III. SIMPLIFIER LA GOUVERNANCE DE LA LUTTE CONTRE L'EXCLUSION

Le constat de la complexité excessive du dispositif amène la mission à proposer quelques évolutions afin d'enclencher une dynamique de simplification autour de deux aspects complémentaires : l'approfondissement de la décentralisation et la mise en place d'une gouvernance territoriale efficace.

A. L'ETAT DOIT ACCEPTER PLEINEMENT LA DÉCENTRALISATION EN RESTANT LE GARANT DE L'ÉQUITÉ DES POLITIQUES D'INSERTION

Le caractère incomplet de la décentralisation des politiques de lutte contre l'exclusion est indéniablement une des premières causes de leur complexité. Ainsi, au niveau départemental, l'Etat et le conseil général, chacun avec ses objectifs, ses services, ses moyens financiers et ses instances de coordination, s'efforcent de lutter contre la pauvreté, tandis que les régions et les communes se greffent, parfois sans réflexion stratégique, aux dispositifs mis en place par les deux autres acteurs.

Pourtant, une partie du problème est théoriquement résolue depuis que la loi de 2004 sur les libertés et responsabilités locales a fait du conseil général le chef de file de l'action sociale. En réalité, cette réforme n'a pas abouti à une réelle simplification. Cet échec résulte d'une part d'un contexte financier difficile marqué par une forte hausse des dépenses sociales des départements, d'autre part de la réticence des autres acteurs, en particulier l'Etat, à tirer les conséquences de la réforme.

1. Garantir la stabilité du financement des compétences d'action sociale du Conseil général

L'établissement de relations financières faisant l'objet d'un consensus entre l'Etat et les départements est ainsi le préalable indispensable à tout approfondissement de la décentralisation de l'action sociale. En effet, pour le moment, l'absence de confiance réciproque résultant de la « querelle » du financement du RMI bloque les évolutions nécessaires.

La mission considère donc qu'il est nécessaire de garantir aux départements une stabilité et un volume de ressources suffisants pour assurer le financement de leurs compétences en matière d'insertion.

La solution la plus ambitieuse consisterait à transférer aux conseils généraux un impôt plus dynamique et plus pérenne que la TIPP, vouée au déclin. Il pourrait s'agir, comme le suggère le rapport Valletoux 230 ( * ) , d'une taxe établie sur les mêmes bases que la CSG : soit une partie d'une CSG augmentée, soit un taux additionnel à la CSG.

Cette formule aurait le mérite d'établir un lien logique entre les compétences sociales du département et l'assiette de leur financement. Elle implique cependant une réforme plus large, notamment parce qu'elle devrait être effectuée à pression fiscale constante, donc compensée par une diminution de la fiscalité d'Etat.

Cependant, en attendant qu'une telle solution soit possible, la mission propose de pérenniser et d'améliorer la compensation par l'Etat de l'écart entre la TIPP versée et les dépenses effectives de RMI . Cette compensation serait intégrale et serait versée après constatation de l'écart entre dépenses de RMI effective et le montant de la TIPP, sous réserve toutefois, pour maintenir la responsabilité du département, de ne prendre en compte, selon la suggestion du rapport Mercier 231 ( * ) , que les « meilleurs efforts du conseil général pour en réduire le montant : suivi individuel de tous les bénéficiaires ; bénéficiaires dotés d'un référent ; bénéficiaires titulaires d'un contrat d'insertion ». Il s'agirait ainsi d'institutionnaliser le fonds de mobilisation de l'insertion (FMDI) et de le renforcer.

En tout état de cause, la mission insiste particulièrement sur la nécessité d'établir enfin des règles claires, après discussion approfondie avec les collectivités et au sein du comité des finances locales (CFL), pour la compensation des transferts de compétences sociales aux départements.

Les départements devront être associés à cette réforme. De manière plus générale, il conviendra de les associer systématiquement aux décisions ayant des effets directs ou indirects sur leurs dépenses sociales.

Enfin, les conseils généraux doivent pouvoir bénéficier de davantage d'informations sur les bénéficiaires des allocations de la part des CAF et des caisses de la MSA, afin de mieux piloter leur dépense d'insertion et de pouvoir évaluer correctement les résultats de leur politique d'insertion.

La mission suggère donc de reprendre la proposition de loi du 15 février 2008 du président Michel Mercier et ainsi de rendre obligatoire pour les organismes payeurs la fourniture au département, à l'occasion de chaque demande de règlement, des justificatifs récapitulant les bénéficiaires, les prestations, l'objet de la prestation et son montant. Les conventions signées entre les conseils généraux et les CAF ou caisses de MSA devront en outre comporter les délais de paiement entre le département et l'organisme payeur, les modalités d'échanges de données entre les partenaires, l'imputation des indus selon leur origine ainsi que les délégations de gestion consenties par le département à l'organisme payeur.

* 230 « Fiscalité et finances publiques locales : à la recherche d'une nouvelle donne », Philippe Valletoux, CES, 2006.

* 231 « Le RMI : d'un transfert de gestion à une décentralisation de responsabilité », rapport d'information n°316 du Sénat fait au nom de l'observatoire de la décentralisation, mai 2005.

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