B. UN ATOUT RÉEL EN TERMES D'ATTRACTIVITÉ, QUOIQUE LIMITÉ

1. L'effet de la baisse des charges sociales

Le droit à l'image collective a contribué à réduire l'écart entre la France et ses principaux concurrents européens en termes de coût global des salaires .

Pour ce qui concerne le football d'élite, il convient d'ajouter l'effet de la baisse de la tranche marginale d'imposition la plus élevée (de 48,04 % à 40 %) et l'instauration du « bouclier fiscal ». Et, hors action de l'Etat, il faut aussi prendre en compte la hausse spectaculaire des droits télévisés versés par la chaîne Canal +, passés de 375 millions d'euros à 600 millions d'euros 10 ( * ) .

Au total, l'effet de ces évolutions sur le revenu des footballeurs de Ligue 1 est retracé dans le schéma suivant.

Source : Union financière de France

L'effet du DIC est alors très net puisque malgré une augmentation de 39 % du salaire moyen brut des joueurs de Ligue 1 entre les saisons 2004/2005 et 2006/2007 , principalement du fait de la forte hausse des droits télévisés sur cette période, les charges salariales et patronales ont légèrement diminué en valeur absolue . En conséquence, et bien que l'impôt sur le revenu acquitté par les joueurs ait augmenté, le salaire moyen net des footballeurs de Ligue 1 a affiché une progression de 40 % en deux ans .

D'autre part, la France s'est rapprochée des standards internationaux en termes de différentiel entre salaire brut et salaire net . Ainsi, d'après une enquête menée en février 2007 par l'Union financière de France, sur la base d'un salaire brut de 100.000 euros par mois correspondant à la rémunération d'un joueur de niveau international, la France est relativement « compétitive » en Europe et figure devant l'Italie, même en incluant les charges patronales. Le tableau ci-dessous reproduit le résultat de cette étude.

Source : Union financière de France

Le DIC semble donc avoir atteint l'un de ses objectifs qui était de rapprocher la pression fiscale et sociale de la France par rapport aux pays voisins pour les sportifs de haut niveau.

Toutefois, ledit écart ne constituant qu'un aspect parmi d'autres du différentiel d'attractivité des clubs français vis-à-vis de leurs concurrents dans certaines disciplines, le succès réel du DIC se doit d'être relativisé.

Une étude plus poussée du cas emblématique du football se révèle éclairante à ce sujet.

2. Un dispositif ne pouvant compenser de trop fortes disparités économiques et juridiques : le cas emblématique du football de haut niveau

a) Un écart de richesse toujours aussi important

Votre rapporteur spécial a rappelé supra le paysage des forces financières des 20 clubs de football européens les plus riches pour la saison 2003/2004, précédant l'adoption du droit à l'image collective.

Depuis, la situation ne s'est pas vraiment améliorée pour le football français, ce que montre la dernière étude « Deloitte football money League », publiée en février 2008 et portant sur la saison 2006/2007, que retrace le tableau suivant.

Recettes des 20 premiers clubs de football européens pour la saison 2006/2007

(en millions d'euros)

Club

Recettes

Ligue nationale

Real Madrid

351,0

Espagne

Manchester United

315,2

Angleterre

FC Barcelone

290,1

Espagne

Chelsea

283,0

Angleterre

Arsenal

263,9

Angleterre

Milan AC

227,2

Italie

Bayern Munich

223,3

Allemagne

Liverpool

198,9

Angleterre

Inter Milan

195,0

Italie

AS Roma

157,6

Italie

Tottenham

153,1

Angleterre

Juventus Turin

145,2

Italie

Olympique Lyonnais

140,6

France

Newcastle United

129,4

Angleterre

Hambourg SV

120,4

Allemagne

Schalke 04

114,3

Allemagne

Celtic Glagow

111,8

Ecosse

Valence

107,6

Espagne

Olympique de Marseille

99,0

France

Werder Brême

97,3

Allemagne

Source : Deloitte money League 2008

Si deux clubs français figurent désormais dans ce classement annuel, le premier de ces clubs (l'Olympique lyonnais) n'apparaît qu'en 13 ème position (en retrait par rapport à la saison précédente où il était 11 ème ). Surtout, l'OL affiche des recettes 2,5 fois inférieures à celles du leader, le Real Madrid, et de 1,5 à 2 fois inférieures à celles de la dizaine de clubs de tête .

