TRAVAUX DE LA COMMISSION : AUDITION POUR SUITE A DONNER À L'ENQUÊTE RÉALISÉE PAR LA COUR DES COMPTES EN APPLICATION DE L'ARTICLE 58-2° DE LA LOLF, SUR LES CRÉDITS D'INTERVENTION DE LA POLITIQUE DE LA VILLE

Présidence de M. Jean ARTHUIS, Président

Séance du mardi 6 novembre 2007

Ordre du jour

Audition de Mme Marie-Thérèse Cornette, présidente de la 5ème chambre à la Cour des comptes, M. Jean-Pierre Bayle, conseiller-maître, M. David Gruson, auditeur, M. Yannick Prost, directeur de cabinet de la secrétaire d'Etat à la politique de la ville, M. Yves-Laurent Sapoval, délégué interministériel à la ville, M. Dominique Dubois, directeur général de l'ACSé, Mme Hélène Eyssartier, sous-directeur à la direction du budget, et M. Jean-Christophe Moraud, sous-directeur des finances locales et de l'action économique à la direction générale des collectivités locales, pour suite à donner à l'enquête sur les crédits d'intervention de la politique de la ville, transmise par la Cour des comptes en application de l'article 58-2° de la LOLF.

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La séance est ouverte à 17h15.

M. Jean ARTHUIS, président .- Mesdames et Messieurs, mes chers collègues,

Nous voici réunis pour une audition pour une suite à donner sur une enquête réalisée par la Cour des Comptes, concernant la gestion des crédits d'intervention de l'Etat au titre de la politique de la Ville. Nous devons l'initiative de cette enquête à notre collègue, M. Philippe DALLIER, rapporteur spécial de la mission « Ville et logement » ; nous devons également cette initiative à notre ancien collègue, M. Roger KAROUTCHI, qui exerçait la fonction de co-rapporteur aux côtés de M. Philippe DALLIER il y a un an.

Leur demande portait sur un sujet dont l'enjeu financier est loin d'être négligeable : hors plan de rénovation urbaine, piloté par l'Agence nationale de rénovation urbaine, l'addition des différentes composantes de l'effort de l'Etat en faveur de la politique de la Ville aboutit en effet à un total de plus de 4 milliards d'euros. Ce total englobe les crédits spécifiques de la politique de la Ville, l'estimation des crédits de droit commun consacrés aux zones dites « sensibles », mais également la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale.

Cette initiative s'inscrivait aussi dans un contexte particulier, marqué notamment par la mise en place de nouvelles structures. L'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances, l'ACSé, a été créée par la loi du 31 mars 2006, sur l'égalité des chances. Nous verrons si le positionnement de ce nouvel intervenant par rapport aux instituions existantes, notamment la délégation interministérielle à la Ville, a été clarifié.

Parmi les autres interrogations ayant justifié cette demande d'enquête, figurait aussi un questionnement sur les procédures de versement des subventions aux associations, procédures accusées de lenteur excessive, et sur la capacité de l'Etat et des Préfets, délégataires de crédits, à contrôler le bon usage de ces subventions et l'efficacité de l'action conduite par les bénéficiaires de ces subventions. L'efficacité et les performances de la politique de la Ville sont des préoccupations partagées par la Commission des Finances, mais aussi par la Commission des Affaires économiques et la Commission des Affaires sociales. Je suis donc très heureux d'accueillir les membres de ces commissions et, en particulier, leurs rapporteurs, pour avis. Nous recevons, ce soir, pour la Cour des Comptes, Mme Marie-Thérèse CORNETTE, présidente de la 5 ème Chambre ; M. Jean-Pierre BAYLE, conseiller maître, que nous sommes heureux de revoir ici au Sénat. et M. David GRUSON, auditeur. Le Secrétaire d'Etat à la politique de la Ville est représenté par M. Yannick PROST, directeur de cabinet de Mme Fadela AMARA. Pour la délégation interministérielle à la Ville et l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances, nous entendrons respectivement M. Yves-Laurent SAPOVAL, délégué interministériel à la Ville, et M. Dominique DUBOIS, Directeur général. Le Ministère du Budget, des Comptes publics et de la Fonction publique est représenté par Mme Hélène EYSSARTIER, sous-directeur à la Direction du Budget, et par M. Alexis VILLEMIN, conseiller du Ministre. Enfin, pour le Ministère de l'Intérieur, de l'Outre-mer et des Collectivités territoriales, nous entendrons M. Jean-Christophe MORAUD, sous-directeur des Finances locales et de l'Action économique à la Direction générale des collectivités locales.

Mesdames et Messieurs, afin de préserver une possibilité effective de dialogue et de débat, je demande que les interventions liminaires de la Cour des Comptes et des administrations concernées se limitent aux observations principales. Je donnerai ensuite la parole en priorité à notre rapporteur spécial et aux rapporteurs pour avis des Commissions des Affaires économiques et des Affaires sociales. Enfin, bien sûr, chaque commissaire et chaque membre de notre assemblée qui le souhaitera pourra poser librement ses questions.

Je rappelle en outre aux membres de la Commission des Finances que nous aurons ensuite à prendre une décision sur la publication de l'enquête de la Cour des Comptes au sein d'un rapport d'information.

Pour commencer, je donne la parole à Mme Marie-Thérèse CORNETTE, présidente de la 5 ème Chambre de la Cour des Comptes, pour présenter les points principaux de l'enquête réalisée par la Cour sur la gestion des crédits d'intervention de l'Etat au titre de la politique de la Ville.

Mme Marie-Thérèse CORNETTE - Merci M. le Président. Comme vous venez de nous le rappeler, l'enquête sur la politique de la ville a été réalisée dans le cadre d'une mission d'assistance au Parlement, sur le fondement de l'article 58-2 de la LOLF. Cette enquête a été réalisée au cours du premier semestre 2007, suite à la demande de M. le Sénateur Dallier avec lequel un échange a eu lieu, lors de l'initialisation de l'enquête, afin de préciser ses contours.

Nous avons sollicité de nombreuses administrations, en particulier la Délégation Interministérielle à la Ville et l'Acsé ainsi que des responsables territoriaux, élus, préfets, chefs de service et des acteurs de terrains. En effet, cette enquête ne s'est pas tenue simplement à Paris, mais, à la demande effective de M. le Sénateur Dallier, nous avons été plus particulièrement regarder ce qui se passait dans trois départements, dans le Rhône, dans la Somme et dans la Seine-Saint-Denis où les politiques de la ville se situent dans des cadres relativement différents.

Avant de rappeler les principaux constats de l'enquête, je voudrais d'abord dire que nous sommes partis d'une analyse financière, mais que le but est bien d'aller au-delà pour parvenir à un essai de mesure de l'efficacité et de l'efficience des interventions de la politique de la ville, qui comporte, à côté de la réalité financière, une réalité sociale et humaine qui se trouve dans les quartiers. C'est donc dans cette logique qu'à été organisée l'enquête et la démarche suivie par la Cour des comptes en l'espèce.

Première constatation : la Cour a veillé à remettre en perspective le cadre géographique des interventions de l'Etat.

La politique de la Ville présente cette particularité qu'elle s'applique dans des territoires particuliers, des « zones d'intervention » qui sont issues d'une géographie prioritaire. La Cour l'avait déjà fait remarquer dans son rapport public de 2002 et elle constatait que cette géographie législative et réglementaire qui remonte à 1996, comporte les zones urbaines sensibles (ZUS), les zones de revitalisation urbaine (ZRU) et les zones franches urbaines (ZFU).

La Cour relève que la géographie législative et réglementaire induit un certain effet de fixation du fait du caractère figé du découpage. Les ZUS et les ZRU n'évoluent pas beaucoup. Il n'y a donc pas, si l'on peut dire, de chemin de retour au droit commun, les sorties du dispositif étant exceptionnelles. En contre partie, le périmètre des zones franches, lui, s'étend, ce qui peut conduire à limiter l'effet incitatif et l'efficacité du processus. C'est pourquoi l'une des recommandations concerne la mise en oeuvre d'une procédure de révision périodique du classement en ZUS et en ZRU et la stabilisation du périmètre des zones franches urbaines afin de concentrer les moyens sur les territoires prioritaires et de renforcer l'impact des interventions. A côté de cette géographie réglementaire, s'est développée une géographie contractuelle, d'abord les contrats de ville qui ont été remplacés par les contrats urbains de cohésion sociale, les CUCS. De ce côté là, on assiste à une explosion du nombre des contrats, puisqu'on est passé de 247 contrats pour la dernière génération des contrats de ville à 495 CUCS programmés au 1er mai 2007. Il faut également noter que le passage des contrats de ville aux CUCS s'est effectué sans évaluation préalable de la seconde génération des contrats de ville, ce qui pourtant avait été prévu.

Deuxième point d'analyse, il concerne le pilotage de la politique de la ville qui ne paraît pas s'effectuer dans des conditions parfaitement optimales.

Au niveau national, la complexité des processus de décision et l'instabilité des règlements applicables affectent la continuité des actions de l'Etat. On note, en particulier, que la logique de transfert de compétences entre la délégation interministérielle à la ville et la nouvelle ACSé n'a pas été menée jusqu'à son terme, que l'on en n'a pas tiré toutes les conséquences et que la DIV a conservé certaines priorités qui pourraient être transférées à l'ACSé.

Au niveau local, plusieurs constatations : tout d'abord, quel est le bon niveau de partenariat, faut-il contracter avec les collectivités territoriales ou avec leurs regroupements ? On a assisté à un jeu de balancier entre le choix de la coopération communale et intercommunale, et là aussi, ces hésitations sont sources de confusion pour les acteurs de terrain.

La Cour propose deux pistes d'action. Tout d'abord stabiliser le pilotage national. Le comité interministériel des villes devrait être réuni annuellement pour mieux garantir la continuité de l'interministérialité qui est une des caractéristiques principales de la politique de la ville ; la création d'agences spécialisées dans ce domaine, l'ANRU pour la rénovation urbaine, et l'ACSé pour les actions sociales, devrait conduire la DIV à se recentrer sur des fonctions d'administration de mission et à laisser les opérateurs gérer les crédits.

Au niveau local ensuite, le pilotage devrait être plus lisible. Il existe un problème dans la définition du rôle des préfectures de région dont le rôle de coordination interministérielle pourrait être conforté. La cohérence entre les différents services de l'Etat devrait être mieux assurée, avec la définition de critères de répartition des enveloppes régionales, en fonction des problématiques propres à chaque secteur qui soient clairs et bien affichés.

Troisième point d'analyse, le panorama des interventions de l'Etat. Ces interventions constituent un ensemble foisonnant et souvent mal connu. Pour résumer, on pourrait dire qu'il y a deux sortes d'interventions : les interventions directes et les interventions indirectes, et au sein tout d'abord des interventions directes, on peut distinguer les crédits de droit commun et les crédits spécifiques. La Cour avait déjà souligné dans son rapport public particulier de 2002 le caractère limité des coordinations des politiques de droit commun et, en parallèle, le développement des dispositifs spécifiques, l'un ayant un peu pour objet de compenser l'autre ; les difficultés des différentes politiques à se coordonner amènent à créer des dispositifs particuliers qui se rajoutent les uns aux autres ; ceci ne rend pas plus grandes la lisibilité et l'efficacité des politiques ; les dispositifs spécifiques sont souvent instables.

La Cour a relevé des impayés dans les interventions de l'Etat, pour un montant atteignant 200 millions d'euros début 2007 sur le volet investissement du fonds interministériel pour la ville et sur les grands projets de ville. Il faut noter que la DIV et les services déconcentrés ont engagé, en 2006, grâce à la fongibilité permise par la LOLF, une démarche de résorption de ces impayés. Il faut poursuivre bien entendu cette démarche.

