Rapport d'information n° 478 (2007-2008) de Mme Josette DURRIEU , fait au nom de la délégation à l'Assemblée de l'Union de l'Europe occidentale, déposé le 22 juillet 2008

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N° 478

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2007-2008

Annexe au procès-verbal de la séance du 22 juillet 2008

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom des délégués élus par le Sénat sur les travaux de la délégation française à l' Assemblée de l' Union de l' Europe occidentale (1) au cours de la première partie de la 54 ème session ordinaire - 2008 - de cette Assemblée, adressé à M. le Président du Sénat, en application de l'article 108 du Règlement,

Par Mme Josette DURRIEU,

Sénatrice.

(1) Cette délégation est composée de : M. Denis Badré, Mme Josette Durrieu, MM. Francis Grignon, Jacques Legendre, Jean-Pierre Masseret et Philippe Nachbar, délégués titulaires ; MM. Laurent Béteille, Jean-Guy Branger, Michel Dreyfus-Schmidt, Jean-François Le Grand, Yves Pozzo di Borgo et Roland Ries, délégués suppléants.

INTRODUCTION

La première partie de la cinquante-quatrième session de l'Assemblée de l'Union de l'Europe occidentale a permis à celle-ci de poursuivre ses travaux de contrôle et d'évaluation dans un cadre révisé, destiné à prendre en compte les apports du traité de Lisbonne en matière de sécurité et de défense européenne. L'Assemblée souhaite, à cet égard, s'affirmer comme le représentant des parlements nationaux dans le suivi des opérations de politique étrangère de sécurité et de défense. Elle peut être considérée comme un interlocuteur légitime au regard de sa composition : interparlementaire, elle répond, en effet, au caractère intergouvernemental de la politique européenne de sécurité et de défense. La déclaration n°14 sur la politique étrangère et de sécurité commune, annexée au traité, confirme, par ailleurs, que le Parlement européen ne dispose pas de nouveaux pouvoirs dans ce domaine.

L'Assemblée de l'Union de l'Europe Occidentale entend s'inscrire dans le cadre du renforcement des liens entre l'Union européenne et les parlements nationaux prévu par le traité modificatif. Elle veut également combler, de façon partielle, l'absence de création d'une nouvelle instance interparlementaire réunissant les parlementaires nationaux en vue d'exercer un contrôle politique dans les domaines relevant de la sphère intergouvernementale, qu'elle appelait déjà de ses voeux dans sa contribution de 2002 aux travaux de la Convention européenne. Elle souligne, enfin, la réaffirmation constante du rôle de l'UEO dans la totalité des traités européens adoptés depuis 1997, en dépit de l'arrivée à échéance, en 2004, du traité de Bruxelles modifié.

La non-ratification du traité par l'Irlande, une semaine après la fin des travaux de l'Assemblée, pourrait troubler cette ambition. La réforme entreprise par l'Assemblée ne saurait, pour autant, être remise en cause, tant elle contribue à une meilleure lisibilité de sa composition et de son action. L'Assemblée européenne de sécurité et de défense entend poursuivre ses travaux dans trois directions : évaluer les actions entreprises dans le cadre de la politique étrangère de sécurité et de défense, débattre de l'actualité géopolitique et accompagner l'évolution technologique. Sa dimension interparlementaire n'est également pas mésestimée tant les débats organisés en son sein permettent, au travers d'échanges de bonnes pratiques, de faire progresser une véritable culture parlementaire européenne en matière de défense et d'améliorer, le cas échéant, les procédures en la matière au sein des chambres nationales.

Les thèmes abordés lors de la première partie de la cinquante-quatrième session ont reflété ces diverses orientations comme en témoignent les textes adoptés sur la mission EUFOR au Tchad et en République Centrafricaine, la politique de défense russe ou le système de navigation par satellite Galileo.

I. ACTUALITÉS DE LA DÉLÉGATION PARLEMENTAIRE

La délégation parlementaire française à l'Assemblée de l'UEO comprend vingt-quatre députés (douze titulaires et douze suppléants) et douze sénateurs (six titulaires et six suppléants) .

Composition de la délégation au 1 er octobre 2007

Membres titulaires

Assemblée

Groupe
assemblée

Groupe

UEO

M. Denis BADRÉ

Sénateur

UC-UDF

Libéral

M. Roland BLUM

Député

UMP

Fédéré

M. Georges COLOMBIER

Député

UMP

Fédéré

Mme Josette DURRIEU

Sénatrice

SOC

Socialiste

Mme Claude GREFF

Député

UMP

Fédéré

M. Francis GRIGNON

Sénateur

UMP

Fédéré

Mme Arlette GROSSKOST

Député

UMP

Fédéré

M. Denis JACQUAT

Député

UMP

Fédéré

M. Armand JUNG

Député

SRC

Socialiste

M. Jean-Pierre KUCHEIDA

Député

SRC

Socialiste

M. Jacques LEGENDRE

Sénateur

UMP

Fédéré

M. François LONCLE

Député

SRC

Socialiste

M. Noël MAMÈRE

Député

GDR

NI

M. Jean-Pierre MASSERET

Sénateur

SOC

Socialiste

M. Jean-Claude MIGNON

Député

UMP

Fédéré

M. Philippe NACHBAR

Sénateur

UMP

Fédéré

M. Germinal PEIRO

Député

SRC

Socialiste

M. François ROCHEBLOINE

Député

NC

Libéral

Membres suppléants

Assemblée

Groupe assemblée

Groupe

UEO

Mme Brigitte BARÈGES

Député

UMP

NI

M. Laurent BÉTEILLE

Sénateur

UMP

Fédéré

M. Jean-Guy BRANGER

Sénateur

UMP

Fédéré

M. Alain COUSIN

Député

UMP

Fédéré

M. Michel DREYFUS-SCHMIDT

Sénateur

SOC

Socialiste

M. Paul GIACOBBI

Député

SRC

Socialiste

M. Michel HUNAULT

Député

NC

Fédéré

Mme Marietta KARAMANLI

Députée

SRC

Socialiste

M. Jean-François LE GRAND

Sénateur

UMP

Fédéré

M. Dominique LE MÈNER

Député

UMP

NI

M. Jean-Paul LECOQ

Député

GDR

NI

Mme Muriel MARLAND-MILITELLO

Députée

UMP

Fédéré

M. Yves POZZO DI BORGO

Sénateur

UC-UDF

Fédéré

M. Frédéric REISS

Député

UMP

Fédéré

Mme Marie-Line REYNAUD

Députée

SRC

Socialiste

M. Roland RIES

Sénateur

SOC

Socialiste

M. René ROUQUET

Député

SRC

Socialiste

M. André SCHNEIDER

Député

UMP

Fédéré

La composition du Bureau est la suivante :

Président

M. Jean-Claude MIGNON

Député

UMP

Première vice-présidente

Mme Arlette GROSSKOST

Député

UMP

Présidente déléguée
pour l'UEO

Mme Josette DURRIEU

Sénatrice

SOC

Vice-présidents

M. Alain COUSIN

Député

UMP

M. Michel DREYFUS-SCHMIDT

Sénateur

SOC

M. Francis GRIGNON

Sénateur

UMP

M. Denis JACQUAT

Député

UMP

M. Jean-Pierre KUCHEIDA

Député

SRC

M. Jacques LEGENDRE

Sénateur

UMP

M. François LONCLE

Député

SRC

M. Jean-Pierre MASSERET

Sénateur

SOC

M. François ROCHEBLOINE

Député

NC

M. André SCHNEIDER

Député

UMP

M. Jean-Pierre Masseret exerce la fonction de Président de l'Assemblée de l'UEO depuis 2006. Mme Josette Durrieu, Présidente déléguée pour l'UEO au sein de la délégation française, a, pour sa part, été élue Vice-présidente pour la présente session en décembre dernier.

II. INFORMATIONS GÉNÉRALES SUR LE DÉROULEMENT DE LA SESSION

A. PROGRAMME DE LA CINQUANTE-QUATRIÈME SESSION

Mardi 3 juin

- Intervention de M. Karl Erjavec, Ministre de la défense de la Slovénie, représentant la présidence slovène de l'Union européenne ;

- La révision de la Stratégie européenne de sécurité ;

- Intervention de M. Jean-Pierre Jouyet, Secrétaire d'État chargé des Affaires européennes, représentant la présidence française de l'UE/UEO ;

- Discours de M. Terry Davis, Secrétaire général du Conseil de l'Europe.

Mercredi 4 juin

- 2008 : une année décisive pour les Balkans occidentaux ;

- La mission de l'Union européenne EUFOR Tchad/RCA ;

- L'acquisition d'équipements de défense en Europe ;

- Les avions de combat sans pilote : les programmes européens ;

- Des systèmes spatiaux pour la sécurité européenne : GMES et Galileo ;

- Développements politiques en Afghanistan et au Pakistan : débat autour du rapport de la commission politique et intervention de Mme Karin Kortmann, Secrétaire d'État parlementaire auprès du Ministre allemand de la coopération et du développement économiques.

Jeudi 5 juin

- La politique de défense de la Russie : débat autour du rapport de la commission de la défense et discours de S.E M. Dimitri Rogozine, Ambassadeur, Représentant permanent de la Fédération de Russie auprès de l'OTAN ;

- Évaluation de l'impact des conflits armés sur l'environnement ;

- La coopération parlementaire en matière de sécurité dans la région de la mer Noire ;

- Les chaînes de commandement des opérations de l'Union européenne.

B. TEXTES ADOPTÉS

L'Assemblée de l'Union de l'Europe Occidentale peut adopter trois types de textes, la forme variant selon leurs destinataires :

- une recommandation consiste en une proposition de l'Assemblée adressée au Conseil de l'UEO ;

- une résolution exprime une position de l'Assemblée envoyée aux organisations internationales, aux gouvernements ou aux parlements nationaux ;

- une directive est un texte adressé au Président de l'assemblée ou à une commission.

Texte

Document

Commission de défense

La mission de l'Union européenne EUFOR Tchad/RCA

Rapporteur : MM. René Rouquet (France - Groupe socialiste) et Ruhi Acikgöz (Turquie)

• Recommandation n°818

La politique de défense de la Russie

Rapporteur : M. Andrea Rigoni (Italie - Groupe libéral)

Recommandation n°823

Commission politique

La révision de la stratégie européenne de sécurité

Rapporteur : M. Daniel Ducarme (Belgique - Groupe libéral)

Recommandation n°816

2008 : une année décisive pour les Balkans occidentaux

Rapporteur : M. Pedro Agramunt (Espagne - Groupe fédéré)

Recommandation n°817

Développements politiques en Afghanistan et au Pakistan

Rapporteur : M. Detlef Dzembritski (Allemagne - Groupe socialiste)

Recommandation n°822

Commission technique et aérospatiale

L'acquisition d'équipements de défense en Europe

Rapporteur : Mme Edward O'Hara (Royaume-Uni - Groupe socialiste)

Recommandation n°819

Les avions de combat sans pilote : les programmes européens

Rapporteur : M. Nigel Evans (Royaume-Uni - Groupe fédéré)

Recommandation n°820

Des systèmes spatiaux pour la sécurité européenne : GMES et Galileo

Rapporteurs : Mme Edward O'Hara (Royaume-Uni - Groupe socialiste) et M. Giannicola Sinisi (Italie - Groupe libéral)

Recommandation n°821

Commission pour les relations parlementaires et publiques

Évaluation de l'impact des conflits armés sur l'environnement

Rapporteur : M. Gianpaolo Silvestri (Italie - Non inscrit)

Résolution n°134

La coopération parlementaire en matière de sécurité dans la région de la mer Noire

Rapporteur : M. Hendrik Daems (Belgique - Groupe libéral)

Directive n°128

Le texte intégral des rapports, avis, comptes rendus des débats de l'Assemblée de l'UEO, ainsi que les textes adoptés, sont consultables sur le site : http://www.assembly-weu.org/fr

III. LA POLITIQUE EUROPÉENNE DE SECURITÉ COMMUNE ET DE DÉFENSE

A. BILAN DE LA PRÉSIDENCE SLOVÈNE DE L'UNION EUROPÉENNE

La Slovénie a présidé l'Union européenne au cours du premier semestre 2008. La session de juin de l'Assemblée de l'UEO a constitué une occasion pour le Ministre de la défense de la République de Slovénie, M. Karl Erjavec, de présenter aux membres de l'Assemblée le bilan, positif, de son pays dans le domaine de la politique européenne de sécurité et de défense.

M. Erjavec a d'abord rappelé que son pays s'est efforcé de mettre en oeuvre, au cours de ces six mois, les décisions relatives aux opérations et missions civiles et militaires, « aussi bien actuelles que futures », conformément au programme commun des trois présidences (Allemagne, Portugal, Slovénie).

Au niveau stratégique, la présidence slovène a poursuivi les efforts visant à développer les capacités militaires de l'Objectif global 2010 et préparé la révision du concept de réponse rapide militaire de l'Union européenne. De plus, de gros efforts ont été consentis pour les groupements tactiques de l'Union européenne. La présidence slovène a également soutenu le travail de l'Agence européenne de défense (AED), surtout pour l'élaboration du Plan de développement des capacités et le renforcement de la base industrielle et technologique de défense européenne. M. Erjavec a mentionné notamment la déclaration adoptée par les ministres de la défense, qui vise à améliorer la disponibilité des hélicoptères, ainsi que la décision de créer une cellule particulière au sein de l'AED pour l'obtention de communications par satellite.

La présidence slovène s'est également efforcée de renforcer la coopération avec les partenaires stratégiques de l'Union . Elle a ainsi développé les consultations et la coopération avec l'ONU et l'OTAN pour la gestion des crises. A cet égard, M. Erjavec a souligné l'urgence de parvenir à un accord au Kosovo sur la répartition des compétences entre EULEX et la MINUK. Le Ministre a aussi insisté sur la nécessité d'approfondir « l'indispensable partenariat » stratégique Union européenne-OTAN.

Au niveau des différentes opérations de gestion de crises, des progrès ont été enregistrés au cours de la présidence slovène, que ce soit dans les Balkans ou en Afrique.

En Bosnie-Herzégovine, les avancées sont visibles tant dans la mise en oeuvre des réformes de la police et de la défense que dans l'établissement d'un système de défense. L'opération ALTHEA en Bosnie-Herzégovine est sans aucun doute un succès. La coopération entre l'Union européenne et l'OTAN sur le terrain est bonne, et le mécanisme Berlin plus s'est avéré très efficace. Malgré tout, la présence militaire en Bosnie-Herzégovine et l'aide de l'Union européenne sont encore nécessaires, car la stabilité est encore loin d'être consolidée.

La mission EULEX (État de droit) au Kosovo, déjà partiellement présente sur le terrain, devrait être opérationnelle au plus tôt. M. Erjavec s'est félicité du résultat des élections parlementaires en Serbie, marquées par la victoire des forces pro-européennes . Il a également souligné que de nombreux projets tournés vers l'Europe étaient en cours dans les pays des Balkans, qui souhaitent affirmer leur ancrage européen.

La présidence slovène a également géré la mise en place d'une mission provisoire au Tchad et en République centrafricaine. Le ministre slovène a rappelé que la situation sécuritaire au Congo reste très tendue . Les femmes et les enfants sont en effet particulièrement touchés par les violences. La mission a été prolongée le 30 juin 2008, afin de favoriser la stabilisation du pays.

