2. Une taxation de l'industrie pharmaceutique souvent utilisée pour ajuster les recettes à court terme

Outre le manque de cohérence des instruments fiscaux et réglementaires mis en place dans le secteur du médicament, il semble que la taxation spécifique des entreprises pharmaceutiques ait également trop souvent été utilisée comme variable d'ajustement budgétaire .

C'est ce que notaient MM. Philippe Aghion et Elie Cohen dans leur contribution au rapport du conseil d'analyse économique sur les atouts de la France dans la mondialisation 78 ( * ) . Les auteurs de ce rapport indiquaient en effet que « la nécessité de trouver des ressources additionnelles au moment du bouclage du projet de loi de financement pour la sécurité sociale (PLFSS) a conduit dans les années récentes à user et abuser de mesures fiscales spécifiques désincitatives pour l'industrie du médicament ».

La direction de la sécurité sociale ne nie pas ce constant et a ainsi indiqué à votre rapporteur spécial que « les mesures de régulation à effet immédiat les moins politiquement difficiles sont toujours sur le médicament. Pour l'hôpital où des économies sont effectivement nécessaires, la durée est nettement plus longue » ; « la demande légitime de visibilité de l'industrie ne pourrait être totalement satisfaite qu'avec un équilibre des comptes de l'assurance maladie » 79 ( * ) . Ce constat simple, voire simpliste, n'est cependant pas sans poser de difficultés.

Les quatre industriels - Astra-Zeneca, Amgen, Abbott et GlaxoSmithKline (GSK) -, dont votre rapporteur spécial a recueilli le témoignage, insistent en particulier sur deux éléments : d'une part, le poids croissant des taxes spécifiques sur le médicament, sans lien avec l'évolution du chiffre d'affaires du secteur ; d'autre part, l'empilement et l'instabilité des dispositifs .

a) Un système de taxation qui pèse sur les entreprises du médicament et manque de lisibilité
(1) Un niveau de taxation sans lien avec l'évolution du chiffre d'affaires du secteur

En 2006, selon les données transmises à votre rapporteur spécial par la direction de la législation fiscale du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, le montant total des impôts, taxes et redevances touchant l'industrie pharmaceutique - contributions spécifiques au secteur et impôts de droit commun hors grossistes-répartiteurs - s'est élevé à 2,07 milliards d'euros , soit environ 8,5 % du chiffre d'affaires du marché du médicament en 2006 80 ( * ) .

Au sein de la taxation globale, les contributions spécifiques dues par les entreprises du médicament - hors grossistes-répartiteurs - 81 ( * ) représentaient, en 2006, 681 millions d'euros, auxquels il convient d'ajouter 150 millions d'euros versés par les laboratoires au titre des remises conventionnelles 82 ( * ) , soit un montant total de 831 millions d'euros . Rapporté au chiffre d'affaires du marché du médicament en 2006, la taxation spécifique au secteur du médicament représentait ainsi, en 2006, un peu plus de 3,4 % .

Or, selon les représentants du LEEM auditionnés par votre rapporteur spécial, « [ce] système de taxation spécifique de l'industrie pharmaceutique - caractéristique propre à la France - contrarie l'amélioration des marges des entreprises et nuit à l'attractivité du territoire national pour les investissements étrangers en production et en recherche et développement ».

Le LEEM a ainsi indiqué à votre rapporteur spécial que la rentabilité moyenne après impôt de l'industrie pharmaceutique aux Etats-Unis dépasse 15 % du chiffre d'affaires global du secteur, alors qu'en France elle oscille, depuis dix ans, autour de 5 %. Elle serait proche de 15 % au Royaume-Uni et de 10 % au Japon. Ces données doivent toutefois être interprétées avec précaution.

Les résultats de l'industrie pharmaceutique opérant en France

Source : service des études et statistiques industriels (SESSI) (données citées par le LEEM)

Le niveau de taxation des entreprises du médicament ne serait, par ailleurs, pas lié à la croissance de leur chiffre d'affaires. C'est ce qu'ont indiqué en particulier les laboratoires Abbott et Astra-Zeneca dans leurs témoignages transmis à l'agence française pour les investissements internationaux (AFII).

Le poids de la taxation spécifique dans le chiffre d'affaires des entreprises du médicament : l'exemple de la société Abbott et de la société Astra-Zenecca

* Témoignage de l'entreprise Abbott

« Sur le dernier exercice, la croissance en volume du chiffre d'affaires « médicament » de notre entreprise a été amputée de 43 % : pour une croissance en volume de 100, le solde après remises n'est plus que de 57. [...]

En termes de progression par rapport à 2005, le montant des taxes a évolué de 235 % en 2006 et devrait se situer à 300 % en 2007. Une évolution à très grande vitesse par rapport à celle du chiffre d'affaires pharmaceutique visé : 4 % en 2006 et 14 % prévus en 2007 (lancement d'un produit majeur) ».

* Témoignage de l'entreprise Astra-Zeneca

« Le niveau de taxation des firmes n'est pas lié à leur croissance mais au niveau du déficit de la sécurité sociale. Astra-Zeneca a vu son chiffre d'affaires baisser (- 1 % à - 2 %) en 2004 et 2005 et ses taxes augmenter : 61 millions d'euros en 2005 (+ 42 %) [contre] 43 millions d'euros en 2004 et 41 millions d'euros en 2003 ».

Source : témoignages recueillis par l'agence française pour les investissements internationaux (AFII)

Interrogée sur ce point par votre rapporteur spécial, la direction de la sécurité sociale a relativisé l'impact du poids de la taxation spécifique des entreprises du médicament sur leur rentabilité.

Tout d'abord, l'évolution de ces taxes aurait quasiment suivi le même dynamisme que la croissance des dépenses de médicaments .

Ensuite, la direction de la sécurité sociale souligne que les marges des industries du médicament se sont érodées dans tous les pays du monde et non seulement en France.

Enfin, pour la direction de la sécurité sociale, il convient de replacer la question du poids de la taxation spécifique des entreprises du médicament dans le contexte plus large de la « situation fiscale globalement défavorable [ de la France ] du fait de la persistance d'importants déficits publics ». La France compte, en effet, parmi les pays où le poids des prélèvements obligatoires est parmi les plus élevés du monde.

Votre rapporteur spécial note néanmoins le caractère difficilement vérifiable de l'ensemble de ces données.

* 78 Conseil d'analyse économique (CAE), « Mondialisation : les atouts de la France », août 2007.

* 79 Réponse de M. Dominique Libault, directeur de la sécurité sociale au questionnaire de votre rapporteur spécial.

* 80 Le chiffre d'affaires du marché du médicament réalisé en France en 2006 est évalué à 24,35 milliards d'euros par le LEEM.

* 81 Contribution à la charge des laboratoires non conventionnés (clause de sauvegarde), contribution sur les dépenses de publicité, contribution sur le chiffre d'affaires, contribution sur la promotion des dispositifs médicaux et contribution annuelle sur les ventes directes.

* 82 Données transmises par la direction de la sécurité sociale.

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