3. Sept grands enjeux à maîtriser

a) Tirer toutes les conséquences du choix d'une gestion décentralisée

Depuis la création de la PSD en 1997, les services des conseils généraux ont progressivement acquis une expertise incontestable en matière de gestion de la perte d'autonomie. De nombreuses communes agissent également en faveur des personnes dépendantes en développant des prestations « extralégales » d'aide sociale.


• Une définition des rôles manquant de clarté

Les dispositions de l'article 56 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales ont certes reconnu aux départements une compétence générale dans la conduite et la coordination de l'action sociale en faveur des personnes âgées. Mais, faute de partage des rôles clairs et de modalités de coopérations efficaces depuis la fin des années quatre-vingt-dix, le renforcement des prérogatives des conseils généraux a débouché sur une complexité accrue de l'architecture institutionnelle de la politique de la dépendance.

- La programmation et la planification : une articulation à repenser

On constate en effet un manque patent de coordination entre les Priac, qui sont établis par les préfets de région et les schémas départementaux d'organisation sociale et médicosociale, qui relèvent de la compétence des présidents de conseils généraux. Les Priac devraient, en principe, tenir compte des évolutions des schémas départementaux. On constate, dans la pratique, une insuffisance de communication entre le préfet de région et les conseils généraux, fortement soulignée par les membres de la mission exerçant par ailleurs les fonctions de chef de l'exécutif départemental.

Il est vrai qu'un tiers des départements ne disposent pas d'un schéma gérontologique réellement opérationnel. Mais ce constat de défaut de coordination est également dressé dans les départements « à jour » de leurs obligations.

Le bilan des contacts établis au quotidien entre les conseils généraux et les Ddass, au niveau départemental, apparaît en revanche plus satisfaisant. Il fait ressortir la nécessité de maintenir une présence de l'administration d'Etat à ce niveau, sujet qu'il faudra par ailleurs traiter dans le cadre de la création des futures agences régionales de santé (ARS).

D'une façon générale, la question de la place des départements au sein des futures ARS et de l'articulation de leurs champs respectifs d'intervention se posera de la même manière, lorsque sera connu le détail des prérogatives que le Gouvernement entend confier à ces nouvelles structures dans le domaine médicosocial.

- Confier aux conseils généraux la responsabilité de la gestion du risque ainsi que les ressources de l'action sociale des caisses de retraite : une perspective abandonnée à tort ?

Le débat sur le rôle des départements demeure donc très ouvert. A la faveur de ce constat, il apparaît légitime de se demander s'il ne conviendrait pas de donner aux conseils généraux la compétence pleine et entière du pilotage sur le terrain de la politique de prise en charge de la perte d'autonomie. Cette perspective serait parfaitement cohérente avec les dispositions de la loi précitée du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales.

Les recommandations du rapport Briet-Jamet 154 ( * ) publié en 2004 proposaient déjà:

- d'attribuer aux conseils généraux les compétences de tarification et de financement sur les établissements et services du champ médicosocial (avec le maintien d'une tarification binaire, hébergement d'un côté et soins-dépendance regroupés de l'autre, le tout encadré par des règles continuant à être fixées au plan national) ; les départements auraient ainsi été gestionnaires des ressources d'assurance maladie des Ehpad ;

- et de leur transférer également les compétences et les crédits d'action sociale de la Cnav à destination des personnes âgées en Gir 5 et 6.


• Décentralisation des décisions et égalité de traitement sur le territoire : la « quadrature du cercle » ?

Les auditions réalisées par la mission ont fait apparaître certaines inquiétudes quant à l'inégalité de traitement des personnes dépendantes sur le territoire nationale. Plusieurs professionnels 155 ( * ) ont ainsi regretté la grande diversité des offres de services disponibles selon les départements.

