EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 24 octobre 2007, sous la présidence de M. Jean Arthuis, président, la commission a entendu une communication de M. Joël Bourdin, rapporteur spécial, sur la réforme de la taxe sur le chiffre d'affaires des exploitants agricoles.

Après avoir rappelé que la taxe sur le chiffre d'affaires des exploitants agricoles, dite « taxe ADAR », avait fait l'objet d'un sixième débat en quatre ans à l'occasion de la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2006, M. Joël Bourdin, rapporteur spécial , est brièvement revenu sur les circonstances de sa création. Il a notamment rappelé que son instauration avait répondu à la double nécessité de supprimer la parafiscalité et de mettre fin à la gestion critiquée de l'Association nationale de développement agricole (ANDA).

Procédant à l'aide d'une vidéo-projection, il a ensuite exposé que la création d'un impôt sur le chiffre d'affaires résultait de la volonté de rationaliser le financement du développement agricole, de lui procurer une recette stable, et de l'asseoir sur l'activité des exploitations. Il a également précisé qu'une telle assiette avait l'avantage de la simplicité technique, puisque cela permettait de recouvrer la taxe et de la contrôler selon les procédures et sous les mêmes sanctions, garanties et privilèges que la taxe sur la valeur ajoutée.

Ayant brièvement décrit le dispositif adopté en 2002, composé d'une part forfaitaire de 90 euros et d'une part variable de 0,19 % du chiffre d'affaires jusqu'à 370.000 euros et de 0,05 % au-delà, M. Joël Bourdin, rapporteur spécial , a relevé que les transferts occasionnés avaient, à l'époque, été jugés limités, dans la mesure où les agriculteurs relevant du régime de remboursement forfaitaire agricole seraient exonérés et que les deux taux de part variable évitaient de taxer lourdement les chiffres d'affaires les plus élevés.

Il a toutefois observé que cette interprétation « optimiste » n'avait pas été partagée par une partie de la profession agricole, en particulier le secteur viticole. Les craintes d'un transfert de fiscalité au détriment de ce secteur avaient donc conduit en 2002 à l'adoption d'un amendement assortissant la taxe sur le chiffre d'affaires d'un mécanisme provisoire et dégressif d'écrêtement.

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial , a ensuite relevé que la progressivité de l'écrêtement n'avait jamais été mise en oeuvre, dans la mesure où le dispositif voté en 2002 avait été systématiquement modifié afin de maintenir constant le plafond de taxe à acquitter au titre de la part variable.

Dressant l'inventaire des critiques adressées à la taxe, il a cité successivement :

- la pénalisation des secteurs procédant à la transformation et à la commercialisation de leurs produits, et en particulier le secteur viticole et les exploitations en « circuit court », procédant à la vente directe de leurs produits (horticulture, maraîchage, arboriculture) ;

- l'exonération des exploitants placés sous le régime du remboursement forfaitaire agricole, contestée par certaines organisations professionnelles au motif que l'ensemble des agriculteurs bénéficiaient du développement agricole et rural et qu'ils devaient tous y cotiser ;

- la référence à une cotisation historique pour définir le plafonnement, qui était susceptible d'introduire des distorsions en ne permettant pas de prendre pleinement en compte l'évolution réelle de l'activité et du chiffre d'affaires des exploitations et en privant les exploitants installés postérieurement à 2002 de toute possibilité de plafonnement.

M. Jean Arthuis, président , a remarqué que cette situation pouvait également induire des distorsions en cas de reprise d'exploitation.

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial , après être brièvement revenu sur les modalités d'utilisation des ressources de la taxe via le compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural », a observé que le débat n'était pas tranché entre mutualisation des moyens en application d'une logique de solidarité entre les filières et les territoires et taux de retour garanti à chaque filière. Il a également indiqué que le sentiment tenace persistait que certains fonds du compte d'affectation spéciale continuaient d'être partiellement attribués à des structures plutôt qu'à des actions. Ce sentiment est probablement renforcé par le fait que 15 % du produit de la taxe allait au financement du syndicalisme agricole.