L'intervention indirecte de l'Etat passe par la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale (DSU-CS), qui représentait 880 millions d'euros en 2006 et qui constitue un concours financier aux collectivités territoriales et une composante de la dotation globale de fonctionnement. Sa réforme, en 2005, a conduit à une réorientation forte en direction des communes dotées d'une part importante de leur population en ZUS ou/et en zone franche urbaine. Cependant, la modification de la distribution de la dotation n'est pas allée sans effets de distorsion qui incitent encore plus fortement, en retour, à une révision plus générale du zonage dont nous parlions précédemment. La Cour d'ailleurs, reviendra de façon beaucoup plus large sur le régime des concours financiers de l'Etat aux collectivités territoriales, dans le cadre d'une enquête qui est menée en liaison avec les chambres régionales des comptes.

Quatrième point, les relations avec les associations intervenant dans le champ de la politique de la ville, un sujet qui est toujours très sensible.

La Cour une fois de plus constate que des relations responsabilisantes devraient être promues entre l'Etat et les associations. On a noté quelques caractéristiques de ce partenariat : pluriannualité, anticipation et sécurisation des paiements, évaluation des actions menées et meilleur contrôle des structures. Les thèmes d'action sont bien connus, les outils réglementaires existent, mais on ne perçoit guère d'amélioration dans la situation. Le caractère pluriannuel des contrats reste limité, les paiements sont toujours très tardifs et l'évaluation des actions n'a guère progressée. Il y a donc, dans ce domaine, un effort considérable à faire car les associations sont véritablement les acteurs de terrain de la mise en oeuvre de ces crédits.

Enfin, pour conclure, la Cour a essayé, essayé simplement, d'apprécier l'impact des interventions de l'Etat : sont-elles utiles, a-t-on vu des choses changer ? Nous avons fait trois constats simples : d'une part, il faut noter les progrès accomplis dans la structuration du cadre d'évaluation. Des objectifs et des indicateurs de politique publique ont été créés, ainsi qu'un observatoire des ZUS (l'ONZUS) qui existe désormais, ce qui n'était pas le cas lors du rapport précédent en 2002.

Cependant, le constat principal reste qu'en définitive, l'efficacité et l'efficience des interventions demeurent extrêmement incertaines. Les résultats nationaux des indicateurs suivis par l'ONZUS montrent que les zones urbaines sensibles n'ont pas rattrapé leur retard par rapport aux quartiers hors ZUS, en dépit de l'augmentation significative des moyens consacrés par l'Etat à cette politique. Ce constat est un peu décevant.

Enfin, le troisième constat est qu'il est regrettable qu'il n'existe pas une analyse plus fine de ces résultats qui demeurent très globaux, par exemple par dispositif d'intervention ou par zone d'intervention. Il serait nécessaire d'affiner les méthodologies d'évaluation qui seules permettraient d'avoir des éléments d'appréciation qui soient crédibles.

Voilà, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Sénateurs, nos principales constatations et nous restons à votre disposition pour répondre aux questions que vous souhaiteriez nous poser.

M. Jean ARTHUIS, président - Merci, Mme la Présidente, pour ces constatations qui mettent en évidence la performance toute relative de l'Etat dans la politique de la Ville. Le moins que nous puissions dire, c'est qu'une certaine confusion subsiste. Mais je ne doute pas que celles et ceux qui vont s'exprimer maintenant vont dissiper cette impression. Dans l'ordre des interventions, peut-être pourrions-nous entendre le directeur de cabinet de la Secrétaire d'Etat à la Ville. M. PROST, avez-vous des commentaires à faire ?

M. Yannick PROST - Oui, M. le Président. Merci de me donner la parole. La lecture de ce rapport m'a, en quelque sorte, fait chaud au coeur. En effet, nous avons retrouvé dans ce rapport les constats que nous dénoncions avant d'arriver aux affaires de la politique de la Ville. Nous avons, de plus, noté une certaine similarité de points de vue. Mme AMARA a lancé un cycle de rencontres territoriales auprès des acteurs et des habitants des quartiers sensibles ; les éléments qui en sont remontés corroborent largement le constat de la Cour des Comptes. Nous sommes sensibles aux effets pervers et aux dysfonctionnements que vous avez dénoncés.

Une fois ces constats produits, il va falloir apporter des réponses. Je reprendrai quelques-uns des éléments forts de votre bilan pour y souscrire.

L'effet de fixation tout d'abord. La politique de la Ville est une politique qui, par nature, doit disparaître. Elle a une vocation de rattrapage. Actuellement, la politique de la Ville est âgée de 15, 17 ans ; or, même en 2006, aucun mécanisme de sortie de cette aide supplémentaire qui, dans un premier temps, devait être exceptionnelle, n'a été entrepris. Il va falloir mettre fin à cet effet de fixation.

M. Jean ARTHUIS, président - Non seulement, cela ne disparaît pas, mais cela s'élargit.

M Yannick PROST - Tout à fait. Dans le cadre de la révision générale des politiques publiques, grand exercice de remise à plat de l'effort public, Mme AMARA et Mme BOUTIN ont souhaité poser la question de la manière de mettre fin à cet effet de fixation. Comment mettre fin à cet élargissement de l'effort en matière de politique de la Ville ?

Le pilotage. Lors de notre arrivée au Secrétariat d'Etat à la politique de la Ville, nous nous sommes demandés où se trouvaient les leviers et si nous en disposions vraiment. Bien que cette politique soit interministérielle, nous avons l'impression de ne pas pouvoir agir sur les crédits et les moyens de droit commun. Là aussi, dans le cadre de la révision générale des politiques publiques, nous avons souhaité que soit traduite réellement cette dimension interministérielle. Vous le dites, le CIV n'est pas réuni régulièrement : il n'y a pas eu de CIV entre 2001 et 2006. Et encore, le CIV de 2006 est intervenu après la grande crise de 2005. Il a fallu attendre que les voitures brûlent pour que le CIV se réunisse. Une des pistes pourrait consister dans un retour à ce qui avait été engagé en termes d'interministérialité, avec un CIV organisé tous les six mois ou tous les ans. Il s'agit aussi que les décisions soient suivies, à travers de véritables moyens donnés à un service d'Etat, la DIV ou un autre, quoi qu'il en soit, une unité de commandement qui permette une application rapide des décisions du CIV.

Concernant le pilotage au niveau local, les arbitrages et les dilemmes sont plus sensibles. Le niveau régional est-il le plus pertinent ? Le niveau départemental, plus proche des quartiers, ne serait-il pas plus adapté ? Dans le cadre de la réflexion que nous avons engagée, nous n'avons pas encore tranché. Cela est en effet difficile. Mais nous avons bien compris qu'il fallait rendre plus lisible ce pilotage au niveau local.

Les associations. Mme AMARA a elle-même été présidente d'association ; elle a donc elle-même souffert des maux que vous dénoncez : retards d'impayés, difficultés administratives et bureaucratiques. Il faut souligner que la mise en place de l'Acsé a quelque peu perturbé le constat que nous avions pu tirer. L'année 2007 est, en quelque sorte, une année blanche. Mais le constat que vous tiriez était valable pour les années précédentes. Nous avons mis en place un groupe de travail pour trouver des améliorations dans cette chaîne de paiement des associations qui doit vraiment être améliorée.

Quant aux progrès accomplis dans le cadre de l'observation et de l'interrogation sur l'efficacité et l'efficience de l'effort, nous nous interrogeons aussi. L'ONZUS rendra son rapport dans quelques jours. Nous avons bénéficié, ces derniers mois, de quelques estimations quant à l'écart entre les indicateurs des ZUS et le reste des agglomérations qu'elles portent. Il est possible de lire ce constat de deux manières. Nous n'avons pas rattrapé le retard entre le droit commun et les ZUS. Nous n'avons pas non plus observé de décrochage, alors que la situation socio-économique est véritablement alarmante. D'où la nécessité d'engager peut-être, mais de façon concentrée cette fois et véritablement ciblée, un effort supplémentaire pour accélérer ce rattrapage. D'où aussi la nécessité, et c'était là la volonté du Président de la république de mettre en place un « plan banlieue » que Mme AMARA, sous l'autorité de Mme BOUTIN, élabore actuellement, en s'appuyant, d'une part, sur les rencontres territoriales, et, d'autre part, sur les constats tels que les établit le rapport que vous nous avez remis.

M. Jean ARTHUIS, président - M. PROST, à propos de rattrapage, vous évoquez notamment les impayés du début de l'année 2007, soit 200 millions d'euros. Où en sommes-nous aujourd'hui ? Cette somme s'est-elle partiellement résorbée ? Peut-on pour autant dire que la prévision budgétaire pour 2008 permettra de respecter le principe de sincérité du budget ?

M. Yannick PROST - Le cadre global est un plan d'apurement de la dette. Pour plus de détails, je laisse la parole à M. SAPOVAL.

M. Jean ARTHUIS, président - M. SAPOVAL va maintenant intervenir en sa qualité de délégué interministériel à la Ville.

M. Yves-Laurent SAPOVAL - Je répondrai d'abord sur ce point précis. Deux programmes sont concernés par des dettes importantes en matière d'investissement. Le programme 202 « Rénovation urbaine » qui comprend une action de reste à liquider sur des engagements GPV/ORU antérieurs à la création de l'ANRU où la dette était, au 1er janvier 2007, de 97 millions d'euros ; elle a bénéficié d'un apport en CP en 2007 de 55 millions d'euros. Un plan d'apurement de la dette est donc prévu pour 2008-2009. Nous pourrons aborder ces questions plus précisément dans le cadre de la discussion budgétaire.

Pour la dette concernant le programme 147, de la même manière, un plan d'apurement est prévu sur 3 ans.

Nous fournissons tous les efforts de fongibilité et de redéploiement pour accélérer, comme nous l'avons fait l'année dernière, le remboursement des dettes sur ces deux programmes. Le programme 202 est plus particulièrement concerné.

M. Jean ARTHUIS, président - Il faudra donc attendre pour apurer complètement ?

M. Yves-Laurent SAPOVAL - La dette qui est estimée là correspond aux AE engagés. La dette exigible, c'est-à-dire les factures présentées, les services faits et constatés, etc. est beaucoup moins importante. Je tiens tous les documents à votre disposition. Mais la structure de dette n'est pas massive.

M. Jean ARTHUIS, président - Donc la dette qu'évoquait Mme la Présidente, était une dette d'engagement ?

M. Yves-Laurent SAPOVAL - Il s'agit de la somme des AE engagés. Il faut faire une différence entre cette somme et ce qui est véritablement exigible au 31 décembre de l'année.

M. Jean ARTHUIS, président - Quel est l'ordre de grandeur ?

M. Yves-Laurent SAPOVAL - Il me faudrait quelques instants pour le vérifier.

M. Jean ARTHUIS, président - Je crois que M. DALLIER avait une question à poser à M. PROST.

M. Philippe DALLIER, rapporteur spécial - M. le Président, si vous me le permettez, peut-être pourrions-nous structurer le débat autour des 5 grands chapitres retenus par la Cour. La politique de la Ville est un sujet très vaste, les questions sont multiples, et même si nous avons souhaité que ce rapport soit centré sur les fameux crédits déconcentrés, nous voyons bien que l'on balaie là quasiment tout le champ. Peut-être pourrions-nous vous demander de réagir d'abord sur la géographie de la politique de la Ville ; ensuite sur le pilotage (DIV, Acsé, etc.) ; puis le panorama des interventions ; la gestion des subventions ; et enfin l'impact, ou comment mesurer l'efficacité. Je crains que, sans cela, vous ne soyez, les uns et les autres, amenés à intervenir très longuement ; ou alors, nous n'aurons traité qu'une petite partie du sujet. Telle est ma proposition.

