N° 458

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2007-2008

Annexe au procès-verbal de la séance du 9 juillet 2008

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des Affaires culturelles (1) sur la décentralisation des enseignements artistiques ,

Par Mme Catherine MORIN-DESAILLY,

Sénatrice.

(1) Cette commission est composée de : M. Jacques Valade , président ; MM. Ambroise Dupont, Jacques Legendre, Serge Lagauche, Jean-Léonce Dupont, Ivan Renar, Michel Thiollière , vice-présidents ; MM. Alain Dufaut, Philippe Nachbar, Pierre Martin, David Assouline, Jean-Marc Todeschini , secrétaires ; M. Jean Besson, Mme Marie-Christine Blandin, MM. Yannick Bodin, Pierre Bordier, Louis de Broissia, Elie Brun, Jean-Claude Carle, Jean-Pierre Chauveau, Gérard Collomb, Yves Dauge, Christian Demuynck, Mme Béatrice Descamps, M. Denis Detcheverry, Mme Catherine Dumas, MM. Louis Duvernois, Jean-Paul Émin, Mme Françoise Férat, M. Bernard Fournier, Mme Brigitte Gonthier-Maurin, M. Jean-François Humbert, Mme Christiane Hummel, MM. Soibahadine Ibrahim Ramadani, Alain Journet, Philippe Labeyrie, Pierre Laffitte, Alain Le Vern, Mme Lucienne Malovry, MM. Jean Louis Masson, Jean-Luc Mélenchon, Mme Colette Mélot, M. Jean-Luc Miraux, Mme Catherine Morin-Desailly, M. Bernard Murat, Mme Monique Papon, MM. Jean-François Picheral, Jack Ralite, Philippe Richert, Jacques Siffre, René-Pierre Signé, Robert Tropeano, André Vallet, Jean-François Voguet.

« La démocratisation de la culture est toujours un horizon d'espérance »

Emmanuel Wallon, sociologue

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Les enseignements artistiques jouent un rôle clé dans la politique culturelle de notre pays et dans le développement de nos territoires : d'abord orienté vers la formation des musiciens professionnels, au service de la République naissante, le réseau des conservatoires et des écoles de musique s'est considérablement étoffé au fil de l'histoire, notamment à l'initiative des communes. Spécificité française, il s'est développé parallèlement aux établissements scolaires, lesquels se sont vus progressivement confier une mission d'éducation artistique et culturelle, destinée à donner accès à tous les élèves, quelque soit leur cycle de formation, à des connaissances et à une pratique artistiques à l'école.

Si seuls 2 % environ des élèves de ces établissements « spécialisés » feront de la musique, de la danse ou du théâtre leur métier, tous, néanmoins, tireront pour leur vie d'adulte les bénéfices de cet apprentissage artistique, soit pour pratiquer leur art en liberté, soit pour y avoir trouvé une source d'épanouissement personnel, soit pour être, par la suite, un spectateur ou amateur exigent et averti.

Le développement des enseignements artistiques, notamment en musique, a été accompagné d'une impulsion forte de l'État. Mais ce sont d'abord les collectivités territoriales, en particulier les communes, qui se sont attachées à répondre à une demande sociale très forte : en effet, avec la danse, la musique est la discipline artistique la plus plébiscitée par les Français, notamment pour leurs enfants ; les adolescents sont deux fois plus nombreux aujourd'hui à pratiquer la musique que dans les générations nées avant 1960. La musique rythme ainsi la vie de près de cinq millions de Français : la Fête de la musique, dont nous avons fêté en juin dernier la 27 e édition, illustre à la fois la place essentielle que celle-ci occupe dans notre vie quotidienne et le renouveau des pratiques amateurs dans notre pays.

Pour autant, il nous faut sans cesse réaffirmer cette volonté politique, afin de consolider une politique qui est aussi un investissement sur l'avenir.

Or, passé relativement inaperçu au sein d'un texte lourd de plus de 200 articles, le volet « enseignements artistiques » de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales reste, aujourd'hui encore, une réforme bien délicate à « orchestrer ».