Enfin, M. Erjavec a précisé que la présidence slovène avait procédé à la révision du document-clé relatif à la prise en charge de la protection des enfants dans les conflits armés par les missions et les opérations PESD. Il a rappelé que la question de la protection des droits de l'Homme, de l'égalité des sexes et des droits de l'enfant devait être prise en compte systématiquement, dès le début de la formation du personnel, de la planification et de la mise en oeuvre des opérations PESD.

A l'issue de cette intervention, plusieurs parlementaires ont pris la parole pour féliciter le ministre pour le travail accompli par son pays au cours de ces six mois de présidence. La plupart des questions ont porté sur les Balkans. M. Joao Mota Amaral (Portugal - Groupe fédéré) a ainsi demandé à M. Erjavec quel était son sentiment sur les conséquences probables de l'indépendance du Kosovo, que la Slovénie a d'ailleurs beaucoup soutenue, pour la stabilité de la région. En réponse, M. Erjavec a exprimé sa conviction que la clé de la stabilité se trouve à Belgrade. Selon lui, il est très important d'offrir une perspective européenne à tous les pays des Balkans, seule à même de favoriser leur développement. Pour M. Erjavec, « la stabilité des pays des Balkans dépend de leur intégration dans l'Union européenne ». Le ministre a exprimé son regret que la Macédoine n'ait pas pu réussir à devenir membre de l'OTAN.

Mme Josette Durrieu (Hautes-Pyrénées - SOC) a exprimé son inquiétude sur la situation dans les Balkans et sur leur potentiel de déstabilisation pour l'Europe :

« A mon tour, je voudrais saluer à la fois le ministre, représentant la Slovénie, et son État, qui est, en Europe, un exemple de stabilité et de bonne intégration. Je tiens aussi à vous féliciter pour votre présidence de l'Union européenne.

Vous venez à peine d'évoquer le problème de l'ex-République yougoslave de Macédoine. Or, dans votre propos, vous avez fait référence au Kosovo et à la Bosnie-Herzégovine. Nous sommes tous inquiets et observateurs des conséquences de la situation politique de ces pays sur l'Europe. Il est évident que cet État n'est pas stabilisé, malgré la présence des forces de police et l'accompagnement européen. On n'en parle pas suffisamment. Or, il est incontestable qu'il peut entraîner une déstabilisation de l'espace balkanique.

J'ai cru comprendre que vous pensiez que la perspective européenne pouvait être la solution à tous ces problèmes. Pensez-vous réellement que l'Europe puisse absorber sans conséquence toutes ces instabilités ? Elle a déjà donné. Je ne referai pas l'histoire de l'Europe. Je suis profondément européenne et je veux l'adhésion de ces États balkaniques. Mais que sommes-nous en mesure d'attendre d'eux ? Au travers de la stabilité des Balkans, passera probablement la stabilité de l'Europe. Quelle est votre position ? Qu'allons-nous faire pour assurer cette stabilité immédiate ? Nous sommes déjà présents là-bas ».

Dans sa réponse optimiste, M. Erjavec a insisté sur la nécessité pour l'Europe d'offrir des opportunités économiques, à commencer par un emploi et une couverture sociale, aux pays des Balkans :

« Comme je l'ai déjà dit, je suis persuadé qu'une perspective européenne est une bonne solution, mais cela implique que l'on donne aux gens du travail et une sécurité sociale. Il faut proposer des programmes différents. Je suis certain que ces programmes sont moins coûteux que des conflits et des guerres. C'est pourquoi je pense que la solution passe par un avenir européen. Les gens ont besoin de travail et de sécurité sociale. Ils voient à la télévision ce qui se passe dans d'autres pays. Or, au Kosovo, les gens n'ont pas de travail. Plus de 80 % doivent être dans ce cas. C'est pourquoi je pense qu'une telle solution peut être efficace. Si les habitants de ce pays sont de bons travailleurs dans tous les autres pays de l'Union européenne, pourquoi ne pourraient-ils pas travailler chez eux ? Il convient de créer les conditions pour ce faire, ce sera aussi profitable pour l'Europe ».

L'intervention de M. Erjavec et le débat qui l'ont suivie ont mis en valeur les avancées positives permises par la présidence slovène dans le domaine de la politique européenne de sécurité et de défense. Ils ont également révélé l'inquiétude partagée des parlementaires sur la situation dans les Balkans et son impact potentiellement négatif pour la stabilité et la sécurité de l'Europe.

B. LA RÉVISION DE LA STRATÉGIE EUROPÉENNE DE SECURITÉ

Le 14 décembre 2007, le Conseil européen a estimé nécessaire un réexamen de la Stratégie européenne de sécurité, adoptée en 2003, dans le but de la compléter au regard des changements géopolitiques intervenus depuis cinq ans.

Si elle reste un document de référence, la Stratégie européenne de sécurité présente néanmoins aujourd'hui certaines lacunes . Ainsi, elle n'aborde pas ou peu les relations de l'Union européenne avec l'OTAN et les pays tiers. Le retour de la Russie sur la scène internationale, la montée de la Chine et les conséquences de son dynamisme économique pour la sécurité internationale ont été, par ailleurs, sous-estimés. Enfin, la Stratégie présente des omissions. En effet, elle ne prend pas en compte des problèmes importants tels que le rôle des armes nucléaires et de l'espace dans la sécurité européenne, la cybercriminalité, l'énergie ou encore les modifications climatiques.

Le rapport transversal de M. Daniel Ducarme (Belgique - Groupe libéral) examine avec précision la Stratégie existante, ainsi que l'incidence potentielle des dispositions pertinentes du Traité de Lisbonne sur sa mise en oeuvre. Selon M. Ducarme, la nouvelle Stratégie doit envisager les préoccupations de défense en tenant compte de la sécurité intérieure. Autrement dit, elle doit s'appuyer sur un nouveau concept sécuritaire reconnaissant le « continuum » existant entre sécurité intérieure et sécurité extérieure. Pour ce faire, M. Ducarme propose un cadre d'action fondé sur cinq piliers.

Le premier pilier est doctrinal . Il s'agit en effet de donner une valeur doctrinale au Traité de Lisbonne en matière de PESD. Le deuxième pilier insiste sur la nécessité de concilier « assistance mutuelle » et « défense mutuelle » . Le Traité de Lisbonne évoque une « assistance mutuelle » entre États membres, tandis que le Traité de Bruxelles qui fonde l'UEO parle de « défense mutuelle ». Or, la notion de « défense mutuelle » induit l'automaticité de l'intervention en cas d'agression ou d'actes terroristes, ce qui n'est pas le cas avec le terme d'assistance. Le mécanisme de Bruxelles doit donc rester opérationnel.

Le troisième pilier développe le rôle et l'importance de la coopération structurée permanente, nouvel outil du Traité de Lisbonne. A cet égard, M. Ducarme a souligné plusieurs points. D'abord, l'Union européenne doit développer une capacité commune. Dans cette optique, l'octroi d'un mandat renforcé à l'Agence européenne de défense est essentiel. Ensuite, les partenaires européens doivent poser entre eux le problème de la répartition des coûts de la défense. La France et le Royaume-Uni contribuent aujourd'hui à 40 % des nécessités budgétaires en matière de défense. Enfin, la coopération permanente intéresse directement les citoyens européens.

Le quatrième pilier concerne la relation entre l'Union européenne et l'OTAN. Il s'agit d'établir un partenariat plus clair, permettant à l'Union d'avoir une meilleure maîtrise de l'information et du renseignement afin pour celle-ci de faire face indépendamment aux menaces sécuritaires. L'union européenne doit également développer des capacités permanentes de planification et de décision pour conduire au mieux des opérations civiles et militaires. M. Ducarme est convaincu que l'Union européenne doit se doter d'une chaîne de commandement spécifique. Enfin, il insiste sur la nécessaire égalité des partenaires.

Le cinquième pilier est relatif au marché européen de l'équipement de défense. Selon M. Ducarme, il est indispensable d'accélérer la mise en place d'un marché européen des équipements de défense ouvert et compétitif. Pour cela, l'Union doit développer une capacité industrielle concertée au niveau européen.

M. Ducarme a insisté lors de la présentation de son rapport sur le rôle irremplaçable de l'Assemblée de l'UEO pour suivre toutes ces questions.

Le débat a révélé quelques préoccupations récurrentes des parlementaires. Tout d'abord, les orateurs ont déploré l'attitude condescendante du Parlement européen vis-à-vis de l'Assemblée de l'UEO . En outre, ils ont regretté l'absence persistante lors des sessions de l'Assemblée de M. Javier Solana, Haut-Représentant pour la PESC, avec qui ils auraient aimé discuter de toutes ces questions. Les intervenants ont, comme M. Ducarme, rappelé l'utilité de l'Assemblée, qui présente le grand avantage de regrouper des États membres de l'Union européenne et de l'OTAN et des pays qui n'appartiennent qu'à l'une des deux organisations. Les orateurs ont aussi insisté sur la nécessaire clarification du partenariat entre l'Union européenne et l'OTAN. Enfin, les intervenants ont insisté sur le rôle des parlements nationaux, qui doit être amplifié.

Mme Birgen Kele° (Turquie) a exprimé son regret que le rôle de la Turquie au sein de l'OTAN ainsi qu'auprès de l'Union européenne soit sous-estimé. Elle estime qu'un accord devrait être conclu entre l'Agence européenne de défense (AED) et son pays, d'autant plus que la Turquie a beaucoup contribué à la définition et aux opérations de la PESD. L'unique amendement au rapport s'efforce de tenir compte des remarques de la délégation turque. Il a été adopté.

L'examen du rapport de M. Ducarme révèle l'attachement des parlementaires au rôle de l'Assemblée de l'UEO, ainsi qu'un consensus sur les grandes questions stratégiques liées au développement de la politique européenne de sécurité et de défense, qu'il s'agisse des avancées du traité de Lisbonne, du rôle des parlements nationaux ou de la complémentarité entre l'Union européenne et l'OTAN.

Le projet de recommandation a été adopté à l'unanimité.

Au-delà de la session :
Les choix stratégiques de la politique européenne de sécurité et de défense

A l'approche de la présidence française de l'Union européenne, l'Assemblée de l'UEO, en coopération avec l'Assemblée nationale, a organisé le 5 mai 2008 une conférence sur « Les choix stratégiques pour la sécurité et la défense de l'Europe ». Ce colloque a permis l'émergence d'un véritable débat européen sur l'avenir de la PESD, et a souligné le caractère crucial des choix stratégiques qui doivent être réalisés dans ce domaine au cours des années à venir.

Au cours de la première session de travail consacrée à « La stratégie européenne de sécurité, le Traité de Lisbonne et l'environnement stratégique », les avancées pratiques du Traité de Lisbonne dans le domaine de la défense ont été examinées. Les discussions ont notamment porté sur la coopération structurée permanente, qualifiée de « schéma incitatif de production de capacités de défense ». Les intervenants ont exprimé leur espoir que les nouvelles dispositions institutionnelles du Traité de Lisbonne en matière de PESC permettront « une utilisation optimale des compétences civiles et militaires » dans le cadre de l'Union européenne. Selon Antonio Missiroli, directeur d'études au « European Policy Center » de Bruxelles, le nouveau poste de Haut représentant pour la PESC sera un poste presque impossible à occuper pour un seul homme. Des adjoints seront nécessaires et le système sera complexe.

La deuxième session s'est efforcée de répondre à la question suivante : « Quelles politiques communes dans les domaines stratégiques ? ». Le débat a d'abord porté sur la politique à adopter pour lutter contre la prolifération nucléaire et surmonter la crise iranienne. Puis la réflexion s'est engagée sur la sécurité énergétique et ses enjeux pour l'Union européenne. Les intervenants ont souligné la difficile nécessité de réaliser des investissements colossaux- de l'ordre de 1000 milliards de dollars- dans les 20 ans à venir pour pouvoir assurer la sécurité énergétique de l'Union.

Lors de la troisième séance, qui portait sur la Stratégie européenne de sécurité et le développement de la politique de sécurité et de défense commune (PSDC), les intervenants se sont penchés sur différents aspects de la stratégie actuelle de l'Union européenne, en vue de la compléter. Le Général Perruche a plaidé pour le développement d'une structure de commandement permanente. Celle-ci permettrait notamment à l'Union européenne d'alléger ses procédures d'établissement du quartier général d'opération et limiterait les coûts associés. Fabio Liberti, chercheur à l'IRIS, a examiné la question de la mise en commun (« pooling ») des capacités des États membres de l'Union européenne et a insisté sur la nécessité de créer un marché européen compétitif d'équipements de défense.


La séance finale de la conférence a porté sur le rôle des parlementaires dans la mise en oeuvre d'une nouvelle Stratégie européenne de sécurité. A cette occasion, M. Daniel Ducarme (Belgique, groupe libéral) a présenté son rapport sur la Stratégie européenne de sécurité. M. Hubert Haenel, Président de la Délégation du Sénat français pour l'Union européenne, a souligné que les contrôles parlementaires nationaux, exercés isolément, ne suffisaient pas à soutenir l'action « collective » des gouvernements des pays membres de l'Union européenne. Or, le Parlement européen, bien que très actif, n'est pas en mesure de contrôler les gouvernements nationaux dans le domaine de la défense. M. Haenel a proposé de réfléchir à une formule « interparlementaire » susceptible d'associer différentes formes de suivi parlementaire et de légitimité démocratique, notamment l'expertise de l'Assemblée de l'UEO et l'expérience de la COSAC (Conférence des Organes parlementaires spécialisés dans les Affaires communautaires).

C. LES OPÉRATIONS EXTÉRIEURES DE L'UNION EUROPÉENNE

La mission de l'Union européenne EUFOR Tchad/RCA

S'inscrivant dans le cadre défini par la résolution 1778 (2007) du Conseil de sécurité des Nations unies, la mission EUFOR Tchad/République Centrafricaine, lancée par le Conseil le 28 janvier dernier, a vocation à contenir les tensions régionales liées à la crise militaire et humanitaire que traverse la région du Darfour. Elle vient compléter l'opération hybride de l'Union africaine et de l'ONU au Darfour (MINUAD) destinée à protéger les civils en danger.

Une telle mission n'est pas sans enjeux quant à la crédibilité de la politique européenne de sécurité et de défense de l'Union européenne. En effet, comme l'a souligné dans sa présentation le rapporteur du texte, M. René Rouquet (Val-de-Marne - SRC), la mise en oeuvre de cette opération a révélé un certain nombre de difficultés tant dans la prise de décision politique en amont que dans l'organisation, sur place, d'une chaîne de commandement efficace :

« C'est le 28 janvier dernier que le Conseil de l'Union européenne a lancé l'opération EUFOR dans l'est du Tchad et dans le nord-est de la République Centrafricaine. Conformément au mandat figurant dans la résolution 1778 du 25 septembre 2007 des Nations unies, cette opération est la cinquième opération militaire conduite dans le cadre de la politique européenne de sécurité et de défense, après Concordia, Artémis, Althea et EUFOR RD Congo, ainsi que la plus importante en termes d'effectifs. C'est surtout la plus multinationale des missions jamais envoyées en Afrique par l'Union européenne, avec 14 États membres présents sur le terrain, 18 sur le terrain et 22 au quartier général opérationnel situé au Mont Valérien.