M. Jean ARTHUIS, président - C'est sûrement une méthode clarificatrice. Cela signifie que nous consacrerons une vingtaine de minutes à chacun des 5 sujets. Nous commencerons par la géographie, que l'on dit figée ; et lorsqu'elle ne l'est pas, elle a tendance à s'étendre. Peut-être pouvez-vous, M. DALLIER, lancer le débat sur chacun de ces chapitres.

M. Philippe DALLIER, rapporteur spécial - Concernant la géographie, la complexité des choses a bien été mise en évidence. Dans le rapport, la Cour parle de la géographie réglementaire et de la géographie contractuelle. Nous pourrions en ajouter d'autres, ne serait-ce que pour la DSU : certaines villes la perçoivent, qui ne sont pas classées en ZUS, en ZRI ou en ZFU. Il faut aussi observer ce que fait l'Education nationale, avec les Zones d'Education Prioritaires, etc. Notre sentiment est que, durant de longues années, il a été question de la refonte de cette géographie, sans jamais y parvenir. Ce qui produit un effet de fixation, c'est exact. Le rapport de la Cour montre qu'au moins 62 quartiers auraient pu sortir du dispositif ZUS au bénéfice de 62 autres sur les critères qui existent ; or, cela ne s'est pas produit. On voit bien là l'effet pervers du dispositif. Nous nous demandons si la mise en place des CUCS n'aurait pas dû être l'occasion de refondre cette géographie et de traiter le problème. Cela n'a pas été fait, ce qui entraîne un inconvénient en termes de lisibilité : en effet, nous n'y voyons pas beaucoup plus clair qu'avant. Nous sommes repartis pour quelques années avant de traiter le fond du problème. Je voudrais savoir si, de votre point de vue, nous avons là une occasion ratée, et à quelle échéance vous pensez que nous pouvons traiter à nouveau ce problème de géographie le plus largement possible, et pas uniquement sous les deux angles cités ici. Il s'agit d'aller plus loin. La DSU est destinée aux quartiers les plus en difficulté ; cela est d'autant plus vrai depuis la dernière réforme. Mais nous voyons bien qu'elle a aussi un effet « péréquateur », permettant à certaines villes, non classées en ZUS, d'en bénéficier. Ne faudrait-il pas traiter le problème globalement, et parvenir à une réforme profonde ? Et à quelle échéance considérez-vous que cette réforme soit possible ?

M. Jean ARTHUIS, président - Sur ce dernier point, M. PROST avez-vous quelque chose à ajouter à votre propos précédent ? Non.

Mme Marie-France BEAUFILS - Je voudrais intervenir en complément des déclarations de M. DALLIER. Sur cette question de la géographie prioritaire, j'ai également constaté que le rapport rappelle un élément que nous connaissons bien dans nos secteurs : les écarts entre le moment où nous travaillons sur la géographie et les informations que nous possédons. Les observatoires que nous avons mis en place, et en particulier celui qui devrait permettre de connaître l'évolution de la situation, ont un énorme retard. Nous disposons de chiffres datant de 1999 ; les derniers, concernant la situation du chômage, datent de 2004. Nous devons travailler avec ces chiffres à l'évolution des géographies prioritaires. Ces éléments d'approche sont donc quelque peu obsolètes.

J'entends également vos arguments sur la question de la DSU. Un élément est toutefois absent à ce titre dans le rapport : il existe des effets pervers de l'évolution de la DSU telle qu'elle s'est mise en place avec la nouvelle réforme. En effet, la DSU est venue impacter la DCTP de communes qui sont à la DSU. Quand nous dressons le bilan global des capacités restant à disposition des communes possédant pourtant des zones urbaines sensibles, nous sommes contraints de faire le constat que nous ne sommes pas dans une situation aussi positive que celle qui est présentée aujourd'hui. Ces éléments d'analyse n'apparaissent pas du tout, en fonction des situations que vous avez étudiées qui, probablement, n'ont pas pris en compte ces éléments. Je pense que nous avons actuellement besoin d'un niveau de connaissance plus fin que celui dont nous disposons. Nous avons trop de retard dans l'appréciation de la réalité du terrain. Vous le dites d'ailleurs à la fin de votre rapport. Il me paraît nécessaire d'aborder cette question. En effet, comment faire évoluer la géographie si nous n'avons pas les outils ad hoc ?

M. Yves FRÉVILLE - Je souhaite faire une remarque complémentaire. Je suis parfaitement d'accord avec ce que vient de déclarer Mme BEAUFILS sur l'ancienneté du découpage. Tant que nous ne disposerons pas d'un recensement annuel de la population - ce qui arrivera à partir de 2009 -, nous resterons dans la situation actuelle, qui est bloquée.

Ma seconde remarque consiste à dire que le nombre de critères que nous utilisons, tant dans la DSU que dans tous les autres mécanismes, sont toujours les mêmes et ont toujours les mêmes défauts. Il faudra bien que nous nous posions un jour le problème, en France, de la pertinence des critères utilisés. Ces critères sont, pour beaucoup, viciés. Je prendrai un seul exemple pour la DSU : le critère de logement social ; il est très différent du critère allocations logement ; le fait de posséder un logement social donne droit à l'attribution de la DSU quel que soit le niveau du logement. Le critère fondamental repose sur la propriété et non sur les revenus des occupants. Mais je ne prolongerai pas indéfiniment la liste des exemples.

Mais faisons le recensement !

M. Jean ARTHUIS, président - Le grand maître de la complexité et des critères est M. Jean-Christophe MORAUD, en sa qualité de directeur adjoint à la DGCL. Mais c'est le législateur qui vous a mis dans cette situation.

M. Jean-Christophe MORAUD - Outre le fait que je souscris à ce que vient de déclarer M. le sénateur FRÉVILLE, qui, lui, est assurément un grand maître en matière de finances locales, je ferai une remarque de méthode. M. DALLIER l'a évoqué. Il a été question très rapidement de la DSU en termes de géographie. Or, il me semble important de rappeler un principe ; il s'agit là d'une difficulté que la Cour met en exergue en évoquant l'effet de distorsion de la réforme de 2005. En effet, lorsque la DSU a été mise au point en 1991, il s'agissait, et il s'agit toujours dans son esprit, d'une manière très majoritaire, d'une dotation de péréquation, comme, du reste, il en existe majoritairement au sein de l'alma mater, la DGF. L'alimentation se faisait en reprenant aux communes supposées favorisées pour redistribuer aux communes supposées, en fonction de certains critères, défavorisées. Il s'agit bien d'un dispositif de péréquation verticale entre des communes aux caractéristiques physiques et financières différentes. Une des difficultés, qui ne rend pas l'approche méthodologique très simple, consiste en ce que des éléments liés à une territorialisation y ont été intégrés en 2005. Ce phénomène est, en quelque sorte, un phénomène charnière, induisant des effets de distorsion. Je pense qu'il était utile de rappeler que la DSU est fondamentalement et globalement une dotation de péréquation se raccrochant aux autres mécanismes de péréquation que nous pourrons trouver dans la DGF et autres dotations. Or, nous y adjoignons des critères liés à la géographie prioritaire ; cette dernière est, en elle-même, légitime, même si nous pouvons nous interroger sur sa remise à niveau et son suivi. Les critères dont nous nous servons chaque année pour établir la péréquation sont des critères rafraîchis annuellement. Nous nous trouvons donc confrontés à un changement de nature qui n'est pas sans poser de problème.

M. Jean ARTHUIS, président - Merci pour ces précisions.

M. Yves-Laurent SAPOVAL - Je ferai simplement une remarque factuelle. Nous nous trouvons à ce jour à 35 millions d'euros de dette exigible sur le programme 202, et à 29 millions d'euros sur le 147. Il s'agit de la dette estimée exigible à ce jour au 31 décembre 2007. Et pour vous donner des chiffres tout à fait précis, le PLF 2008 prévoit 30 millions d'euros de remboursement de la dette sur le programme 202 et 39 millions d'euros pour le 147.

M. Jean ARTHUIS, président - Combien de semaines de retard existe-t-il entre le moment où le paiement vous est demandé et le moment auquel vous pouvez répondre ?

M. Yves-Laurent SAPOVAL - J'ai quelques difficultés à répondre à cette question. Il faut compter quelques mois, au plus.

M. Jean ARTHUIS, président - Il vous manque donc quelques dizaines de millions...

M. Yves-Laurent SAPOVAL - Nous avons prévu un plan d'apurement de cette dette qui, à notre sens, sera, l'année prochaine, satisfaisant. Le budget 2008 permet non pas d'achever l'apurement mais de répondre aux questions les plus importantes.

M. Jean ARTHUIS, président - Qui fait l'avance ? S'agit-il des collectivités territoriales ?

M. Yves-Laurent SAPOVAL - Dans l'état actuel des choses, sur ces deux lignes, il s'agit, en effet, souvent, des collectivités territoriales. C'est l'objet d'une discussion chaque année, vous vous en doutez.

M. Jean ARTHUIS, président - Sur le premier thème, il a été déclaré qu'il n'existait aucune évaluation préalable. C'est une pierre dans votre jardin ...

M. Yves-Laurent SAPOVAL - Puis-je prendre un temps très bref pour procéder à une introduction générale sur le contexte général du rapport ?

M. Jean ARTHUIS, président - D'accord.

M. Yves-Laurent SAPOVAL - Cela me semble en effet important à ce stade. Je donnerai des éléments d'information pour l'ensemble des participants de cette réunion.

Premier élément : le rapport prend place au tout début de l'année 2007, année charnière, de mise en place d'un certain nombre de dispositifs. A ce titre, il pointe très justement que le passage d'un dispositif à l'autre n'est pas complètement abouti. Il faut connaître les circonstances de l'enquête elle-même. L'Acsé est entrée, par exemple, en phase opérationnelle le 1 er janvier 2007. Le rapport porte précisément sur cette période. Même si certains pourront le déplorer, je tenais à faire part de cette remarque.

Second élément : je reviendrai sur les fameux 4 milliards d'euros d'effort de l'Etat pour la politique de la Ville. Je souhaite faire cette remarque préalable, parce que l'on a trop souvent l'impression que beaucoup d'argent est investi à perte dans ces quartiers. Cela nécessite peut-être quelques éléments de clarification. Une grande partie de ces crédits est liée à des estimations, dans le document de politique transversale, de l'action de 27 ou 29 programmes de droit commun agissant dans les quartiers, au même titre qu'ils agissent ailleurs. Le document de politique transversale n'est pas encore capable de mesurer, et nous le déplorons, l'effort spécifique produit, par les moyens de droit commun, dans ces quartiers. Je prendrai pour exemple la question des aides au logement. L'ensemble des aides au logement versées à ces quartiers est compté dans le document de politique transversale ; il va sans dire que la définition même de certains de ces quartiers est d'être des quartiers d'habitat social. Une partie considérable des aides au logement y est investie ; mais il ne s'agit pas d'un effort complémentaire. Je tiens à souligner qu'il ne s'agit pas d'un effort mené spécifiquement au titre de la politique de la Ville.

Enfin, dernier élément : la Dotation de Solidarité Urbaine a un statut quelque peu particulier. Selon l'interlocuteur auquel on s'adresse, il constitue une aide de l'Etat spécifique en matière de politique de la Ville ou une dotation aux collectivités. Je pense que même ici, les avis seront partagés sur cette question. En matière de crédits et d'actions spécifiques, je crois qu'il convient de bien poser les choses. En effet, le programme 147 dispose bien de 670 millions d'euros de crédits d'engagement par an ; le programme 202, destiné à financer l'ANRU, porte à un peu plus d'1 milliard d'euros, l'effort spécifique de l'Etat en matière de politique de la Ville. Il est important de le souligner, afin de ne pas donner une impression de « l'énormité » des crédits d'Etat mobilisés en regard de résultats dont nous pouvons juger ensemble qu'ils ne sont pas satisfaisants, ne serait-ce qu'à l'aune des violences qui se sont produites en novembre 2005 dans les territoires dont nous avons la charge.

