Audition de Maître Denis CHEMLA, Président de l'association Droits d'urgence - (8 avril 2008)

Mme Brigitte BOUT, Présidente - Maître Denis Chemla, nous sommes heureux de vous accueillir et vous demandons de présenter en quelques minutes votre association. Après quoi, nous vous poserons un certain nombre de questions.

M. Denis CHEMLA - Je m'appelle Denis Chemla : je suis avocat et président d'une association baptisée Droits d'urgence, créée en 1996 par moi-même et d'autres juristes (avocats, magistrats, juristes d'entreprises, etc.). Cette association regroupe tous les types de professionnels du droit et d'ailleurs j'ai l'habitude de dire, pour plaisanter, qu'il s'agit d'un des rares lieux où les avocats et les magistrats se parlent.

Elle est née d'un constat partagé par beaucoup de personnes : les situations de grande pauvreté sont susceptibles d'apparaître à la suite d'un incident de parcours, par exemple d'une rupture de droits. Ainsi, la perte d'un emploi ou d'un logement peut conduire une personne à se retrouver à la rue. C'est pourquoi les professionnels du droit que nous sommes avons voulu mettre en place un mécanisme pour prévenir des situations de grande précarité et les traiter quand il est trop tard pour les éviter. Pour ce faire, partant du principe que les personnes confrontées à l'exclusion ne viendront pas d'eux-mêmes à notre rencontre et ne franchiront pas les portes, souvent intimidantes des palais de justice, nous avons décidé de travailler main dans la main avec d'autres associations qui nous avaient précédés sur le terrain en matière de lutte contre la pauvreté, telles que Médecins du Monde et Emmaüs, et de tenir des permanences gratuites dans des lieux gérés par ces mouvements et dans lesquels peuvent intervenir d'autres spécialistes que des juristes : des psychologues, des médecins et des travailleurs sociaux.

Notre association repose sur le bénévolat. Environ 350 bénévoles, en grande partie des avocats et des juristes domiciliés à Paris, la composent. Ils s'ajoutent à une quarantaine de salariés embauchés à temps plein, lesquels occupent des emplois d'un nouveau type, qui n'existaient pas par le passé, des emplois de juristes spécialistes de l'accès aux droits et du monde de la vulnérabilité et de la précarité. Il y a quelques années, nous nous sommes servis, pour nous développer, de l'opportunité de faire appel à des emplois jeunes. Mais ce dispositif n'existant plus, nous avons appris, à travers le temps, à ne plus solliciter d'emplois aidés et à rechercher nos propres financements pour fonctionner et pérenniser notre quarantaine d'emplois.

Notre champ d'activités est aujourd'hui très vaste. Bien sûr nous nous efforçons toujours de lutter contre l'exclusion et la pauvreté. Mais nous nous attachons beaucoup aussi à traiter la vulnérabilité, touchant les personnes pas assez pauvres pour tomber dans la grande pauvreté, mais pas assez riches pour pouvoir vivre normalement. Par nos conseils, nous nous sommes beaucoup orientés vers ce type de population en créant, principalement à Paris, avec le soutien de la Ville, des points d'accès aux droits. Ils sont pour l'heure au nombre de trois, situés dans le 18 e , le 20 e et le 13 e arrondissements. Ces lieux représentent des sortes de boutiques du droit, des lieux où les personnes peuvent se rendre pour parler de leurs problèmes juridiques auprès d'un primo-accueil qui les renvoie vers un juriste ou un avocat, selon la nature de leur problème (droits de l'homme, logement, discrimination, droit pénal, etc.).

Nous nous sommes intéressés également à la prison, un monde où les prisonniers continuent à vivre et à avoir des droits. Je ne parle pas ici des conditions pénitentiaires, mais des cas de prisonniers qui subissent une saisie sur leur compte et ne peuvent faire face en raison de leur incarcération, ce qui augure mal de leur réinsertion dans la société. Nous travaillons avec les services de la probation et de l'insertion et le ministère de la justice et, avec leur accord, nous avons créé des points d'accès au droit au sein des établissements pénitentiaires, notamment de la Santé et de Fresnes où nos juristes tiennent des permanences gratuites en direction des prisonniers confrontés à une saisie sur salaire, un divorce, un problème de logement, etc. Notre souhait est de préparer leur réinsertion.

