C. LES OUTILS À DÉVELOPPER POUR FAVORISER LA LIBÉRATION DU FONCIER EN FAVEUR DU LOGEMENT SOCIAL

1. La signature de conventions entre l'Etat et les communes pour favoriser l'engagement de celles-ci

a) L'expérimentation des contrats d'objectifs fonciers (COF) en faveur du logement social à La Réunion

Le département de La Réunion a fait preuve d'innovation dans la politique de mobilisation des communes en faveur du logement social en expérimentant les contrats d'objectifs fonciers (COF), signés entre le préfet et le maire, dont l'objectif est d'inciter les communes à s'engager dans une action foncière volontaire en faveur du logement social . Le principe de ces contrats est que, en échange de la mise à disposition par les communes de terrains permettant d'y construire des logements sociaux, ces communes bénéficient en priorité des crédits de la ligne budgétaire unique (LBU) destinée au logement. Du fait de cet avantage et de l'intérêt pour que peut présenter pour les communes le fait d'afficher une forte implication dans la politique de logement social, cinq COF ont été signés à La Réunion. Selon M. Michel Theuil, secrétaire général de la préfecture de La Réunion, ces efforts doivent être poursuivis puisque la signature de vingt COF serait nécessaire pour pouvoir mettre en place une politique de logement social satisfaisante sur l'île.

Votre rapporteur spécial salue cette expérimentation des COF à La Réunion puisqu'elle permet de dégager des terrains supplémentaires pour le logement social. Il estime que ces conventions devraient être étendues à l'ensemble des collectivités territoriales d'outre-mer et, autant que possible, à toutes les communes où les bailleurs sociaux rencontrent des difficultés à dégager du foncier disponible.

b) Les conventions d'action foncière (CAFO)

Selon les informations recueillies par votre rapporteur spécial, le gouvernement s'est engagé dans la voie de la généralisation de ces contrats entre l'Etat et les communes, destinés à favoriser l'engagement de celles-ci dans une politique foncière plus active.

Dans le cadre des futures conventions d'action foncière (CAFO), les contreparties accordées par l'Etat en échange de l'engagement de la commune à constituer des réserves foncières, à produire du foncier aménagé et à y construire des logements sociaux seront plus larges que celles accordées dans le cadre des COF expérimentés à La Réunion. Les communes devraient ainsi pouvoir obtenir un ensemble de financements garantis : « prise en charge de l'ingénierie financière, Fonds régional d'aménagement foncier et urbain (FRAFU), prime à l'aménagement des quartiers (PAQ), RHI, bonification des subventions au logement social, etc. » 45 ( * ) .

Sur le principe, et dans l'attente du détail de la mise en oeuvre de ces conventions, votre rapporteur est tout à fait favorable à la mise en place de cette politique incitative.

2. Développer l'action des établissements publics fonciers : l'exemple de La Réunion

a) Le fonctionnement de l'établissement public foncier de La Réunion (EPFR)

L'établissement public foncier de La Réunion (EPFR) a été créé le 16 septembre 2002 par arrêté du Préfet de la Réunion modifié par arrêté du 16 août 2004, suite aux délibérations concordantes du conseil régional, du conseil général, de trois communautés d'agglomérations (Communauté Intercommunale Réunion Est - CIREST, Territoire de la Côte Ouest - TCO et Communauté Intercommunale des Villes Solidaires - CIVIS) et de quatre communes. Il regroupe ainsi environ 550.000 habitants sur les 800.000 que compte l'île.

Le financement de l'EFPR 46 ( * ) sur la période 2003-2008 provient :

- d'une part d'une dotation publique initiale de 11,5 millions d'euros, versée à parts égales par l'Etat, le conseil régional et le conseil général,

- d'autre part, des ressources de la taxe spéciale d'équipement qui fournit environ 3 millions d'euros,

- enfin, du produit des rétrocessions de terrains aux repreneurs, soit environ un million d'euros pour la période considérée.

L'EPFR est un établissement public local à caractère industriel et commercial régi par les articles L. 324-1 et suivants du code de l'urbanisme. Son rôle est d'acquérir des propriétés foncières ou immobilières pour le compte de ses membres ou de toute personne publique afin, d'une part, de constituer des réserves foncières et, d'autre part, de réaliser ou de favoriser des opérations d'aménagement . Enfin, l'EPFR participe à la mise en oeuvre des plans d'action foncière qui ont pour fonction, avec un horizon de 15 ans, d'identifier pour chaque commune ou intercommunalité les terrains dont la maîtrise publique s'avère indispensable.

Ainsi, l'EPFR a un rôle important à jouer en matière de logement puisqu'il peut favoriser l'accroissement des ressources foncières de l'île disponibles pour le logement, notamment social. A cette fin, il peut notamment se voir déléguer le droit de préemption urbain dont disposent les communes dans le cadre de la construction de logements sociaux aidés. Cette délégation a pour le moment été mise en oeuvre, à La Réunion, pour une surface urbaine de plus de 500 hectares. L'EPFR peut aussi engager des procédures d'expropriation pour le compte des collectivités territoriales.

