C. UNE FORMATION À MODERNISER

1. Les limites d'une trop grande spécialisation

La première difficulté que pose le contenu de la formation des chirurgiens intervient en amont du choix de la spécialité. Il apparaît, en effet, que les étudiants en deuxième cycle des études de médecine connaissent mal la profession de chirurgien , qu'ils associent trop souvent à des stéréotypes inexacts.

Or, ils sont demandeurs d'informations sur la réalité du métier qu'ils devront choisir d'exercer à l'issue des ECN. Ils se pressent ainsi pour intégrer, à l'université Paris V-Descartes, le diplôme optionnel récemment mis en place par le professeur Guy Vallancien sur le thème « Etre chirurgien aujourd'hui et demain ».

Sans créer un tel enseignement dans l'ensemble des facultés, il serait utile de diffuser à l'ensemble des étudiants en médecine une information sur la chirurgie, ses enjeux et ses modalités d'exercice. Cette information pourrait notamment prendre la forme d'un stage court, dès la deuxième année de médecine, comme le propose le conseil national de l'ordre des médecins.

La formation des chirurgiens

A l'issue des premier et deuxième cycles des études médicales, commun à l'ensemble des étudiants en médecine, et des épreuves classantes nationales (ECN), l'interne classé en rang utile aux épreuves classantes nationales peut s'orienter vers les spécialités chirurgicales, au rang desquelles figurent :

- la chirurgie générale,

- la neurochirurgie,

- l'ophtalmologie,

- l'oto-rhino-laryngologie,

- la stomatologie.

En outre, parmi les spécialités dites « filiarisées », qui peuvent être choisies directement à l'issue des ECN, figure une autre spécialité chirurgicale : la gynécologie obstétrique.

Dans le cas général, les internes entament donc un cursus de spécialités chirurgicales et leur orientation vers une spécialité se fait en cours d'internat. L'inscription à un diplôme d'étude spécialisée (DES) en particulier doit être réalisée au plus tard à la fin du quatrième semestre validé d'internat et après avoir suivi au moins un semestre de stage dans la spécialité postulée.

La formation à ces spécialités se traduit par des diplômes d'études spécialisées en cinq ans (quatre pour la stomatologie) comportant de 250 à 300 heures d'enseignements généraux et spécifiques et de huit à dix semestres de stage, dont au moins quatre semestres dans des services agréés pour former dans la spécialité.

Le détail des maquettes est prévu par deux arrêtés du 22 septembre 2004 (BOEN n° 39 du 28/10/04).

Il existe en outre neuf diplômes d'études spécialisés complémentaires (DESC) en chirurgie :

- chirurgie infantile,

- chirurgie maxillo-faciale et stomatologie,

- chirurgie de la face et du cou,

- chirurgie orthopédique et traumatologie,

- chirurgie plastique reconstructrice et esthétique,

- chirurgie thoracique et cardio-vasculaire,

- chirurgie urologique,

- chirurgie vasculaire,

- chirurgie viscérale et digestive.

Ces diplômes, obtenus à l'issue de la validation de trois ans de formation dans des services agréés, sont accessibles uniquement aux titulaires du DES de chirurgie générale (et à ceux titulaires du DES d'ORL pour le DESC de chirurgie de la face et du cou). Ils constituent ainsi une sur-spécialisation en chirurgie.

Pour toutes les spécialités précitées, seul le DES ou le DESC de la spécialité permet de se prévaloir de la qualification de spécialiste.

Source : Dhos

La seconde difficulté concerne l'enseignement de la chirurgie générale . Cette discipline ne cesse, en effet, de perdre des étudiants. A titre d'exemple, le diplôme d'études supérieures (DES) de chirurgie générale comptait 450 étudiants en 1992 et seulement 286 en 2002.

De fait, on ne forme quasiment plus de chirurgiens généraux, compte tenu de la technicité de plus en plus grande des différentes spécialités chirurgicales. Aujourd'hui, la majorité de ces praticiens est âgée et exerce dans de petits établissements. D'autres sont, en réalité, des chirurgiens viscéraux qui pratiquent également la chirurgie pelvienne, mammaire ou du cou, par nécessité dans les structures de petite taille ou pour augmenter leurs revenus.

La question du maintien de cette filière dans le cursus universitaire est donc réelle. Certains souhaitent sa suppression ; d'autres proposent, au contraire, de la revaloriser estimant que tous les chirurgiens doivent disposer de connaissances minimales pour opérer différentes pathologies dans les services de taille moyenne qui, tout en atteignant une taille critique en termes d'interventions, ne disposent pas de l'ensemble des spécialités au sein de leur équipe chirurgicale.

Dans cette optique, il avait ainsi été proposé, sans succès, de rendre obligatoire une première année de chirurgie générale au début de l'internat , avant le choix d'une spécialité. Ce choix aurait d'ailleurs pu être remis en cause à la fin de la deuxième année d'internat, de façon à s'assurer de la motivation des étudiants pour la discipline sélectionnée.