Chacun mesure aujourd'hui l'importance des enjeux de cette mission EUFOR Tchad/RCA destinée à assurer la stabilisation de la région et à permettre, d'une part, à la MINUAD de se déployer rapidement et, d'autre part, à l'aide humanitaire d'accéder aux civils en danger. Ces éléments sont nécessaires pour trouver une solution permanente à la crise dans la région.

Au-delà, il s'agit également d'un test de crédibilité pour l'Union européenne et sa politique européenne de sécurité et de défense. L'EUFOR Tchad/RCA se déroule sans l'assistance de moyens militaires de l'OTAN. L'Union européenne devra prouver son aptitude à soutenir les autres organisations internationales sur place et à effectuer une gestion de crise efficace et rapide, dans un environnement hostile et très instable, avec une force composée de troupes de 14 États membres.

Cette opération se caractérise par ses enjeux stratégiques et politiques. En effet, l'ONU estime que la violence au Darfour a provoqué la mort d'au moins 200 000 personnes et le déplacement de deux millions de réfugiés depuis le début des affrontements entre les troupes gouvernementales et leurs alliés - notamment les milices Janjawids connues pour leur violence - et des mouvements armés régionaux.

Afin de mieux comprendre le degré de difficulté de l'opération, il est nécessaire de bien mesurer non seulement les enjeux du conflit dans cette région du Darfour, mais aussi les caractéristiques particulières du terrain. Comme l'a rappelé le général de corps d'armée irlandais Patrick Nash, qui en assure le commandement, « c'est une mission complexe dans un environnement difficile, avec une situation de sécurité volatile, un terrain hostile au niveau climatique et un défi logistique énorme ».

Le Darfour est une région extrêmement aride et pauvre à l'ouest du Soudan, à proximité de la frontière tchadienne et centrafricaine. Depuis de nombreuses années, la région connaît une certaine instabilité due à un conflit entre la population nomade arabe et les fermiers des communautés fur, massaleet et zagawa.

L'instabilité et l'insécurité dans la région se sont accentuées en 2003 après une série d'attaques par des groupes rebelles africains contre des installations gouvernementales soudanaises, sous le prétexte que le gouvernement soudanais menait une politique pro-arabe de répression contre les Africains.

Les représailles contre la population africaine locale ont été très violentes. Le gouvernement soudanais soutient ouvertement un certain nombre de milices « d'autodéfense ». Une milice pro-arabe, en particulier, les Janjawids, a participé aux massacres et aux viols systématiques des villageois des populations africaines locales, instaurant un climat de terreur et provoquant le déplacement de près de deux millions de réfugiés. Le régime de Khartoum dément toute affiliation avec les Janjawids, mais il a récemment commencé à incorporer les éléments de cette milice dans les forces militaires et de sécurité nationales.

La situation, chacun le sait, est aggravée par le nombre important de réfugiés dans la région. 241 000 réfugiés soudanais sont installés dans l'est du Tchad, 3 000 autres le sont dans la région de Birao, au nord de la République centrafricaine. De plus, 179 000 Tchadiens et 200 000 Centrafricains sont des personnes déplacées à l'intérieur de leur propre pays.

Le conflit au Darfour a créé un climat d'insécurité qui s'est propagé au Tchad et à la République centrafricaine, notamment à cause de l'importance des flux de populations réfugiées. De plus, un conflit interne, au Tchad, entre rebelles et troupes gouvernementales, ainsi que la présence de milices criminelles armées, fragilisent la situation en engendrant d'autres flux de réfugiés.

La pénurie en eau dans une région aussi aride et le manque criant de nourriture ne font qu'exacerber et aggraver les problèmes, la situation géographique ne permettant qu'un accès restreint aux organisations humanitaires. Celles-ci, soutenues par l'ONU, ont pourtant besoin que la situation soit stabilisée afin d'opérer de manière optimale.

La mise en place de l'EUFOR Tchad/RCA s'inscrit dans le cadre d'un ensemble de mesures visant à renforcer l'engagement de l'Union européenne en soutien d'une solution à la crise du Darfour. Ainsi, afin de protéger les civils en danger, l'ONU et l'Union africaine ont déjà lancé l'opération hybride Union Africaine/ONU au Darfour, la MINUAD. Cette opération civilo-militaire, qui sera composée à terme de 20 000 soldats et de 6 000 policiers a intégré et repris le commandement de la mission de l'Union africaine au Soudan - AMIS - lancée depuis 2004. L'ONU a également lancé la mission des Nations unies en République centrafricaine et au Tchad, le MINURCAT.

L'EUFOR, la MINUAD et la MINURCAT devront également coordonner leurs efforts avec trois autres opérations de paix en place dans la région : la mission des Nations unies au Soudan (MINUS), la Force multinationale en Centrafrique (FOMUC) coordonnée par la Communauté économique et monétaire des États de l'Afrique centrale (CEMEAC) et le Bureau des Nations unies pour la consolidation de la paix en République centrafricaine.

La mission EUFOR est destinée principalement à soutenir la présence multidimensionnelle des Nations Unies dans l'est du Tchad et dans le nord-est de la République centrafricaine et d'améliorer la sécurité dans ces régions afin de permettre la résolution des conflits et de donner aux organisations humanitaires une garantie de sécurité.

Les objectifs de l'opération EUFOR Tchad/RCA sont les suivants : contribuer à la protection des civils en danger, en particulier les réfugiés et les personnes déplacées ; faciliter l'acheminement de l'aide humanitaire et la libre circulation des personnels humanitaires en contribuant à l'amélioration de la sécurité dans la zone d'opérations ; contribuer à la protection des activités, des personnels, des locaux et des installations des Nations unies.

C'est dans le cadre de l'apaisement de la situation dans la région que l'opération EUFOR Tchad/RCA a été déployée. Lorsqu'elle le sera pleinement, elle comptera environ 3 700 hommes. A la fin du mois d'avril, quelque 2 380 personnels étaient déjà déployés sur le théâtre d'opérations. Le déploiement de l'EUFOR dans cette région permettra à terme d'aider et de protéger des milliers de réfugiés fuyant les combats du Darfour et traversant les frontières tchadienne et centrafricaine.

La région du déploiement de l'EUFOR a été divisée en trois zones par le commandement EUFOR : la zone nord, la zone centrale et la zone sud. Chaque zone est sous la responsabilité d'un bataillon. La zone nord est sous la responsabilité d'un bataillon polonais, la zone centrale sous la responsabilité d'un bataillon français et la zone sud, comprenant également le nord-est de la République centrafricaine, est sous la responsabilité d'un bataillon irlandais. Un contingent français assure une présence à Birao au nord-est de la République centrafricaine.

A l'heure actuelle, nous suivons les déploiements au Tchad et en République centrafricaine. La capacité opérationnelle initiale n'y ayant été atteinte que tout récemment, il est encore trop tôt pour tirer des conclusions de l'opération avant la poursuite de son déploiement en vue d'atteindre la capacité opérationnelle finale.

Il faudra toutefois prêter attention à quelques points.

En premier lieu, l'EUFOR ne doit être instrumentalisée ni par les rebelles et les forces soudanaises qui risquent de faire volontairement l'amalgame entre forces françaises et troupes de l'EUFOR, ni par le gouvernement tchadien qui pourrait se protéger derrière la barrière de l'EUFOR et aggraver la situation en persécutant les rebelles.

Ensuite, l'EUFOR doit veiller à bien marquer son indépendance vis-à-vis des troupes françaises, afin de ne pas tomber dans le piège du point précédent. De même, la population doit sentir la présence de l'EUFOR comme étant un élément positif de stabilité et de sécurité.

Il convient enfin de souligner l'importance pour les États de l'Union européenne de soutenir publiquement une telle opération qui constitue pour la politique européenne de sécurité et de défense un véritable test quant à sa capacité d'action. Par le passé, le succès de l'opération EUFOR RDC/Congo a permis à l'Union européenne d'accroître sa crédibilité internationale. Il faut poursuivre dans cette voie.

Mais nous pouvons déjà constater que les contacts au cours des premiers mois d'opérabilité avec la population locale se sont révélés positifs. L'opération est fortement soutenue par l'ONU. Le succès des opérations de l'ONU dans la région repose en grande partie sur la stabilité de la région frontalière entre le Tchad et le Soudan, et sur la protection des réfugiés et des déplacés.

Malgré quelques difficultés lors de la phase de génération de forces, 3 700 soldats plus des réserves devraient être suffisants pour s'assurer que l'objectif de l'EUFOR est atteint.

Le lancement de la mission a été applaudi, non seulement par l'ONU, mais également par les médias et la société civile, qui voient dans cette opération une responsabilisation des Européens face à la violence et aux conflits dans la région du Darfour. Cette mission s'inscrit dans la volonté générale d'encourager les organisations régionales à coopérer et à s'entraider. La présence de l'EUFOR représente non seulement un facteur de sécurité pour les civils, mais aussi pour tous les États de la région, ainsi que pour l'Union africaine qui se voit ainsi l'alliée de l'Union européenne. Le poids de la présence européenne tend à crédibiliser le rôle de l'Union africaine, qui doit mener à bien sa mission au Darfour avec l'aide de l'ONU.

Mes chers collègues, je souhaite appeler votre attention sur les grandes difficultés relatives à la mise sur pied des forces, en particulier le refus d'un certain nombre de pays d'y contribuer, ce qui a entraîné des délais importants ayant ralenti le processus de génération de forces et de déploiement sur le terrain. Le besoin de déploiement accéléré afin de stabiliser la situation le plus rapidement possible, a constitué un test du mécanisme de décisions politiques. On constate qu'il a fallu plus de six mois pour obtenir la décision de déploiement de cette opération militaire prise, enfin, le 28 janvier 2008 par l'Union européenne. En l'occurrence, le manque de flexibilité, la réticence de certains pays lors de négociations politiques nous ont rappelé la grande difficulté de décider sur la base de l'unanimité.

Mes chers collègues, la mission EUFOR Tchad/RCA s'intègre pleinement dans les efforts de l'ONU de trouver une issue à la crise du Darfour. La sécurisation de la zone des camps de réfugiés et la protection de l'aide humanitaire et des personnels des Nations unies sont les clés d'une résolution de la crise au Darfour.

Cette opération a montré que des difficultés importantes subsistaient au sein même de l'Union européenne. Il est donc nécessaire d'examiner la situation de manière globale et de définir clairement la politique étrangère et de sécurité commune concernant l'Afrique et le rôle que doit jouer l'Union européenne sur ce continent, en prenant particulièrement en compte les responsabilités historiques et les risques de conflits actuels.

Rappelons enfin que cette opération n'est pas sans risque. Comme vous le savez, le 4 mars dernier, un soldat français de l'EUFOR a trouvé la mort lors d'une mission de reconnaissance après avoir traversé la frontière soudanaise. Plus récemment, le 1 er mai, un ressortissant français travaillant pour l'ONG humanitaire Save Children a été sauvagement assassiné dans l'est du Tchad, à proximité de la frontière soudanaise, par un gang de coupeurs de routes.

Ces attaques soulignent que des risques demeurent dans la région malgré la présence de l'EUFOR ; elles ne font que renforcer l'importance d'une telle mission qui est un tour de force à la fois logistique et stratégique, d'une ampleur nouvelle pour l'Union européenne.

De plus, le 11 mai dernier, le Soudan a rompu ses relations diplomatiques avec le Tchad, l'accusant d'avoir soutenu une attaque de rebelles au Darfour contre Khartoum. Cela ne fait qu'envenimer la situation et rappelle la complexité du conflit.

Aussi, le projet de recommandation, qui est aujourd'hui soumis à notre vote, reprend les premières conclusions du rapport et réaffirme :

Tout d'abord, l'importance du rôle de la communauté internationale et de l'Union européenne, en particulier dans la protection des réfugiés et des personnes déplacées au Soudan, au Tchad et en République centrafricaine.

Ensuite, la nécessité de poursuivre les efforts aux niveaux national, européen et à l'échelle de l'OTAN, en vue de développer et de renforcer les capacités d'intervention et de soutien aux forces européennes, que ce soit dans les domaines de la déployabilité, de la mobilité, de la logistique, des systèmes d'armes, de l'interopérabilité et de la multinationalité.

De même, le besoin de formuler des propositions en vue d'une réforme rapide du mécanisme Athéna lié au financement des opérations militaires, à la gestion des crises par l'Union européenne, pour s'assurer d'une participation au moins financière de tous les États prenant la décision du lancement d'une opération.

Enfin, la nécessité de prendre les mesures pour que l'Union européenne dispose d'une capacité de planification et de commandement des opérations qui soit réellement permanente et réactive.

Vous le voyez, mesdames, messieurs, mes chers collègues, à cet égard, cette opération constitue un défi pour l'Union européenne. »

La question de la réforme du mécanisme de financement des opérations de gestion de crise, dit mécanisme Athéna, a été abordée lors des débats sur la recommandation. Le mécanisme ne couvre, dans le cas de la mission EUFOR Tchad / République Centrafricaine, pas le tiers des coûts (120 millions d'euros pour un montant global estimé à près d'un demi-milliard d'euros). L'essentiel des coûts demeure, en conséquence, à la charge des États membres. La recommandation, telle qu'adoptée, propose d'élargir la participation financière à tous les États membres prenant la décision du lancement d'une opération, quand bien même ils ne participeraient pas directement à la mission . Une telle réforme apparaît nécessaire au regard des risques que fait peser la structure actuelle en matière de réactivité, l'utilisation de deux canaux de financement contribuant à ralentir la mise en oeuvre des décisions. Une amélioration sensible du dispositif contribuerait grandement à l'avènement d'un véritable fonds commun pour le financement des opérations de l'Union européenne.


Le mécanisme de financement des opérations de gestion de crise - mécanisme Athéna

Créé le 23 février 2004 par la décision 2004/197/PESC, le mécanisme Athéna est destiné à gérer le financement des coûts communs des opérations de l'Union européenne en matière de sécurité et de défense. Ce dispositif répond aux difficultés de financement rencontrées lors des mises en oeuvre des opérations Concordia dans l'ex-République yougoslave de Macédoine et Artémis en République démocratique du Congo.

Le Traité sur l'Union européenne prévoit le financement, par le budget de la PESC, des opérations civiles de gestion des crises. Les dépenses afférentes aux missions ayant des implications en matière de défense sont, quant à elles, à la charge des États membres. Les coûts communs (transport, casernement, quartier général), répartis en cinq catégories, sont alors financés dans le cadre du mécanisme Athéna. La répartition des coûts communs se fait selon la clé du PNB attribuée à chaque État (15,57 % pour la France contre 17,22 % pour le Royaume-Uni et 20,01 % pour l'Allemagne).

Le Comité spécial, chargé de gérer le mécanisme, voit sa composition varier selon les sujets en discussion. L'ensemble des États membres participent à ses réunions lorsqu'y sont évoquées les affaires générales. Dans le cas d'opérations précises, seuls les États membres contributeurs disposent du droit de vote.