Ces écarts ont des fondements économiques, tenant à l'individualisation des droits télévisés par club, plus ou moins marquée selon les pays, au développement du « marchandisage » par plusieurs grands clubs ou à des recettes au guichet plus élevées. Ils sont aussi parfois le fait de « mécènes » fortunés prêts à combler les déficits de leurs clubs avec leur fortune personnelle, notamment dans le championnat anglais.

b) Le faible impact du DIC dans ces conditions

D'après les données obtenues par votre rapporteur spécial auprès de clubs représentatifs de l'élite du football, du rugby et du basket-ball, le droit à l'image collective représente environ 3 % de leur budget total . Il est à noter que cette proportion croît légèrement avec le budget des clubs puisque le nombre de joueurs dépassant le plancher de rémunération au-delà duquel s'applique le DIC est plus élevé dans les « grands » clubs que dans les « petits ».

Le droit à l'image collective dans le budget de clubs de football, rugby et basket-ball
à « gros budget »
1

Discipline

Budget total
(en millions d'euros)

Montant du DIC
(en millions d'euros)

DIC en % du
budget total

Basket-ball

5

0,17

3,4 %

Rugby

12

0,32

3,1 %

Football

67

2,30

3,4 %

1 Pour un club de basket-ball à « petit budget » (3 millions d'euros), le DIC ne s'élève qu'à 23.000 euros, soit 0,8 % de son budget.

Source : calcul de la commission des finances d'après des données transmises par des clubs représentatifs

Ces chiffres montrent à la fois que le DIC procure un avantage réel apprécié par les clubs, mais que cette aide n'est pas à la hauteur des écarts constatés entre le budget des clubs français et celui de leurs concurrents européens . Votre rapporteur spécial considère d'ailleurs que de tels écarts n'ont pas vocation à être comblés par les finances publiques .

Il ne s'agit donc pas de faire du DIC un « dispositif miracle » à conserver à tout prix (voire à renforcer) mais de le juger pour ce qu'il est, à savoir un soutien modeste dans un univers concurrentiel très difficile.

Votre rapporteur spécial observe, d'ailleurs, qu'après l'entrée en vigueur du DIC, les transferts de joueurs vers l'étranger ont continué. Ainsi, l'OL, le club de football français le plus « riche », n'a pas été en mesure de conserver dans son effectif MM. Michael Essien (parti à Chelsea en 2005), Mahamadou Diarra (Real Madrid, 2006), Florent Malouda (Chelsea, 2007) et Eric Abidal (Barcelone, 2007) malgré sa volonté affichée de garder ces footballeurs en son sein.

c) Agir au niveau international pour être réellement efficace

Votre rapporteur spécial considère que les véritables solutions au déséquilibre des compétitions européennes sont plus « structurelles » et doivent être prises à un niveau international.

Ainsi, pour ce qui concerne le football, plusieurs initiatives méritent d'être soutenues par la France, notamment :

- les efforts entrepris par l'UEFA afin d'avancer vers un renforcement des contrôles financiers dans l'ensemble des pays européens , voire vers la constitution d'une « DNCG européenne » ;

- la proposition dite « 6+5 » que M. Joseph Blatter, président de la Fédération internationale de football association (FIFA), doit présenter au prochain congrès de cette association, qui doit se tenir à Sydney les 29 et 30 mai 2008. Cette règle contraindrait les clubs à aligner à chaque match au moins six joueurs éligibles pour l'équipe nationale du pays à laquelle le club est affilié, afin de renouer avec le caractère local, ou au moins national, des clubs de football. L'OL devrait ainsi aligner au moins six Français par rencontre.

De manière générale, la France devrait appuyer auprès des institutions européennes la reconnaissance de la spécificité du sport , qui ne saurait relever que du marché intérieur et du droit de la concurrence. De ce point de vue, le traité signé à Lisbonne le 13 décembre 2007 par les chefs d'Etats et de gouvernements de l'Union européenne contient des éléments encourageants 11 ( * ) .

* 10 A compter de la saison 2008-2009, l'ensemble des droits télévisés perçus par la Ligue de football professionnel s'élèvera à 668 millions d'euros.

* 11 Aux termes de l'article 149 du traité sur l'Union européenne tel qu'il résulterait du traité de Lisbonne, si ce dernier devait être ratifiée par tous les Etats membres, « L'Union contribue à la promotion des enjeux européens du sport, tout en tenant compte de ses spécificités, de ses structures fondées sur le volontariat ainsi que de sa fonction sociale et éducative » et « L'action de l'Union vise [...]à développer la dimension européenne du sport, en promouvant l'équité et l'ouverture dans les compétitions sportives et la coopération entre les organismes responsables du sport, ainsi qu'en protégeant l'intégrité physique et morale des sportifs, notamment des plus jeunes d'entre eux ».

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