II. LA POLITIQUE DE RAYONNEMENT CULTUREL : UN IMPACT À LA FOIS RÉEL ET INCERTAIN

La place de la culture française à l'étranger est difficile à appréhender, et ne saurait se résumer à des indicateurs. Mais la contribution des administrations à l'étranger au rayonnement culturel apparaît elle incertaine, faute d'indicateurs de performance, qui pourrait mesurer la qualité de l'action administrative.

Ainsi, la France peut être fière de l'investissement réalisé pour son réseau culturel à l'étranger. Peut-elle l'être aussi en ce qui concerne ses résultats ?

A. LA CULTURE FRANÇAISE À L'ÉTRANGER, ENTRE FIERTÉ ET MODESTIE

Au sein de la balance commerciale française, et avec toutes les réserves méthodologiques qui s'imposent quant aux éléments pris en compte, le poste « culture » est désormais déficitaire. La France est importatrice nette en matière culturelle. Cette situation correspond à une réalité qui peut apparaît comme positive : la très grande ouverture de notre pays, et du public français, aux cultures qui viennent d'ailleurs . Ceci permet à la France d'être un important carrefour culturel, et un des pays qui font le meilleur accueil aux créateurs étrangers, d'où qu'ils viennent. C'est ainsi que peut vivre notamment la belle idée de « diversité culturelle ».

Evolution de la balance des paiements - Poste « services culturels et récréatifs »

(en millions d'euros)

Source : Banque de France

L'accueil des créateurs français à l'étranger est, lui, plus inégal. Leur place est moins centrale qu'auparavant, sans être, selon les pays, négligeable. Néanmoins, même si cette évolution est tempérée par le lent renouvellement des générations, la position de la France en termes de langue et de culture s'affaiblit peu à peu.

1. La vitalité culturelle française : « dans le creux de la vague » ?

En évoquant les résultats du réseau culturel à l'étranger, votre rapporteur spécial souhaite souligner le décalage entre une administration de la culture à l'étranger importante, et une réalité de notre rayonnement qui apparaît plus modeste . Contrairement à ce qu'ont pu plaider certains diplomates auprès de votre rapporteur spécial, la France n'est pas « une puissance économique moyenne, mais une hyperpuissance culturelle ». L'intérêt que suscite toujours la création française en France, et l'importance du soutien public dans ce domaine, doivent permettre de mieux faire.

A l'étranger, les manifestations à caractère patrimonial , mettant par exemple en exergue aux Etats-Unis l'école de Barbizon (National Gallery), ou au Japon, à Tokyo (musée Mauri), Le Corbusier, rencontrent toujours un important succès. L'exposition « 4 siècles de peinture française » auraient reçu 350.000 visiteurs à Budapest et 80.000 à Bucarest. Mais la réalité est beaucoup plus difficile pour la création contemporaine.

Assurément, il est difficile de réduire le rayonnement culturel à quelques indicateurs, d'autant que ceux-ci se concentrent le plus souvent sur un nombre limité de pays, lorsqu'ils ne se réduisent pas à s'intéresser uniquement à la place de la culture française aux Etats-Unis. Or, dans ce pays, qui est un « pays-monde », la place des cultures étrangères, quelles qu'elles soient, est des plus réduites, que l'on pense au cinéma ou au livre par exemple, et ne saurait donc résumer, à elle seule, la place de la France dans le monde.

Par ailleurs, la situation de la culture française dans le monde ne se différencie pas fondamentalement de celle des autres cultures, en particulier européennes. Le rayonnement culturel français n'a rien à envier au rayonnement culturel allemand ou italien. Si l'on met à part la puissance dominante américaine, il est aujourd'hui difficile de dire ce qu'est le rayonnement culturel d'une nation, d'autant que les créateurs s'inscrivent parfois dans une culture mondialisée, plutôt que dans une culture à proprement parler nationale.

Pour autant, les chiffres permettent à la fois de reconnaître la vitalité culturelle française, tout en invitant à la modestie. Sa place dans le monde est moins grande qu'on ne le dit souvent, mais plus forte que certains ne l'imaginent.

Ainsi, comme le souligne Unifrance, le cinéma français constitue « la première cinématographie mondiale en termes de marché à l'export » après la cinématographie américaine, mais en chiffres, il représente au Royaume-Uni une part de marché de 1,8 % en 2007, contre 67 % pour le cinéma américain et 28,5 % pour le cinéma britannique, ou en Italie une part de marché de 2,9 %, contre 55 % pour les Etats-Unis. Aux Etats-Unis, les films français représentent bien 50 % des films étrangers, mais ces derniers occupaient en 2006 2 % du marché.

Le chiffre d'affaires à l'export de la musique française progresse : 169,5 millions d'euros en 2007, soit 21 % du chiffre d'affaires global de l'industrie musicale. L'export constitue un véritable relais de croissance pour cette industrie musicale, en termes de vente de disques, mais aussi grâce à l'organisation de tournées qu'il induit. Pour autant, la part de marché de la musique française sur le marché mondial de la musique reste infinitésimale.

Il existe un contraste très important entre l'ouverture internationale de la scène artistique française, comme en témoigne encore, par exemple, l'accueil de Jeff Koons au Château de Versailles, et la faible présence des artistes français à l'étranger 16 ( * ) . Ainsi, entre 2001 à 2005, aucun artiste français contemporain n'a bénéficié d'une exposition monographique au MOMA de New York, à la Tate Modern de Londres, au Stedeljik Museum d'Amsterdam ou à la Hamburger Bahnhof de Berlin , sur la quinzaine d'expositions monographiques en moyenne dédiées à des artistes contemporains non nationaux par chacune de ces institutions. S'agissant des collections permanentes, on peut constater qu'en 2005, la Tate Modern n'exposait qu'un seul artiste de la scène française contemporaine, tandis que le Centre Reina Sofia n'en exposait que deux, parmi la cinquantaine (Tate Modern) ou la trentaine (Reina Sofia) d'artistes contemporains non nationaux exposés dans leurs collections permanentes.

Les indicateurs disponibles issus du Kunst Kompass, avec toutes les limites d'une analyse uniquement consacrée aux ventes des artistes sur le marché international de l'art, montrent des résultats équivalents : le nombre des artistes français classés au sein des 100 premiers artistes du « marché » diminue encore entre 2000 et 2006, passant de 5 à 4 artistes.

Quant au livre français, qu'il soit exporté en langue française ou traduit, les chiffres manquent pour appréhender son rayonnement actuel. Peu d'éditeurs, y compris ceux de petite taille, négligent les cessions de droits étrangers : ceci démontre l'importance que revêt pour eux leur activité internationale. Mais pour les ventes de livres en français, elles se détériorent dans la plupart des principaux pays non francophones : - 31,4 % en 2006 au Royaume-Uni, - 18,3 % en Espagne cette même année ou - 11 % en Finlande. Ceci souligne la nécessité, évidemment, de développer dans un monde de moins en moins francophone une politique plus vigoureuse d'extraduction (traduction du français vers une langue étrangère). En 2006, le nombre de cessions de droits vers l'étranger (de l'ordre de 6.600 contrats) représentait six fois le nombre d'acquisitions de droits des éditeurs étrangers (de l'ordre de 1.100 contrats).

* 16 « La participation de la France au dialogue artistique international. Quelques données commentées sur l'accueil en France des artistes étrangers et la présence à l'étranger des artistes français ». Etude réalisée par M. Alain Lombard, chargé de mission, assisté de Mme Marika Prevosto à la demande de M. Olivier Kaeppelin, délégué aux arts plastiques. Février 2007.

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