Revenant sur les difficultés observées dans la chaîne de commandement, l'Assemblée s'est interrogée sur la mise en oeuvre du concept de nation-cadre, au regard, notamment, des difficultés soulevées par la rétractation suédoise au début de l'opération et les retards que celle-ci a induits. La recommandation préconise à cet effet une révision de la procédure de sélection actuelle. Le texte appelle également à la mise en oeuvre d'une capacité de planification et de commandement des opérations permanente et réactive. Les débats avec l'hémicycle ont néanmoins laissé ouverte la question de la forme censée incarner cette capacité, un centre unique pouvant s'avérer surdimensionné et in fine moins réactif que plusieurs petites cellules. Une telle organisation dépasserait le Centre d'opérations, non permanent, mis en place le 1 er janvier 2007.

Les observations de la commission politique et de son rapporteur soulignent la pertinence d'un suivi parlementaire de ce type d'opération. La capacité de proposition de l'Assemblée de sécurité et de défense européenne ne se borne pas, pour autant, à de simples modifications de l'ingénierie juridique en matière de PSDC. Elle peut également viser les objectifs mêmes de la mission à l'instar de la demande formulée par un de ses membres en faveur d'un plan d'action global pour les populations réfugiées une fois la mission EUFOR terminée.

Les chaînes de commandement des opérations de l'Union européenne

Les opérations militaires de gestion de crise conduites par l'Union européenne s'appuient sur une chaîne de commandement, comportant trois maillons :

• Un niveau stratégique/pré-décisionnel qu'incarne l'État-major de l'Union européenne (EMUE) , chargé d'évaluer les situations et d'alerter. Son intervention se situe en amont de la décision politique ;

• Un niveau militaire stratégique de planification et de conduite, au travers de l'État-major d'opérations (EMOPS/OHQ) . Celui-ci planifie les opérations, accompagne le déploiement des forces, prévoit la stratégie au plan militaire et coordonne le retour des troupes à l'issue de la mission. Il peut utiliser les structures du quartier général de l'OTAN en Europe (SHAPE) à Mons (Belgique) ou celles de cinq États membres, par ailleurs volontaires pour être éventuellement nation-cadre (Allemagne, France, Italie, Grèce et Royaume-Uni) ;

A l'échelon local, l'État-major de la force (EM FOR/FHQ) conduit la mission sur le théâtre des opérations.

L'examen de la recommandation sur la mission EUFOR Tchad/République Centrafricaine a permis à l'Assemblée de formuler plusieurs remarques quant à l'organisation de la chaîne de commandement dans le cadre de cette opération (principe de nation-cadre à revoir, absence de centre permanent de planification). Le rapport d'information de la commission de défense, instruit de l'expérience tchadienne mais également des opérations menées en Bosnie-Herzégovine, en République démocratique du Congo et au Liban, permet, à cet égard, de cerner les principales difficultés que peut rencontrer, de manière générale, l'Union européenne dans sa conduite des opérations de gestion de crise.

La question du partenariat avec l'OTAN dans le cadre des accords Berlin plus n'est, en particulier, pas sans soulever quelques difficultés. Trois domaines sont visés par lesdits accords : l'accès de l'Union européenne à la planification de l'OTAN, les options de commandement européen de l'OTAN et le recours aux moyens et capacités collectifs de celle-ci. Leur application n'en est pas moins délicate, notamment en matière de chaîne de commandement, celle de l'OTAN devant être adaptée à ce type de collaboration. Cette modification induit de longues négociations peu en phase avec l'impératif de réactivité propre à ce type de mission. Par ailleurs, l'utilisation des locaux belges du SHAPE n'implique pas forcément une coopération plus étroite : le cas de l'opération Althea en Bosnie-Herzégovine est, à cet égard, significatif, l'État-major d'opérations de l'OTAN étant, pour partie, situé à Naples. Enfin, l'OTAN ne dispose ni d'instruments civils adéquats, ni du budget nécessaire au financement d'opérations de reconstruction/coopération. Il convient, en outre, de ne pas négliger l'assimilation OTAN-États-Unis dans certaines régions du monde, comme en témoigne l'expérience libanaise. Elle contraste avec la volonté d'autonomie en matière de PESD affichée par l'Union européenne.

Le principe de nation-cadre n'est pas, non plus, sans poser de difficultés. Les réserves soulevées à l'occasion de l'examen du rapport sur la mission EUFOR Tchad/RCA font écho à celles constatées à l'occasion de la mise en place de l'opération EUFOR en République démocratique du Congo. Les délais pour le choix de la nation-cadre, induits par le caractère politique de celui-ci, apparaissent contraires à l'exigence de rapidité liée aux situations de crise. Une fois la nation retenue, la coopération avec Bruxelles reste moins étroite qu'attendue au regard de l'éloignement entre les centres de décisions (Comité permanent de Sécurité et EMUE notamment) et l'État-major d'opérations situé dans la nation-cadre. Il convient également de ne pas mésestimer l'inexistence de continuité liée au changement d'État-major à chaque opération et l'absence de compétence de celui-ci en matière de gestion civile de la crise.

La distinction en trois maillons de la chaîne de commandement n'est pas, non plus, sans soulever quelques interrogations en matière d'efficacité. La commission de défense s'interroge à juste titre sur l'absence de capacité de planification opérationnelle au cours de la phase pré-décisionnelle , à la lumière des deux missions EUFOR. Elle appuie le projet de restructuration de l'EMUE présenté en janvier dernier par son directeur, le général Leakey. Celui-ci envisage d'augmenter le nombre d'officiers de l'EMUE de cinq « planificateurs ».

Un tel redéploiement de l'EMUE ne saurait occulter la nécessité de mettre en place un État-major d'opération permanent , intégrant notamment l'actuelle Cellule de planification civilo-militaire et installé dans les mêmes locaux que l'EMUE. La stabilité d'une telle organisation permettrait de tempérer les difficultés observées plus haut. La question du coût, souvent opposée à la création d'un tel État-major intégré, peut être évitée en repensant les logiques actuelles de mise à disposition des officiers. La mise en place de ce dispositif garantit de surcroît une certaine visibilité à l'action militaire de l'Union européenne, moins dépendante des structures atlantistes. Elle permettrait, enfin, le développement d'une culture stratégique commune à l'ensemble des États membres.

IV. L'AVENIR DE L'UNION DE L'EUROPE OCCIDENTALE

A. MODIFICATION DE LA CHARTE DE L'ASSEMBLÉE EUROPÉENNE DE SÉCURITÉ ET DE DÉFENSE

Se plaçant dans la continuité du traité d'Amsterdam mais également du projet de traité constitutionnel, le traité de Lisbonne reconnaît toujours à l'Union de l'Europe occidentale une place particulière au sein de la politique européenne de sécurité et de défense appelée à devenir politique de sécurité et de défense commune (PSDC). Le protocole n°11 du traité modificatif, reprenant la rédaction des protocoles n°1, annexé au traité d'Amsterdam, et n°24, annexé au projet de traité constitutionnel, prévoit, en effet, la mise en oeuvre d'arrangements entre l'Union européenne et l'Union de l'Europe occidentale « visant à améliorer la coopération entre elles ».

Le cadre de cette coopération reste néanmoins à définir tant les conditions de 1997 ne semblent plus du tout réunies, la plupart des organes subsidiaires de l'UEO disposant de moyens d'action concrets, ayant vu leur compétences transférées vers l'Union européenne (Organisation de l'armement de l'Europe occidentale - OAEO, Institut d'études de sécurité et Centre satellitaire) ou leurs activités cesser (Groupe armement de l'Europe occidentale - GEAO, cellule recherche de l'OAEO). L'Assemblée de l'UEO considère désormais qu'elle est la plus à même d'incarner cette coopération en se présentant comme un laboratoire d'idées pour les gouvernements en matière de sécurité et de défense.

L'Assemblée entend justifier cette ambition par une légitimité découlant à la fois de sa composition et de sa spécialisation, mais également de la volonté réitérée des États membres de ne pas renforcer le rôle du Parlement européen en la matière. L'Assemblée de l'UEO réunit en effet des membres des parlements nationaux, qui votent dans leurs pays les crédits affectés aux budgets de défense et autorisent, le cas échéant, l'envoi de troupes. L'Assemblée estime, à cet égard, rejoindre l'ambition du projet de traité constitutionnel puis du traité de Lisbonne de conférer un plus grand rôle aux parlements nationaux dans le processus d'élaboration de la norme européenne. Elle va même au-delà en incarnant de manière partielle une représentation collective de ceux-ci.

L'article 10 du protocole sur le rôle des parlements nationaux dans l'Union européenne laisse néanmoins la possibilité à l'actuelle conférence des organes parlementaires spécialisés dans les affaires communautaires (COSAC) d'organiser, à l'avenir, des conférences interparlementaires autour des questions de politique étrangère et de sécurité commune. En l'absence de précision sur les modalités d'organisation de ces conférences, il convient de constater qu'elles ne bénéficient pas, a priori, de l'expérience et de la permanence de l'Assemblée de l'UEO voire de sa spécialisation, matérialisée par le six commissions qui la composent.

Par ailleurs, la possibilité laissée par le traité modificatif au Parlement européen de formuler des recommandations et de tenir deux débats annuels consacrés à la PESC, y compris la PSDC, n'équivaut pas à un renforcement de son rôle dans ce domaine, comme le souligne la déclaration n°14 annexée au traité.

Au regard de ce qu'elle considère comme des opportunités en vue de renforcer son rôle, l'Assemblée de l'UEO a choisi en décembre dernier de procéder à une révision de sa Charte et de son règlement, et conférer de la sorte plus de lisibilité à sa composition et à son action. La directive votée en ce sens lors de la session précédente conduit principalement à simplifier le statut des délégations nationales. Initialement réparties au sein de 8 collèges, créés au fur et à mesure de l'ouverture à l'Est et de l'élargissement de l'Union européenne, les 39 délégations sont désormais réparties en trois catégories :

• Les membres de l'assemblée sont les 27 États membres de l'Union européenne ;

• Les États associés, au nombre de trois (Islande, Norvège et Turquie) sont tous membres de l'OTAN ;

• Les partenaires, au nombre de neuf (Albanie, Bosnie-Herzégovine, Croatie, ex-République yougoslave de Macédoine, Moldova, Monténégro, Fédération de Russie, Serbie et Ukraine) ne sont ni membres de l'Union européenne ou ni liés à l'OTAN.

L'entrée en vigueur de ce nouveau cadre était prévue à l'orée de cette partie de session. L'impossibilité rencontrée par l'Autriche et l'Irlande pour faire valider en temps voulus cette modification par leurs chambres a conduit à reporter celle-ci à la prochaine partie de la session. M. Jean-Pierre Masseret (Moselle - SOC), Président de l'Assemblée de l'UEO a, au cours, de son discours d'ouverture de la session, tenu à rappeler la nécessité pour l'Assemblée de se réformer pour mieux s'affirmer et être en adéquation avec le projet européen de défense et de sécurité communes :

« Nous avons, en Commission permanente, adopté à l'unanimité une nouvelle Charte et un nouveau Règlement. Rien d'extraordinaire dans cette observation : en fait, nous faisons précisément évoluer les mots vers la réalité. Notre Assemblée est bien la seule à réunir des représentants de nos parlements nationaux autour de questions de défense et de sécurité. Se dire et se désigner sous l'appellation « Assemblée européenne de sécurité et de défense » est somme toute légitime ! Ce titre fait écho tout simplement à un principe démocratique selon lequel les parlementaires élus par le peuple ont la responsabilité d'exercer un contrôle sur ce qui concerne la vie de nos concitoyens, de leurs concitoyens. Sur les questions de défense et de sécurité, les politiques intergouvernementales ont toujours fait l'objet d'un suivi interparlementaire, que ce soit l'OTAN et l'Assemblée parlementaire de l'OTAN, que ce soit l'OSCE et l'Assemblée parlementaire de l'OSCE, ou que ce soit l'Assemblée parlementaire à l'origine de l'Union de l'Europe occidentale, ce que nous sommes encore, même si nous en avons fait évoluer le périmètre de participation.

Cette responsabilité, ce socle du contrôle démocratique, mes chers collègues, ne sont pas remis en cause par le Traité de Lisbonne, bien au contraire. Ce sont toujours les parlementaires nationaux qui votent les budgets de défense ; ce sont toujours les parlementaires nationaux qui décident de l'envoi des troupes vers les missions européennes ou internationales, c'est-à-dire qui exercent quasiment un droit de vie, éventuellement de mort, sur des hommes et des femmes qui consacrent leur action à défendre les intérêts de chacun des États souverains.

Notre Assemblée, au fil du temps et de l'évolution de l'Europe, s'est toujours efforcée de s'ouvrir aux parlementaires des États désireux d'apporter leur concours à la sécurité de l'Europe. Elle est ainsi devenue un lieu de réflexion, un lieu d'analyse, d'échanges, dans lequel les parlementaires nationaux des États européens, membres ou non de l ' UEO , qui fournissent une contribution à la PESD , à sa capacité opérationnelle, peuvent ici exposer leur analyse, leurs convictions et en débattre et donner un certain nombre d'orientations. Il ne s'agit pas de sanctionner les exécutifs : il s'agit simplement de pouvoir échanger, de mieux comprendre et de mieux coordonner nos actions et nos réflexions.

Nous nous sommes fixés pour objectif essentiel d'accorder à tous les parlementaires issus des États membres de l ' UE l'égalité de statut. On ne donne pas le statut de membre fondateur de l ' UEO , il s'agit simplement qu'à l'intérieur de cet hémicycle, les membres de l ' UE puissent tous voter, s'exprimer et disposer des mêmes possibilités, mais il ne s'agit pas d'intégrer parmi les membres fondateurs de l ' UEO l'ensemble des membres de l ' UE . C'est un autre débat. Nous ne discutons que de ce qui nous concerne ici et ce que nous voulons, c'est que chaque membre de l ' UE dispose des mêmes droits à l'intérieur de cet hémicycle. Être membre de cette Assemblée ne signifie pas être membre fondateur de l'Union de l'Europe occidentale. Que ces choses-là soient bien comprises pour ce qu'elles sont : il s'agit de bénéficier d'un droit de vote symétrique à celui dont disposent les gouvernements au sein des instances pertinentes de l ' UE , en particulier au sein du Comité politique et de sécurité. Ainsi, la dimension interparlementaire représentée par l'Assemblée est désormais le fidèle reflet de ce qui se pratique au niveau intergouvernemental.

Cette nouvelle édition de notre Charte et de notre Règlement respecte pleinement les droits et responsabilités acquis de nos membres associés et de nos pays partenaires qui, pour un grand nombre d'entre eux, participent régulièrement aux opérations civiles et militaires conduites par l ' UE. Ainsi, les parlements nationaux disposent désormais, grâce à cette initiative, d'un outil à peu près sans équivalent dans le domaine sérieux, vital et important de la sécurité et de la défense européennes. Cette démarche est en parfait accord avec les dispositions du Traité de Lisbonne. Cette initiative contribue largement à combler l'inacceptable déficit démocratique dont nous parlons tous toujours, en toute occasion, et dont nous avons souffert pendant tant d'années au niveau européen. Quand on participe aux différents rassemblements européens, on constate régulièrement que chacun y va de son propos sur le déficit démocratique, sur l'idée qu'il faut toujours mieux associer les citoyens à la compréhension de la politique européenne. Pourtant, nous sommes là pour ça !

