3. Promouvoir un modèle de développement durable : un message fort que porte notre cuisine française

Plusieurs personnalités, et notamment M. Jean Musitelli, ont souligné l'importance pour la France de porter, dans le cadre de la candidature à l'UNESCO, un message « généreux », dépassant ses frontières et s'inscrivant, en particulier, dans un projet de coopération solidaire Nord-Sud . Notre cuisine française a, depuis longtemps, un potentiel pour porter un tel message, par la promotion à la fois d'un modèle d'agriculture respectueuse du produit et d'un dialogue interculturel entre les peuples du monde.

a) Le respect de l'authenticité du produit

L'ensemble des interlocuteurs entendus par votre rapporteur ont souligné qu'il n'était pas de bonne cuisine sans de bons produits, inscrivant ainsi celle-ci dans une chaîne qui va du producteur au consommateur.

Le rappel de ces valeurs d'authenticité et de respect du produit est un message fort dont les « ambassadeurs » de notre gastronomie se font volontiers les porte-parole. Au-delà de la sensibilisation du « consommateur », cette sélection rigoureuse des produits, conduit à favoriser et promouvoir une agriculture respectueuse de l'environnement .

Cet objectif est d'ailleurs l'un des leitmotivs de l'association Slow Food, créée en 1986 en Italie et devenue internationale en 1989 : comme le souligne son fondateur, M. Carlo Petrini, le lien qu'établit ce mouvement entre plaisir du goût, sauvegarde de la biodiversité et valorisation des producteurs locaux permet de « stopper la schizophrénie du gastronome, celui qui parle de son propre plaisir dans un monde qui meurt de faim » .

Votre rapporteur a relevé un certain nombre d'initiatives qui constituent des pistes qu'il serait intéressant d'approfondir et de mettre en avant dans le cadre du projet de candidature auprès de l'UNESCO :

- le concept de produits « sentinelles » , développé en 1999 par Slow Food 11 ( * ) , permet d'identifier, région par région, des produits en voie d'extinction (comme par exemple, en France, la volaille Coucou de Rennes ou le navet noir de Pardailhan dans l'Hérault) et de mettre en place des actions destinées à les promouvoir auprès des consommateurs, commerçants et restaurateurs ; l'objectif est double : soutenir de façon concrète les producteurs artisanaux et garantir la pérennité de produits traditionnels menacés en les sortant de l'oubli ; chacun de ces produits renvoie en effet à des siècles de savoir-faire et de créativité que le programme cherche ainsi à préserver ;

- la promotion d'une agriculture de proximité : cet enjeu a été souligné à plusieurs reprises ; il répond à la fois à un objectif d'aménagement du territoire et au souci de développer une production agroalimentaire de qualité, respectueuse des terroirs et du rythme des saisons ; M. Jacques Puisais a évoqué l'idée d'auberges qui s'approvisionneraient de ces productions locales pour assurer un lien entre ces producteurs et les consommateurs ;

- favoriser, enfin, les produits issus du commerce équitable ...

Ce message a un impact qui dépasse nos frontières : en effet, comme l'a rappelé la Banque Mondiale, c'est par le maintien et le développement d'une agriculture vivrière dans les pays en développement que l'on parviendra à répondre au défi alimentaire et à nourrir la planète.

Notons, enfin, que la France a mis en place un certain nombre de systèmes de protection qui lui ont permis de sauvegarder des savoir-faire et de conserver une exigence de qualité et d'authenticité des produits : le label « pain de tradition française », qui a, selon M. Éric Kayser, permis de « sauver la profession », ou encore le label AOC « Appellation d'origine contrôlée ».

Comme l'a indiqué M. Stéphane Blohorn, président de la Maison Androuët, ces systèmes de protection sont sans doute à renforcer, afin de veiller à limiter l'influence des groupes industriels sur l'identité des productions fromagères artisanales 12 ( * ) .

b) Un élément du dialogue interculturel et des échanges entre les peuples

Comme cela a été souligné dans la première partie du présent rapport, la cuisine française s'est toujours enrichie dans les échanges, elle a « sublimé » ses apports extérieurs, tout autant qu'elle a essaimé de par le monde ; elle est, comme la plupart des cuisines, le produit d'un métissage sans cesse renouvelé. Les cultures culinaires sont ainsi un pont privilégié entre les peuples, un élément essentiel du dialogue des civilisations et de l'expression de la diversité des identités culturelles .

Les nombreux projets tournés vers l'extérieur qui lui ont été présentés au cours de ses auditions ont convaincu votre rapporteur que la cuisine est un formidable levier pour développer les échanges entre les peuples, dans le respect des identités locales : ainsi, nos boulangers contribuent, par leur savoir-faire « de tradition française », à redonner vie aux pains locaux et à valoriser les produits présents dans les pays où ils s'implantent.

Il convient de veiller à soutenir mais aussi à faire connaître ces projets qui s'inscrivent pleinement dans la promotion du dialogue interculturel et peuvent apporter une valeur ajoutée à nos projets de coopération .

C'est en effet en s'appuyant sur cette « ouverture à l'universel et au métissage des cultures » que les « grands chefs Relais et Châteaux », réunissant des cuisiniers de plusieurs nationalités, ont apporté, en mai dernier, leur soutien à la candidature française auprès de l'UNESCO 13 ( * ) .

Les arts culinaires font partie du patrimoine culturel de la France.

Le projet d'inscription à l'UNESCO présente l'immense intérêt de le réaffirmer, et, dans le même temps, attire l'attention sur ce secteur capital pour l'attractivité de nos territoires et le rayonnement de notre pays de par le monde, qui occupe une place à part dans le coeur des Français. Ce projet offre l'opportunité, en outre, de mettre en avant le savoir-faire exceptionnel d'hommes et de femmes animés par la passion et l'amour du métier, qui incarnent et font vivre, au quotidien, cet élément essentiel de notre patrimoine.

Votre rapporteur souhaite que cet éclairage et les propositions qui précèdent puissent être utiles à la Mission chargée de préparer le dossier de candidature, et contribuent, au-delà, à ce que les Français s'approprient la démarche, convaincus de l'importance, pour les générations futures et la vitalité culturelle de notre pays, des enjeux auxquels elle renvoie.

* 11 Voir le compte-rendu de l'audition de M. Jean Lhéritier, président de Slow Food France.

* 12 Voir le compte-rendu de l'audition et la contribution sur « le fromage : pilier de la gastronomie française », en annexe.

* 13 Voir l'« Appel de Séville » des Grands chefs Relais et Châteaux, en annexe.

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