Cette introduction me semblait importante.

Sur la territorialisation de la politique de la Ville, deux observations. Premier constat : la politique de la Ville n'invente pas les territoires. Les territoires existent. Lorsque nous demandons, dans nos territoires respectifs, à un habitant quel est le quartier en difficulté sur sa commune, il est capable de le désigner et bien souvent le détourer sur un plan. Le principe de la politique de la Ville consiste à repérer certains territoires cumulant des difficultés ; il tient son fondement non pas dans une abstraction mais dans une réalité de la structuration des villes et de la structuration des quartiers. L'observatoire national des Zones Urbaines Sensibles, même s'il est fondé sur des observations parfois trop anciennes, n'en dresse pas moins chaque année le constat des disparités existant entre ces territoires et le reste des agglomérations dans lesquelles ils sont situés.

Reste ensuite la question que vous mentionnez de la difficulté de lisibilité des ces territoires. Ces territoires sont structurés selon un système gigogne. Une seule géographie globale existe : la géographie des contrôles urbains de cohésion sociale, soit 2200 quartiers dans lesquels sont inclus les autres types de quartiers. Il n'existe pas deux géographies différentes au sens physique ; il s'agit bien de la même géographie. Mais certains quartiers sont repérés à l'intérieur de cette géographie, de manière inclusive, afin de polariser les aides les plus importantes sur les quartiers les plus en difficulté. Les contrats urbains de cohésion sociale existent bien, à l'intérieur desquels se trouvent des Zones Urbaines Sensibles, puis des zones de redynamisation urbaine et enfin des zones franches urbaines, chacune constituant un choix par rapport à la catégorie supérieure. Il me semble important de le préciser, de sorte que l'on n'ait pas l'impression que coexistent plusieurs géographies différentes.

Deuxième constat : la nécessité s'est fait jour de mettre en place des actions plus importantes sur certains quartiers, ayant nécessité une définition réglementaire, voire législative. C'est, par exemple, le cas des zones franches urbaines dans lesquelles existent des mécanismes d'exonérations fiscales et sociales fixés par la loi. D'où la nécessité de fixer très précisément les contours et la liste de ces quartiers. Il existe bien plusieurs manières d'agir, l'une d'entre elles nécessitant une géographie figée pour un certain temps - même si l'on peut déplorer qu'elle le soit parfois pour trop longtemps.

Voilà les éléments que je voulais amener en introduction sur cette question de la géographie prioritaire. Reste la question des Zones Urbaines Sensibles et leur définition. Indéniablement, il doit y avoir une progression et une possibilité d'entrée et de sortie de ces territoires de la politique de la Ville. Cependant, le constat que, malheureusement, nous dressons consiste à noter que la situation de ces quartiers n'évolue pas aussi rapidement que nous le souhaiterions et que les ZUS restent repérées, au niveau local, comme des territoires toujours en difficulté.

M. Philippe DALLIER, rapporteur spécial - Sur la question de la refonte de la géographie de la politique de la Ville, dois-je conclure que la réponse consiste à déclarer que celle-ci a déjà été menée au travers des CUCS ? C'est ce que vous nous dites. Les CUCS ont amené une nouvelle géographie. Mais cette géographie, même si vous la qualifiez d'inclusive, coexiste avec une ancienne géographie. On reproche par ailleurs souvent à la politique de la Ville de saupoudrer les crédits. Nous avons souligné le doublement des contrats de ville, des fameux CUCS, par rapport aux contrats précédents. Nous avons du mal à comprendre certains éléments. L'exemple de Clichy Montfermeil est parlant : il existe un CUCS pour Clichy, un CUCS pour Montfermeil et un CUCS pour l'intercommunalité. Comprenez que nous avons du mal à voir où est la rationalisation dans tout cela, et nous avons du mal à considérer que le « grand soir » a déjà eu lieu en matière de cartographie et d'efficacité sur ce sujet.

M. Yves-Laurent SAPOVAL - Peut-être ai-je fait preuve d'une certaine imprécision dans ma manière de m'exprimer. Evidemment, le « grand soir » n'est pas arrivé et les CUCS n'ont pas été l'occasion d'une redéfinition globale de la géographie prioritaire de la politique de la Ville. Le délégué interministériel à la Ville le souhaite et considère que, de ce point de vue, en plein accord avec les préconisations de la Cour, une révision périodique de ces géographies est nécessaire. De ce point de vue, il n'existe aucune ambiguïté.

Le travail est en cours, à partir des quartiers repérés, dans le cadre de l'élaboration des CUCS - qui n'a pas permis cette révision pour des questions de calendrier. Je rappelle, en quelques mots, que l'élaboration des CUCS a été décidée à la suite du décalage des élections municipales ; ce dernier a produit une sorte d'obligation d'agir vite. Les contrats de ville ne satisfaisaient personne. Les assises de la Ville, en 2005, avaient montré que ces derniers n'étaient satisfaisants ni pour les acteurs locaux ni pour l'Etat. Le choix a été fait de ne pas faire perdurer cette nouvelle génération de contrat pour deux ans supplémentaires, compte tenu du décalage des élections municipales. Le rétrécissement du calendrier a eu pour conséquence que nous n'avons pas eu le temps de mener cette révision. Cela dit, les territoires sont désormais repérés dans le cadre des CUCS ; l'observatoire national des ZUS est à présent mandaté sur l'ensemble de ces territoires. C'est à partir de ce travail que nous allons pouvoir produire une avancée sur la question de la géographie prioritaire.

M. Jean-Marie VANLERENBERGHE, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales - Juste un point. Je me tourne vers la Cour des Comptes. Sur ce point de la géographie, je me rends bien compte, en tant qu'acteur territorial, qu'il existe des aberrations, des oublis dus à l'évolution du caractère difficile de tel ou tel quartier. Avez-vous, pour votre part, des préconisations sur la façon de sortir des quartiers, ou sur la façon d'y entrer ? Là est le vrai problème. Je pense, de mon côté, que les critères mis au point il y a vingt ans sont, aujourd'hui, quelque peu désuets. Lorsque, il y a dix ans, nous avons regénocié cette politique, en tant que conseiller régional, j'ai exprimé mon désaccord sur les périmètres choisis. Je trouvais que cela manquait de cohérence. Ce constat ne concernait que le plan local. Mais je pense qu'il est nécessaire d'être plus pertinent sur l'évaluation, notamment. L'efficacité se mesure, en effet, par rapport à l'objectif. Mais quel était l'objectif ? Créer plus d'emplois dans ces quartiers.

M. Jean ARTHUIS, président - On supprime les impôts, les charges sociales.

M. Jean-Marie VANLERENBERGHE, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales - Je ne donne pas de réponse. Je pose la question. Quel est l'objectif de la politique de la Ville ? Il s'agit de permettre à des jeunes et à des gens en difficulté, dans ces quartiers, d'avoir, en premier lieu, un emploi ; en second lieu, un logement décent. A ce titre, je pense que la politique de l'ANRU doit être saluée, car elle apporte incontestablement une réponse dans les lieux où cela est déjà engagé. Enfin, il faut envisager le niveau éducatif : le plan de réussite éducative est lancé ; même s'il est difficile de l'évaluer à ce jour, je le trouve pertinent. Ces critères, s'ils ne sont pas les seuls, me paraissent essentiels. C'est à partir de ceux-là qu'il faut juger dès à présent de l'intérêt de maintenir certains quartiers en ZUS, en CUCS ou en DSU, ou non. Tout le monde note que d'autres quartiers seraient à inscrire, c'est incontestable.

M. Jean ARTHUIS, président - C'est une annonce courageuse que celle qui consisterait à déclarer aux acteurs économiques d'un secteur donné qu'ils sont venus là parce qu'on les a exonérés des impôts locaux, des charges sociales et que...

M. Jean-Marie VANLERENBERGHE, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales - Je n'ai pas parlé de cela. C'est vous qui traduisez.

M. Jean ARTHUIS, président - La logique, c'est qu'il faut qu'on sorte un jour. Ou bien on met la France entière en zone franche.

M. Jean-Marie VANLERENBERGHE, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales - Je n'ai pas parlé de zones franches. Je pense qu'il existe d'autres moyens...

M. Jean ARTHUIS, président - Cela fait aussi partie du dispositif. Certains secteurs doivent sortir de la zone franche à un moment donné.

M. Yves-Laurent SAPOVAL - Le mécanisme législatif le prévoit. Il prévoit la sortie.

M. Jean ARTHUIS, président - Je dis simplement que cela ne va pas être facile.

M. Yves-Laurent SAPOVAL - Ces quartiers situés en zone franche sont les quartiers considérés comme les plus durs. Ils ne seront certainement pas les premiers à sortir du dispositif politique de la Ville, en tant que telle. En outre, les sorties des zones franches sont bien prévues, tout comme les sorties du dispositif de zone de redynamisation urbaine : à partir de 2008, les entreprises s'implantant ne bénéficieront plus du dispositif. A cet égard, nous avons une petite divergence avec la Cour : la création des 100 zones franches urbaines a bien été l'occasion de recentrer le dispositif zones franches ZRU sur un chiffre de 100 zones, moyennant un abandon, dans le temps, du dispositif ZRU.

M. Yves FRÉVILLE. Je voudrais revenir sur ce qui a été dit sur la DSU. Telle qu'elle a été réorganisée à travers l'appellation DSU-CS, la DSU a un vice fondamental. Il s'agit en effet d'un instrument unique pour deux politiques différentes : instrument unique de péréquation verticale pour une politique de péréquation d'une part, et une politique de la Ville d'autre part. En procédant de cette manière, nous ne validons pas le théorème de Tinbergen, le prix Nobel, qui stipule que, lorsque l'on mène deux politiques différentes, il faut au moins deux instruments.

Cela dit, nous aboutissons à des contradictions totales. Certaines communes riches, en termes de potentiel fiscal, perçoivent une DSU très fortement majorée. Je pense, par exemple, à Trappes. Cette situation n'a rien à voir avec la péréquation, elle y est même contraire. Nous disposons d'un même instrument pour deux politiques qui ne sont pas coordonnées. Quel est l'avenir ? Actuellement, nous sommes encore sous l'empire de la législation obligeant le comité des finances locales à ajouter régulièrement 120 millions d'euros de plus pour la DSU. Même si c'est la dernière année, le problème se pose justement maintenant. Il faut se plier à une certaine gymnastique pour attribuer la DSR à même niveau, à peu près. En mettant cette politique de la Ville dans le cadre de la DSU, et donc de la DGF, les mécanismes de garantie vont commencer à jouer. Pour faire sortir certaines communes du régime de politique de la Ville, il existera un problème sur la DSU. Les communes qui ont eu l'habitude d'avoir des ressources fortement majorées, les verront aller dans le sens inverse tout aussi rapidement. J'imagine alors les réactions des parlementaires face à ce problème. Nous sommes là confrontés à une contradiction absolue. Les mécanismes de garantie vont donc bloquer le système.

Pour finir, je constate, pour ma part, un trou formidable dans le dispositif : la DSU concerne d'abord les communes de plus de 10 000 habitants. Un dixième des communes de moins de 10 000 habitants peuvent également prétendre à la DSU. Les communes de 5 à 10 000 habitants sont défavorisées par cette règle du dixième ; or, de nombreuses communes, parmi ces dernières, sont en expansion rapide, devraient dépendre de la politique de la Ville, et ne reçoivent pas de ressources au titre de la DSU. Je pense que nous devrons réfléchir sérieusement à la réorganisation du système de péréquation en lui-même. Si la politique de la Ville veut avoir ses propres critères, il ne faut pas les incorporer dans la DSU, car nous seront confrontés à des blocages complets.