Nous sommes présents, par ailleurs, dans certaines structures, notamment la chambre de médiation locative pour prévenir les expulsions. Dans cette perspective, nous avons mis en place, avec la préfecture de police et le groupement des huissiers, un mécanisme chargé de centraliser les assignations reçues à Paris à des fins d'expulsion. Il faut savoir que 65% des locataires ne se présentent pas aux audiences d'expulsion où il est décidé, pourtant, de leurs droits au logement. Nous avons instauré un dispositif pour essayer de prévenir ce genre de situation. Il se traduit par la délivrance de conseils aux locataires et la mise en place de médiations avec les bailleurs. Nous tentons de préserver ce qui peut être préservé et d'éviter aux personnes de perdre leur logement quand elles ont le droit de le conserver.

Notre association est très active et spécialisée. Nous n'abordons la lutte contre l'exclusion que par le biais du droit. Nous ne ressemblons pas, en ce sens, à Emmaüs ou Médecins du Monde, même si nous collaborons avec ces grandes associations.

Notre action est beaucoup dirigée en direction des étrangers en situation irrégulière (40 à 50 % de la demande de droits à laquelle nous avons à faire). Elle concerne des personnes qui vivent en France depuis bien des années souvent et n'ont aucun droit. Nous arrivons parfois à les aider. Le type de soutien que nous pouvons leur apporter n'est pas très populaire. Mais nous l'assurons quand il est possible de le faire.

En résumé, nous intervenons dans beaucoup de domaines, souvent très techniques, et en lien, par exemple, avec le Conseil national de l'accès aux droits et le ministère de la justice. Sur le terrain, nous avons constaté une augmentation de la vulnérabilité et une permanence de la pauvreté.

Mme Brigitte BOUT, Présidente - Cette vulnérabilité correspond-elle à la précarité ?

M. Denis CHEMLA - Oui. Mais je préfère utiliser le terme de vulnérabilité. En fait, je distingue la vulnérabilité, la précarité et l'exclusion. La vulnérabilité est pour moi de la pré-précarité.

Mme Brigitte BOUT, Présidente - Elle se situe avant la précarité.

M. Denis CHEMLA - Il s'agit des personnes âgées qui vivent de plus en plus longtemps avec des revenus parfois ridicules au regard de la cherté de la vie, des retraités qui touchent des pensions peu élevées et ont de plus en plus de mal à joindre les deux bouts, des personnes qui ne sont pas éligibles à l'aide juridictionnelle mais n'ont pas les moyens de se payer les services d'un avocat. Il existe un trou dans le dispositif juridictionnel que nous essayons de combler.

M. Bernard SEILLIER, rapporteur - Je souhaite vous poser trois questions. J'apprécie beaucoup le travail de votre association et sa présence au sein du Conseil national de la lutte contre l'exclusion et la pauvreté. J'aimerais savoir ce qui, dans votre pratique du droit au travers de votre parcours professionnel, vous a conduit à mettre le doigt sur cette nécessité d'offrir un accès au droit à des personnes de plus en plus nombreuses, comme l'illustre le développement de votre structure.

Le droit en lui-même et la législation vous paraissent-ils susceptibles d'être une cause de vulnérabilité, de précarité et d'exclusion ?

Enfin avez-vous pu expérimenter des mécanismes, des systèmes ou des solutions qui mériteraient d'être soutenus au travers de la législation et des dispositions contraignantes prises au niveau politique ?

M. Denis CHEMLA - Je suis avocat d'affaires et exerce au sein d'un cabinet ayant pour clients des banquiers et des entreprises multinationales. Par conséquent, mon parcours professionnel ne m'a pas conduit à être confronté à l'exclusion et la pauvreté. Ce qui m'a amené à avoir conscience des difficultés de la vie tient au fait que je suis né et ai vécu pendant toute mon enfance en Seine-Saint-Denis, à Epinay-sur-Seine très exactement, un lieu qui n'est pas réputé pour connaître une situation économique florissante. J'ai eu des fonctions associatives, en qualité de bénévole, dès que je suis devenu avocat, en apportant des conseils à des demandeurs de droits d'asile et des chômeurs par exemple. Il a été naturel pour moi d'exercer des missions en tant que bénévoles. Mais le but de notre association a été de sortir de ce strict bénévolat pour s'orienter vers une activité professionnelle, les conseils que nous apportons ne pouvant être donnés que par des juristes de qualité, professionnels.

Nous pouvons nourrir des sentiments ambivalents à l'égard du bénévolat. Certains peuvent penser, en effet, que nous soulageons notre conscience en nous occupant des bonnes oeuvres. Toutefois, il est essentiel que le bénévolat ne cache pas le besoin, très fort, en actions professionnelles. L'accès au droit des personnes en situation d'exclusion ne peut pas être assuré par le seul bénévolat. Je suis bénévole à tiers temps depuis 13 ans. Or, certaines des actions que je mène dans le cadre de l'association relèvent du service public.

