c) Elle souhaite améliorer la prise en charge des personnes âgées en perte d'autonomie tout en maîtrisant le reste à charge pour les bénéficiaires et leurs familles

La mission a affirmé son attachement au socle de solidarité nationale dans le financement de la prise en charge de la perte d'autonomie des personnes âgées et son souhait de renforcer l'équité de ce système.

Ceci la conduit, tout naturellement, à formuler des propositions destinées à maîtriser le reste à charge pour les personnes, tant à domicile qu'en établissement. Le reste à charge, ainsi qu'on l'a précédemment relevé, demeure en effet trop élevé pour une écrasante majorité de familles.

• A domicile

En ce qui concerne le reste à charge supporté par les personnes à domicile, la mission propose d'agir dans deux directions : un relèvement ciblé des plafonds des plans d'aide et une réflexion sur la revalorisation périodique des montants de ces plans, ce qui représenterait un coût annuel supplémentaire évalué à 300 millions d'euros . Une réflexion plus générale sur la réorientation de certaines dépenses fiscales devrait par ailleurs être menée, afin de les rendre plus efficaces et d'améliorer à la fois le reste à charge à domicile et en établissement 213 ( * ) .

- En majorant les plafonds existants pour les personnes isolées ou atteintes de maladies neurodégénératives

La mission préconise, tout d'abord, un relèvement ciblé des plafonds d'aides accordées aux personnes âgées dépendantes hébergées à domicile. Deux catégories de populations seraient prioritairement concernées : les personnes isolées et/ou les personnes atteintes de maladies neurodégénératives .

Ces deux catégories de population sont, en effet, celles qui sont les plus souvent touchées par le phénomène de saturation des plans d'aide de l'Apa, ainsi qu'on l'a précédemment relevé. Une meilleure prise en compte des personnes atteintes de maladies neurodégénératives est, en particulier, indispensable, compte tenu des besoins auxquels elles doivent faire face à un stade de dépendance moyenne (Gir 3 et 4) : les niveaux d'aides sont alors insuffisants pour répondre à la demande spécifique de prise en charge de ces personnes, qui requièrent une présence humaine importante.

En revanche, la mission juge moins essentiel de prévoir une majoration globale des plafonds applicables aux personnes lourdement dépendantes (Gir 1 et 2) , comme l'a envisagé le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité, Xavier Bertrand, lors de son audition du 28 mai 2008. Elle considère, en effet, sans remettre en cause le principe du libre choix, qu'au-delà d'un certain stade de dépendance, la question de la prise en charge à domicile doit être posée et qu'il n'est pas forcément justifié, au regard de la pertinence de la dépense publique, de souhaiter maintenir la personne chez elle. Ce point a tout particulièrement été souligné par les intervenants à la table ronde du 30 janvier 2008, y compris par les représentants des associations qui sont actives dans le secteur de l'aide à domicile.

Dans l'esprit de la mission, l'amélioration proposée s'effectuerait sans pour autant réduire l'aide apportée aux autres catégories de publics bénéficiant de l'Apa à domicile, ce qui se traduirait donc par une charge supplémentaire pour les départements, qui devra être compensée. Cette compensation passerait, dans le schéma proposé par la mission, par une meilleure prise en compte du patrimoine des personnes dans l'octroi de l'Apa 214 ( * ) .

Cette amélioration du niveau des aides par un relèvement ciblé des plafonds permettrait également d'apporter une réponse aux besoins exprimés par les aidants familiaux s'occupant de personnes atteintes de maladies neurodégénératives. La solvabilisation accrue des personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer en Gir 3 et 4 devrait, en effet, permettre à l'entourage du patient de recourir davantage aux accueils de jour ou à d'autres formules de répit, particulièrement nécessaires compte tenu du degré d'épuisement auquel cet entourage est soumis.

- En prévoyant des mécanismes plus satisfaisants de revalorisation des plans d'aide

La mission souhaite également qu'un effort spécifique, financé grâce au même dispositif de prise en compte du patrimoine, soit réalisé sur les montants des plans d'aide.