M. Yannick PROST - Il n'est pas dans les attributions de Mme AMARA de s'emparer du sujet. Cependant, quand on commence à faire de la politique de la Ville, on injecte des crédits supplémentaires, en imaginant qu'il y a déjà le minimum du droit commun. Or, les maires de villes les plus pauvres nous interpellent en disant qu'ils pourraient y arriver si, déjà, ils obtenaient ce minimum. Le maire de Clichy-sous-Bois nous dit ne pas percevoir suffisamment d'argent de la DSU ou de la DGF pour réparer ses trottoirs. Et ce n'est pas de l'argent de la politique de la Ville dont il a besoin, mais de celui de cette nouvelle réforme. Nous partons d'un constat. Il existe une différence de pouvoir d'achat de 1 à 44 par habitant entre la commune la plus riche et la commune la plus pauvre. La DSU est parvenue à combler une partie du fossé ; mais nous sommes encore loin d'une égalité ; 40% restent à combler. Avant de revoir les crédits de la politique de la Ville, un véritable effort est à fournir dans ce sens. Vous notiez que 120 millions d'euros devaient être attribués cette année ; mais il ne s'agira pas de 120 millions. En effet, les règles de la DSU feront passer l'augmentation de la DSU à moins de 100 millions d'euros, soit 97 ou 93 millions. Ne serait-il pas sage, de la part des élus présents au comité des finances locales, de faire un effort en dérogeant à la règle automatique pour pouvoir soutenir ces villes en très forte difficulté et qui attendent ce geste de la part de la représentation nationale ?

M. Jean ARTHUIS, président - Ce n'est pas un exercice commode. Nous allons en rester là pour la géographie des aides. Nous avons compris qu'un certain nombre de communes sont en grande difficulté financière, que ce phénomène peut être lié aux difficultés spécifiques de certains quartiers, qu'il existe néanmoins des situations très injustes, comme le soulignait M. FREVILLE, à savoir qu'il existe certaines communes riches avec un quartier en difficulté, attributaires de la DSU alors que manifestement la péréquation pourrait se faire à l'intérieur du budget municipal. Il existe là un vice dans le système.

Nous avons, par ailleurs, évoqué la difficulté d'attribuer ces aides au plan communal ou intercommunal. Sur ce dernier, il pourrait exister des solidarités de territoire, telle commune riche étant voisine d'une commune en difficulté. Un minimum de solidarité entre ces deux collectivités locales ne serait pas choquant, peut-être au niveau d'un regroupement intercommunal.

M. Jean-Marie VANLERENBERGHE, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales - Cela se pratique déjà.

M. Jean ARTHUIS, président - Dans certains cas. Mais il n'est pas facile pour l'Etat d'être, en quelque sorte, le ministre de la Ville. Ce dernier n'est autre que le maire ; sa difficulté est de trouver des ressources pour faire face aux besoins de sa collectivité. Voulez-vous à présent que nous parlions du pilotage de la politique de la Ville ?

M. Philippe DALLIER, rapporteur spécial - Sur ce sujet, je trouve que le constat de la Cour est relativement dur. Il évoque des points d'équilibre non encore trouvés, la multiplicité des instances - CIV, CNV, DIV, ACSé, ANRU, etc. Il parle également de l'instabilité du contexte réglementaire et administratif, avec quelques exemples intéressants, notamment sur les « adultes relais ». Il y est également question de la répartition des rôles entre la DIV et l'ACSé ; et c'est plus particulièrement sur ce point que j'ai envie de vous interroger. Il est vrai que l'année 2007 est particulière, qu'elle est une année de transition et de mise en place de l'ACSé. Cela dit, j'ai le sentiment, à la lecture du rapport de la Cour, qu'il existe une différence d'interprétation ; j'ai eu aussi ce sentiment en vous entendant dans le cadre de mes auditions sur le budget 2008. En effet, certains voient la DIV, à terme, comme le pilote, et non plus comme le gestionnaire de crédits, fussent-ils réduits à des crédits expérimentaux. Cela est clairement écrit dans le rapport. Je crois que c'était là l'idée de départ. En 2006, nous avons fait le constat que tout était trop compliqué et qu'il fallait rationaliser. Nous avons donc décidé de la création de l'ACSé qui devait conduire à cette rationalisation et à cette clarification dans les rôles, la DIV étant le pilote, et les deux agences, l'ACSé d'un côté et ANRU de l'autre, agissant sur le terrain. Il faut peut-être revenir sur l'organisation : le rapport souligne que le législateur n'avait pas prévu de niveau régional de l'ACSé; or, nous constatons aujourd'hui qu'un niveau régional existe. Comment tout cela va-t-il s'articuler avec le niveau départemental ? De nombreuses questions se posent.

Voyez-vous donc la DIV, finalement, comme un pilote, ou bien conservera-t-elle, selon vous, un rôle de gestion de crédits, si réduits fussent-ils ?

M. Yves-Laurent SAPOVAL - Je vous répondrai sur l'architecture des dispositifs. J'ai déjà mentionné ce point. En effet, le rapport prend place à un moment où les choses ne sont pas stabilisées. Et, malheureusement, une partie du rapport montre l'aspect peu rationnel de la manière dont les événements se sont déroulés en 2007. Les différents tableaux et graphiques le montrent de manière assez éloquente. Nous n'avons pas beaucoup à dire sur ce point, sinon que nous sommes en cours de finalisation de la rationalisation. Evidemment, la DIV se trouve recentrée sur ses fonctions stratégiques de pilotage, d'observation, d'évaluation, d'assistance des ministres pour la mise en place globale de la politique de la Ville, de coordination de l'action des agences ANRU et ACSé, mais aussi éventuellement de l'action de l'EPARECA, établissement public sous la double tutelle du ministère de la Ville et du ministère chargé du Commerce. La situation décrite dans le rapport n'a pas vocation à perdurer. Elle a perduré en 2007 pour des raisons d'efficacité et de distribution des crédits. Une partie des crédits continuera de transiter par la DIV pour la raison mentionnée plus haut, à savoir que les dettes seront toujours soldées par le circuit normal de l'Etat, les CP correspondant aux AE. En 2007, l'ACSé n'était pas tout à fait prête à accueillir l'ensemble des financements, notamment le dispositif « adultes relais » qui a dû rester à la délégation interministérielle à la Ville pour une demie année, ce qui n'a simplifié les choses ni pour la DIV ni pour l'ACSé. Par ailleurs, les départements d'outre-mer sont restés, pour l'année 2007, pour des raisons de déploiement de l'outil informatique de paiement de l'ACSé, gérés par la DIV. Tout passe, l'année prochaine, à l'ACSé. Nous n'aurons donc pas de difficultés de ce côté.

Reste, comme vous l'avez mentionné, et comme nous l'avons déjà mentionné, une partie de crédits correspondant à moins de 2 % du budget spécifique de la politique de la Ville ; il s'agit de microcrédits d'expérimentation qui pourront rester gérés soit directement par la DIV, soit en collaboration avec l' ACSé, selon des modalités que nous sommes en train de définir. Mais il s'agit de sommes très marginales ne constituant pas le centre de nos préoccupations aujourd'hui. En tout cas, la majeure partie de cet ensemble passe à l' ACSé. Tout sera clarifié en 2008. En réalité, la transition s'est faite comme elle a pu se faire, dans le souci de ne surtout pas créer de rupture de charge ni de rupture de financement en fin de chaîne. En effet, les habitants des quartiers, les adultes relais eux-mêmes sont les destinataires de ces financements.

M. Dominique DUBOIS - Juste un mot à propos du calendrier. L'ACSé, dont je suis le Directeur général, s'est installée le 19 octobre 2006. Nous n'en sommes qu'à quelques jours après sa première année d'existence.

Je voudrais revenir sur la question du pilotage national et du rapport entre le maître d'ouvrage ou pilote qu'est la DIV, et l'opérateur qu'est l'ACSé.

L'ACSé a été créée dans l'idée de faciliter la vie des gestionnaires locaux dans le domaine de la politique de la Ville, et donc de mutualiser les financements. Nous mutualisons déjà les financements en réunissant trois grandes sources de financement : le programme 147, le programme 104 « Accueil et intégration », et le fonds interministériel de prévention de la délinquance. Il y a déjà un premier domaine, dans lequel, grâce à l'ACSé, nous pouvons mettre à disposition du gestionnaire local, en l'occurrence le Préfet de Département, trois sources de financement, avec un circuit informatique et comptable identique, et avec des règles de délégation de crédits et de fongibilité intéressantes pour les gestionnaires. Je le dis en un mot : nous votons notre budget au mois de décembre précédant l'année civile. Lorsque nous votons notre budget, la part territoriale de chaque département est votée par le Conseil d'Administration de l'Agence. Au 2 janvier, chaque Préfet connaît donc l'essentiel des moyens dont il disposera pour l'ensemble de l'année. En outre, les crédits sont disponibles dès le 2 janvier.

M. Jean ARTHUIS, président - Chaque programme est-il fléché, ou bien laissez-vous la fongibilité au Préfet ?

M. Dominique DUBOIS - Le Préfet possède une grande maîtrise de ses crédits. Elle n'est pas totale, dans la mesure où il existe un programme, le programme de réussite éducative, pour lequel il faut noter une montée en charge du dispositif. Nous avons actuellement 450 projets de réussite éducative ; 1000 quartiers sont couverts par une équipe de réussite éducative ; nous souhaitons aller plus loin. Ce dispositif n'est pas fongible. De même, les adultes relais ressortissent de règles spécifiques d'attribution. En dehors de ces cas, la règle consiste en une très grande fongibilité des crédits, et une très grande souplesse de choix des taux de subvention pour le Préfet. Dans la mesure où nous sommes un établissement public, nous ne sommes pas dépendants des règles d'attribution des subventions de l'Etat, il y a plus de souplesse. Les crédits sont connus très tôt. Nous allons voter le budget le 18 décembre ; je réunirai les Préfets dès le 20 décembre, afin qu'ils connaissent leurs moyens pour l'année à venir.

Mais, évidemment, nous souhaitons aller plus loin dans cette mutualisation des financements. Cela peut concerner quelques crédits restés, de manière transitoire, à la délégation à la Ville. Mais concerne aussi d'autres crédits qui irriguent la politique de la Ville ; j'en citerai seulement trois : les réseaux de soutien à la parentalité, qui continuent d'être gérés par les DDASS, avec des circuits de délégation de crédits spécifiques ; les contrats éducatifs locaux qui empruntent encore le circuit jeunesse et sport ; les crédits illettrisme, passant par les directions départementales du travail. Cela représente à chaque fois 10 ou 20 millions d'euros ; mais, mises bout à bout, ces sommes, soit 50 millions d'euros, si elles étaient mises dans les circuits de l'ACSé, simplifieraient la vie des gestionnaires locaux, Préfets et maires.

M. Jean ARTHUIS, président - LA DIV conserve-t-elle encore des crédits ? Ou bien tout passe-t-il par l'ACsé ?

M. Yves-Laurent SAPOVAL - L'année prochaine, la DIV conserve les crédits de la politique de la Ville pour les collectivités d'Outre-mer sur lesquelles l'ACSé n'a pas compétence.

M. Jean ARTHUIS, président - En d'autres termes, vous vous occupez de l'Outre-mer.

M. Yves-Laurent SAPOVAL - Non, nous ne nous occupons que des collectivités, et pas des DOM, qui sont passés cette année à l'ACSé. La loi nous y oblige. Nous n'abandonnons pas ces territoires. Mais il s'agit de sommes très minimes à l'échelle des programmes.