Dans ces deux domaines, l'EPFR est un outil qui peut s'avérer efficace, les communes disposant de moindres moyens techniques pour mettre en oeuvre ces opérations .

b) Les réalisations de l'EPFR en matière de logement sont essentielles et doivent être encouragées

Depuis sa création, l'EPFR a ainsi pu procéder « à 83 acquisitions sur une surface totale de 139 hectares pour un montant de près de 19 millions d'euros et concernant 18 communes » 47 ( * ) . La répartition de ces acquisitions montre l'importance de la politique du logement dans ses activités puisque 26 % des acquisitions (en surface) ont concerné des actions de logement et que le même pourcentage a été consacré à la constitution d'une réserve foncière . Cette réserve foncière permet à la fois de disposer de terrains pouvant être mis à disposition des opérateurs lorsqu'ils en ont besoin et de fournir une base financière à l'établissement public, devant lui permettre de financer ses futures opérations par la vente des terrains qu'il détient.

Enfin, l'EPFR poursuit une action plus directe visant à minorer le prix des terrains destinés à la construction de logements sociaux . Ainsi, le conseil général, la CIREST, le TCO et la CIVIS ont signé avec l'EPFR des conventions où ils s'engagent à participer financièrement à l'acquisition de terrains lorsque la commune réalise au moins 60 % de logements aidés. Cette participation financière permet à l'EFPR de réduire d'autant le prix de revente des terrains qu'elle acquiert. L'EPFR s'est par ailleurs engagé à minorer de 10 % le prix des terrains acquis dans un but de construction de logements sociaux à moyen long terme.

Votre rapporteur spécial constate donc que l'EPFR est un outil utile, efficace et nécessaire étant donnée la situation foncière de l'île de La Réunion . Il regrette ainsi vivement que la quatrième communauté d'agglomération de La Réunion, la communauté intercommunale du Nord de La Réunion (Cinor), dans laquelle se situe Saint-Denis, n'ait pas adhéré à l'EPFR, réduisant ainsi d'autant son champ d'action. Il regrette par ailleurs que, malgré la qualité de son intervention, la faiblesse des moyens de l'EPFR a fait qu'il n'a « pu dégager en 2007 qu'une réserve foncière équivalent à une année et demie de production pour un seul OLS réunionnais » 48 ( * ) , comme l'indique le secrétariat d'Etat à l'outre-mer.

En outre-mer, seules La Réunion et la Guyane sont dotées d'établissements publics fonciers, l'établissement public d'aménagement de la Guyane (EPAG) jouant un rôle semblable à celui de l'EPFR. Les agences des 50 pas géométriques, présentes en Martinique et en Guadeloupe, ne sont pas des structures comparables. D'une part, elles n'ont pas vocation à acquérir le foncier et, d'autre part, elles ne sont compétentes que sur une partie du territoire de ces collectivités.

Au vu de l'efficacité de l'EPFR et de la nécessité de mener une politique active pour augmenter la surface des terrains disponibles et en réduire le prix, votre rapporteur spécial souhaite, dans le cadre de la réallocation des crédits destinés aux collectivités territoriales d'outre-mer, que l'Etat s'engage davantage dans le soutien à la politique menée par les établissements publics fonciers en outre-mer , là où ils existent, et dans la création de tels établissements, là où il n'en existe pas encore.

3. Recentrer la défiscalisation sur le logement social

Votre rapporteur spécial a déjà exposé l'intérêt du recentrage de la défiscalisation sur le logement social, notamment pour lutter contre certains effets pervers de la défiscalisation en matière de logement libre et pour répondre aux besoins en logement social.

Il apparaît de surcroît que ce recentrage pourrait favoriser la limitation de l'inflation foncière . En effet, même si l'engagement financier global de l'Etat demeure à un niveau similaire, le fait de limiter voire de supprimer le recours à la défiscalisation sur le logement libre devrait rendre moins aisée la possibilité, pour les investisseurs, de rentabiliser un terrain foncier, quel que soit son prix. En effet, l'augmentation des prix du foncier est encouragée par la défiscalisation appliquée au logement libre puisque celle-ci permet de louer les biens immobiliers à des prix élevés et donc de rentabiliser une opération même si l'acquisition du terrain et la construction de l'immeuble se sont faites à un coût élevé. Le fait de limiter le prix de location des logements défiscalisés pourra donc, dans une certaine mesure, favoriser la limitation de l'inflation foncière.

* 45 Réponse aux questionnaires de votre rapporteur spécial.

* 46 Source : « L'établissement public foncier de La Réunion », janvier 2007, http://www.epf-reunion.com.

* 47 « Quatre ans d'acquisitions foncières », Etablissement public foncier de La Réunion, 2007.

* 48 Réponse aux questionnaires budgétaires.

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