Ces observations méritent un examen attentif, dans la mesure où des disparités importantes existent bel et bien entre les départements, notamment en ce qui concerne leurs capacités financières. Mais on ne peut attendre de la gestion décentralisée d'une compétence qu'une réponse identique soit apportée sur l'ensemble du territoire national . Comme le soulignait Claudy Lebreton, président de l'assemblée des départements de France (ADF), à l'occasion de son audition par la mission 156 ( * ) , l'hétérogénéité des politiques départementales est intrinsèquement liée au principe de décentralisation .

Ce constat apparaît d'autant plus justifié que contrairement à la situation constatée pour la gestion du revenu minimum d'insertion, le conseil général souhaite pouvoir jouer un rôle actif majeur en matière de perte d'autonomie : il ne doit nullement être considéré comme un simple guichet de prestations.

Néanmoins, les réponses apportées par les départements ne doivent pas se traduire par des ruptures d'égalité manifestes sur l'ensemble du territoire. Cela suppose que les ressources dont ils disposent, notamment à travers la péréquation, leur permettent de mener une politique adaptée aux besoins locaux de la population. Il convient également de renforcer les structures de mise en cohérence et, au premier chef, la CNSA.


La question récurrente de l'inégalité de répartition du poids du financement entre l'Etat et les conseils généraux

Les membres de la mission ont unanimement constaté que les conditions de répartition du financement de l'allocation personnalisée d'autonomie entre l'Etat et les conseils généraux a connu au cours des dernières années, une dégradation très sensible, pour atteindre désormais un rapport de 30 % à 70 % au détriment des collectivités territoriales.

Evolution du taux de couverture de l'Apa par les ressources de l'Etat

2002

2003

2004

2005

2006

2007

Dépenses d'Apa ( en milliers d'euros)

1 855 359

3 205 165

3 590 959

3 930 008

4 243 036

4 539 658

Concours de l'Etat via la CNSA ( en milliers d'euros )

797 940

1 323 140

1 338 517

1 341 078

1 411 586

1 521 389

Taux de couverture

43,0 %

41,3 %

37,3 %

34,1 %

33,3 %

33,5 %

Source : CNSA

La progression des concours du fonds de financement de l'Apa (Ffapa) a été tout d'abord pratiquement en phase avec celle des dépenses d'Apa, ce qui explique que le taux de couverture soit demeuré au-dessus de 40 %. Un décrochage très net s'est en revanche produit en 2004 et 2005 : alors que les dépenses d'Apa continuaient de s'accroître à un rythme élevé, les concours de l'Etat, transitant désormais par la CNSA, stagnaient. Ce processus a été stoppé à partir de 2006, mais sans que l'écart creusé ne puisse, même partiellement, être résorbé.

Ce constat conduit tout naturellement à aborder la question des modalités de la péréquation financière entre les conseils généraux. Les mécanismes utilisés pour la fixation du concours versés par la CNSA aux départements au titre du financement de l'Apa ayant déjà été présentés dans la première partie du présent rapport, on se bornera ici à faire quelques observations relatives aux enjeux liés à cette question.

L'un au moins des critères aujourd'hui pris en compte - le nombre de Rmistes - semble très contestable, dans la mesure où il est sans lien avec la problématique de la perte d'autonomie. Par ailleurs, on doit regretter de ne disposer paradoxalement d'aucun critère très précis pour apprécier les besoins des conseils généraux en ce qui concerne la charge potentielle liée à la perte d'autonomie, à commencer d'ailleurs par le nombre même des personnes âgées dépendantes dans chaque département. On peut supposer qu'un critère faisant intervenir les revenus des ménages - critère qui n'existe pas actuellement - pourrait offrir une meilleure approche de la charge objective des départements.

* 154 Rapport de la mission de préfiguration de la CNSA conduite par MM. Raoul Briet et Pierre Jamet - mai 2004.

* 155 En particulier, les professeurs Jean-Claude Henrard et Alec Bizien - Table ronde du 23 janvier 2008.

* 156 Audition du 6 février 2008.

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