Il existe un paradoxe entre le discours qui appelle à davantage de contrôle démocratique, davantage de moyens en vue d'associer nos concitoyens à la connaissance des politiques de l'Europe et le fait de dire qu'au fond, cette Assemblée interparlementaire serait face à la chronique d'une mort annoncée. Il serait bon que les politiques puissent mettre leurs propos en accord avec les réalités et que les discours soient suivis d'actes concrets. Sinon, cela crée de la discordance et il ne faut pas s'étonner ensuite que les citoyens finissent par ne plus croire dans la parole des hommes politiques. Quand on veut davantage de participation des citoyens dans des domaines aussi essentiels que ceux de la défense et de la sécurité et que l'on dispose d'une assemblée interparlementaire qui associe des représentants des parlements nationaux pour discuter de ces questions, il y a comme une contradiction entre le discours sur le déficit démocratique et le fait de vouloir, éventuellement, la disparition de cette Assemblée ! Ce serait une stupidité démocratique. Mais, après tout, chacun est assez grand pour assumer ses responsabilités ! Pour notre part, nous continuons d'avancer et nous continuerons à dire ce qui nous paraît utile au bon fonctionnement démocratique des politiques européennes... et nous verrons bien. »

Le refus exprimé par les Irlandais de ratifier le traité de Lisbonne et l'incertitude qui pèse désormais sur celui-ci contrastent de fait avec l'anticipation opérée par l'Assemblée de l'UEO, mue par une volonté manifeste de continuer à exister. Cette modernité affichée contraste, en effet, avec l'incertitude juridique qui entoure l'Union de l'Europe occidentale elle-même, dont le traité constitutif est arrivé à échéance il y a quatre ans. La réflexion que l'Assemblée a elle-même engagée sur son champ d'action et ses orientations mériterait d'être désormais suivie d'un véritable débat au niveau intergouvernemental sur les opportunités que pourrait présenter l'UEO en matière de sécurité et de défense sur l'ensemble du continent européen . A titre d'exemple, le partenariat avec la Russie, maintes fois débattu au sein des instances européennes, trouve ici un cadre concret pour exister. L'UEO renvoie par ailleurs à la question de l'autonomie à l'égard de l'OTAN en proposant à neuf États européens une véritable alliance. La clause de solidarité demeure en outre unique, tant celle de défense mutuelle introduite par le traité de Lisbonne peut être sujette à interrogation quant à sa réalisation concrète : l'obligation d'assistance pouvant, en effet, être tempérée par les accords passés au sein de l'OTAN qui demeurent privilégiés ou par la neutralité de certains États que la clause entend respecter.

B. PRIORITÉS DE LA DOUBLE PRÉSIDENCE FRANÇAISE : INTERVENTION DE M. JEAN-PIERRE JOUYET, SECRÉTAIRE D'ÉTAT CHARGÉ DES AFFAIRES EUROPÉENNES

La France préside depuis le 1 er janvier dernier l'Union de l'Europe Occidentale et prendra, à compter du 1 er juillet, la présidence de l'Union européenne. Ce double mandat coïncide avec la volonté du Gouvernement de relancer l'Europe de la défense, dont la France est un des plus anciens promoteurs.

Insistant sur le rôle de l'Assemblée parlementaire de l'UEO dans la diffusion d'une culture de sécurité et de défense au sein des parlements nationaux, M. Jouyet a profité de sa présence dans l'hémicycle pour aborder les priorités en la matière de la double présidence française.

La relance de la défense européenne passe aux yeux du ministre par un renforcement de la complémentarité entre la défense européenne et l'OTAN. Prenant acte de l'insuffisance des moyens mis en oeuvre par les Européens face à la multiplicité des crises régionales et aux menaces actuelles et futures, la présidence française entend définir une vision stratégique et fixer des perspectives concrètes à l'horizon des dix prochaines années. Pour satisfaire cette ambition, la présidence française entend définir cinq objectifs :

• Actualiser la stratégie européenne de sécurité définie en 2003, afin de mieux prendre en compte les nouvelles menaces, d'intégrer les nouvelles donnes issues de l'élargissement et de l'évolution des partenariats avec les États-Unis et la Russie, et tirer les leçons des opérations déjà conduites ;

• Renforcer les capacités civiles et militaires de gestion des crises, en vue d'améliorer notamment la coopération avec l'OTAN. Le gouvernement français appelle ainsi de ses voeux une meilleure utilisation des moyens et des capacités des États membres mais aussi la mise en avant, à l'échelle européenne, de nouveaux projets capacitaires structurants dans les domaines aérien ou maritime, au travers notamment de l'Agence européenne de défense. Dans le même ordre d'idée, il appuiera également le paquet défense de la Commission européenne et les opportunités qu'il représente pour l'industrie de défense européenne. La réévaluation des capacités de gestion de crise passe également par une réforme du mécanisme Athéna, jugé trop restrictif ;

• Dans l'attente d'une ratification par l'ensemble des États membres du traité de Lisbonne, la France entend d'ores et déjà engager une réflexion sur les modalités d'application des dispositions de celui-ci en matière de défense et notamment la possibilité de mettre en place une coopération structurée permanente ;

• Renforcer les capacités du centre d'opérations de Bruxelles, ouvert en janvier 2007, afin de lui conférer une certaine crédibilité. Les échanges de formation des officiers contribueraient également à améliorer le travail commun au sein de l'État-major de l'Union européenne ;

• Développer des partenariats clés, tant avec l'OTAN qu'avec la Russie ou l'Union africaine . Une telle option apparaît comme une nécessité en vue d'optimiser les opérations conduites par l'Union européenne sur des théâtres extérieurs.

Si l'ambition française en matière de défense européenne a été saluée par l'Assemblée, elle n'a pas été sans susciter quelques interrogations quant à son financement. Le Gouvernement français entend, à cet égard, profiter du débat sur les perspectives financières au-delà de 2013 mais également de la révision à mi-parcours des perspectives actuelles pour adapter les ressources budgétaires à cet effort. Une majoration de la contribution en matière de défense ne pourra néanmoins être acceptée que si elle est précédée d'une sensibilisation de l'opinion publique européenne sur ces sujets.

Les débats avec l'hémicycle ont, également, permis au secrétaire d'État de relier les orientations du Livre blanc sur la défense remis au Gouvernement français aux nouvelles orientations de la politique européenne de défense. Insistant sur la nécessité de mutualiser les moyens, le Gouvernement entend optimiser ses capacités dans la perspective d'un renforcement des partenariats, notamment celui conclu avec l'OTAN. Le Gouvernement entend, à ce titre, veiller à éviter tout doublon entre les organisations européenne et atlantique de défense.

Mme Josette Durrieu (Hautes-Pyrénées - SOC) a souhaité revenir sur la question de la coopération avec l'OTAN et les modalités de collaboration avec les États-Unis :

« Merci, Monsieur le Ministre, d'être venu devant cette Assemblée, d'avoir développé un certain nombre de pistes qui me paraissent tout à fait intéressantes et de nous avoir dit que la France, au cours de sa présidence, tenterait de mettre le problème de la défense au coeur de ses préoccupations. Je pense que c'est assez nouveau, et je crois que tout le monde ici s'en réjouira.

Au demeurant, la politique européenne de sécurité et de défense autonome aura quelques difficultés à se positionner. En effet, on parle beaucoup de l'OTAN. Disons aussi carrément que nous sommes les alliés de cette grande puissance que sont les États-Unis.

Pour ce qui me concerne, je me souviens de la règle des trois D et des trois refus qui me semble n'avoir jamais été effacée du discours : pas de découplage, pas de discrimination, pas de double emploi. Le découplage, c'était entre les États-Unis et l'Union européenne. La discrimination, visait une différence de traitement entre les États membres de l'OTAN, membres de l'Union européenne, et les États membres de l'OTAN, non membres de l'Union européenne, en référence, à n'en pas douter, à la Turquie. Le refus des doublons s'appliquait à la chaîne de commandement, aux choix stratégiques et aux équipements.

J'ai bien entendu, Monsieur le Ministre, tout ce que vous avez dit. Vous avez utilisé des mots importants, essentiels : complémentarité, mutualisation. Mais il s'agissait surtout de complémentarité entre partenaires européens. Je n'ai pas vraiment entendu quelles étaient les complémentarités ou les mutualisations qui pourraient avoir lieu avec cet autre grand partenaire que seraient les États-Unis. Le budget américain pèse tout de même aujourd'hui 400 milliards de dollars, soit quatre fois le budget européen. Que pouvons-nous faire ?

Ma dernière question concerne les aides civiles et militaires croisées dont bénéficient les États-Unis et dont l'Europe ne bénéficie pas et ne bénéficiera jamais puisque la commission s'y refuse. Je pense que les règles du jeu ne sont pas à notre avantage. Comment faire pour les changer ? »

M. Jouyet a répondu en soulignant le changement d'époque que vit actuellement l'Europe de la défense :

« En ce qui concerne la règle des trois D, il y a aussi une évolution. Un certain nombre de problèmes avec les États-Unis sont derrière nous et il existe de leur part une demande d'une certaine complémentarité, parce qu'ils se rendent compte qu'ils ne peuvent pas et ne savent pas tout assumer dans les meilleures conditions. C'est une évolution et un rapprochement stratégique, pas sur tous les points de vue, mais avec les buts de l'Union européenne.

Nous sommes désormais dans une autre période de la politique européenne de sécurité et de défense. Les États-Unis, aujourd'hui, reconnaissent qu'ils ont intérêt à avoir une capacité européenne de défense autonome et capable d'agir. Cela a été reconnu à Washington. Je dois dire, Mme Durrieu, qu'un des principaux succès de l'Europe a été obtenu lors de la Conférence de Bucarest de l'OTAN, sous le contrôle de Mme Jipa, qui a clairement montré que les États-Unis reconnaissaient ce fait et que lorsque l'Europe était unie face à certaines demandes américaines, et vous voyez celles auxquelles je fais allusion, les États-Unis en prenaient acte. Nous avons là une évolution.

En ce qui concerne le double emploi, je me suis exprimé tout à l'heure. J'ai dit qu'il le fallait à chaque fois que c'était nécessaire.

Concernant la discrimination, il est certain que nous devons prendre en compte les éléments que vous avez indiqués, notamment en ce qui concerne la Turquie et ses relations avec l'Union européenne. C'est une dimension importante. Il y a donc là aussi une certaine évolution.

En ce qui concerne les aides et les moyens de financement, vous avez parfaitement raison, Mme Durrieu, car il existe un handicap et un gap croissants. La question a été posée également par M. Greenway. Il est vrai que nous ne pouvons avoir ces ambitions que si nous disposons de moyens suffisants et que si les opinions publiques sont prêtes à ces sacrifices, se rendent compte de l'importance du sujet. C'est pourquoi ce que M. Ducarme a dit sur l'eurobaromètre est important. Il y a une sensibilisation à opérer. Pour répondre aussi à M. Greenway, je remarque que cela n'empêche pas les États les plus réticents, qui ont une tradition neutraliste - je pense à l'Irlande, à l'Autriche, à quelques pays scandinaves -, de participer ponctuellement à un certain nombre d'opérations. Je vois bien que chacun sera amené, dans le cadre des coopérations structurées permanentes, à participer, sans renier sa propre tradition, tout en faisant en sorte que, ensemble, nous disposions de moyens suffisants.

Vous avez posé le problème des aides. C'est un des sujets qui devra évoluer, je l'espère, dans le cadre du marché intérieur des industries de défense, car si l'on continue à opposer une volonté de coopération forte dans le domaine de la sécurité et de la défense avec des aspects technologiques et de recherche importants, le système d'encadrement des aides au niveau communautaire devra aussi évoluer.

On voit donc bien qu'au travers de tous ces enjeux de politique européenne de sécurité et de défense, ce sont des pans importants des actions, des politiques autres que nous menons dans le cadre européen, qui devront également être visités, notamment en matière de recherche technologique et en termes financiers. »

La question de l'Union pour la Méditerranée et ses conséquences en matière de sécurité maritime ont également été l'objet d'échanges avec les parlementaires. Le gouvernement français souhaite faire de la question de la surveillance maritime une des priorités d'actions de la nouvelle Union tout en renforçant les moyens de l'agence européenne Frontex en la matière. Une attention particulière devrait néanmoins être portée à la question des « réfugiés de l'environnement » sur les côtes européennes, estimés à 200 millions de personnes à l'horizon 2025.

M. Jean-Guy Branger (Charente-Maritime - UMP) a tenu, quant à lui, à interroger le ministre sur les difficultés rencontrées par l'Union européenne pour exprimer une position unie en matière de politique étrangère :

« L'actualité se fait quotidiennement l'écho de violations répétées des droits de l'Homme d'un bout à l'autre de la planète, de la Birmanie au Zimbabwe, en passant par le Tibet.

Continent lui aussi tourmenté au siècle passé, l'Europe représente un espoir pour les autres nations tant elle incarne un idéal de paix et de liberté et condamne les idéologies rétrogrades et les nationalismes étroits.

J'ai pourtant de la peine à observer les difficultés à nous unir pour dénoncer, ça et là, des atteintes criantes aux libertés fondamentales de l'individu.

Pouvons-nous espérer que la question des droits de l'Homme soit au coeur de la politique étrangère de l'Union européenne à l'occasion de la prochaine présidence française et que l'Union européenne affirme haut et fort les valeurs sur lesquelles elle est fondée ? »

M. Jouyet a, à cet égard, formulé deux remarques :

« Premièrement, même si ce n'est pas forcément politiquement correct, vous avez, sur l'essentiel de ces questions, d'ores et déjà des positions qui me paraissent identiques à celles de l'Union européenne. Je n'ai pas noté de grandes divergences. Par rapport à la junte birmane notamment, concernant le Tibet ou un certain nombre de nations que vous avez mentionnées, les positions au sein du Conseil ont été réaffirmées.

Deuxièmement, il est vrai qu'il peut exister des problèmes de visibilité dans les structures actuelles du Traité. C'est pourquoi, tout en conservant bien évidemment ces sujets au coeur des préoccupations de la présidence française, il faut attendre d'être dotés d'un représentant en charge des relations extérieures pour que l'Europe affirme plus clairement une unité. A cet égard également, il est clair que la manière dont sera structuré le service extérieur commun, en prenant en compte la composante que vous avez intégrée, sera importante . »

A l'instar du discours du représentant du Gouvernement français lors de la deuxième partie de la session 2007, on regrettera l'absence, dans l'intervention du ministre, de mention sur l'avenir de l'Union de l'Europe Occidentale. Le renforcement des liens avec l'OTAN comme la possibilité, à terme, d'une adoption du Traité de Lisbonne modifie les perspectives d'actions pour l'Union de l'Europe occidentale et son assemblée. Face à la concurrence relative du Parlement européen, voire à celle de l'Assemblée parlementaire de l'OTAN, le champ d'action de l'Assemblée de l'UEO pourrait, en effet, s'avérer un peu plus étroit. Une telle perspective aurait pu être tempérée par un soutien manifeste du Gouvernement français.

C. DISCOURS DE M. TERRY DAVIS, SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DU CONSEIL DE L'EUROPE

La brève intervention du Secrétaire général du Conseil de l'Europe visait à rappeler la légitimité de l'Assemblée de l'UEO sur les questions de défense et de sécurité. Les parlementaires nationaux demeurent, en effet, les plus à même de traiter ces questions qui relèvent de la souveraineté. Le caractère international des problématiques abordées implique l'existence d'une assemblée interparlementaire réunissant les délégations nationales pour en débattre. La tenue de sessions régulières comme l'existence des commissions impliquent la possibilité d'échanges fréquents entre les délégations, sans passer par le prisme de relations bilatérales épisodiques.