M. Jean ARTHUIS, président - Donc, la délégation interministérielle à la Ville est l'instance qui répond aux attentes des collectivités territoriales d'Outre-mer ?

M. Yves-Laurent SAPOVAL - Oui, c'est cela, mais uniquement en termes financiers.

M. Jean ARTHUIS, président - Mais qu'est-ce qui va vous différencier de l'ACSé ? Pourrait-on imaginer la fusion de l'ACSé et de la DIV ?

M. Yves-Laurent SAPOVAL - Un point n'a pas été abordé dans l'exposé préliminaire, à savoir la révision générale des politiques publiques en cours. Cette dernière a pour objet de remettre à plat toutes ces questions sur l'organisation, qui pourrait être soit simplifiée, soit clarifiée.

M. Jean ARTHUIS, président - La maison est donc en chantier.

M. Yves-Laurent SAPOVAL - La maison a déjà été en chantier lors de la création de l'ACSé. La DIV a d'ores et déjà entamé une réforme interne importante, réduit ses personnels, et procédé à une réforme visant à sa réorientation vers les sujets pointés par les ministres dans la lettre de mission qu'ils ont confiée aux délégués. La RGPP dira s'il faut que la réforme aille plus loin en ce sens. La fusion, à mon sens, et cela n'engage que moi, entre la DIV et une des deux agences n'aurait pas le sens souhaitable pour la politique de la Ville. Cette dernière est nécessairement interministérielle, interpartenariale. Il faut donc une instance s'occupant de l'interministériel et des contrats avec les collectivités locales, et par ailleurs une instance de pilotage et de coordination entre les différents établissements publics de manière à harmoniser les pratiques. Nous l'observons avec le travail que nous menons actuellement avec l'ANRU et l'ACSé. De ce point de vue, le rapport entretient un tropisme entre associations et programme 147, si je puis dire, soit accompagnement social. Mais la politique de la Ville est une politique plus globale : nous avons parlé rapidement des zones franches urbaines ; il ne faut pas oublier non plus la rénovation urbaine, qui est un élément de la politique de la Ville, et non pas un élément unique de la politique du Logement. La rénovation urbaine trouve son plein sens dans la mesure où elle est articulée avec l'action de la politique de la Ville. Tels sont les rôles actuellement dévolus à la DIV ; j'ajoute que celle-ci porte, en quelque sorte, l'observatoire des ZUS, ainsi que l'action d'évaluation et de prospective. Ces rôles sont clairement énoncés, et complémentaires à ceux des agences qui, elles, se concentrent sur l'aspect opérationnel de la mise en oeuvre de la politique.

M. Jean ARTHUIS, président - Quel regard porte la direction du budget sur cette organisation ?

Mme Hélène EYSSARTIER - Les interrogations soulevées par la Cour des Comptes sont assez largement partagées par la direction du budget. Sur le point plus particulier de l'optimisation de l'organisation entre la DIV, en tant que représentant de l'Etat, et les nouveaux opérateurs, ANRU et ACSé, la direction du budget tente d'avoir un oeil aussi vigilant que possible sur la bonne répartition des rôles de manière à ce que leur fonctionnement soit efficient. Nous partageons l'avis d'une structure administrative pilote, définissant et déclinant les objectifs, ainsi que prévu par la loi organique, de la politique de la Ville qui est appliquée, d'une part, pour ce qui est de son domaine par l'ACSé, et d'autre part, pour ce qui est du domaine de la rénovation urbaine par l'ANRU. Nous envisageons résolument l'organisation sous cet angle : une structure administrative pilote, et des opérateurs qui déclinent cette politique. Il y manque peut-être un maillon : celui de la formalisation de la déclinaison de cette relation entre l'Etat et chacun des opérateurs, de sorte que l'opérateur ne soit pas livré à trop de choix possibles dans la manière de décliner la politique ; il s'agirait de renvoyer à une logique de contrats d'objectifs et de performances afin que l'Etat lui-même mette en place à l'intérieur des objectifs, et en coordination avec l'opérateur, des indicateurs permettant de s'assurer du respect de ces objectifs.

M. Jean ARTHUIS, président - L'Etat doit indiquer ce qu'il attend de chacune de ces agences.

Mme Hélène EYSSARTIER - Effectivement et cela renvoie probablement à la difficulté de définir très précisément les objectifs de la politique de la Ville. Il y a encore beaucoup de travail à réaliser avant d'être en capacité de décliner, de manière objective et formalisée, ces objectifs.

M. Jean ARTHUIS, président - D'autant que la révision des politiques publiques va passer par-dessus tout cela.

M. Yves-Laurent SAPOVAL - Il existe une convention entre l'ANRU et la DIV. Un contrat d'objectifs et de moyens est en cours d'élaboration. Il en va de même pour l'EPARECA. Mais il est vrai que la RGPP nous oblige à temporiser quelque peu sur ce sujet.

M. Jean ARTHUIS, président - Donc chaque agence aurait un contrat d'objectifs et de performance signé avec l'Etat.

Mme Hélène EYSSARTIER - Si nous allons vers des prévisions budgétaires pluriannualisées, ce processus va s'étendre à l'ensemble des domaines d'intervention de l'Etat, dans le cadre de ses relations avec les opérateurs ou simplement dans le cadre de ses interventions directes.

M. Jean-Pierre BAYLE - Je souhaite intervenir sur la position de la DIV sur la gestion des crédits dits « expérimentaux ». On peut comprendre les crédits spécifiques pour les collectivités d'Outre-mer, le législateur ayant retenu cette hypothèse de travail. En revanche, concernant les autres mesures dites expérimentales, la DIV a-t-elle l'intention de conserver la gestion de ces crédits ; je pense aux travailleurs sociaux dans les commissariats, aux points d'accès au droit, ou à l'insertion professionnelle des jeunes sous main de justice, la prise en charge des victimes en milieu hospitalier, etc. Considérez-vous qu'il s'agisse d'une mesure transitoire 2007 ? La gestion de ces crédits va-t-elle être transférée à l'ACSé dès 2008 ? Que représentent ces 2 % ?

M. Yves-Laurent SAPOVAL - Vous posez deux questions en une. Oui, dans la lettre de mission du délégué interministériel à la Ville, la DIV conserve un rôle d'expérimentation. Le fond de la motivation de ce rôle, qui a été dévolu par les ministres à la DIV, consiste dans l'idée qu'un certain nombre de dispositifs doivent être repérés localement, modélisés sur le plan interministériel, avant d'être confiés à l'Agence et développés plus largement. Il s'agit du point de vue actuel.

En revanche, les dispositifs que vous citez n'ont pas vocation à rester des dispositifs expérimentaux. Leur gestion sera donc confiée à l'Agence. Ceux de 2007, qui font l'objet d'un tableau figurant dans le rapport, seront, dans leur très grande majorité, confiés à l'Agence. La DIV conserve son rôle de décision sur certains sujets d'expérimentation devant être menés en interministériel. Quelques exemples : les ateliers santé ville ont été développés de manière microscopique au départ, et il en existe aujourd'hui entre 200 et 300 ; ces dispositifs spécifiques ont été à l'origine observés de près, en concertation avec le ministère de la Santé, et ont été développés à très petite échelle. Une fois passés dans un dispositif plus ambitieux, ils passent en gestion et en développement à l'ACSé.

Sur la gestion financière des crédits d'expérimentation, mon travail avec l'ACSé consiste à simplifier les circuits de financement, etc., pour l'année 2008.

M. Jean ARTHUIS, président - Mesdames et Messieurs, voulez-vous que nous en restions là pour le pilotage de la politique de la Ville ? M. DUBOIS ?

M. Dominique DUBOIS - Il y avait deux questions : une sur le pilotage national, et une sur le pilotage régional et départemental.

L'ACSé a pour délégué le Préfet de Département. La loi l'a voulu ainsi. De même, l'Agence nationale pour la rénovation urbaine a pour délégué le Préfet de Département. Le fait que les deux agences aient le préfet comme délégué est l'un des garants de la cohérence des actions de restructuration urbaine, et des actions en faveur du développement social et économique. Néanmoins, cette désignation par la loi pose la question du niveau régional. Au sein de l'ACSé, nous estimons qu'il faut absolument préserver et développer le rôle régional d'animation de la politique de la Ville par le Préfet de Région. Nous entendons le faire de différentes façons.

Tout d'abord, s'il existe des ajustements entre les enveloppes de crédits réparties entre les Préfets de Département, il est nécessaire de consulter le Préfet de Région. C'est ainsi que nous avons procédé l'année dernière, et c'est ce que nous faisons cette année. C'est au Préfet de région de nous dire s'il doit y avoir une évolution des enveloppes de 2007 à 2008, département par département.

Ensuite, la politique de la Ville revêt un rôle régional d'animation, dans lequel nos équipes régionales, même si elles peuvent être réduites à deux ou trois personnes, comme en Picardie, Champagne-Ardenne, Bretagne ou Pays de Loire, ont vocation à travailler sous la responsabilité du Préfet de Région pour la politique de contrôle d'utilisation des fonds publics qui doit être, comme le souligne le rapport de la Cour des comptes, développée dans le cadre de la politique de la Ville et sur lequel l'établissement FASILD, dont l'Agence a repris les équipes, les missions, les moyens et les compétences, possède une tradition d'intervention ; ainsi qu'une politique de formation des acteurs sur les programmes complexes que nous avons à mettre en oeuvre, qu'il s'agisse du développement économique dans les quartiers, de la politique de santé, ou de la politique de réussite éducative. Tous ces sujets demandent une forte animation et un accompagnement qui doit se faire dans le cadre régional. Nous n'ignorons donc pas du tout le rôle du Préfet de Région. Et le fait que le décret ait complété ce que la loi avait prévu, en donnant au Préfet de Région un rôle dans le fonctionnement et l'organisation de l'Agence est, je le crois, bien venu.

M. Jean ARTHUIS, président - Merci. Nous passons maintenant au panorama des interventions de l'Etat. Nous en avons déjà un peu parlé. Il s'agit notamment des interventions directes et indirectes.

M. Philippe DALLIER, rapporteur spécial - Oui. Nous avons déjà parlé de la DSU. Je voudrais revenir sur l'évolution très « heurtée » - c'est le terme utilisé par la Cour, et je le crois justifié - de ces crédits d'intervention. Si nous prenons les exemples de la Seine-Saint-Denis et du Rhône cités dans le rapport, il y avait, en 2002, respectivement 17,6 millions pour la Seine-Saint-Denis, et 10,8 millions pour le Rhône. Nous tombons en 2005 à 8,43 millions pour la Seine Saint-Denis et 8,39 millions pour le Rhône. Les émeutes de 2005 interviennent. Le fameux amendement « banlieue » voit le jour. Nous repartons en 2006 sur 15,57 millions pour la Seine-Saint-Denis et 13,34 millions pour le Rhône.

Nous voyons bien là ce qui s'est passé. Pour autant, lorsque je compare ces deux départements, j'ai du mal à comprendre la pente suivie. Même si elle est la même, elle a été plus rude dans un département que dans l'autre, pour aboutir, en 2006, à des crédits pour la Seine-Saint-Denis toujours inférieurs à ceux de 2002, alors que ce n'est pas le cas du Rhône, pour lequel ils ont progressé. Certes, la géographie est la même, mais la difficulté de l'exercice est certainement plus importante pour la Seine-Saint-Denis ; or, l'évolution n'est pas la même. Il est vrai que l'augmentation de la DSU intervenue en 2005 avait consisté, et on l'avait expliquée comme cela, en une augmentation très forte pour les villes les plus en difficulté. Et c'est le cas. Pour Clichy-sous-bois que vous évoquiez, il y aura une augmentation de 450% de la DSU, ce qui est considérable. Peut-être peut-on expliquer cette moindre augmentation des crédits pour la Seine-Saint-Denis par une part plus forte dans la DSU revalorisée en 2005. Quoi qu'il en soit, tous ces éléments sont difficiles à comprendre. Cela donne, par conséquent, lieu à des interprétations complètement différentes, chacun pouvant camper sur ses positions. Tel est l'état des lieux.