Guidés par un objectif de clarification de la répartition des compétences entre les collectivités publiques, les articles 101 et 102 de cette loi n'organisent pas, stricto sensu , un transfert de compétences, puisque les premières lois de décentralisation avaient déjà reconnu l'initiative des collectivités territoriales dans un domaine où, toutefois, l'État continue à intervenir dans l'écriture de la partition.

Alertée par le retard pris dans la mise en oeuvre effective de la loi et les difficultés suscitées par cette réforme sur le terrain, votre rapporteur a demandé à la commission des affaires culturelles de lui confier un rapport d'information, destiné à établir un bilan d'étape et apporter un éclairage sur une situation apparemment bloquée.

Aux termes de plus de six mois de travaux, cette forte présomption s'est confirmée : il apparaît désormais urgent de sortir de l'« impasse » et de ne pas laisser s'installer plus durablement un climat d'incertitude qui serait, à terme, préjudiciable à notre système d'enseignement artistique.

Votre rapporteur a souhaité consulter les acteurs concernés par ce dossier, dans toute leur diversité, afin qu'ils puissent exprimer librement et sans tabou leur situation et leur point de vue.

Au terme de nombreuses auditions et de quatre déplacements en région - à Rouen, Montpellier, Lille et Lyon - , qui lui ont ainsi permis d'entendre une centaine de personnes - à la fois des représentants de l'Etat et des collectivités territoriales, les associations d'élus, des directeurs de conservatoire ou encore des parents d'élèves, etc. - , votre rapporteur a pris la mesure des attentes très fortes placées dans ses travaux.

Ces attentes sont à la mesure des espoirs que les professionnels du secteur ont placés dans une réforme jugée opportune et indispensable pour accompagner le nécessaire renouveau des enseignements artistiques. Elles traduisent également un certain désarroi - partagé y compris par les services du ministère de la culture - face à une réforme qui, apparue peu prioritaire, a été, dès le départ, mal engagée et a souffert, au-delà des problèmes financiers, d'un évident déficit de méthodologie auprès à la fois des professionnels et des élus.

Derrière ses aspects certes « techniques », le sujet est pourtant éminemment politique : les trois principaux candidats aux dernières élections présidentielles ont ainsi fait de l'éducation artistique de nos enfants une priorité pour relever le défi de la démocratisation culturelle.

Or, votre rapporteur a été frappée de constater le caractère encore élitiste de l'enseignement et des pratiques artistiques et, paradoxalement , l'intérêt souvent limité que lui portent les élus, laissant aux milieux passionnés des professionnels le soin de « mettre en musique » une politique pas toujours clairement définie, choisie ou assumée.

Les collectivités territoriales étant au coeur des problématiques dont le Sénat a vocation à se saisir, votre rapporteur a souhaité établir une synthèse des différents points de vue relayés auprès d'elle et avancer des propositions les plus consensuelles possibles. L'exercice s'est révélé d'autant plus délicat que tous les niveaux de collectivités publiques ont vocation à intervenir, à un titre ou à un autre, dans notre dispositif d'enseignement artistique.

Votre rapporteur a eu le souci de ne privilégier aucune collectivité territoriale au détriment d'une autre, en tenant compte de l'héritage historique très divers et de l'antériorité des actions de chacune d'elle dans ce domaine. Tel est le cas notamment des départements, qui, aux côtés des communes, ont bien souvent pris des initiatives en faveur du développement des enseignements et de l'éducation artistiques.

Par conséquent, ses préconisations, guidées par un souci de pragmatisme, visent à n'entraîner aucune prépondérance de l'un des acteurs, mais plutôt à privilégier une coordination de leurs interventions.

Elles ne pourront conduire à une sortie de crise satisfaisante que si, au préalable, les élus se réapproprient un dossier qui a trait à un enjeu majeur pour l'avenir de nos enfants et s'ils le reconnaissent comme une véritable priorité pour assurer la cohérence et la vitalité de leur action culturelle.

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