B. L'APRÈS-GUERRE ET LA DÉMOCRATISATION DES SAVOIRS

La croissance des effectifs du baccalauréat connaît une très forte accélération au sortir de la seconde guerre mondiale. En quelques années, le nombre de bacheliers reçus passe ainsi de 28 644 en 1946 à 49 101 en 1959. Loin de ralentir, la démocratisation s'accélère encore au tournant des années 1960, car six ans plus tard, ce nombre a doublé et on compte désormais 105 839 nouveaux bacheliers. En moins de 20 ans, les effectifs annuels de reçus à l'examen ont donc presque quadruplé.

Cette première étape de la démocratisation, particulièrement soudaine, s'explique par les très fortes transformations que connaît alors l'économie française : les besoins en qualification de la France des Trente Glorieuses ne sont plus ceux de la France rurale de l'entre-deux-guerres. Dès 1945, la création du baccalauréat technique en est la meilleure illustration.

Dans ce contexte, le sens même de la culture transmise dans le secondaire supérieur évolue. La réforme du baccalauréat de 1959 en témoigne : elle renforce le coeur disciplinaire de l'examen, en intégrant des disciplines qui jusqu'ici étaient restées largement optionnelles : histoire-géographie, physique-chimie ou sciences de la vie et de la terre. Des humanités modernes, fondées sur la maîtrise d'exercices essentiellement réflexifs, on est en effet passé à une promotion de la culture générale, qui s'exprime par la maîtrise extensive d'un large spectre de savoirs disciplinaires.

« Il faut y ajouter des éléments qualitatifs pour comprendre le changement de logique : toutes ces matières sont à l'écrit (sauf la langue vivante, pour des raisons de pratique), ce qui infléchit leur préparation vers l'accumulation de connaissances, ce que traduit l'essor des mémentos de préparation. La culture générale se définit par l'accumulation de savoirs, listés dans les programmes, qui font la part belle à la mémorisation des données : l'inclusion de l'histoire-géographie et de la physique-chimie, considérées à l'époque comme des matières de la mémorisation, est à cet égard particulièrement significative. Même les contenus des disciplines humanistes subissent cette influence, la philosophie insistant à l'époque sur la démarche d'histoire de la pensée, et le français sur celle d'une histoire de la littérature. » 7 ( * )

La croissance des effectifs de l'enseignement secondaire fait toutefois naître des difficultés de plus en plus redoutables : le quasi-doublement du nombre de candidats rend en effet de plus en plus difficile l'organisation matérielle de l'épreuve, qui a été conçue au moment où le baccalauréat concernait quelques dizaines de milliers d'élèves tout au plus. Le baccalauréat, qui compte toujours deux parties, comprend chaque année deux sessions, l'une en juin, l'autre en septembre, qui comporte chacune un écrit et un oral. Deux parties, deux sessions, deux étapes : les modalités du baccalauréat sont donc particulièrement lourdes et dans un contexte de forte croissance des effectifs, l'organisation du baccalauréat devient un véritable défi. Les examinateurs menaçent même de manquer. Une simplification s'impose : elle va achever de donner naissance au baccalauréat tel que nous le connaissons.

LES CHIFFRES DU BACCALAURÉAT : LES ANNÉES 1960

En 1961 , le cap des 100 000 candidats est franchi pour la première fois, mais il faudra attendre 1966 pour que la barrière des 100 000 reçus le soit à son tour. Dans ce contexte de croissance des effectifs, les taux de réussite varient fortement : 73,5 % en 1960, mais 60,5 % en 1961, l'augmentation du nombre de candidats de 20 % d'une année sur l'autre étant ainsi largement neutralisée par l'effondrement du taux de réussite, qui restera durablement proche des 60 % malgré des variations très fortes.

Source : Christine Vergnolle-Mainar, maître de conférences en géographie, François Grèzes-Rueff, maître de conférences en histoire, IUFM Midi-Pyrénées, communication précitée.

* 7 Christine Vergnolle-Mainar, François Grèzes-Rueff, communication précitée.

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