III. QUELS ENSEIGNEMENTS ET QUELLES ÉVOLUTIONS POUR LA FRANCE ?

A. UN OUTIL DE FORMATION À PRÉSERVER ET MÊME À RENFORCER

1. Une clarification nécessaire des périmètres

a) Un préalable indispensable : une meilleure connaissance des coûts

Malgré des progrès évidents dans le contrôle de gestion, il reste des progrès à accomplir dans la connaissance des coûts de l'appareil de formation. Ils sont indispensables pour aider à la décision, en matière, par exemple, d'externalisation.

Dans certains cas, l'externalisation peut permettre un partage des coûts avec d'autres utilisateurs ainsi que le recours à des matériels plus performants. Encore faut-il disposer des éléments nécessaires à ce type d'arbitrage.

Les instruments de pilotage et de connaissance des coûts se sont mis en place récemment : les logiciels BILFORM puis SIRENE ont démarré en 2007. Il reste à conforter leur parfaite pertinence à l'expérience des premiers exercices.

b) Intégrer la formation dans les programmes d'armement

La période de préparation et de conduite des programmes d'armement est propice à l'élaboration des supports de formation, qu'il s'agisse de simulateurs ou plus simplement de documentation pédagogique.

Il semble pourtant que cette préoccupation, qui n'est évidemment pas absente des programmes lors de leur lancement, constitue assez rapidement une variable d'ajustement de la dérive des coûts dans le déroulement de programmes toujours placés sous fortes contraintes.

Ceci conduit les écoles à élaborer des supports pédagogiques à partir d'éléments récupérés auprès des industriels et des équipes de programme sans disposer d'outils adaptés.

Votre rapporteur souhaite que le volet « formation » des programmes puisse être plus clairement identifié et qu'il soit, de même que le maintien en condition opérationnelle pour les programmes actuels, clairement contractualisé.

2. Un effort de formation à préserver

Le principal défi, qui touche, lui, toutes les armées, tient plutôt à l'évolution de notre société sous deux aspects : une prédisposition moindre à l'état militaire et la diminution du volume des classes d'âge.

a) Un passage plus progressif à l'état militaire

La formation initiale en effet doit faire passer de l'état civil à l'état militaire des jeunes qui y sont moins préparés sinon moins disposés. Le système doit s'adapter à une population désormais différente. Nous sommes passés du « paysan trappeur au citadin zappeur », comme le soulignait de façon imagée l'un des interlocuteurs de votre rapporteur, sans porter de jugement de valeur mais pour souligner une indispensable différence d'approche.

Des méthodes pédagogiques plus interactives et faisant davantage appel aux nouvelles technologies sont nécessaires, tout comme l'accent mis sur le développement de qualités humaines telles que l'esprit d'équipage ou la formation au leadership.

b) La nécessité de recruter et de former des personnes faiblement qualifiées

Face à la question de la diminution du volume des classes d'âge, la marine fait figure de précurseur : pour ses emplois les moins qualifiés, elle a choisi très tôt de recruter dans un vivier devenu aujourd'hui décisif pour tous les secteurs fortement consommateurs de main d'oeuvre, les jeunes non-qualifiés.

Les militaires du rang de la marine entre 1996 et 2008

Depuis 1996, la Marine a ainsi choisi de recruter, pour le remplacement des appelés suite à la professionnalisation, dans un vivier de personnes sans qualification pour des tâches peu qualifiées et n'offrant pas de perspectives de carrière dans la marine. Elle s'est engagée dans une politique de contrats courts, 2 ans initialement, alors que le contrat des engagés était en principe de huit ans renouvelable.

Pour pourvoir ces postes, la Marine a conclu un accord-cadre le 3 juillet 1996 avec la Délégation interministérielle à l'insertion des jeunes afin que les missions locales d'insertion fassent connaître ce dispositif et assurent une présélection des candidats.

La durée du contrat des EICD - Engagés initiaux de courte durée, a été portée à 3 ans avec une période probatoire de 6 mois. Le contrat pouvait être renouvelé dans la limite de deux fois, soit un engagement maximal de 9 ans. Certains peuvent intégrer la filière normale d'engagement de longue durée : les EILD (engagés initiaux de longue durée).

