EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 21 mai 2008 sous la présidence de M. Jean Arthuis, président, la commission a entendu une communication de M. Yves Fréville, rapporteur spécial , sur la SIMMAD (structure intégrée de maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques du ministère de la défense) et le maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques du ministère de la défense.

Procédant à l'aide d'une vidéo-projection, M. Yves Fréville, rapporteur spécial, a précisé que sa communication faisait suite au rapport d'information (n° 426, 2004-2005) qu'il avait présenté en 2005 au sujet du maintien en condition opérationnelle (MCO) des bâtiments de la marine nationale.

Il a indiqué que la présente communication s'appuyait en particulier sur des contrôles sur place, en application de l'article 57 de la LOLF, des bases aériennes de Nancy et d'Orléans, dotées respectivement de Mirage 2000 D et d'avions de transport C160 Transall et C130 Hercules, ainsi que de la SIMMAD, chargée de la « maîtrise d'ouvrage déléguée » du MCO aéronautique de l'ensemble du ministère de la défense, et implantée à Brétigny-sur-Orge. Il a également auditionné les responsables concernés des différents états-majors, ainsi que de la MMAé (mission de modernisation du MCO aéronautique).

Il a souligné que les différentes armées n'avaient pas réagi aussi rapidement à la dégradation de la disponibilité opérationnelle de leurs matériels observée à la fin des années 1990 : si la réforme du MCO naval était à peu près achevée, grâce à la création en 2000 du service de soutien de la flotte (SSF), et si celle du MCO terrestre en était encore à ses « balbutiements », celle du MCO aéronautique se trouvait dans une situation intermédiaire. En effet, la création en 2000 de la SIMMAD, « maître d'ouvrage délégué » du MCO, avait été suivie en 2008 de celle du SIAé (service industriel de l'aéronautique), dans la perspective de la prochaine rationalisation des différents niveaux de soutien, au titre de la révision générale des politiques publiques (RGPP).

Il a indiqué qu'en 2006, le coût du MCO aéronautique avait été de 3,4 milliards d'euros, dont 1,5 milliard d'euros pour la SIMMAD. Il a expliqué que la SIMMAD était financée par les différentes armées, essentiellement l'armée de l'air, et que cette somme lui permettait de passer des commandes de prestations et de pièces de rechange auprès de l'industrie aéronautique. Il a ajouté que le 1,9 milliard d'euros restant consistait pour l'essentiel en des dépenses de personnel, le MCO aéronautique employant près de 30.000 personnes, dont plus de la moitié dans l'armée de l'air.

Il a souligné l'importance des stocks de pièces de rechange, dont la valeur était évaluée à 16 milliards d'euros fin 2006. Il a estimé que ce stock pouvait être significativement réduit. Il a souligné qu'étaient réalisés, chaque jour, 1.500 mouvements de 40.000 articles, entre les 162 points du réseau.

Il a indiqué que le taux de disponibilité opérationnelle (DTO) des aéronefs de la défense, supérieur à 60 % et stable de 2003 à 2005, avait ensuite diminué de façon continue, et était désormais nettement inférieur à 60 %. Dans le cas des avions de combat, cette indisponibilité provenait essentiellement d'un manque de moteurs.

Il a souligné la complexité de la chaîne de commandement du MCO aéronautique, la maîtrise d'ouvrage étant assurée par les états-majors, la SIMMAD n'assurant qu'une « maîtrise d'ouvrage déléguée », la maîtrise d'oeuvre étant assurée par l'industrie, le SIAé et les différents commandements en charge du soutien, dans le cadre, respectivement, de marchés publics, de contrats internes, et de contrats d'objectifs. Il a estimé que l'organisation du MCO aéronautique était, en conséquence, différente de celle du MCO naval, du fait de l'absence d'arsenal, et de la multiplicité des acteurs. Il a présenté l'organisation « matricielle » de la SIMMAD, disposant d'équipes spécialisées par flotte d'aéronefs, ainsi que de services « transversaux ».

Il a jugé nécessaire de renforcer les compétences de la SIMMAD et, plus généralement, du ministère de la défense, en matière d'achats. Il a estimé que si la SIMMAD était structurellement en situation de faiblesse face à des fournisseurs le plus souvent en situation de monopole et dont le MCO des aéronefs militaires ne représentait qu'une faible partie de leur chiffre d'affaires elle pouvait néanmoins obtenir des gains financiers non négligeables, par la globalisation du périmètre des contrats et la forfaitisation des résultats.

Il a expliqué que la SIMMAD ne disposait pas de son propre budget opérationnel de programme (BOP), mais était financée à travers les BOP de chaque état-major. Cette situation ne posait pas de difficulté particulière, et il n'était donc pas utile de doter la SIMMAD de son propre BOP.

Il a indiqué que le report de charges de l'année précédente, de 362 millions d'euros en 2004, n'avait plus été que de 42 millions d'euros en 2007, ce quasi-retour à l'équilibre ayant considérablement réduit les moyens effectivement disponibles pour le MCO aéronautique. Il a estimé que les dépenses de MCO étaient des dépenses à long cycle s'accommodant mal des à-coups de financement : les gels d'autorisations d'engagement conduisant à reporter la contractualisation de marchés à renouveler, et les gels en crédits de paiement suscitant une augmentation du report de charges et des intérêts moratoires, sauf à désorganiser la chaîne de MCO.

