2. Selon le CEREQ, trois cinquièmes de la ségrégation professionnelle sont imputables à des facteurs éducatifs et deux cinquièmes sont imputables au marché du travail

a) Les explications traditionnelles de la ségrégation

Le CEREQ a rappelé à la délégation les raisons traditionnellement avancées pour expliquer la ségrégation professionnelle, selon lesquelles, dès l'école, les femmes ne suivent pas les mêmes formations et ne se destinent donc pas aux mêmes emplois que les hommes.

Au niveau de l'enseignement scolaire, au lycée, on compte plus de 82 % de filles en section littéraire (L) et près de 66 % en section tertiaire (STT), alors qu'en revanche, les garçons monopolisent les sections industrielles, dans une proportion de 92 %, et restent majoritaires, à 56 %, dans les sections scientifiques. En outre, dans les formations professionnelles courtes, plus de 85 % des effectifs féminins sont regroupés dans quatre spécialités tertiaires : le secrétariat, la comptabilité, le commerce et la santé.

S'agissant de l'enseignement supérieur, si, depuis une quarantaine d'années, les filles ont diversifié leurs orientations au profit du droit, de l'économie et de la médecine, elles ont néanmoins continué à renforcer leur présence dans les disciplines littéraires et restent minoritaires en sciences. En outre, les grandes écoles de commerce sont devenues assez largement mixtes, avec 46 % de femmes, alors que celles d'ingénieurs demeurent un « bastion masculin », avec seulement 23 % de femmes. Mme Catherine Marry a précisé qu'à cet égard, le facteur explicatif majeur était culturel plus que financier, les parents diplômés attachant une importance toute particulière à la poursuite d'études supérieures par leurs enfants. Elle a cependant souligné que les filles étaient en général moins favorisées que les garçons lorsque les parents devaient consentir à un sacrifice financier pour permettre l'accès de leurs enfants à l'enseignement professionnel ou supérieur.

b) Les composantes de la ségrégation

Au delà de ce constat, l'apport des travaux du CEREQ réside dans une méthode de calcul analysant la ségrégation professionnelle comme le fruit d'un processus en deux étapes , pour parvenir à isoler, dans chaque profession, deux composantes, l'une d'origine éducative , « héritée » de l'école, et l'autre post-éducative, c'est-à-dire construite sur le marché du travail .

Exemples de l'hétérogénéité des professions au regard de la ségrégation professionnelle (en pourcentage)

Groupes professionnels

Part des femmes

Ségrégation professionnelle observée

dont : ségrégation professionnelle d'origine éducative

dont : ségrégation professionnelle liée au marché du travail

I. Groupes professionnels masculins avec ségrégations d'origine éducative
et liée au marché du travail

Ouvriers qualifiés en métallurgie ou mécanique

5,0

- 40,3

-26,6

-13,7

Ingénieurs (sauf informatique, chimie)

10,9

-34,4

-21,9

-12,5

II. Groupes professionnels masculins avec ségrégation
principalement liée au marché du travail

Chauffeurs et ouvriers qualifiés du secteur des transports

5,5

- 39,8

- 11,7

- 28,1

Police, armée, gendarmerie (Cadres et professions intermédiaires.)

9,5

- 35,7

- 5,5

- 30,2

III. Groupes professionnels mixtes où les deux origines de la ségrégation sont faibles

Professions intermédiaires commerciales

42,3

- 3,0

1,2

- 4,2

Cadres de gestion

41,2

- 4,1

3,9

- 8,0

IV. Groupes professionnels féminins avec ségrégations
d'origine éducative et liée au marché du travail

Coiffeurs, esthéticiens

85,2

39,9

26,4

13,5

Infirmiers

83,0

37,7

35,4

2,3

V. Groupes professionnels féminins avec ségrégation
principalement liée au marché du travail

Employés de maison

96,0

50,7

10,6

40,1

Vendeurs alimentation

83,3

38,0

11,5

26,5

Source : CEREQ

Prolongeant cette évaluation générale par quelques exemples démontrant l'hétérogénéité des professions au regard de la ségrégation, les chercheurs du CEREQ ont évoqué la forte prépondérance masculine, qui pourrait s'expliquer par la ségrégation éducative antérieure, dans de nombreux emplois industriels : telle serait ainsi l'explication de la proportion de 5 % de femmes dans les postes d'ouvriers qualifiés de la métallurgie ou de la mécanique, et de 10,9 % parmi les ingénieurs. Dans d'autres professions à dominante masculine, comme celles qui se rattachent au domaine de la sécurité,  les mécanismes de ségrégation semblent essentiellement prendre corps sur le marché du travail, à l'instar des professions associées à une image masculine et peu ancrées dans un cursus de formation initiale : on ne compte ainsi que 9,5 % de femmes dans l'armée et la police.

En revanche, le CEREQ a mis en évidence une surreprésentation des femmes, qui peut être rattachée principalement à leur orientation scolaire , dans les professions tertiaires réglementées du secteur médical ou paramédical (83 % de femmes dans la profession d'infirmier, par exemple), ainsi que dans la banque ou l'assurance. À l'inverse, cette surreprésentation peut ne dépendre pour l'essentiel que de comportements sur le marché du travail , à l'instar des cas observés parmi les employés de la fonction publique ou du secteur des services à la personne (96 % des employés de maison sont des femmes).

Selon le CEREQ, 40 % des emplois expliqueraient à eux seuls les deux tiers de la ségrégation professionnelle d'origine éducative , tandis que seul un tiers des emplois présenterait un caractère « mixte », les deux origines de la ségrégation étant faibles dans ces emplois.

Globalement, M. Thomas Couppié, chargé d'études au département des entrées dans la vie active du CEREQ, a indiqué à la délégation que trois cinquièmes de la ségrégation professionnelle, qui avoisine 25 % en France, pouvaient être imputés à des facteurs éducatifs, les deux autres cinquièmes se rattachant à une ségrégation supplémentaire qui prend corps sur le marché du travail.

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