Si, en 2007, 34 % des EICD étaient titulaires au CIN de Brest, école-pilote pour cette formation, d'un CAP ou d'un BEP, 66 % n'avaient aucune qualification. La marine doit donc assurer leur formation avec un objectif premier non pas d'insertion professionnelle en tant que telle mais d'employabilité dans les forces. Cette formation est dispensée en quatre semaines, ce qui est extrêmement court.

Les EILD, dont les contrats sont de 10 ans, sont destinés à occuper les postes de mise en oeuvre d'installations exigeant une qualification technique élémentaire reçoivent, quant à eux, une formation à peine plus longue : Ils reçoivent une formation militaire et maritime d'un mois, suivie d'une spécialisation de quatre mois dans une école de la Marine, quelle que soit leur spécialité.

Votre rapporteur observe que proportionnellement, les formations les plus fortement rationalisées ont été celles des engagés. Tout en rendant hommage au travail remarquable accomplis par les cadres du cours des matelots, tous volontaires, avec des jeunes parfois en grande difficulté. Il appelle à une certaine vigilance sur la durée de formation qui lui paraît avoir été réduite à un strict minimum.

De ce point de vue, une réforme importante marque l'année 2008.

La réforme VAREQ pour «Valorisation du recrutement et de l'emploi du personnel Equipage de la flotte » qui consiste dans une refonte complète des différents types de contrats des engagés de la marine d'EICD, d'EIMD et d'EILD au profit d'un contrat unique de quatre ans de « Quartiers maîtres et matelots de la flotte » avec des parcours différenciés en fonction des profils.

Recrutés à partir du 1 er mars 2008 et titulaires au plus du baccalauréat, les Quartiers maîtres de la Flotte occupent des postes d'opérateurs après une courte formation initiale. Ils sont engagés pour quatre ans prolongeables jusqu'à neuf ans dans un métier plus large qu'une spécialité actuelle. Les métiers ouverts au recrutement sont les suivants :

Matelot restauration

Matelot machine

Matelot pont

Matelot bureautique

Matelot opérations navales

Fusilier marin

Matelot pompier

Matelot de piste et de pont d'envol

Matelot de maintenance aéronautique

Une part de ce recrutement reste réservée à des jeunes issus des missions locales d'insertion, pour un volume comparable à celui des actuels Engagés initiaux de courte durée.

Tous les Quartiers maîtres de la Flotte suivent à l'incorporation une formation initiale d'équipage de cinq semaines  délivrant les fondements de la culture marine et militaire. Les objectifs de cette formation sont également intégrés à la scolarité des élèves maistranciers. Six écoles assurent cette formation (CIN St Mandrier, CIN Brest, École de manoeuvre et de navigation, École des fusiliers, École des fourriers, EPPE Hyères).

Cette formation initiale est complétée par une formation élémentaire au futur métier de courte durée (quatre semaines) assurée par les différentes écoles de spécialité. S'inscrivant dans la continuité de la Formation Initiale Équipage, elle est destinée à former le jeune marin à certaines compétences élémentaires liées à son métier de recrutement.

La durée normale d'affectation des Quartiers maîtres de la Flotte à l'issue de leur période de formation initiale sera de quatre années. Cette période pourra être adaptée aux missions de la formation d'affectation ou raccourcie sur demande du commandant de formation.

Après quelques années d'expérience, entre deux et six ans, certains pourront être admis à suivre un complément de formation de l'officier marinier ou CFOM puis une formation technique débouchant sur un BAT à l'issue de laquelle ils seront promus second-maître. L'attribution du BAT se fait au titre d'une spécialité.

La progression professionnelle ultérieure des officiers mariniers issus de la promotion interne est identique à celle des officiers mariniers de recrutement externe.

c) S'adresser à des publics plus jeunes

Dans un contexte de concurrence accrue pour le recrutement, le fait de s'adresser à des publics plus jeunes, à l'exemple de ce que pratiquent les Britanniques permet de combiner besoins de recrutement et politique d'égalité des chances.

La réouverture, à compter de la rentrée 2009 d'une école des mousses à Brest, la précédente ayant fermé ses portes en 1988, va dans ce sens. Cette école sera ouverte sans condition de diplôme à des jeunes de 16 ans, 17 ans au plus, dès la sortie de troisième. Après une scolarité sous contrat d'un an, les mousses auront accès à un contrat de quatre ans dans les conditions ordinaires.

Votre rapporteur se réjouit de cette évolution qui répond aux besoins de la marine mais aussi à ceux de jeunes qui pourront trouver dans cet école un nouvel élan.

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