Pour revenir à la répartition de ces crédits, je constate aussi dans le rapport de la Cour qu'il existe des disparités assez étonnantes. Il y a des régions et des départements, en dehors de ceux que j'ai déjà cités, qui, au regard de leur situation, bénéficient proportionnellement beaucoup plus des crédits que les départements d'Ile-de-France particulièrement touchés. Cela tient-il à la mauvaise répartition pratiquée jusqu'à présent ? M. DUBOIS, vous nous dites que cette année, dès le mois de décembre, les Préfets sauront de quoi ils pourront disposer ; cette évolution est intéressante. Au bout du compte, on peut donc penser que les associations n'attendront pas le dernier trimestre de l'année 2008 pour voir arriver les subventions, ce qui serait une conséquence très heureuse. Pour autant, sur cette répartition désormais départementale, d'après ce que vous déclarez, alors qu'elle était jusqu'alors plutôt régionale, nous avons du mal à comprendre quels sont les critères et quels ont été ces critères par le passé. J'aimerais savoir si nous allons rebattre les cartes comme on demande qu'elles le soient pour la DSU, et donc juger des montants nécessaires en fonction de la difficulté sur le terrain ; ou bien si nous nous trouvons plutôt dans une situation de « centimes additionnels », avec la reconduction de ce qui s'est passé l'année précédente et donc, finalement, peut-être pas de redistribution importante.

M. Yves-Laurent SAPOVAL - Evidemment, le rapport de la Cour nous a interrogés sur des calculs et des cartes que nous n'avions pas fait. Nous avons donné quelques éléments d'explication. Je pense notamment au fait que les territoires, les contrats de ville n'étaient pas centrés sur le nombre de ZUS. Pour mémoire, nous estimions à environ 1500 les quartiers dans les contrats de ville ; aucun repérage précis n'avait en effet été mené. De ce point de vue, les CUCS constituent une avancée importante. La répartition pouvait alors avoir été faite plutôt sur les crédits contractualisés en contrats de ville que sur les ZUS, par un éventuel effet de rattrapage pour certains territoires qui auraient dû être classés en ZUS et ne l'étaient pas.

En outre, ces crédits sont de deux natures. Une partie des crédits est complètement fongible, l'ancien FIV, et peut servir à toutes les actions menées dans les quartiers ; une autre partie recouvre les crédits attachés à des dispositifs en développement : par exemple, les équipes de réussite éducative ne sont pas réparties selon les mêmes critères que les crédits entièrement fongibles du FIV.

Nous avons entamé une réorientation des crédits fongibles du FIV en fonction des difficultés supposées réelles des territoires que nous avons calculées lors de l'élaboration des contrats de cohésion sociale à la DIV. Nous avons effectué un travail assez pointilleux sur la répartition des territoires que nous jugions prioritaires ; nous avons amorcé une réorientation des crédits fongibles en fonction de la population de ces territoires que nous considérions comme prioritaires.

Le deuxième type de crédits regroupe des crédits attachés à des dispositifs. Ils sont distribués en fonction de la performance des dispositifs présentés lors de l'appel à projet, de leur qualité et notamment en fonction de leur caractère opérationnel ; ils ne sont pas toujours en lien direct avec les difficultés des territoires.

Voilà quelques éléments d'explication. Nous ne sommes évidemment pas totalement satisfaits de cette situation. Mais il faut bien voir qu'elle explique, pour une part, les disparités régionales observées par la Cour.

A propos du creux de 2005, je souhaite simplement souligner que cette année, dans le PLF 2008, le gouvernement a maintenu, pour la troisième année consécutive, l'effort, actant en cela le fait que la politique de la Ville a besoin d'une certaine stabilité, concernant notamment ses moyens, afin de permettre aux acteurs de s'installer dans des actions sans qu'ils doivent se demander chaque année s'ils pourront reconduire ces actions l'année suivante. Le PLF 2008 témoigne de cette stabilité des moyens, ce qui n'avait pas été le cas en 2005, comptant probablement sur la réforme de la DSU qui n'avait alors pas complètement atteint son objet. Pour 2006, 2007 et 2008, nous notons en tout cas une très grande stabilité des crédits au niveau du PLF, c'est-à-dire au niveau national. Ce devrait aussi être le cas en 2009 compte-tenu du fait qu'une grande part de ces crédits est contractualisée dans les CUCS.

M. Philippe DALLIER, rapporteur spécial - Je souhaite simplement savoir si nous pouvons disposer de la répartition par département sur laquelle vous avez travaillé, ainsi que de la répartition de l'année antérieure afin d'observer l'évolution.

M. Jean ARTHUIS, président - Nous souhaitons voir aussi quels sont vos critères d'attribution, afin de sentir que cela correspond à des objectifs, des indicateurs, et que cela n'est pas le fruit du hasard ou de l'arbitraire.

M. Dominique DUBOIS - Je veux rappeler que nous sommes partis, pour le budget 2007, d'enveloppes régionales fixées à l'époque par la ministre chargée de la Ville. Elle a adressé cette enveloppe régionale à chaque Préfet de Région, en stipulant qu'elle avait une valeur pluriannuelle. La ministre demandait aux Préfets de contractualiser les crédits dans le cadre des CUCS. Ces derniers portent sur trois ans. Comme le disait M. SAPOVAL, on ne peut pas trop faire varier ces crédits d'une année sur l'autre. Cependant, j'ai demandé aux Préfets de Région, pour 2008, de me proposer des ajustements éventuels, en fonction des besoins et des projets. Fin 2007, nous nous apercevrons que certains départements aurons consommé tous leurs crédits et auraient pu en consommer plus encore, et que d'autres n'en auront pas consommé la totalité. C'est inévitable, en regard du nombre de départements concernés par la politique de la Ville, soit 95. Certains ajustements peuvent être liés aux besoins, mais aussi à la capacité des acteurs locaux à mettre en oeuvre ces crédits et à bâtir ces projets, la politique de la Ville étant une politique contractuelle.

M. Jean ARTHUIS, président - Vous pourrez vous servir de ces crédits pour apurer la dette et faire jouer la fongibilité avec les encouragements du budget . Cela ne doit pas être simple à contrôler non plus. Passons aux relations avec les associations. Nous voyons bien que la Ville est le niveau le plus proche du terrain, et conduire cela au plan national demande un certain talent.

Il s'agit de promouvoir des relations « responsabilisantes ». Mais nous faisons le constat d'une absence d'évaluation des actions conduites par les associations. N'est-ce pas, Mme la Présidente ? De l'argent est versé. Mais les associations possèdent-elles des feuilles de route ? Pour ma part, en tant que président de Conseil général, j'ai pu observer des actions sur le terrain. On me fait passer des conventions pour 250 euros pour des écoles sous prétexte que c'est dans le cadre de la politique de la ville. Nous pourrions probablement simplifier toutes ces procédures, désigner un pilote, évaluer les coûts, etc.

M. Yves-Laurent SAPOVAL - Globalement, nous travaillons à opérer une rationalisation. Les CUCS définissent des programmes d'action assez précis, avec des indicateurs précis et fixés. Cela fait l'objet d'appels à projets s'inscrivant eux-mêmes dans le cadre de cette programmation. On saura à la fin de l'année si on est complètement dans le vertueux. Nous nous acheminons, en tout cas, vers une simplification, une rationalisation et une meilleure évaluation des dispositifs et des actions menées. Nous essayons de sortir d'une politique de la Ville fourre-tout ; c'est la raison pour laquelle nous n'avons pas souhaité faire perdurer les contrats de ville. Les objectifs fixés dans les CUCS doivent être clairement fixés par champ thématique. L'avenir dira dans quelle mesure l'évaluation, elle-même énormément développée dans le cadre des CUCS, permet de connaître les résultats. Le sens m'en apparaît, quoi qu'il en soit, vertueux.

M. Dominique DUBOIS - Les objectifs, pour l'Agence, sont ceux qui sont fixés par la Cour des comptes : pouvoir aller plus vite dans les financements, sécuriser, contrôler, évaluer. Comment y parvenir ?

Sur le plan du calendrier de versement des subventions, je ne parlerai pas de l'année 2007, année transitoire, de mise en place. En 2008, à partir du moment où nous votons les crédits en décembre précédant l'année civile, où nous déléguons ces crédits dès le 2 janvier, en tous cas dès la première quinzaine de janvier, et où l'Agence, disposant d'un fonds de roulement, peut d'ores et déjà commencer à payer, rien n'empêchera les Préfets et les maires, s'ils ont lancé leurs appels à projets suffisamment tôt, si, dans le cadre de leur comité de pilotage, ils ont décidé collectivement des actions à financer, rien n'empêchera, dès le premier trimestre 2008, de payer des actions reconnues comme intéressantes au plan de la politique de la Ville. Il n'existera aucun obstacle du côté des procédures mises en place par l'Etat et l'Agence.

En outre, notre orientation consiste bien à aller vers plus de conventions pluriannuelles. Nous en faisions déjà, notamment sur deux sujets : les adultes relais, conventions pluriannuelles de trois ans avec les associations, représentant plus de 80 millions d'euros au niveau national ; les équipes de réussite éducative, contrats triennaux. Cependant, il est vrai qu'il faut beaucoup plus développer ces conventions. Cette orientation a été donnée par le gouvernement, les ministres en charge de la ville, et que, personnellement, je relaie auprès des Préfets ; et nous commençons à voir un développement des conventions pluriannuelles. Il ne faut pas tout rendre pluriannuel, sans quoi il n'existera plus de marge d'adaptation en cours de contrat.

Concernant la question du contrôle, je voudrais rappeler que l'un des intérêts de la mise en place de l'ACSé consiste dans la centralisation, par l'outil informatique, de l'ensemble des actions financées au titre de nos crédits. Nous pourrons déclarer en fin d'année vers quels organismes, dans quel type d'action, sur quel type de thématique et sur quels territoires les crédits de l'Agence ont été affectés. Cela représente un progrès extrêmement important : toutes les actions financées par l'Agence seront répertoriées dans son système d'information, avec des précisions géographiques par territoires et thématiques par organismes. Mais il s'agit d'aller au-delà, sur deux thèmes en particulier :

Le contrôle de l'utilisation des fonds publics : ces derniers sont-ils utilisés à bon escient et selon les bonnes règles. Nous allons développer une politique d'audits annuels des associations, dans un but non seulement de contrôle mais aussi de soutien.

M. Jean ARTHUIS, président - Les associations doivent-elles remplir des conditions de respect de certains principes ? Doivent-elles vous présenter leur bilan, leurs comptes de résultats des documents certifiés chaque année ?

M. Dominique DUBOIS - Oui, tout à fait. C'est d'ores et déjà le cas. Toute action justifie les règles habituelles d'être à jour de l'ensemble de ses obligations. Il existe bien sûr un compte rendu d'utilisation. Mais nous souhaitons aller au-delà de la simple application de ces règles par un développement d'une politique d'audit.

