c) De fortes contraintes de production
(1) Des contraintes réglementaires en hausse, une productivité de la recherche en baisse

Comme le note Mme Nelly Weinmann, les contraintes réglementaires auxquelles sont soumises les industries pharmaceutiques se renforcent, qu'ils s'agisse de celles pesant sur les essais cliniques comme de celles entourant la commercialisation des produits. Ce renforcement des contraintes réglementaires, qui résulte en particulier d'un accroissement des contrôles en matière de sécurité sanitaire, se traduit notamment par un renchérissement du coût de la recherche-développement.

Les essais cliniques

Selon la définition de l'article L. 1121-1 du code de la santé publique, un essai clinique (ou recherche biomédicale) est une recherche organisée et pratiquée sur l'être humain en vue du développement des connaissances biologiques ou médicales . Un essai clinique mené sur un médicament a ainsi pour objectif d'étudier son efficacité et la tolérance d'un nouveau médicament ou d'une nouvelle façon d'utiliser un traitement connu.

Les essais cliniques, qui ne peuvent être conduits que sur des personnes volontaires , qu'elles soient saines ou malades, sont encadrés par les dispositions du titre II du livre premier de la première partie du code de la santé publique. L'article L. 1121-3 précise notamment que les recherches biomédicales portant sur des médicaments sont réalisées dans le respect des règles de bonnes pratiques fixés par décision de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS).

Dans ce cadre général, les essais cliniques comprennent quatre phases :

? phase I : ces essais portent sur un nombre limité de volontaires sains , sous strict contrôle médical. La molécule est testée sur une courte période, l'objectif étant d'évaluer la sécurité d'emploi du produit, son devenir dans l'organisme, son seuil de tolérance ainsi que les effets indésirables. Cette phase comprend donc des études de tolérance et de pharmacocinétique.

? phase II : ces essais sont réalisés sur un groupe homogène de patients . Leur objectif est de tester l'efficacité du produit et de déterminer la posologie optimale. Des études d'interaction médicamenteuses et de pharmacocinétique peuvent également être menées.

? phase III : les essais conduits lors de cette phase, en général dans plusieurs centres d'études, portent sur une plus large population de patients et visent à comparer l'efficacité thérapeutique de la molécule au traitement de référence (lorsque celui-ci existe) ou bien à un placebo (lorsque aucune thérapie n'existe). Ces essais sont généralement menés suivant une procédure de « double aveugle », afin d'écarter tout préjugé ou jugement faussé du patient ou du médecin sur l'efficacité du traitement ou ses effets indésirables.

A l'issue de cette phase, les études menées doivent avoir permis d'évaluer le rapport bénéfice/risque du produit . C'est alors qu'est constitué un dossier de demande d'autorisation de mise sur le marché (AMM) auprès de l'AFSSAPS.

Une fois cette AMM obtenue, le produit peut être commercialisé mais ceci n'entraîne pas la fin des essais cliniques, qui se poursuivent ainsi au cours de la « phase IV ».

? phase IV : ces essais, réalisés dans les conditions habituelles d'emploi de la molécule, doivent permettre d'affiner la connaissance du médicament et, notamment, d'identifier d'éventuels effets indésirables rares non détectés durant les phases précédentes (pharmacovigilance) et de préciser les conditions d'utilisation du produit. Cette phase d'essais favorise également la mise au point de nouvelles formes galéniques.

Source : les développements qui précèdent s'appuient, outre sur les textes législatifs eux-mêmes, sur les analyses de l'AFSSAPS et de différents laboratoires. Les « frontières » entre les différentes phases d'essais cliniques pouvant varier suivant l'analyse considérée, votre rapporteur spécial a choisi, lorsque c'était nécessaire, de retenir le découpage proposé par le LEEM

On estime ainsi, en 2007, à un milliard d'euros les coûts de développement d'une nouvelle molécule et à 12 ou 13 ans, en moyenne, le temps nécessaire pour amener une nouvelle molécule sur le marché 51 ( * ) .

Or, l'un des autres traits marquants du contexte dans lequel évolue l'industrie pharmaceutique est celui de l'érosion de la productivité de la recherche.

Ainsi que le note une étude de PricewaterhouseCoopers 52 ( * ) , « en 2006, les dépenses de R&D biopharmaceutiques ont atteint en Amérique du Nord le montant record de 55,2 milliards d'USD (les États-Unis représentant les trois-quarts de ce montant). Les sociétés qui participent au groupement PhRMA (« Pharmaceutical Research and Manufacturers of America ») ont ainsi dépensé environ 43 milliards d'USD tandis que les sociétés ne participant pas à ce groupement ont dépensé 12,2 milliards d'USD. Mais la Food and Drug Administration (la « FDA », l'autorité de réglementation des produits pharmaceutiques aux États-Unis) n'a approuvé que 22 nouvelles entités moléculaires (ou « NMEs », New Molecular Entities) et biologiques, très loin des 53 approuvées en 1996 lorsque les dépenses de R&D étaient inférieures à la moitié de ce qu'elles sont aujourd'hui. Même en tenant compte de l'inflation, l'industrie dépense actuellement deux fois plus en R&D qu'elle ne le faisait il y a dix ans, et malgré cela ne produit que 2/5 e des médicaments nouveaux qu'elle produisait alors ».

Une étude menée par Euler Hermès SFAC 53 ( * ) montre également que les dépenses de R&D cumulées menées au Japon, aux Etats-Unis et au sein de l'Union européenne sont passées d'un peu plus de 25 milliards d'euros en 1995 à environ 60 milliards d'euros en 2008 (prévision), alors que, dans le même temps le nombre de nouvelles molécules lancées dans le monde a fortement diminué (41 en 1995, 25 en 2007 54 ( * ) ). Selon cette étude, « les laboratoires auraient dû doubler leurs budgets de R&D sur la période 1995-2005 pour lancer le même nombre de molécules innovantes qu'en 1995 ».

La fédération européenne des industries pharmaceutiques (EFPIA 55 ( * ) ) relève, de son côté, que le déclin en matière d'innovation bio-pharmaceutique a plusieurs causes : les défis scientifiques sont de plus en plus complexes, les coûts de R&D sont plus élevés qu'auparavant, les contraintes réglementaires plus fortes ralentissent l'approbation de mise sur le marché de nouveaux produits ainsi que la pression à la baisse exercée sur les prix ne créent pas un contexte propice à l'innovation. C'est la raison pour laquelle l'industrie appelle à la mise en oeuvre d'un « partenariat public-privé » en ce domaine, qui vient de se concrétiser au niveau communautaire.

L'Union européenne a ainsi lancé l' initiative pour les médicaments innovants (IMI), qui se traduit par un financement à parité de programmes de recherche - un milliard d'euros provenant de l'Union européenne et un milliard d'euros provenant de l'industrie pharmaceutique sur la période 2008-2013. Au cours de l'année 2008, 123 millions d'euros devraient ainsi être consacrés au financement de projets de recherche prometteurs dans les domaines des troubles cérébraux, des maladies métaboliques et des maladies inflammatoires.

* 51 Source : Initiative pour les médicaments innovants.

* 52 « Pharma 2020 : la vision. Quelle voie prendrez-vous ? », juin 2007.

* 53 Philippe Brossard, Michel Pattus, Laïka Keller, Yann Lacroix et Marc Livinec, « La pharmacie mondiale menacée par la déflation ? », Euler Hermès SFAC.

* 54 Source: EFPIA, « The Pharmaceutical Industry in Figures », 2008 Edition.

* 55 European Federation of Pharmaceutical Industries and Associations.

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