Le droit est-il une cause d'exclusion ? Il est difficile de répondre à cette question. Il existe un arsenal législatif protecteur et, par notre histoire, des dispositifs sociaux plutôt avancés pour lutter contre l'exclusion dans ce pays. J'ai oublié de vous apporter un ouvrage que nous avons publié l'an dernier chez Dalloz. Il s'agit du code des droits contre l'exclusion, un document recensant l'ensemble des dispositions spécifiquement destinées à lutter contre la pauvreté et l'exclusion. Cet ouvrage est, malheureusement ou heureusement, assez épais et montre que nous disposons en France d'un arsenal législatif protecteur assez complet.

En même temps, le droit est une matière difficile. Mais ce qui est surtout compliqué est de permettre l'accès au droit. C'est le chantier sur lequel nous travaillons. Il ne faut pas multiplier les mécanismes d'accès au droit et créer de fausses attentes chez les gens en leur expliquant que le droit résoudra tous leurs problèmes. Cette affirmation est erronée. L'urgence est d'offrir la possibilité aux personnes en situation d'exclusion de mettre en oeuvre leurs droits de manière efficace, ce qui passe par une simplification du droit et d'un certain nombre de procédures. Pour certaines d'entre elles, liées aux divorces, décès, successions, obligations alimentaires et demandes d'aides juridictionnelles, pour lesquelles les dossiers à remplir sont très difficiles à comprendre, il est possible de faire l'économie d'un avocat. De manière générale, beaucoup de documents destinés à des personnes en situation d'exclusion et donc très souvent, avec peu d'éducation, sont abscons. Leur simplification me paraît nécessaire. Nous en parlons souvent au Conseil national de l'accueil juridique, sans guère de résultats pour l'instant.

Nous essayons de faciliter les démarches administratives et de mettre en place de nombreuses mesures d'accompagnement.

Mme Brigitte BOUT, Présidente - Il est vrai que parfois nous recevons des courriers de la préfecture bien difficiles à déchiffrer.

M. Denis CHEMLA - Même par moi.

M. Bernard SEILLIER, rapporteur - J'ai une question complémentaire. Vos relations avec la chancellerie ont-elles évolué au cours des dernières années ? Où en sont-elles aujourd'hui ?

M. Denis CHEMLA - Nous avons noté une attention de la chancellerie et de l'ensemble de la classe politique à la nécessité de faciliter l'accès au droit. Nous avons beaucoup travaillé avec la Ville de Paris, dans le cadre de la mandature de M. Bertrand Delanoë, mais aussi de celle de M. Jean Tibéri. Nous collaborons également avec d'autres municipalités. De manière générale, les élus locaux sont très enclins à développer des mécanismes d'accès au droit au service des administrés.

Il est plus difficile de travailler avec la chancellerie. D'abord, celle-ci dispose de peu de moyens financiers ; ses ressources sont comptées.

Ensuite j'ai le sentiment que le gouvernement et la ministre de la justice actuels sont moins sensibles au sujet que leurs prédécesseurs. Ainsi, contrairement à mes habitudes, je n'ai pas encore rencontré le nouveau Garde des Sceaux, Mme Rachida Dati. Par ailleurs, les travaux réalisés au sein du Conseil national juridique ne vont pas très loin et il est prévu de supprimer, au Ministère de la Justice, le service de l'accès au droit et de la politique de la ville. Je n'ai pas perçu d'hostilité de la part du gouvernement à l'égard de notre travail, mais pas d'engouement non plus. Je suis donc un peu inquiet. D'un autre côté, il ne faut pas se leurrer. La chancellerie n'a jamais été l'acteur majeur de la politique d'accès au droit, lequel représente les élus locaux, les conseils généraux, les communes et les conseils régionaux. Le gouvernement central accorde très peu de crédits dans ce domaine.

Mme Brigitte BOUT, Présidente - La loi Dalo sera une mine extraordinaire de recours à la justice.

M. Denis CHEMLA - Je n'ai pas connaissance de recours pour l'instant.

Mme Brigitte BOUT, Présidente - La loi est toute récente.

M. Denis CHEMLA - Je pense effectivement que cette loi suscitera de nombreux recours. Mais pour l'heure, rien n'a été prévu pour honorer ces recours. Je ne sais pas très bien comment les magistrats pourront les traiter.

