2. La comparaison avec les autres pays européens

a) La segmentation de l'emploi est générale dans l'Union européenne

Mme Christel Gilles, chargée de mission au département travail, emploi, formation du Centre d'analyse stratégique, est venue présenter à la délégation les principales conclusions d'une étude intitulée « Réduire la segmentation professionnelle selon le genre et accroître les taux d'emploi féminin : à court terme, est-ce compatible ? », fondée sur des comparaisons européennes.

Les constatations du Centre d'analyse stratégique soulignent la stabilité des écarts salariaux entre femmes et hommes dans les pays de l'Union européenne depuis 2000 et une certaine inertie dans le temps de la segmentation professionnelle selon le genre .

Sur la base de tableaux statistiques, la délégation a pu vérifier que le phénomène de segmentation des emplois entre femmes et hommes était général dans l'Union européenne. À ce titre, il convient de souligner la très forte concentration de l'emploi féminin dans le secteur des services , qui représente 84 % de l'emploi des femmes, contre 58 % de celui des hommes. Le secteur public est, par ailleurs, le premier employeur des femmes et regroupe 46 % d'entre elles , contre 20 % de l'emploi masculin. À l'opposé, les activités industrielles sont globalement masculines, 37 % des hommes y étant employés, contre seulement 13 % des femmes.

Partout en Europe, les femmes sont, plus que les hommes, concentrées dans quelques secteurs d'activité. Ainsi, sur 62 secteurs, 6 d'entre eux concentrent 60 % de l'emploi féminin dans l'Union européenne, contre 42 % de l'emploi masculin. Les femmes sont surreprésentées dans certains domaines, comme la santé et l'action sociale (80 %) ou l'éducation et les services à la personne (70 %), tandis qu'elles sont sous-représentées dans la construction (10 %) ou la métallurgie (10 %).

Occupées dans un nombre restreint de secteurs d'activité, les femmes ont par ailleurs des professions moins diverses que les hommes . Sur les 130 catégories professionnelles recensées dans la nomenclature internationale du Bureau international du travail (BIT), les trois premières professions regroupaient en 2005 près du quart des femmes : il s'agit des métiers de vendeuses ( 8 % d'entre elles ) d' aides de ménages ( 7,6 % ) et des membres du personnel soignant ( 6,6 % ). Chez les hommes, cette proportion n'est que d'un peu plus de 15 %, dans les professions de conducteurs de véhicules (5,2 % d'entre eux), d'ouvriers du bâtiment (4,7 %) et, enfin, de dirigeants et gérants de petites entreprises (4,4 %).

Les femmes occupent des professions moins qualifiées que les hommes : 50 % de l'emploi féminin se rattachait à un travail « hautement qualifié ou qualifié » , contre 77 % des métiers des hommes et, en outre, les femmes ne représentaient que 32 % des cadres.

Afin de nuancer ces proportions moyennes, Mme Christel Gilles a décrit, en matière de segmentation du marché du travail selon le genre, la grande variété de situations qui se manifeste dans quinze pays de l'Union européenne, en faisant ressortir que, selon les statistiques, il faudrait réallouer un quart de l'emploi en France pour opérer un rééquilibrage satisfaisant entre femmes et hommes . Elle a également observé que les pays nordiques sont les plus « ségrégués », alors qu'ils affichent les taux d'emploi féminin les plus élevés, à l'inverse des pays méditerranéens. Puis elle a constaté que la segmentation professionnelle selon le genre avait peu évolué entre 2000 et 2005, malgré l'augmentation concomitante des taux d'emploi féminin dans l'ensemble des pays de l'Union européenne.

Tout en étant convaincue qu'il s'agit d'une tendance qui peut être infléchie, notamment grâce à la détermination des femmes, la délégation constate que, comme l'indique Mme Christel Gilles, de nombreux travaux ont mis en évidence que la ségrégation est liée de manière positive à l'emploi des femmes. Le Centre d'analyse stratégique rappelle les deux raisons généralement avancées pour expliquer ce phénomène : en premier lieu, le développement des activités et métiers de services - non-marchands, en particulier dans les pays nordiques - a favorisé l'emploi des femmes. En outre, l'augmentation de l'emploi à temps partiel des femmes serait, dans certaines conditions, un facteur discriminant des professions et des secteurs occupés par les femmes. A cet égard, le Centre d'analyse stratégique souligne que l'augmentation de l'emploi à temps partiel a contribué de manière importante à celle de l'emploi total des femmes, notamment en France, en Allemagne, aux Pays-Bas et en Belgique. Dans l'ensemble de l'Union européenne, une femme sur trois travaille à temps partiel contre un homme sur dix , avec de fortes disparités selon les pays. L'emploi à temps partiel est, en même temps, plus polarisé dans certains secteurs d'activité que l'emploi à temps plein, contribuant de ce fait à la relative inertie de la segmentation par genre : ainsi, en France, 71,5 % de l'emploi à temps partiel se concentrait, en 2005, dans six secteurs d'activité, contre 61,7 % de l'emploi total.

Par ailleurs, l'organisation de l'emploi au sein des couples varie selon les pays : le modèle conjuguant deux emplois à temps plein (qui représente 45 % des cas, en moyenne européenne) est prépondérant au Portugal (67 %), en Finlande (63 %) et en France (52 %) ; le schéma où l'homme est seul à occuper un emploi prédomine en Italie (45 %), en Grèce (44 %) et en Espagne (43 %), où l'emploi des femmes et les taux de fécondité sont faibles ; enfin le modèle de travail à temps plein pour l'homme et partiel pour la femme (19 % en moyenne) est le plus répandu aux Pays-Bas (44 %), au Royaume-Uni (30 %), en Allemagne (28 %) et en Belgique (24 %) et témoigne notamment de l'insuffisance des dispositifs de conciliation entre vie professionnelle et vie familiale, comme les modes de garde des enfants.

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