Ainsi qu'on l'a précédemment relevé, seul le plafond du plan d'aide est aujourd'hui revalorisé en pratique en fonction de l'inflation 215 ( * ) , ce qui peut se révéler insuffisant compte tenu de l'évolution du coût des salaires versés. La mission s'interroge ainsi sur la possibilité d'envisager une indexation des plafonds des plans d'aide, non plus sur l'inflation mais sur les salaires (Smic ou salaire horaire du secteur des services à la personne) . Elle n'ignore pas le caractère potentiellement inflationniste d'une telle mesure, mais s'avoue sensible au constat fait par plusieurs de ses interlocuteurs au sujet de la baisse de « pouvoir d'achat » des plafonds.

De surcroît, une fois que le plan d'aide a été établi par l'équipe médicosociale, son montant n'est pas revalorisé tant qu'il n'a pas été révisé : il reste stable en euros courants et se dégrade donc en euros constants. Compte tenu de l'accroissement du coût horaire des aides apportées, la réduction du nombre d'heures aidées fait figure alors de variable d'ajustement, ainsi qu'on l'a précédemment relevé. Il pourrait donc être également envisagé de prévoir une indexation du montant du plan d'aide une fois qu'il a été attribué, a minima sur l'inflation, au mieux sur les salaires.

Une idée force est que la personne aidée doit pouvoir se voir garantir, pendant toute la durée de son plan, le maintien du volume horaire d'aide défini initialement.

Il reste la question, évoquée plus haut, mais non résolue, de la multiplication des entreprises de service à domicile, agréées mais non tarifées, c'est-à-dire pratiquant des tarifs supérieurs à ceux admis par le conseil général.

Une solution pourrait consister à contraindre ces organismes à contracter avec les départements. Dans ce schéma, les organismes agréés et non tarifés pourraient être payés à un tarif national plancher (par exemple, celui de la Cnav) qui ne pourrait être dépassé que dans le cadre d'une convention.

• En établissement

La mission souhaite ensuite qu'un effort tout particulier soit entrepris pour réduire le reste à charge supporté par les personnes âgées dépendantes accueillies en établissement.

La secrétaire d'Etat chargée de la solidarité, Valérie Létard, a indiqué lors de son audition du 28 mai 2008 que 80 % des personnes hébergées supportent un reste à charge , dont elle a souligné l'importance : « nous constatons que le reste à charge moyen pour les familles dans le secteur public et associatif est de 1 500 euros par mois (2 000 euros dans le secteur commercial). En même temps, le revenu moyen d'une personne âgée retraitée hébergée en établissement s'établit à environ 1 200 euros par mois. Par conséquent, le reste à charge n'est pas couvert dans la plupart des cas, en fait pour 80 % des personnes âgées hébergées en établissement ». Ce point a été en particulier développé dans la deuxième partie du présent rapport 216 ( * ) .

La maîtrise du reste à charge en établissement constitue un axe prioritaire de réflexion de la mission.

- Certaines solutions doivent être écartées

La logique de responsabilité prônée par la mission la conduit à écarter d'emblée deux options :

- d'une part, celle consistant à solliciter davantage les finances départementales, via un accroissement de l'aide sociale à l'hébergement (ASH) ;

- d'autre part, celle tendant à transformer en crédit d'impôt la réduction d'impôt accordée aux personnes âgées hébergées en Ehpad, dont le coût avoisinerait 400 millions d'euros par an selon les estimations des travaux menés dans le cadre de la révision générale des politiques publiques.

- Une refonte du tarif soins permettrait d'alléger la charge des résidents

La mission estime, en revanche, qu'une refonte du tarif soins permettrait d'alléger le reste à charge pour les résidents.

* La mise en place d'une prestation unique d'accueil en Ehpad soulèverait en l'état des difficultés

Le Gouvernement a esquissé une proposition de réforme ambitieuse de la tarification en hébergement : toutes les aides accordées par l'Etat - dépenses fiscales et allocations logement - seraient regroupées avec l'Apa versée par les départements dans une nouvelle prestation « d'accueil en Ehpad » qui remplacerait les actuels tarifs dépendance et hébergement et serait accordée selon une pente dégressive en fonction du revenu.