Ces recours reviendront à assigner l'Etat et éventuellement à condamner celui-ci à offrir un logement. Mais chaque avocat sait qu'il n'y a pas de pire débiteur que l'Etat. Il est compliqué d'exécuter une condamnation contre l'Etat. J'ignore ce qui sera mis en place pour obtenir l'exécution du jugement obtenu.

M. Bernard SEILLIER, rapporteur - Je connais un peu la loi DALO puisque j'en ai été le rapporteur. La solution retenue coûtera peu à l'Etat puisqu'elle consiste à payer une pénalité par le biais du fonds régional de péréquation pour le logement des personnes défavorisées. Un amendement, non retenu, proposait une obligation de loger ou d'indemniser celui qui déposait un recours. La seule crainte que nous pouvons avoir est qu'il se produise un embouteillage dans les tribunaux.

M. Denis CHEMLA - Ce mécanisme, au-delà des critiques qu'il suscite, traduit quand même une prise de conscience de l'existence d'un problème de logement en France. Par ailleurs, il a le mérite d'exister.

M. Bernard SEILLIER, rapporteur - Absolument. J'ai été un rapporteur convaincu de cette loi. Avec son adoption, un mécanisme a été enclenché. Il aboutit à redonner ses droits aux élus, ceux-ci ayant pour rôle fondamental de s'assurer que l'ensemble des membres de leur collectivité soit logé. Nous avons affirmé ce principe par la loi DALO.

M. Jean DESESSARD - Vous êtes le Président de Droits d'urgence. Quel est l'adjoint de M. Bertrand Delanoë qui a proposé la création des trois points d'accès au droit à Paris ?

Pour vous, est-ce à l'Etat ou aux collectivités locales de prendre en charge le financement de ces lieux ? Enfin, vous nous avez indiqué avoir orienté votre action en direction des personnes sans papiers.

M. Denis CHEMLA - Nous n'avons pas orienté notre action dans cette direction. Seulement beaucoup de personnes sans papier nous rendent visite.

M. Jean DESESSARD - Nous avons l'avantage, en tant que parlementaires, de retenir l'attention de l'administration quand nous lui adressons le dossier d'une personne sans papiers, transmis dans nos mains par une association. Toutefois, je me suis aperçu qu'il existe une certaine exploitation de la misère dans ce domaine. Je reçois en effet, par mois, 7 ou 8 dossiers de personnes sans papiers, tous rédigés de la même façon et ne comportant aucune adresse. J'ai ai déduit qu'une agence fait payer les personnes sans papier pour remplir leur dossier. J'ai répondu à chaque courrier que je ne suis pas habilité à traiter les dossiers, tout en invitant leurs auteurs à prendre contact avec GISTI ou Éducation dans frontière. Je suis sûr que des gens paient pour avoir un dossier préparé. Que pourrions-nous faire pour remédier à cette situation insupportable ?

M. Denis CHEMLA - Les personnes en charge de la gestion des points d'accès au droit à la Ville de Paris sont le maire lui-même, M. Bertrand Delanoë, Mme Delphine Lévy, Mme Mylène Stambouli, en charge de l'exclusion, Mme Gisèle Stievenard, responsable des affaires sociales, et Mme Frédérique Calendra, alors médiatrice de la Ville de Paris. Le maire s'était engagé, dans son contrat de ville, à créer 5 points d'accueil de droit, une promesse réalisée.

Est-ce à l'Etat ou aux collectivités locales de prendre en charge ces lieux ? Je ne suis pas assez spécialiste des affaires publiques pour répondre à cette question. Je constate néanmoins que l'Etat ne s'investit pas dans ce domaine, ce que je regrette. Du coup, la cohérence nationale du dispositif n'est pas assurée et nous nous retrouvons avec des régions très pourvues et d'autres pauvres en lieux d'accès au droit. Les zones rurales, par exemple, ont grand besoin de ce type de structures.

D'un autre côté, les zones bien pourvues en points d'accès au droit en possèdent parfois trop, un trop grand nombre de dispositifs empêchant leur compréhension par chacun. C'est pourquoi il est nécessaire de mettre en place une politique de cohérence, comme le conseillait déjà le rapport Boucher il y a dix ans.

S'agissant des filières, celles-ci existent en effet. Des personnes paient pour obtenir leur dossier. Beaucoup d'entre elles proviennent de pays où il est d'usage de soudoyer les fonctionnaires et pensent qu'en donnant 500 euros à une employée de la préfecture, elles obtiendront des papiers. Comme vous l'avez souligné, des gens profitent de la faiblesse des autres.