La spécialisation de l'Assemblée de l'UEO est également un gage d'efficacité aux yeux du Secrétaire général. Elle a su développer une capacité d'expertise dans les domaines de la sécurité et de la défense, dont les qualités sont aujourd'hui reconnues. Citant en exemple le travail effectué sur l'avenir des Balkans occidentaux, M. Davis a souligné la possibilité pour d'autres institutions interparlementaires, et en premier lieu, l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, d'utiliser les rapports de l'Assemblée de l'UEO dans leurs débats. Il a noté à cet égard la complémentarité entre les assemblées du Conseil de l'Europe et de l'UEO. La première promeut, en effet, les droits de l'Homme et par là même la paix, quand la seconde permet de débattre des conditions du maintien de celle-ci.

V. L'ACTUALITÉ GÉOPOLITIQUE

A. 2008 : UNE ANNÉE DÉCISIVE POUR LES BALKANS OCCIDENTAUX

Priorité de la présidence slovène de l'Union européenne, la question de l'avenir des Balkans occidentaux était également au centre des travaux de l'Assemblée de sécurité et de défense au cours du premier semestre 2008. S'inscrivant dans la lignée du colloque organisé les 4 et 5 mars derniers à Ljubljana, la recommandation présentée devant l'Assemblée insiste avant tout sur l'indépendance du Kosovo et ses conséquences régionales et internationales. La neutralité du rapport quant au bien-fondé de l'indépendance n'occulte pas, en effet, les risques que celle-ci induit à l'échelle mondiale, et plus particulièrement dans le Caucase. Si la commission politique réfute tout lien entre l'accession à l'indépendance d'une province administrée depuis près de 10 ans par la communauté internationale et les velléités séparatistes des régions concernées, elle met néanmoins en relief l'utilisation du précédent kosovar par les 69 membres de l'Organisation des peuples et nations représentés (UNPO) dans leur quête de légitimité.

La commission souligne également le décalage observé entre l'unité de l'Union européenne sur l'envoi de troupes sur place et son impossibilité à adopter une position commune sur le nouveau statut , 7 États membres refusant toujours de reconnaître l'indépendance du Kosovo. La mission EULEX (État de droit au Kosovo), prévue pour une durée de deux ans, devrait encadrer les autorités kosovares dans les domaines de la police, de la justice et des douanes. Elle comptera environ 2 000 officiers de police, juges, procureurs et douaniers internationaux, assistés par 1 100 personnes recrutées localement.

La mission demeure cependant sujette à interrogation puisqu'elle ne bénéficie pas, à l'heure actuelle, d'un mandat des Nations unies pour succéder à la mission intérimaire des Nations unies (MINUK) en charge de l'administration de l'ancienne province serbe depuis 1998. L'Union européenne se heurte, dans le cas présent, à la volonté russe de retarder la prise de décision, assimilée à une légitimation de l'indépendance kosovare. Cet exemple souligne aux yeux de la commission politique le raidissement des relations entre l'Est et l'Ouest sur ce sujet, le rapporteur allant jusqu'à oser une comparaison avec la période précédant 1989 avant de tempérer son jugement.

Bien qu'elle tende à lier le cas kosovar à la situation en Abkhazie et en Ossétie, la Russie ne semble avoir aucun intérêt à entretenir durablement des foyers de tensions dans les Balkans, au travers notamment d'un soutien à l'irrédentisme serbe en Bosnie-Herzégovine. Les missions de l'OTAN et de l'Union européenne doivent néanmoins être vigilantes en matière de protection de la minorité serbe au Kosovo, tant de mauvais traitements contribueraient à aggraver les tensions entre l'Occident et Moscou.

La Serbie est, quant à elle, encouragée à continuer sa progression sur la voie de l'intégration européenne, tout autre choix apparaissant, aux yeux de la commission politique, « suicidaire ». L'arrestation de Radovan Karadzic et Ratko Mladic demeure, néanmoins, un préalable à toute poursuite des négociations avec l'Union européenne. Sa politique régionale doit également être empreinte d'apaisement. La situation de son voisin bosnien est, à cet égard, porteuse d'inquiétude tant l'indépendance du Kosovo a pu confirmer les velléités indépendantistes de la Republika Sprska. La Bosnie-Herzégovine peine à exister véritablement, en dépit de la signature de l'Accord de stabilisation et d'association avec l'Union européenne. L'absence de réforme constitutionnelle, l'impossibilité de voir aboutir à court terme le projet de police commune à l'ensemble du jeune État, font de celui-ci une structure sous respiration artificielle , maintenu en vie par la communauté internationale et les missions policières, civiles et militaires qu'elle a installées sur place (opération Althéa : 2 500 hommes, mission de police de l'Union européenne). A ce volet humain, s'ajoute également une importante aide financière, 2,5 milliards d'euros étant ainsi octroyés par l'Union européenne dans le cadre de plusieurs programmes d'aide à la reconstruction.

La recommandation insiste sur la nécessité pour la Grèce et l'ex-République yougoslave de Macédoine de trouver une solution consensuelle en vue de régler le différend existant sur la question du nom de l'ancienne république. Cette question apparaît centrale en vue de permettre à celle-ci de poursuivre son intégration au sein de l'OTAN et de l'Union européenne, jusque-là refusée par Athènes.

Au-delà du texte même de la recommandation recensant les enjeux et les points de friction au sein de la région, la commission politique, par la voix de son rapporteur, M. Pedro Agramunt Font de Mora (Espagne-Groupe fédéré), a enjoint à l'Occident de responsabiliser davantage les États de la région et rompre avec la logique de subventions . Elle y voit l'opportunité de leur conférer une véritable autonomie dans la prise de décision, ce qui leur permettrait d'avoir une mesure adéquate de la réalité.

B. LA POLITIQUE DE DÉFENSE RUSSE

L'intervention de l'Assemblée parlementaire de l'Union de l'Europe Occidentale sur la question de la défense russe s'inscrit dans le cadre de la révision de la stratégie européenne de défense. Elle prend également acte du souhait manifesté par la Russie de retrouver un rôle déterminant dans un monde devenu multipolaire. Aux termes du rapport de M. Andrea Rigoni (Italie - Groupe libéral), cette ambition s'appuie sur deux leviers principaux : les ressources en énergie, et la modernisation accélérée de ses capacités militaires.

Après dix ans de réformes, toujours en cours, les forces armées russes occupent, avec plus d'un million d'hommes, la quatrième position dans le monde derrière la Chine (plus de 2,2 millions), les États-Unis (1,4 million) et l'Inde (1,3 million). Le budget fédéral russe est généreux à l'égard de l'armée : 28 milliards de dollars ont été affectés à la défense pour 2008 ; 33 milliards pour 2009 et 40 milliards pour 2010 (prévisions). Sous la présidence de Vladimir Poutine, la Russie a élaboré en 2000 une nouvelle doctrine miliaire, qui a été révisée en 2003 et 2007. La doctrine de 2000 prévoit une extension de l'influence de la Russie fondée non plus seulement sur la coopération, mais aussi sur des rapports de force, tout en préservant l'intégrité territoriale du pays et en garantissant le contrôle des ressources énergétiques. Cette doctrine englobe la sécurité interne et donc la lutte contre le terrorisme, le crime organisé, les trafics de drogue et d'armes. Aujourd'hui, la politique de défense russe s'oriente vers un renforcement des capacités permettant de pratiquer à la fois la dissuasion et la projection de forces. En effet, l'arsenal nucléaire russe est la garantie de son statut militaire international, d'autant que la modernisation des forces conventionnelles prendra beaucoup de temps. Cet arsenal reste impressionnant puisque, selon différentes sources, il compterait encore 702 vecteurs stratégiques pouvant emporter jusqu'à 3 155 têtes nucléaires, des forces de fusées stratégiques munies de 452 systèmes de missiles pouvant emporter 1677 têtes nucléaires, 14 sous-marins stratégiques lance-missiles et 78 bombardiers.

Enfin, le rapport rappelle que l'OTAN reste l'interlocuteur principal de la Russie, et il estime que, désormais, les questions stratégiques doivent être revues dans une optique de dialogue d'égal à égal .

Invité à intervenir à la suite de la présentation du rapport, M. Dimitri Rogozine, Ambassadeur, Représentant permanent de la Fédération de Russie à l'OTAN, a salué un texte « pondéré et équilibré », exprimant néanmoins de façon franche et déterminée un certain nombre de critiques, notamment sur la question des missiles stratégiques.

M. Rogozine a, en effet, rappelé la position de son pays sur la question : la Russie ne comprend pas pourquoi des missiles seraient installés dans les pays baltes, dès lors que l'OTAN cherche à se protéger de l'Iran. En outre, il estime que cette décision a été prise au mépris de la volonté des peuples tchèque et polonais. Sur les relations entre la Russie et l'OTAN, M. Rogozine souligne que cette dernière reste une organisation militaire et technologique. Il lui reproche d'avoir affirmé lors du Sommet de Bucarest, « sans nuance conditionnelle », que l'Ukraine et la Géorgie seront membres de l'OTAN. Elle a donc pris cette décision unilatéralement sans envisager la résolution des problèmes territoriaux de la Géorgie ou l'organisation d'un référendum en Ukraine.

Malgré tout, s'il existe des divergences entre l'OTAN et la Russie, l'Ambassadeur tient à évoquer différents aspects plus positifs de leurs relations. En effet, la Russie comme l'OTAN font face à des menaces communes, notamment celles qui sont liées à la situation en Afghanistan. La Russie a ainsi décidé à Bucarest d'autoriser le transit ferroviaire des troupes de l'OTAN sur le territoire russe. En outre, l'accord sur l'utilisation de l'aviation miliaire russe pour les besoins de l'OTAN est en voie d'être conclu. Des accords bilatéraux similaires existent déjà avec la France et l'Allemagne. La prise en compte de cette menace conjointe poussera nécessairement la Russie et l'OTAN à coopérer davantage.

En conclusion, M. Rogozine affirme que la sécurité du continent européen est indivisible, et qu'on ne saurait construire la sécurité des uns au détriment de celle des autres. Il s'agit de rechercher un équilibre entre intérêts nationaux.

Le débat qui a suivi a permis d'aborder sans tabou de nombreuses questions. Les intervenants ont ainsi interrogé l'ambassadeur sur le retrait des troupes russes de Transnistrie, sur le retrait futur de la flotte russe de Crimée à partir de 2017, sur les menaces internes et externes pesant sur la Russie, sur le traité sur les forces conventionnelles en Europe (Traité FCE), sur une adhésion éventuelle de l'Ukraine à l'OTAN et ses conséquences pour la Russie, mais aussi sur la qualité des équipements militaires russes, les résultats du Sommet de Bucarest, la situation entre la Géorgie et l'Abkhazie ou encore, sur la relation entre Vladimir Poutine et le nouveau Président Medvedev.

M. Rogozine s'est efforcé de répondre à l'ensemble de ces questions. D'après lui, la Russie n'a pas de forces armées en Transnistrie, et la flotte russe de la mer Noire a vocation à y rester indéfiniment. En ce qui concerne les menaces, les dangers internes les plus importants sont la corruption, la misère et le vieillissement de la population. Quant aux menaces externes, ce sont le terrorisme et l'intolérance. M. Rogozine a exprimé sa perplexité sur la réelle autonomie de la défense européenne par rapport aux États-Unis. Selon lui, l'Europe doit développer sa propre capacité à régler ses problèmes de sécurité et peut trouver en la Russie un allié de poids . M. Rogozine a rassuré les parlementaires sur les récentes démonstrations militaires russes : elles n'ont qu'un but pacifique. Il juge que le sommet de Bucarest a été globalement un succès pour la Russie. Il souligne que la Russie est très préoccupée par la situation actuelle en Géorgie et qu'elle se sent concernée par cette affaire, car elle a hérité des engagements de l'ex-Union soviétique. Enfin, il rappelle que la Constitution russe donne très clairement au Président la compétence suprême pour la politique de défense, et que le transfert de pouvoir a bien eu lieu entre l'ex-Président Poutine et le nouveau Président Medvedev.

A la suite de ce débat, la discussion s'est poursuivie sur le rapport de M. Rigoni. Les interventions des orateurs ont révélé pour la plupart un fort soutien des parlementaires pour un rapprochement de l'Europe avec la Russie. Ils admettent que l'Europe doit traiter la Russie comme la puissance qu'elle est, notamment au regard de ses importantes ressources énergétiques. Au-delà, certains plaident pour faire de la Russie une composante de la politique de défense européenne. Certains orateurs estiment qu'il faudrait distinguer davantage la défense européenne et l'OTAN, et ont critiqué les initiatives unilatérales comme celles de la République tchèque et de la Pologne sur le bouclier antimissile, car elles ne sont pas conformes à l'intérêt de la défense européenne. Le débat a aussi porté sur l'adhésion de l'Ukraine à l'OTAN.

M. Pozzo di Borgo (Paris - UDF) a exprimé sa conviction que la Russie est un partenaire incontournable pour l'Europe :

« Je suis évidemment, en tant que Français, d'accord avec le projet de recommandation de M. Rigoni, qui décrit très précisément la politique de défense russe et les enjeux qui en découlent pour la sécurité et la stabilité de l'Europe.

Il est en effet évident, pour leur intérêt réciproque, que l'Europe et la Russie devraient coopérer et se concerter davantage sur les questions de défense et de sécurité : c'est tout le débat que nous avons aujourd'hui. Il ne faut pas oublier qu'elles ont un voisinage commun, que la Russie est européenne, comme nous, et qu'un certain nombre de questions essentielles les concernant, même si la Russie les occulte - je pense notamment à la Chine -  appellent des travaux en commun.

Les questions ayant trait à l'alimentation, à l'eau, à l'énergie, à l'environnement, au terrorisme, à la mafia et à la drogue nourriront les débats de l'avenir. Ce sont autant d'éléments qui figurent dans le Livre Blanc sur lequel travaille actuellement la Commission des affaires étrangères du Sénat français, et qui doivent, naturellement, être traités en commun par la Russie et l'Europe.

Pour l'Europe, la Russie est un partenaire incontournable. Telles des poupées russes, la Russie et l'Union européenne sont obligées de s'imbriquer. Je ne précise pas laquelle doit s'imbriquer dans l'autre, mais elles ont la nécessité de le faire.

Je passerai sur de nombreux sujets que je comptais évoquer, mais il me faut tout de même dire que des points de tension assez forts subsistent. Je citerai notamment l'élargissement potentiel de l'OTAN à la Géorgie et à l'Ukraine, qui suscite la crispation de la Russie. A cet égard, je souscris aux propos de M. Rigoni. Il est vrai que l'OTAN a sans doute intérêt à s'ouvrir ailleurs. Je rappelle qu'à Bucarest, les six pays fondateurs de l'Europe ont souhaité voir ce projet d'élargissement suspendu ; c'est tout de même un point important.

En outre, il y a le projet de bouclier antimissile américain. Les Américains ont été tellement fascinés par le 11-septembre, ce qui est compréhensible, qu'ils ont envie de se protéger à tout prix et ont développé une sorte de paranoïa. J'ai été très surpris, lorsque cette décision bilatérale entre la Tchéquie, la Pologne et les États-Unis a été prise, de constater que l'Europe n'ait pas été l'un des acteurs de cette ouverture. Il semblerait que les relations s'améliorent entre la Russie et les États-Unis, et que les Russes aient donné leur accord moyennant la présence d'observateurs en Russie et en Tchéquie.