Votre rapporteur souhaite que cette proposition fasse l'objet d'un examen attentif du ministère de la santé et des instances représentatives des chirurgiens. Se faisant l'écho des propos tenus par le professeur Yvon Berland, président de l'observatoire national de la démographie des professions de santé (ONDPS ), il s'inquiète d'une spécialisation trop précoce des internes en chirurgie.

En effet, une trop grande spécialisation des chirurgiens conduira inévitablement au cloisonnement des spécialités et à l'impossibilité, pour un praticien, de réaliser un acte simple dans une autre discipline. Cette situation aurait de graves conséquences sur l'organisation de la permanence des soins pour les établissements de taille moyenne, pouvant aller jusqu'à remettre en cause leur maintien.

2. Un enseignement plus ouvert

En France, la formation médicale est, au stade de l'internat, fondée sur une méthode de compagnonnage : le chef de service est chargé de la formation de ses internes. C'est d'autant plus vrai en chirurgie, où la pratique est essentielle à l'apprentissage du métier.

Aujourd'hui, ce rôle est réservé aux professeurs des universités-praticiens hospitaliers (PU-PH). Or, ce système semble aujourd'hui avoir atteint ses limites.

En effet, avec l' augmentation progressive du nombre d'internes , conséquence de l'élévation du numerus clausus depuis 1998, les PU-PH sont trop peu nombreux pour assurer seuls la mission d'enseignement. Il serait donc souhaitable que des praticiens hospitaliers, ayant acquis une expérience de plusieurs années et disposant de qualités professionnelles et pédagogiques reconnues, puissent exercer ce rôle. Cette ouverture permettrait également d'offrir de nouvelles perspectives de carrière aux chirurgiens hospitaliers, idée chère à votre rapporteur dans la perspective de revaloriser cette profession.

Il semble par ailleurs indispensable qu' une partie de la formation des internes se fasse dans les établissements privés . L'objectif en serait double. Il s'agit d'abord de faire connaître la chirurgie libérale aux étudiants, dont le niveau d'information est très insuffisant pour leur permettre de faire, à l'issue de leur cursus, un choix de carrière éclairé, comme l'ont montré les entretiens que votre rapporteur a pu avoir avec les internes en chirurgie digestive de l'hôpital Saint-Antoine à Paris et avec les représentants de l'inter-syndicat national des internes des hôpitaux (ISNIH).

En outre, les cliniques privées sont aujourd'hui plus compétentes que les centres hospitaliers et universitaires (CHU) pour certaines interventions. C'est notamment le cas de la chirurgie de la main et de la chirurgie plastique, presque exclusivement pratiquées en libéral.

Parmi les tenants d'un développement de la formation des internes en chirurgie dans le privé, certains, à l'instar du conseil national de la chirurgie (CNC), sont favorables à la création d' écoles de chirurgie , chargées de l'enseignement de la chirurgie indifféremment dans les hôpitaux et dans les cliniques, en fonction des spécialités et des équipes. D'autres, comme le professeur Guy Vallancien, leur préfèrent la signature d'un contrat de formation triennal entre une faculté et un établissement privé.

Votre rapporteur, pour sa part, propose que ce type de contrat, dont il approuve le principe, soit signé entre l'université et un praticien , afin de conserver l'apprentissage par compagnonnage dans le public comme dans le privé.

La formation des internes pose enfin la question de son ouverture à l'international. Il est, en effet, particulièrement difficile aujourd'hui à un interne français de partir compléter sa formation à l'étranger, tout comme les obstacles sont nombreux pour les chefs de service qui souhaitent accueillir un ou plusieurs étudiants étrangers.

Il convient donc de réfléchir aux moyens d' assouplir les conditions d'échange entre étudiants en médecine, dans un souci pédagogique mais aussi dans un objectif de promotion de la chirurgie française.

3. Une rémunération insuffisante

La rémunération des internes est un sujet récurrent des négociations entre ceux-ci et les pouvoirs publics. Elle s'élève à 1 500 euros environ pour un interne et à moins de 1 800 euros pour un chef de clinique.

En prenant en considération leur niveau d'études et de responsabilités, et le fait que, compte tenu de la durée des études en médecine - la majorité des internes en chirurgie prolongent leurs études par un clinicat, qui constitue un passage obligé depuis 1990 pour être autorisé à s'installer en secteur II -, ces étudiants sont susceptibles d'être chargés de famille, ces montants apparaissent très insuffisants.

S'il devait être trop coûteux d'augmenter l'ensemble de ces rémunérations, un effort pourrait à tout le moins être envisagé pour le paiement des gardes . En effet, une garde est aujourd'hui mieux rémunérée pour un infirmier (environ 250 euros) que pour un interne (116 euros).

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