Moi qui suis d'origine étrangère, j'ai l'habitude de dire que je ne sais pas comment ma famille pourrait obtenir des papiers si elle arrivait aujourd'hui en France. Des papiers d'identité représentent une sorte de sésame extraordinaire pour les personnes étrangère en situation irrégulière. Certaines d'entre elles sont prêtes à verser de l'argent pour les obtenir et elles sont trompées car elles ont une méconnaissance complète du système.

Nous recevons ces personnes. Malheureusement, nous ne pouvons pas les adresser aux autorités. Car lorsque nous le faisons, elles tombent parfois dans des pièges. Je connais le cas d'une femme qui a été battue par son mari de manière abominable et s'est retrouvée en garde-à-vue puis a fait l'objet d'une procédure d'expulsion après avoir osé porter plainte à la police contre son compagnon.

Des dispositifs permettent d'éviter ce genre de drame. Ils demandent la mise en place de réseaux, de points d'accès au droit et des contacts nourris avec le commissaire du quartier. Ainsi, une personne sans papier qui va porter plainte dans le commissariat du 18 e arrondissement de Paris ne fera plus l'objet d'une procédure d'expulsion. La raison en est que nous avons des contacts réguliers avec les responsables de ce lieu.

M. Guy FISCHER - Votre association comprend 45 salariés à temps plein. J'aimerais savoir comment elle se finance.

Bien souvent des associations comme les vôtres se sont substituées aux institutions pour agir dans les quartiers difficiles. De plus en plus de personnes ont pour seules ressources entre 500 et 1 000 euros par mois. Or cette explosion de la pauvreté fait que nous avons de plus en plus de difficultés à traiter les problèmes le plus en amont possible. De fait, les gens qui vous rendent visite sont de plus en plus étranglés.

M. Denis CHEMLA - Le problème le plus important concerne le logement. Le montant des loyers et les garanties demandées par les bailleurs sont tels qu'il est très difficile, pour beaucoup de personnes, d'accéder à un logis. Toutefois, il convient de distinguer plusieurs types de bailleur. Ainsi, un propriétaire qui a économisé toute sa vie pour s'acheter un studio et obtenir un complément de salaire peut se retrouver dans une situation difficile quand son locataire ne paie pas ses loyers. Celui-ci ne saurait être confondu avec un bailleur institutionnel. Il existe un problème de logement épouvantable dans ce pays.

Pour répondre à vos autres questions, en effet nous nous substituons à l'Etat. Pour autant, il n'y a plus de démission de la part des services publics dans la lutte contre l'exclusion et la pauvreté. L'administration avait une méconnaissance de ce sujet par le passé. Ce n'est plus le cas aujourd'hui et, de manière générale, les collectivités locales remplissent un rôle énorme pour permettre l'accès au droit. Il n'existe plus de démission de la part des puissances publiques locales. Celles-ci sont très impliquées à nos côtés, ce qui n'est toujours pas le cas de l'Etat.

Concernant notre financement, nos ressources viennent, pour 40%, de subventions publiques (DDASS, services du Premier ministre, ministère des affaires sociales) obtenues, la plupart du temps, sur la base de projets, pour 10%, de subventions privées et, pour 50%, de prestations que nous assurons pour les collectivités et pour lesquelles nous les facturons. La Ville de Paris a passé un marché public pour la gestion de ses lieux d'accès au droit. Ce marché nous a été attribué pour une durée de 3 ans. 50% de nos ressources proviennent de prestations réglées par les collectivités au titre de marchés publics.

Nous dispensons aussi un peu de formation, comme toutes les associations. Évidemment tous nos conseils sont donnés gratuitement, même si nos salariés ne constituent pas des bénévoles bien entendu. Il s'agit de juristes, titulaires d'un diplôme de troisième cycle en droit et qui touchent des salaires beaucoup moins élevés que ceux auxquels ils pourraient prétendre dans le secteur privé.

M. Jean DESESSARD - Tous les avocats ne roulent pas sur l'or.

M. Denis CHEMLA - En effet, surtout à Paris. Toutefois, notre déléguée générale, diplômée d'un DESS de droit social, aurait gagné beaucoup mieux sa vie si elle avait rejoint un grand groupe plutôt que l'association. Elle a effectué un choix.

Mme Brigitte BOUT, Présidente - Bravo pour votre action. Vous présidez une association qu'il est très intéressant de connaître.

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