, il apparaît que la conversation avec le jury pourrait constituer celle permettant de mieux percevoir la personnalité de l'auditeur, ainsi que ses capacités humaines à exercer le métier de magistrat à l'issue de sa formation .

D'une durée de quinze minutes, cette conversation de l'auditeur avec le jury a pour finalité de déterminer l'aptitude de l'auditeur à occuper un poste de magistrat à l'issue de sa formation et de fixer son rang de classement.

Cet entretien ne garantit pour autant pas que le jury s'assure des qualités personnelles de l'auditeur, en ce sens que son sens du discernement n'est pas nécessairement mis à l'épreuve. L'aptitude de l'auditeur à devenir magistrat est en effet principalement évaluée en fonction de ses acquis techniques et en appréciant la perception qu'il a du rôle de la justice, « notamment au travers des réflexions que lui inspire l'expérience acquise au cours de sa scolarité ».

Le jury dispose actuellement de la faculté d'interroger l'auditeur de justice sur des questions de déontologie et d'éthique. Toutefois, elle est entièrement laissée à sa libre appréciation. Vos rapporteurs considèrent au contraire que les aspects humains, éthiques et déontologiques de la profession de magistrat devraient être au coeur même de cette conversation .

Une telle évolution serait d'autant plus pertinente qu'aucun dispositif n'est actuellement mis en place pour prendre en compte ces aspects pourtant essentiels pour assurer un recrutement de qualité.

Certes, un docteur en psychologie fait partie de l'équipe pédagogique de l'ENM. Cependant, son rôle n'est pas de vérifier si les auditeurs de justice ont un profil compatible avec l'exercice de la fonction de magistrat. Sa mission consiste à les aider à mieux comprendre certains comportements de justiciables ou à mieux appréhender certaines situations.

M. Christian Charruault, conseiller à la Cour de cassation, président du jury des concours d'entrée à l'ENM de la future session 2007 et des deux dernières sessions, a estimé que la fin de la scolarité paraissait le stade le plus approprié pour prendre en compte la dimension psychologique des auditeurs de justice, un comportement inadapté à l'exercice de la fonction de magistrat se révélant nécessairement au cours des trente et un mois de formation.

La mission d'information suggère que soit mieux prise en compte la personnalité de l'auditeur et sa perception des aspects éthiques, déontologiques et humains de ses futures fonctions lors de la conversation avec le jury . Ceci implique de changer le contenu de l'entretien et d'ouvrir le jury à la société civile ( recommandation n° 18 ).

Cette conversation avec le jury pourrait être envisagée comme un véritable entretien de personnalité 86 ( * ) , voire d'embauche , du futur magistrat, permettant d'évaluer en particulier sa faculté de discernement.

Alors qu'actuellement seuls des magistrats et deux professeurs d'université, dont un de droit, sont membres de ce jury, une telle évolution nécessiterait la présence de personnalités de la société civile, plus particulièrement un psychologue et/ou un responsable des ressources humaines, compétent en matière de recrutement dans le secteur public ou privé. En outre, la durée de cette conversation avec le jury devrait certainement être allongée.

* 70 « Quels métiers pour quelle justice ? » - Rapport précité de la mission d'information sur l'évolution des métiers de la justice, page 42.

* 71 Voir infra le tableau détaillant ces enseignements « fonctionnels », en distinguant les directions d'études, des exercices de simulation.

* 72 L'ENM prête à chaque auditeur un ordinateur portable tout au long de sa scolarité.

* 73 Chaque sénateur membre de la délégation a suivi une direction d'études, pendant environ une demi-heure.

* 74 Les auditeurs de justice sont placés sous le contrôle du magistrat directeur du centre de stage, au niveau du tribunal de grande instance dans lequel ils sont affectés, et du magistrat délégué à la formation, au niveau de la cour d'appel.

* 75 Le programme de formation initiale pour 2007 de l'ENM indique qu'une période d'une semaine est laissée libre pour permettre au responsable du centre de stage, en fonction de la progression de l'auditeur et de la situation locale d'organiser un renouvellement ou une prolongation de stage en cas d'insuffisances repérées, ou encore un approfondissement grâce à des stages extérieurs complémentaires.

* 76 Rapport n° 176 de M. Jean-Jacques Hyest (Sénat, session 2006-2007) sur la loi organique du 5 mars 2007 relative au recrutement, à la formation et à la responsabilité des magistrats.

* 77 Cf le nouveau statut de collaborateurs extérieurs de l'école établi par le décret n° 2007-591 du 24 avril 2007.

* 78 Article 45 du décret n° 72-355 du 4 mai 1972 modifié relatif à l'école nationale de la magistrature.

* 79 Cf infra le 1-B du présent II.

* 80 Voir le rapport précité n° 176 de M. Jean-Jacques Hyest (Sénat, 2006-2007) sur la loi organique du 5 mars 2007 relative au recrutement, à la formation et à la responsabilité des magistrats.

* 81 Voir la composition précise du conseil d'administration de l'ENM dans le 1 du présent A.

* 82 Pour le détail, voir le 1 du présent A.

* 83 Voir le 1 du présent A.

* 84 Voir le 1 du présent A.

* 85 Pour le détail, voir le 1 du présent A.

* 86 De nombreux concours externes, tels que celui d'entrée à l'ENA prévoient un entretien avec un jury tendant à apprécier la personnalité du candidat.

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