Concernant l'affaire de la Géorgie et de l'Ukraine, aussi, j'ai pu ressentir la très forte sensibilité des Russes lors d'un déplacement que j'ai effectué, il y a un mois, avec une délégation de la Commission des affaires étrangères du Sénat français. Il faut que nos amis, aussi bien Géorgiens qu'Ukrainiens, et que nous, Européens, prenions conscience de ce problème qui, selon moi, est peut-être encore plus important, si vous me permettez de le dire, que celui des missiles.

Pour terminer, j'ajouterai que la Russie participe à l'opération EUFOR au Tchad : elle nous envoie quatre hélicoptères - et même si nous les attendons encore, M. Rogozine, puisqu'ils ne sont toujours pas arrivés, le principe est acquis et nous serons heureux de les avoir.

Je conclurai mon intervention par deux propositions : premièrement, je pense qu'il serait possible d'envisager d'aller plus loin dans la coopération entre l'Union européenne et la Russie, en instaurant sur le modèle du Conseil OTAN/Russie un Conseil Europe/Russie, c'est-à-dire un conseil de coopération COPS (1 ( * ))/Russie.

Deuxièmement, l'apaisement des relations entre la Russie et l'Europe passera aussi par une clarification des relations entre la Russie et l'OTAN et surtout, pour nous Européens, qui sommes pour la plupart membres de l'OTAN, par une réflexion sur les missions de l'OTAN ».

M. Rigoni a conclu la discussion en affirmant que l'Union européenne a tout intérêt à ce que la politique de défense russe soit stable, et que la Russie ne doit pas avoir peur de l'OTAN ni de l'Europe.

Le rapport de M. Rigoni, l'intervention de M. Rogozine et le débat qui les a suivis témoignent d'une volonté de rapprochement évidente entre l'Union européenne et la Russie, même si des points de tensions demeurent et semblent pour le moment insolubles, notamment la question de l'élargissement de l'OTAN à l'Ukraine et à la Géorgie.

C. DÉVELOPPEMENTS POLITIQUES EN AFGHANISTAN ET AU PAKISTAN

Organisé à la veille de la Conférence des donateurs de Paris du 12 juin dernier, le débat autour de la proposition de recommandation de la commission politique visait à prendre note des derniers événements survenus en Afghanistan et au Pakistan, en vue de préconiser un changement de la stratégie européenne dans la région. Celle-ci devrait se focaliser sur trois priorités : maintien de l'ordre, instauration de l'État de droit et lutte antidrogue. En effet, alors que l'opinion publique occidentale s'avère de plus en plus hostile à l'envoi de troupes en Afghanistan, la situation intérieure du pays demeure, près de sept ans après la chute du régime des talibans, relativement délicate tant elle conjugue insécurité, absence de réelles infrastructures étatiques, corruption et intensification de la production de pavot. A ce titre, l'aide internationale à la reconstruction politique et économique semble ne pas avoir eu les effets escomptés, ainsi que l'a souligné M. Jean-Guy Branger (Charente-Maritime - UMP) :

« La lecture de l'excellent rapport de la commission politique n'est pas sans soulever quelques interrogations quant à l'efficacité de l'action internationale en Afghanistan depuis 2001.

Initialement conçue par ses promoteurs comme une opération de lutte contre le terrorisme de masse, l'intervention alliée de l'automne 2001 a, dès le départ, mésestimé la complexité du pays, usant en de trop nombreuses occasions d'une forme de sous-traitance de l'offensive laissée aux chefs de guerre locaux, pas toujours en phase avec nos objectifs militaires.

Cette délégation de compétence a eu trois effets. D'abord, nous avons laissé s'installer sur les ruines du régime taliban des petites mafias locales implicitement légitimées par l'appui qu'elles ont pu nous apporter. Ensuite, nous n'avons pas su non plus éradiquer totalement le mouvement taliban, comme le démontrent nos difficultés actuelles dans le pays. Enfin, nous n'avons jamais arrêté Oussama Ben Laden et l'état-major d'Al Qaida, pourtant localisés dans le pays ou la région.

Cet état des lieux ne serait pas complet si l'on négligeait la délicate question de la guerre en Irak, dont les effets sont notables en Afghanistan, tant le regain d'activité taliban coïncide avec la radicalisation de la situation à Bagdad.

Ces difficultés militaires pourraient être relativisées par de réels progrès en matière civile. Là encore, la déception est grande. Je ne cesse de m'interroger sur les quatre ans qui ont séparé l'accord de Bonn de décembre 2001 sur la situation locale et sa traduction concrète au sein du Pacte pour l'Afghanistan, adopté en février 2006.

Sans remettre en question les lenteurs inhérentes à toutes les transitions politiques, l'engagement de la communauté internationale en faveur de la construction d'un État viable en Afghanistan aurait dû être plus soutenu qu'il ne l'a été. Comme le souligne le rapport, aucun progrès tangible n'est enregistré quant à l'administration du pays ou la mise en place d'une police unifiée sur tout le territoire. Le cadre fourni par le pacte est intéressant, mais il est malheureusement trop tardif, tant le pays est sous le joug de féodalités malheureusement confirmées dans l'immédiat après-guerre.

La réunion à Paris, le 12 juin prochain, d'une conférence de donateurs apparaît de fait comme une nouvelle étape dans notre action à destination de l'Afghanistan. Elle doit être le signe d'une véritable ambition civile pour ce pays à côté du renforcement de l'aide militaire décidé ces derniers mois. L'aide accordée doit l'être dans le cadre d'une véritable stratégie de développement, à rebours de tout saupoudrage.

Rappelons qu'il n'y a toujours pas d'électricité dans certains quartiers de Kaboul, que le monde rural, soit 70 % de la population, ne bénéficie pas d'un dixième de l'aide internationale et que la réhabilitation des grands réseaux d'irrigation n'apparaît pas à l'ordre du jour. Aucune région ne doit être privilégiée par rapport à une autre. L'exemple de la province du Warkak, où l'aide par habitant est la plus faible, est significative. Cette région, jusqu'alors calme, a, faute de financements, basculé dans la violence l'année dernière.

L'aide accordée doit également être incarnée. Je regrette le choix du Président Karzaï d'écarter la candidature de Lord Ashdown, dont l'expérience en Bosnie aurait été utile au poste de haut responsable de l'action internationale, représentant à la fois l'ONU, l'Union européenne et l'OTAN. Gageons que le candidat retenu, M. Kai Eide, saura répondre aux exigences de la fonction et privilégiera la construction d'un véritable appareil d'État afghan, seule apte à mieux répartir l'aide internationale. Celle-ci ne doit plus passer par des structures ad hoc créées autour des projets financés, générant ainsi une véritable administration parallèle mais fragmentée, qui vide l'administration d'État naissante de toute capacité d'expertise.

« Le nuage est sombre, mais ce qui en tombe est de l'eau pure » dit le proverbe afghan. Les difficultés semblent se concentrer au-dessus de l'Afghanistan. Une rationalisation de notre aide tant civile que militaire, comme l'assignation d'objectifs ambitieux et concrets, devraient néanmoins être des motifs d'espoir pour ce pays qui en manque cruellement. »

Le rapport de la commission politique souligne, à ce sujet, l'absence de réactivité européenne dans le déblocage de fonds en raison de procédures lourdes et complexes. Invitée à participer au débat, Mme Karin Kortmann, Secrétaire d'État parlementaire auprès du ministre allemand de la coopération et du développement économique, a préféré, pour sa part, relever l'absence de modèle unique pour la reconstruction du pays, le soutien financier pouvant être opéré dans plusieurs secteurs : énergie, eau, petites et moyennes entreprises. A ce volet économique, il convient d'ajouter une dimension civile au travers de programmes de construction d'écoles. L'urgence de l'aide à apporter incite à accélérer la transmission des fonds, la ministre allemande soulignant à cet égard le décalage constaté entre la lenteur de la coopération civile et la rapidité de la coopération militaire. Une meilleure coordination entre civils et militaires s'avère, à cet égard, être une priorité. De façon générale et à la lumière de l'expérience allemande, un rééquilibrage de l'aide accordée aux diverses provinces est également nécessaire, l'essentiel des aides semblant se concentrer sur Kaboul et les provinces du Nord.

La recommandation telle qu'adoptée par l'Assemblée insiste sur la nécessité d'une plus grande fermeté européenne dans la région, tant sur le plan militaire que politique. La responsabilisation du gouvernement afghan apparaît à cet égard comme une priorité, notamment en matière de lutte contre le trafic de stupéfiants. Une véritable alternative économique doit ainsi être de mise en vue de détourner la culture du pavot du marché de la drogue, la piste pharmaceutique devant notamment être approfondie.

Le Pakistan, très peu abordé par les intervenants au cours du débat en séance, doit faire l'objet d'efforts particuliers en faveur de la promotion du droit et de la société civile, notamment au sein des zones tribales. L'Assemblée a souhaité, à ce titre, que toute action européenne dans le pays réponde aux objectifs fixés dans le Document sur la stratégie de l'Union Européenne 2007-2013 pour le Pakistan. Les élections de février 2008 ont, à cet égard, souligné la volonté des Pakistanais de limiter la participation des militaires à l'exercice du pouvoir et de condamner tout militantisme religieux à la tête de l'État. Les défis n'en demeurent pas moins nombreux dans un contexte de crise alimentaire et pétrolière aux conséquences sociales indéniables. La question du développement économique et social demeure centrale pour l'avenir du Pakistan, tant celui-ci représente la réponse à toute tentation théocratique. La recommandation relève à ce sujet l'assouplissement de la position des islamistes radicaux aux Pakistan, disposés selon la commission politique, à renoncer à la violence en échange d'une moindre pression militaire dans les zones tribales. Cet embryon de coopération entre le gouvernement central et lesdits mouvements n'est pas sans conséquence pour l'Afghanistan, tant il permettrait de distendre le lien entre les organisations talibanes de part et d'autre de la frontière.

La mise en oeuvre d'une réelle dynamique régionale apparaît indispensable à l'Assemblée. Elle invite à ce titre le Pakistan et l'Afghanistan à se rapprocher de l'Iran en vue de bénéficier de la connaissance approfondie qu'a Téhéran de la culture et de la société de la région. Cette volonté de s'appuyer sur l'Iran en vue de stabiliser la zone peut apparaître assez singulière dans un contexte international assez délicat pour la République islamique. Elle tranche, en tout cas, avec le point de vue américain sur la question, quitte à brouiller la position occidentale.

D. LA COOPÉRATION PARLEMENTAIRE EN MATIÈRE DE SÉCURITÉ DANS LA RÉGION DE LA MER NOIRE

M. Hendrik Daems (Belgique - Groupe libéral) présente son rapport. Il précise tout d'abord qu'à la demande de ses collègues grecs et turcs, la commission a accepté d'effectuer quelques modifications au texte initial.

Pendant longtemps, l'ampleur des risques issus de la région de la mer Noire a été sous-évaluée. Alors que la Bulgarie et la Roumanie ont intégré l'Union européenne le 1 er janvier 2007, la mer Noire est devenue une frontière de l'espace Schengen justifiant une attention renouvelée. Le rapport commence par énumérer les risques propres à la région de la mer Noire, susceptibles d'affecter la sécurité de toute l'Europe, avant de proposer des initiatives de coopération parlementaire sur ces questions.

Le premier risque est lié à l'approvisionnement de l'Union européenne en pétrole et en gaz, qui passera de plus en plus par cette région. Le second risque résulte de la pollution due au secteur de l'énergie, mais aussi au stockage d'armes remontant à l'ère soviétique, y compris des déchets nucléaires. Le troisième risque provient des trafics en tout genre qui fleurissent dans la région : marchandises, armes, drogues, mais aussi êtres humains avec l'immigration clandestine. Ce problème tend à s'aggraver avec la mondialisation. En outre, la criminalité organisée est favorisée par le haut degré de corruption qui affecte cette région. Le quatrième risque résulte de la menace terroriste . Le terrorisme moderne utilise, en effet, les réseaux du crime organisé pour préparer ses actions, notamment pour le blanchiment des fonds. Le cinquième risque est lié aux mouvements nationalistes et séparatistes . La région de la mer Noire concentre ainsi un grand nombre de conflits dits « gelés » : Abkhazie, Ossétie du Sud, Haut-Karabagh et Transnistrie. Enfin, l'extrémisme religieux ne saurait non plus être mésestimé, tant il se développe dans la région.

Tous ces risques incitent le rapporteur à penser que ce qui se passe autour de la mer Noire est d'une importance vitale pour la stabilité de tous les pays européens. Le rapport formule quatre recommandations.

D'abord, il est proposé d'inviter les parlements de tous les pays riverains de la mer Noire à devenir membre de l'Assemblée de l'UEO . Cette perspective est possible grâce à la modification de la Charte et du règlement de l'Assemblée adoptée en mai 2008.

Ensuite, le rapporteur propose l'élaboration d'un protocole de coopération avec l'Assemblée parlementaire de la mer Noire, dotée d'une grande expertise économique.

De plus, le rapporteur propose la création d'une commission spéciale au sein de l'Assemblée de l'UEO, qui serait dédiée à l'analyse des enjeux de sécurité de la frontière orientale de l'Europe.

Enfin, ces initiatives pourraient précéder un dialogue interparlementaire avec les pays riverains de la mer Caspienne, car ces derniers ont aussi une influence sur la situation de la zone de la mer Noire.

Le débat qui a suivi la présentation du rapport a insisté sur l'importance vitale de la région de la mer Noire pour la sécurité et la stabilité de l'Europe. La plupart des intervenants étaient issus de pays riverains de la mer Noire. Alors que le débat aurait dû être consensuel, les nombreuses interventions de la délégation turque, pas toujours en lien direct avec le rapport, ont eu tendance à durcir le ton du débat.

Plusieurs membres de la délégation turque se sont en effet exprimés pour présenter les initiatives de la Turquie pour intensifier la coopération et la prospérité de la région. En outre, les intervenants turcs ont souhaité expliquer la teneur des modifications apportées au texte initial sur leur demande. Ils ont en effet voulu rétablir le PKK au titre des organisations figurant sur la liste des groupes terroristes, et refusé d'employer le mot de guérilla. Ils ont sollicité la coopération sans faille de leurs partenaires dans la lutte contre le terrorisme. Ils ont également évoqué l'isolement de l'Arménie par ses voisins de la mer Noire et déploré son manque d'ouverture pour résoudre la crise presque séculaire avec la Turquie, liée à la reconnaissance du génocide arménien. La Turquie a proposé la création d'un Comité d'historien pour avancer sur ce sujet, mais n'a reçu aucune réponse de la part de l'Arménie. Ils ont aussi évoqué la question chypriote, sans rapport avec le sujet. Enfin, la délégation turque a estimé qu'on ne peut séparer la question de la pollution à laquelle est sujette la mer Noire sans évoquer la Méditerranée, elle-même fortement polluée. Il convient donc selon elle de prendre en considération l'ensemble du bassin de la mer Noire et de la Méditerranée.

