3. ... mais plus forte que dans les systèmes non universels, par capitalisation

Même si la redistributivité du système de retraite français ne ressort pas comme particulièrement forte, il y a tout lieu de penser qu'elle est beaucoup plus effective que si le système de retraite était moins universel.

a) La capitalisation : un système théoriquement anti-redistributif

Dans les systèmes de retraite ménageant une large place aux choix individuels , sauf dispositions particulières d'effets contraires, il n'y a pas de redistribution verticale intra-générationnelle . Le choix de tels systèmes a, au contraire, presque systématiquement des incidences anti-redistributives .

L'anti-redistributivité provient alors des effets asymétriques de la liberté de choix conférée aux agents. Dans les systèmes non universels, l'État ne joue pas son rôle tutélaire et cet abandon, combiné à des capacités financières fortement différenciées de se garantir contre un risque futur, paraît s'accompagner d'une plus forte dispersion des revenus à l'âge de la retraite qu'au cours des périodes d'activité.

La question abordée ici est un peu différente 106 ( * ) : elle est celle de savoir si des régimes par capitalisation ne comportent pas, en soi, moins de redistribution que les régimes par répartition.

Dans les systèmes de retraite par capitalisation , l'absence de redistribution vient de ce que les droits sont proportionnels aux versements aux fonds. Ce lien de proportionnalité peut aussi se retrouver dans les régimes de retraite par répartition . Mais, dans ces régimes, il est plus facile d'introduire de la redistributivité . Dans les systèmes par répartition, les droits de retraite sont définis par des dispositions juridiques alors que dans les régimes de capitalisation, la constitution substantielle de droits de propriété est nécessaire. La redistributivité verticale implique alors, ou des subventions aux personnes de revenus relativement modestes destinées à les aider à cotiser, ou la définition de droits de propriété inégalitaires, préférentiels, au profit de ces mêmes catégories. Dans les faits, de telles dispositions sont très difficiles à mettre en oeuvre.

Du coup, la redistributivité est quasi-inexistante dans les régimes par capitalisation .

En pratique , ces régimes s'accompagnent d' une anti-redistributivité marquée pour des raisons assez faciles à prévoir.

En premier lieu, même si ce problème concerne aussi les régimes par répartition, les interruptions de carrière plus fréquentes pour les revenus les plus modestes, ont un impact particulièrement fort dans des régimes où le versement effectif et continu de contributions est une condition forte pour bénéficier des prestations . En bref, plus que dans les systèmes par répartition, la couverture des personnes est inégale au détriment des plus précaires.

Par ailleurs, les systèmes par capitalisation prévoient souvent un ajustement volontaire des contributions . Or, comme celles-ci sont représentatives d'une allocation de l' épargne individuelle à la couverture du risque viager et que les capacités d'épargne se réduisent à mesure que le revenu diminue , la distribution des droits individuels dans le cadre des fonds accentue les inégalités de revenu.

Enfin, les régimes par capitalisation s'accompagnent souvent d' avantages fiscaux qui, par hypothèse, profitent inégalement à la population . Seuls les assujettis à l'impôt, ceux qui disposent d'un revenu supérieur au seuil du revenu imposable, en bénéficient. Par ailleurs, il y a tout lieu de penser que ces avantages fiscaux (qui peuvent concerner les contributions ou/et les prestations) sont plus que proportionnels au revenu.

Evidemment, rien n'empêche théoriquement de construire des systèmes par capitalisation redistributifs. Mais, en pratique, cette possibilité théorique semble difficile à mettre en oeuvre . Elle ne correspond intrinsèquement pas à la logique de ces systèmes . Et, de ce fait, toute accentuation de la redistributivité des régimes par capitalisation risque de provoquer des fuites hors du système.

Au demeurant, les clauses dites « d'opting out » , c'est-à-dire de retrait, sont fréquentes dans les pays où des régimes par capitalisation obligatoires sont prévus. Elles représentent une faculté de s'exempter de participer à ces régimes, qui, dans les faits, semble prévue pour les catégories de revenu qui estimeraient profiter moins que leur dû de ces systèmes.

* 106 Il existe dans les faits un lien étroit entre le degré d'universalité des systèmes de retraite par répartition et le développement d'autres formules de garantie contre le risque viager comme la capitalisation. Plus le premier est fort moins les formules alternatives sont développées. Mais, en théorie, on peut imaginer des systèmes universels reposant sur la capitalisation ainsi que des systèmes non universels basés sur la répartition.

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