La fraction de 30 % du coût des aides soignants, aujourd'hui prise en charge par le tarif dépendance, serait par ailleurs transférée à l'assurance maladie, ce qui allégerait d'un milliard d'euros le coût du nouveau tarif et du reste à charge.

La mission estime que le regroupement des aides soignants sur le tarif soins constitue un élément bienvenu de simplification. Il est d'autant plus justifié que l'éclatement du poste « aides soignants » entre deux tarifs est aujourd'hui un facteur de blocage dans l'avancement du PSGA, les départements étant réticents à suivre le rythme de création des postes d'aides soignants imposé par le plan, qui les oblige à accroître leur participation.

De même, le reprofilage du barème en fonction du revenu apparaît-il comme une mesure d'équité.

Elle considère toutefois que le transfert aux départements des dotations d'APL, d'ALS et de l'enveloppe correspondant à l'actuelle réduction d'impôt dont bénéficient les personnes hébergées en Ehpad soulèverait de réelles difficultés de mise en oeuvre . En outre, le risque est grand, pour les conseils généraux, que la compensation versée ne soit pas correctement indexée, c'est-à-dire dans des conditions permettant de garantir la neutralité financière de l'opération de transfert. Or, le principe de parité de financement de l'Apa entre l'Etat et les départements étant une orientation forte de la mission 217 ( * ) , celle-ci ne peut qu'être réservée à l'égard de ce type de mécanisme.

* Une optimisation de la tarification ternaire apparaît préférable

En revanche, elle estime que des recherches plus poussées pourraient être menées en direction d'une redistribution des charges qui ménagerait, pour l'instant, la tarification ternaire.

La mission a ainsi exploré deux modifications dont l'effet cumulé aboutirait à une diminution du reste à charge :

- dans un premier temps, les dépenses d'animation-service social ainsi qu'une part accrue des charges d'agents de service 218 ( * ) pourraient basculer du tarif hébergement sur le tarif dépendance ;

- dans un second temps, l'intégralité du financement des aides soignants serait désormais portée par le tarif soins, alors qu'il est aujourd'hui éclaté entre les tarifs soins (70 %) et dépendance (30 %).

Si ce schéma était retenu, l'impact serait neutre sur les finances départementales , dès lors que serait mis en place un tarif dégressif d'Apa permettant de réduire la dépense pour les personnes disposant de revenus élevés et qui ne supportent pas de reste à charge 219 ( * ) , mais le gain global pour les personnes hébergées atteindrait 1,2 milliard d'euros, soit une diminution moyenne de près de 200 euros par mois du reste à charge (entre le tiers et la moitié du surplus exigé par rapport aux revenus de la personne).

L'assurance maladie verrait, a contrario , ses charges accrues d'un milliard d'euros , comme dans le schéma préconisé par le Gouvernement. La mission estime que cette branche ne peut pas se permettre de subir une aggravation de son déficit, qui s'est établi à 4,6 milliards d'euros en 2007 pour le régime général, et qu'il conviendrait donc de lui affecter des ressources nouvelles , ce qui apparaît possible compte tenu des perspectives à terme d'amélioration du solde de la branche famille et de redéploiements à l'intérieur même de l'Ondam médicosocial.

* 213 Ce point est développé dans le 2. (infra), pages 171 - 172.

* 214 Cf. infra, B de la présente partie.

* 215 Plus exactement, les montants maximum de l'Apa sont calculés à partir du montant de la majoration pour aide constante d'une tierce personne qui fait l'objet d'une revalorisation annuelle généralement identique à la hausse des prix. Si cette revalorisation est inférieure à l'inflation, un dispositif de sauvegarde prévoit alors un relèvement des plafonds d'Apa calé sur la progression des prix.

* 216 Pages 139 et suivantes.

* 217 Lire ci-après, pages 203 et suivantes du présent rapport.

* 218 Actuellement, les charges d'agents de service incombent au tarif hébergement à hauteur de 70 % et au tarif dépendance à hauteur de 30 %. Il s'agirait de mettre en place un partage égalitaire strict de cette charge entre les deux tarifs.

* 219 Lire ci-après 2., page 171 du présent rapport.

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