Nous souhaitons aussi aller vers l'évaluation. Nous lancerons celle-ci pour les gros dispositifs que nous gérons : réussite éducative, gros programme en cours de montée en charge, probablement 70 à 75 millions d'euros cette année, plus l'année prochaine ; actuellement, nous savons, ce qui n'était pas le cas précédemment, grâce à une enquête menée auprès de toutes les équipes de réussite éducative, combien d'enfants sont suivis, quel est leur âge, leur sexe, les thématiques d'intervention. Nous allons disposer pour ce programme puis pour les autres d'une batterie d'indicateurs, inexistants jusqu'alors. Nous ne pouvons pas tout évaluer à la fois ; nous le ferons aussi pour les politiques de santé dans les quartiers, pour les adultes relais, etc.

M. Jean ARTHUIS, président - Nous allons donc commencer à y voir clair.

M. Philippe DALLIER, rapporteur spécial - En tout cas, M. le Président, je crois que nous ne pouvons qu'être satisfaits des réponses proposées par M. le Directeur de l'ACSé. En effet, elles rencontrent les remarques faites par la Cour. Cela dit, je constate qu'il aura fallu deux années, entre les décisions du CIV de 2006 insistant sur la nécessité d'accélérer le versement des subventions aux associations, et la réalité effective, puisque vous déclarez que c'est en 2008 que la situation doit s'améliorer sensiblement. Les auditions ont été menées au premier semestre 2007. Les associations répétaient à ce moment-là ce qu'elles disaient depuis toujours sur la difficulté du versement, le manque de visibilité, etc. C'est une bonne leçon pour nous. C'est deux ans minimum entre la décision prise en CIV et l'application sur le terrain. J'espère que nous trouverons un jour les moyens d'accélérer l'application des décisions.

M. Jean ARTHUIS, président - Vous évoquez là le passé. Désormais, les délais seront infiniment plus brefs, parce que l'appareil d'Etat fonctionne de mieux en mieux.

M. David GRUSON - Je souhaite aller fortement dans le sens de cette remarque. Sur les 13 associations que nous avons rencontrées, ce discours était systématique, quels que soient le département, le quartier et sa configuration, en Seine-Saint-Denis, en Somme ou dans le Rhône. Le discours était récurrent sur les difficultés et le caractère tardif des paiements qui contraignent certaines associations, et surtout les plus petites, fragiles, celles qui disposent des outils de suivi financier les plus rudimentaires. Certaines associations ont été incapables de présenter un bilan ou même des éléments de suivi financier de base. Elles sont les plus vulnérables et sont demanderesses d'outils, d'objectifs dans le cadre d'évaluations, leur permettant ensuite de justifier elles-mêmes de la valeur ajoutée de leurs actions. Il y a aussi ce discours là du côté des associations. Elles sont prêtes à s'inscrire dans ce type de démarche pour montrer qu'elles aussi, dans leurs actions, ont un impact réel sur le quartier.

M. Jean ARTHUIS, président - Dans la convention qui sera passée avec les associations, je pense que l'Etat peut prescrire le respect de certaines règles conditionnant, en quelque sorte, l'agrément des associations.

M. Jean-Marie VANLERENBERGHE, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales - Il ne faut pas oublier qu'il existe des équipes de maîtrise d'oeuvre dans les collectivités, les intercommunalités, sur ces politiques. Tout dépend aussi de la qualité de ces équipes. Vous avez évoqué la formation. Il me paraît important d'aider à faire en sorte que ces équipes puissent réellement apporter une aide en termes d'ingénierie à ces associations et qu'elles pratiquent le contrôle. Il faut les responsabiliser. C'est aussi le rôle imparti aujourd'hui aux Préfets chargés de la politique de la Ville, que de contrôler la bonne santé et le bon fonctionnement de ces équipes MOUS. Je pense qu'il faut faire confiance. S'il est un domaine où l'Etat doit faire confiance, déléguer et bien sûr contrôler, c'est en matière de politique de la Ville. En effet, les initiatives sont essentiellement locales. La politique de la Ville a été inventée au niveau local et non pas dans les ministères. Je crois donc qu'il faut continuer en ce sens. C'est la raison pour laquelle je suis tout à fait d'accord pour qu'il y ait des crédits de recherche et d'innovation. Nous avons, chez nous, reproduit une expérimentation menée initialement par le maire de Valenciennes de l'époque, M. Boorlo, consistant à placer un travailleur social dans un commissariat, dispositif que l'on envisage aujourd'hui de développer. Néanmoins, est-il nécessaire que la politique de la Ville soit celle qui paie le travailleur social, en l'occurrence ? En orthodoxie financière, je ne pense pas. Mais c'est utile. Cela a porté ses fruits. Je pense aussi aux dispositifs liés au ministère de la Justice, points d'accès au droit qui ne sont pas financés par le ministère et jouent pourtant le même rôle que les Maisons du droit et de la justice. Je crois qu'il faut laisser une certaine liberté au niveau local, à condition de disposer d'équipes locales solides, capables de contrôler le jeu des associations.

M. Jean ARTHUIS, président - Précisément, ne faut-il pas tendre vers la confiance faite à la Ville, l'intercommunalité et leurs représentants, sur la base d'un contrat très clairement défini d'objectifs et de moyens ? A charge pour l'opérateur local de rendre compte à l'Etat du respect des objectifs, d'observer que les diligences sont bien conformes à la déontologie que nous entendons suivre. La difficulté réside dans ce que certaines communes sont confrontées à des problèmes dans leurs quartiers, appelant des moyens dont elles ne disposent pas. M. MORAUD fait fonctionner son ordinateur ; un grand coup de pouce est donné à la DSU ; comme il n'y a pas assez d'argent, les financements seront à la charge des Départements qui auront une moindre compensation sur le foncier non bâti exonéré jusqu'à présent ; le financement sera pris sur la DCTP, c'est-à-dire les intercommunalités percevant une taxe professionnelle unique, pour pouvoir ménager de la DSU. Mais à chaque fois, le problème consiste à savoir comment le volume de crédits est réparti entre les différentes collectivités territoriales, avec des paramètres nécessitant toute l'expertise de M. MORAUD pour que leur résultat ne suscite pas une révolte dans tout le pays. Nous ne comprenons même plus ce que nous faisons. Il doit exister à peu près 800 paramètres. Alors, on fait des amendements pour corriger la situation de telle ou telle ville. Tout cela est à la limite du raisonnable. En outre, piloter tout de Paris ne doit pas être simple. Peut-être pouvez-vous transférer un peu plus, à travers des protocoles de reddition de compte suffisamment clairs.

M. Yves-Laurent SAPOVAL - Cela est déjà possible, et ça l'était dans le cadre des contrats de ville ; il s'agissait de déléguer de l'argent aux collectivités, par des mandats de gestion. Les GIP pouvaient le faire, qui ont été largement développés dans le cadre de la politique de la Ville. Cela dit, le principe de la politique de la ville repose sur une discussion conjointe entre l'élu, maire ou président d'EPCI, et l'Etat ; elle doit rester fructueuse et rester l'objet d'une programmation annuelle. Il ne s'agit pas de s'engager dans des mécaniques d'habitude, faisant parfois perdurer des situations qui ne sont pas souhaitables.

M. Jean ARTHUIS, président - Nous allons tenter de conclure. M. DALLIER, aviez-vous des observations à formuler ?

M. Philippe DALLIER, rapporteur spécial - Non, si ce n'est sur l'efficience de la politique.

M. Jean ARTHUIS, président - M. DUBOIS n'avait peut-être pas terminé ?

M. Dominique DUBOIS - Deux mots. Notre Agence est effectivement une agence centrale, nationale, mais elle n'est pas centralisée dans son organisation, puisque le Préfet est l'ordonnateur secondaire des crédits de l'Agence. Dans le domaine de la politique de la Ville, nous gérons peu de crédits au niveau national. En outre, sur la question de la gestion par la collectivité territoriale des crédits de la politique de la Ville, cette possibilité est ouverte dans le cadre de la gestion des crédits de l'Agence. Soit le Préfet peut gérer dossier par dossier, en quelque sorte. Soit, au contraire, il peut s'entendre avec la collectivité territoriale, notamment lorsqu'il existe un groupement d'intérêt public pour mutualiser les crédits. Ces deux possibilités existent, mais il est vrai qu'actuellement la mutualisation des crédits, si elle existe, reste marginale. Il faudra certainement avoir un débat sur sa promotion, son développement.

M. Jean ARTHUIS, président - Pour ma part, je pense que nous pouvons mutualiser, faire confiance et prendre ensuite le temps d'évaluer ce qui a été fait. Peut-être est-ce aussi bien que de vouloir tout mettre a priori dans des cases. Cela est vrai aussi pour la politique de l'emploi. Il est quelque peu vain de voir le ministre produire une circulaire tous les trois mois pour expliquer ce qu'il faut faire. Il faut fixer des objectifs, déléguer les crédits existants et rendre compte des usages qui en auront été faits, et enfin se donner les moyens pour rendre compte de l'évaluation de la santé de la population en cause au plan social, au regard de l'emploi et de différents paramètres aussi objectifs que possible.

Nous allons conclure, si vous le voulez bien. Il s'agit d'une audition extrêmement encourageante, partant de constats parfois sévères établis par la Cour. Mais nous avons compris que votre examen, Mme la Présidente, est intervenu à un moment où la maison était quelque peu en chantier ; il n'était dès lors pas aisé de prendre une photographie, puisque cela bougeait en tous sens, étant donnée la mise en place de nouvelles dispositions. La situation est en voie de stabilisation. Le ministère souhaite que cette politique soit éphémère. Les agences vont clarifier leurs politiques ; ceci fera l'objet de contrats d'objectifs et de moyens. La coordination restera une prérogative de la DIV. Les rôles seront plus clairement précisés. Les moyens seront suffisants pour ne pas avoir d'arriérés et de dettes créant des crispations chez les associations - même si les crispations étaient limitées, dans la mesure où les municipalités faisaient l'avance. N'est-ce pas M. DALLIER ?

M. Philippe DALLIER, rapporteur spécial - Sur le FIV investissement, oui. Les associations, c'est autre chose.

M. Jean ARTHUIS, président - Tout cela est très encourageant et prometteur.

M. Philippe DALLIER, rapporteur spécial - Il est vrai que nous avons besoin d'y voir clair. Le risque, en matière de politique de la Ville, consiste à jeter le bébé avec l'eau du bain. Certains sont tentés de dire que cela coûte trop cher. A ceux-là, j'ai envie de dire : s'il n'y avait rien, combien cela coûterait-il ? Je pense que c'est aussi une question qu'il faut se poser. Mais il est vrai que parce que nous n'y voyons pas assez clair, beaucoup d'interrogations surgissent. Votre rapport est très important pour nous ; j'en remercie la Cour. Nous avons besoin que l'Etat nous livre des données fiables, vérifiables. 4 milliards d'euros ont été évoqués. Peut-être s'agit-il de plus, ou de moins. Il faut vraiment fournir un effort. En tout cas, le document de politique transversale constitue une avancée, mais il n'est pas suffisant. Il faut que vous fassiez un effort très significatif pour nous éclairer sur les crédits spécifiques et crédits de droit commun. C'est fondamental pour nous. Pour le reste, comme vient de le dire M. le Président, des avancées ont été notées. Ce rapport est donc en demi-teinte, avec un aspect quelque peu sévère que, j'espère, ceux qui le reprendront ne retiendront pas uniquement.

M. Jean ARTHUIS, président - Pour vous rassurer, Mesdames et messieurs, notre pratique consiste à procéder en plusieurs temps : il s'agit, tout d'abord, demander une enquête à la Cour ; ensuite, il s'agit d'une audition pour suite à donner ; enfin, intervient une audition de suivi. Nous pourrons donc nous revoir dans un an. Ce sera l'occasion d'exprimer tous les progrès qui auront été constatés et, en quelque sorte, de nous rendre compte de votre action.

En l'absence d'autres remarques, la séance est levée à 19 h 30.

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