Mme Anca Petrescu (Roumanie) a présenté l'implication et les actions de son pays en faveur de la coopération dans la région de la mer Noire, en soulignant d'abord que la Roumanie a compris depuis bien longtemps que l'espace de la mer Noire est loin d'être une région périphérique. Au contraire, elle devient une région cruciale, comme en témoigne l'attention accrue que lui portent les pays non riverains depuis trois ans. La Roumanie est impliquée dans toutes les organisations et institutions ayant pour sujet la zone de la mer Noire. A ce titre, elle se pose comme un acteur fiable cherchant à promouvoir les bases d'une coopération multi niveaux dans cette région. Ainsi, la Roumanie a lancé plusieurs initiatives de coopération, comme la création de l'Euro région mer Noire et le Forum de la mer Noire . De plus, la Roumanie accorde une grande attention à l'encouragement et à l'aide au développement pour certains États dans l'Europe de l'Est et le Caucase, surtout en ce qui concerne la réforme des forces armées et la bonne gouvernance. Enfin, la Roumanie s'efforce d'aplanir ses propres divergences avec des voisins comme l'Ukraine ou la Moldavie, et a volontairement participé aux sessions du GUAM, organisation internationale de coopération à vocation régionale regroupant la Géorgie, l'Ukraine, l'Azerbaïdjan et la Moldavie.

M. Aristotelis Pavlidis (Grèce - Groupe fédéral) a insisté plus particulièrement sur les problèmes d'approvisionnement énergétique dont souffre la région de la mer Noire, avant d'évoquer la question chypriote, de façon peu opportune.

Le projet de directive a été adopté à l'unanimité.

Au total, alors qu'on s'attendait à un débat consensuel sur les défis auxquels est confrontée la mer Noire et sur les solutions éventuelles pour y faire face, la discussion a viré à l'affrontement entre plusieurs délégations sur des questions délicates qui ne concernaient pas directement le sujet. On peut le regretter.

VI. LE SUIVI DE L'ÉVOLUTION TECHNOLOGIQUE

A. L'ACQUISITION D'ÉQUIPEMENTS DE DÉFENSE EN EUROPE

Dispersion, fragmentation et duplication sont les caractéristiques principales du marché européen des équipements de défense (MEED), notamment dans les secteurs maritime et terrestre. Les entreprises européennes de défense jouent un rôle central dans le renforcement et le développement de la base industrielle et technologique de défense européenne (BITDE).

M. Edward O'Hara (Royaume-Uni - Groupe socialiste) souligne que son rapport est le fruit d'un colloque qui s'est tenu en avril 2008 à Liverpool. Il rappelle que le marché européen de la défense est dominé par quatre grands groupes industriels : BAE Systems, Thales, EADS et Finmeccanica. L'une des questions posée par le rapport est de savoir si les gouvernements sont prêts à accepter une diminution d'identité nationale qui va de pair avec un regroupement plus poussé des industries de défense au niveau européen.

Le rapporteur souligne, en le déplorant, que les investissements dans la recherche et développement et les dépenses de défense des États-Unis sont très supérieurs à ceux des pays européens, dont les budgets sont en diminution.

Le rapport recommande de réduire la fragmentation du marché et de coopérer avec les États-Unis pour assurer l'interopérabilité des équipements de défense . Il recommande aussi que le suivi de l'application du « paquet défense », présenté en décembre 2007 par la Commission, soit confié à l'Agence européenne de Défense (AED), et que celle-ci établisse une relation formelle de travail avec l'Organisation Conjointe de Coopération en matière d'Armement (OCCAR) et les agences compétentes de l'OTAN. Enfin, le rapport conseille d'oeuvrer conjointement avec les alliés transatlantiques de l'Europe, par le biais de l'AED, à l'abolition des restrictions et des conditions limitatives existantes pour l'accès au marché américain .

La brièveté des débats qui ont suivi est sans doute imputable à la complexité du sujet. On regrettera néanmoins que la discussion n'ait pas davantage porté sur le « paquet défense » de la Commission en cours d'adoption, dont l'un des objectifs est précisément de réduire la fragmentation pénalisante du MEED.

Deux parlementaires britanniques, Mme Claire Curtis-Thomas (Groupe socialiste) et M. Nigel Evans (Groupe fédéré), ont insisté sur l'importance stratégique de l'industrie de la défense et la nécessité de la soutenir, car elle est pourvoyeuse d'emplois. De plus, ils ont expliqué la raison de la position dominante des États-Unis dans le secteur : l'État américain investit son argent conformément à ses intérêts et soutient la recherche et le développement en matière d'équipements de défense. En conséquence, il apparaît nécessaire que les gouvernements européens revoient leurs priorités en matière de dépenses militaires , d'autant plus qu'actuellement, seuls trois ou quatre pays assument l'essentiel de l'effort budgétaire dans ce domaine. Les orateurs britanniques ont aussi souligné la nécessité d'avoir des bases d'investissements solides en Europe même, tandis que lorsqu'il y a coopération avec les États-Unis, le transfert de technologie doit être complet.

M. Reijo Kallio (Finlande) a souligné que la production d'équipements de défense en Europe est un élément essentiel à une politique commune de défense. Il conviendra donc à l'avenir de mieux coordonner les politiques d'acquisition de matériel militaire et de développer l'interopérabilité des équipements. Il est également nécessaire d'harmoniser les procédures d'homologation des nouveaux équipements, dans le but de simplifier la chaîne d'approvisionnement.

B. LES AVIONS DE COMBAT SANS PILOTE : LES PROGRAMMES EUROPÉENS

Comme l'a souligné le rapport de M. Nigel Evans (Royaume-Uni - Groupe fédéré), au nom de la commission technique et aérospatiale, les avions de combat sans pilote, plus connus sous le nom de drones, sont de plus en plus utilisés dans les opérations militaires. Ces technologies renforcent les missions de renseignement, surveillance, acquisition des cibles et reconnaissance (ISTAR).

Qu'ils soient de combat ou non, les drones sont toujours sans pilote et répondent à un certain nombre de spécifications. Flexibles et fonctionnels, ils représentent un avantage essentiel lors de missions pénibles, répétitives et dangereuses.

En la matière, l'Europe développe trois projets majeurs : Taranis , de BAE Systems, Neuron , de Dassault Aviation, et Barracuda , projet multilatéral conduit par EADS en Allemagne. Ces trois projets européens représentent un investissement de 500 à 600 millions d'euros sur cinq ou six ans, soit beaucoup moins qu'aux États-Unis.

Les États-Unis sont également à la pointe avec deux systèmes à l'étude : le X 45 de Boeing pour l'Armée de l'air, et le X 47 de Northrop Grumman pour la Marine.

Actuellement, un millier de drones sont utilisés en Afghanistan et en Irak, en complément des flottes traditionnelles, afin de lutter contre le terrorisme et les insurrections.

Parmi les drones, on disposera à terme d'appareils pilotés à distance depuis le sol, d'appareils complètement ou semi-automatiques, et d'appareils autonomes. Ces programmes devraient avoir des retombées civiles considérables. L'Agence de défense européenne et l'OTAN doivent jouer un rôle important d'intégration, de coordination des activités, d'harmonisation des différents projets de recherche et développement. Elles devront aussi éviter les doublons.

L'Europe est en retard sur les États-Unis. Le rapporteur recommande donc de mobiliser d'urgence de nouveaux investissements .

Au cours du débat, on a à nouveau constaté la forte implication des Britanniques, très à la pointe sur ces questions. Le débat a souligné quel doit être le rôle de l'Assemblée de l'UEO dans de telles discussions : elle ne doit pas se contenter de discourir sur la meilleure façon de se défendre, mais s'intéresser de près aux industries de défense et à la coopération. L'utilisation plus fréquente des drones à l'avenir a fait consensus , tout comme le rapprochement entre programmes nationaux et privés et entre l'université et l'industrie dans le but de développer des capacités de financement et de conceptualisation, dans un domaine où les acteurs peinent à conjuguer ces atouts. Le débat a également souligné l'importance de promouvoir des échanges d'informations sur les drones entre l'Europe et les États-Unis en vue de leur interopérabilité future. En effet, les normes sont communes aux pays membres mais ne sont pas compatibles avec celles des États-Unis. En rapprochant ces normes, les projets pourront converger et les emplois être pérennisés.

M. Evans conclut le débat en insistant sur l'importance de soutenir l'industrie européenne dans ce domaine afin de demeurer indépendants .

Le projet de recommandation a été adopté à l'unanimité.

C. DES SYSTÈMES SPATIAUX POUR LA SÉCURITÉ EUROPÉENNE : GMES ET GALILEO

Lancé le 5 avril 2001, le programme européen de navigation par satellite GALILEO devrait se composer de 30 satellites placés en orbite terrestre, à une altitude d'environ 24 000 kilomètres. Il prévoit également une infrastructure au sol, matérialisée par une quarantaine de stations. La mise en oeuvre d'un tel programme est principalement destinée à supprimer la dépendance de l'Europe à l'égard du système américain de positionnement par satellite NAVSTAR GPS. Elle devrait également permettre à l'Union européenne de rivaliser avec les systèmes russe GLONASS et chinois BEIDOU. Les secteurs d'application sont nombreux, couvrant à la fois les domaines civil (aviation, véhicules particuliers, marine marchande, protection civile) et militaire.

Le programme de surveillance globale pour l'environnement et la sécurité (GMES), également lancé en 2001, constitue, quant à lui, la contribution de l'Union européenne au système de systèmes mondiaux d'observation de la terre (GEOSS). Il permet de suivre l'évolution des changements climatiques ou des catastrophes naturelles.

Le texte présenté devant l'Assemblée de sécurité et de défense s'inscrit dans une logique de soutien à ces deux programmes. Il fait suite à l'audition organisée le 21 mai 2007 à Rome des promoteurs du programme GALILEO, dans un contexte alors marqué par les difficultés financières rencontrées en vue de le faire aboutir. 2007 a, en effet, été marquée par l'échec du système de partenariat public-privé censé financer le projet. L'accord interinstitutionnel du 23 novembre dernier a finalement permis de mettre en oeuvre un financement exclusivement communautaire. Ces incertitudes n'ont pas été sans incidence sur la mise en oeuvre du programme, le rapport de la commission technique et aérospatiale estimant les retards enregistrés à 4 ou 5 ans. Le système devrait finalement être opérationnel en 2013.

Les débats au sein de l'hémicycle ont permis de dessiner une ligne de clivage assez nette entre les partisans des deux programmes et de l'autonomie qu'ils confèrent au continent européen et ceux d'un abandon pur et simple. Ces derniers s'appuient sur la possibilité de profiter d'ores et déjà du système GPS américain, sous le parapluie de l'OTAN, et voient dans GALILEO un doublon coûteux (940 millions d'euros en 2008). Ce scepticisme n'est pas partagé par la commission technique qui préfère souligner les bénéfices d'un tel investissement en matière de recherche scientifique et technologique.

Ce soutien affiché ne peut néanmoins faire l'économie d'une certaine exigence. La recommandation exprime ainsi le souhait de l'Assemblée d'éviter les doublons entre les applications du GMES et celles déjà mise en oeuvre par l'Agence spatiale européenne. Elle appelle, en outre, à revitaliser le centre satellitaire de l'Union européenne, transféré de l'UEO en 2002, afin qu'il ait un véritable rôle de coordination en la matière, alors qu'il demeure jusque là cantonné aux conseils techniques.

En souhaitant accompagner la poursuite des deux programmes, l'Assemblée européenne de sécurité et de défense entend rappeler la nécessité de faire émerger une politique européenne de sécurité et de défense apte à répondre aux enjeux stratégiques que représente l'espace. Ces deux projets, qui s'appuient sur l'accès indépendant à l'espace obtenu par le biais d'Arianespace, doivent participer de la mise en oeuvre concrète d'une capacité autonome de surveillance globale.

D. ÉVALUATION DE L'IMPACT DES CONFLITS ARMÉS SUR L'ENVIRONNEMENT

La question environnementale est une problématique relativement récente en matière de défense, celle-ci étant principalement mue par un objectif de sauvegarde de vies humaines avant toute considération écologique. Une attention particulière doit, néanmoins, être attirée sur les effets des opérations militaires sur les écosystèmes et les conséquences alimentaires et sanitaires qu'elles peuvent induire (famines, sécheresse, contamination des sols). Victime d'un conflit, l'environnement peut, à cet égard, devenir une arme. La prolongation de la saison des moussons était ainsi au coeur du projet Popeye lors de la guerre du Vietnam.

En réaction à ce type de manipulation, l'Organisation des Nations unies a fait adopter, dès octobre 1978, la convention ENMOD interdisant l'utilisation des techniques de modification de l'environnement à des fins militaires. Le recours à la guerre écologique est également interdit par le protocole I aux Conventions de Genève, ajouté en 1977. La déclaration de Rio sur l'environnement et le développement (juin 1992) ou les directives pour les manuels d'instructions militaires sur la protection de l'environnement en période de conflit armé approuvées par le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), comme l'émergence d'une véritable jurisprudence en matière de crimes écologiques viennent compléter ce cadre juridique. Le principe de nécessité militaire, la proportionnalité entre moyens et fins des belligérants, la réglementation des armes chimiques et bactériologiques, la prévision et l'évaluation prospective de l'importance des dommages environnementaux découlent de ces textes, même si leur application laisse à désirer aux yeux de la commission pour les relations parlementaires et publiques.

La résolution adoptée par l'Assemblée insiste sur la nécessité de promouvoir une véritable culture de l'évaluation préalable des conséquences des opérations militaires sur l'environnement, sans mésestimer la difficulté de l'exercice. Cette évaluation devrait s'exercer à plusieurs niveaux, de la phase d'armement - le texte invite à cet égard l'Agence européenne de défense à jouer un rôle de coordination des études et des projets dans ce domaine - à celle de l'envoi des troupes, les parlementaires peuvent devenir des relais importants en la matière.

La création en 2001 du Service post-conflit de gestion des catastrophes (PCDMB) dans le cadre des Nations unies souligne, par ailleurs, la nécessité de mettre en oeuvre une évaluation des dommages à l'issue du conflit. L'action du service en Macédoine, au Kosovo ou en Irak a ainsi permis de mettre en oeuvre un véritable cadre de réflexion universel sur les opérations à mener au terme d'une guerre, voire de manoeuvres. La question des déchets militaires ou des essais nucléaires est évidemment au centre des préoccupations de la commission pour les relations parlementaires et publiques.

Celle-ci n'exclut donc pas de sa réflexion les programmes militaires en temps de paix, et notamment le délicat dossier des équipements. La conception de ceux-ci reste placée sous le sceau du secret-défense, rendant délicate toute appréciation de leur impact sur l'environnement. La mise en oeuvre de la réglementation européenne REACH sur les produits chimiques devrait contribuer néanmoins à rendre plus délicat l'approvisionnement des armées, au regard du coût induit par la raréfaction progressive desdits produits.

La résolution insiste sur le rôle des parlements nationaux dans la diffusion de cette culture de l'évaluation environnementale. Sans mésestimer la difficulté de concilier objectifs militaires et respect de l'environnement, elle appelle néanmoins à une meilleure prise en compte de ce dernier critère, en insistant notamment sur la mobilisation des opinions publiques en faveur de l'écologie. L'absence d'accord avec celle-ci rend délicate toute tentative de mise en oeuvre d'une véritable défense européenne.

* (1) Comité Politique et de sécurité

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