Il a souligné la tendance de long terme à l'accroissement des coûts de MCO, du fait du vieillissement de certaines flottes, comme celle des C160 Transall, et de la mise en ligne de nouveaux types d'appareils, dont le coût d'entretien unitaire était nettement supérieur à celui des générations précédentes. Il a jugé qu'il était d'autant plus nécessaire de raisonner, pour le choix des équipements, en termes de « coût de possession », et non plus de simple coût d'acquisition.

Il a jugé que cet accroissement des coûts devait être compensé par des gains de productivité.

Il a déclaré que la prochaine rationalisation des différents niveaux de soutien, dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP), devait permettre, selon les estimations de l'équipe d'audit, d'économiser 6.175 équivalents temps pleins (ETP). Il a expliqué que ces économies seraient essentiellement permises par le fait que des actes de nature industrielle actuellement réalisés par les bases aériennes, le seraient désormais, à moindre coût, par le SIAé (service industriel de l'aéronautique), organisme de l'armée de l'air à vocation interarmées fonctionnant sous le régime du compte de commerce, créé le 1er janvier 2008. Dans le même temps, le MCO opérationnel, qui verrait donc son champ réduit, serait lui aussi rationalisé, par la poursuite de la réorganisation en escadrons de soutien technique aéronautique (ESTA), et par la spécialisation par flotte des bases aériennes.

Il a déploré que la gestion commune des pièces de rechange tende à régresser. Il a indiqué que si telle avait été la solution retenue dans le passé pour des avions comme le Jaguar et l'Atlantic, et si des échanges de pièces étaient effectués avec l'Allemagne dans le cas du C160 Transall, il n'existait pas de stock commun pour l'hélicoptère Tigre. Il a souhaité que le futur avion de transport tactique A400M fasse l'objet d'une gestion commune des pièces de rechange.

Un débat s'est ouvert.

M. Jean Arthuis, président, s'est étonné de ce que le taux de disponibilité opérationnelle des aéronefs soit de l'ordre de seulement 50 %. Il a jugé que les implantations militaires dépendaient trop souvent de soucis d'aménagement du territoire.

M. François Trucy, rapporteur spécial, a déclaré que des économies avaient été faites pendant des années en ne réparant pas des pièces essentielles. Il a souligné la difficulté de gérer des stocks constitués de pièces en perpétuelle évolution. Il a rappelé la difficulté à se procurer des pièces de rechange pour les Crusader, peu avant leur retrait du service. Il s'est interrogé sur la disponibilité des aéronefs lors des opérations extérieures (OPEX) et sur la possibilité de réaliser des économies sans accélérer la dégradation de la disponibilité opérationnelle.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a souligné que la réforme du MCO aéronautique était un aspect essentiel de la RGPP en cours au ministère de la défense.

M. Michel Charasse a jugé la situation préoccupante. Il a estimé que les crédits de la mission « Défense » étaient insuffisants, à cause d'un manque de « courage » politique, empêchant de réduire certaines dépenses civiles. Il s'est interrogé sur l'opportunité de publier des informations susceptibles, selon lui, de nuire à l'image de la France à l'étranger et sur les moyens de sensibiliser à cette question cruciale les plus hautes autorités du pays.

MM. François Trucy, rapporteur spécial, Joël Bourdin et Denis Badré ont déclaré partager les interrogations quant à la démarche la plus opportune de diffusion de telles informations par le rapporteur spécial.

M. Jean-Guy Branger a rappelé que la commission des affaires étrangères, dont il est membre, avait à plusieurs reprises abordé la question de la disponibilité opérationnelle des aéronefs, même si elle n'avait pas toujours publié d'informations aussi précises.

M. Jean Arthuis, président, a considéré que le caractère préoccupant de la situation rendait d'autant plus pertinent le contrôle effectué par le rapporteur spécial et qu'il permettrait d'aider le ministère de la défense à justifier les réformes en cours. Il a rappelé le caractère modeste de la contribution française lors de la première guerre du Golfe, en 1990-1991 et a souhaité que le ministère de la défense gère mieux ses stocks de pièces de rechange.

M. Yves Fréville, rapporteur spécial, s'est déclaré « stupéfié par la stupéfaction » de certains de ses collègues devant les taux d'indisponibilité ainsi présentés, soulignant que les taux de disponibilité opérationnelle globale des aéronefs étaient déjà publiés, pour chacune des trois armées, dans les rapports annuels de performances. Son rapport n'avait donc pas pour objet de dénoncer un taux de disponibilité opérationnelle qu'il jugerait insuffisant, celui-ci étant proche de celui observé dans les principaux pays, mais surtout d'examiner, dans une logique d'efficience, la manière dont la tendance à l'augmentation des coûts du MCO pouvait être compensée par des gains de productivité.

Il a déploré le fréquent recours au « cannibalisme », certains aéronefs étant utilisés comme « réservoir » de pièces de rechange. Il a estimé que la faible disponibilité des aéronefs n'était pas sans effet sur le moral des personnels concernés, et que son travail de contrôle confirmait la nécessité de modifier la carte des implantations de l'armée de l'air. Il a jugé nécessaire de réduire le format des armées, comme le proposait le projet de Livre blanc, afin d'éviter les incohérences constatées dans le cas des deux dernières lois de programmation, dont aucune n'avait été respectée.

La commission a donné acte au rapporteur spécial de sa communication, et l'a invité à poursuivre ses travaux de contrôle, eu égard à l'importance des questions évoquées à cette occasion, afin d'en permettre la publication sous la forme d'un rapport d'information, le cas échéant.

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