Il a enfin estimé qu'un retour minimal au profit des filières fortement contributrices ne devait pas être exclu, sous réserve de pouvoir calculer de façon fiable et précise le concours desdites filières, ce qui ne semblait pas possible actuellement.

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial , a insisté sur le fait que la situation actuelle n'était pas tenable, dans la mesure où le plafonnement en fonction d'une valeur historique était susceptible de contrevenir au principe d'égalité devant l'impôt. Il a expliqué les raisons statistiques et techniques pour lesquelles il était extrêmement difficile de connaître la situation des divers exploitants et filières au regard de la taxe, puis a fourni quelques éléments chiffrés. Il a notamment indiqué que son produit avait dépassé les estimations et que la cotisation moyenne au niveau national était passée de 314 à 327 euros par déclarant entre 2003 et 2005.

Sur la base d'une reconstitution théorique de l'évolution de la cotisation payée en fonction du chiffre d'affaires, il a démontré que le profil décroissant du régime de taxation « immunisait » les contribuables dont le chiffre d'affaires était élevé contre le paiement d'une cotisation trop lourde, grâce au jeu combiné de la part forfaitaire et de la part variable « à double détente ».

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial , a enfin évoqué les diverses alternatives au déplafonnement à l'étude au sein des services du ministre de l'agriculture, puis précisé que ces pistes n'avaient pas fait l'objet d'un arbitrage politique avant le dépôt du projet de loi de finances pour 2008. Il a, en conséquence, pris acte de l'absence d'alternative pérenne à court terme et considéré que le dispositif voté par le Parlement en 2002 aurait enfin vocation à s'appliquer pleinement à compter du 1 er janvier 2008, consécutivement à la suppression du plafonnement.

M. Jean Arthuis, président , a jugé qu'il convenait d'appliquer le texte ou de supprimer la taxe. En tout état de cause, il ne convenait pas qu'une fois de plus, le Parlement statue sur la question au dernier moment.

M. Philippe Adnot a jugé que le chiffre d'affaires n'était pas une assiette pertinente et que chaque exploitant devait cotiser à raison des bénéfices agricoles qu'il réalisait.

M. Charles Guené a rappelé que l'on raisonnait sur de faibles cotisations, en particulier pour les grosses exploitations, et que le déplafonnement était justifié.

M. Yves Fréville s'est étonné du manque de statistiques disponibles sur ce sujet, faisant observer que le ministère de l'agriculture était de loin le mieux doté en statisticiens. Il a également admis que la taxe pénalisait les exploitants valorisant leurs produits.

M. Michel Moreigne s'est interrogé sur les effets éventuels d'un déplafonnement sur les éleveurs qui auraient subi une importante perte de chiffre d'affaires, en raison des effets de la fièvre catarrhale ovine.

M. Jean Arthuis, président , a posé la question de la compatibilité d'une taxe sur le chiffre d'affaires avec le droit communautaire, et suggéré d'étudier la possibilité d'une taxe additionnelle à la TVA. Il n'a pas jugé équitable que certains exploitants soient exonérés. Il a également observé que le financement des organisations professionnelles agricoles devrait reposer sur des cotisations professionnelles plus que sur des impôts.

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial , a rappelé que le principal motif du choix du chiffre d'affaires comme assiette était la simplicité de recouvrement. Il a indiqué que l'absence de plafond n'aurait pas d'impact sur les exploitations subissant une perte de chiffre d'affaires.

M. Jean Arthuis, président , a souhaité que le débat soit ouvert sur le financement des organisations professionnelles agricoles, jugeant qu'il convenait d'évoluer par rapport au modèle actuel. Il s'est par ailleurs félicité de la démarche proposée par le rapporteur spécial visant à apporter un éclairage clair et complet, préalablement à la discussion budgétaire, afin de permettre au Parlement de statuer en toute connaissance de cause.

A l'unanimité, la commission a donné acte au rapporteur spécial de sa communication et en a autorisé la publication sous la forme d'un rapport d'information.

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