TRAVAUX DE LA COMMISSION - AUDITION POUR SUITE À DONNER DES REPRÉSENTANTS DE LA PROFESSION D'AVOCAT, DE L'UNION NATIONALE DES CARPA (UNCA) ET DES REPRÉSENTANTS DU MINISTÈRE DE LA JUSTICE

Présidence de Monsieur Jean Arthuis, président

Séance du 29 octobre 2008

Ordre du jour

Audition des représentants de la profession d'avocat, de l'union nationale des CARPA (UNCA) et des représentants du ministère de la justice pour suite à donner à l'enquête de la Cour des comptes sur la gestion de l'aide juridictionnelle par les caisses autonomes de règlements pécuniaires des avocats (CARPA)

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La séance est ouverte à 9 h 30

Monsieur Jean ARTHUIS, président

Mesdames et messieurs, nous allons ouvrir cette séance pour suite à donner. Il s'agit d'une enquête réalisée par la Cour des comptes en application de l'article 58-2 de la loi organique sur les lois des finances. L'enquête qui nous occupe ce matin concerne la gestion des crédits de l'aide juridictionnelle par les Caisses de règlement pécuniaire des avocats (CARPA). Nous devons cette enquête à la demande de notre collègue rapporteur spécial de la mission « Justice », Roland du Luart. Ces travaux s'inscrivent dans le prolongement de son rapport d'information, publié le 9 octobre 2007 avec un titre évocateur : « L'aide juridictionnelle : réformer un système à bout de souffle ».

Nous recevons pour la Cour des comptes, Monsieur le président Alain Pichon, président de la 4 ème chambre. La profession d'avocat est représentée par Maître Paul-Albert Iweins, président du Conseil national des barreaux (CNB), Maître Christian Charrière-Bournazel, bâtonnier de Paris et président de la CARPA de Paris, Maître Pascal Eydoux, président de la Conférence des bâtonniers et Maître Alain Marter, président de l'Union nationale de contrôle des CARPA (UNCA). Pour la Chancellerie, nous entendrons Monsieur Jérôme Poirot, conseiller du garde des sceaux, ministre de la justice, et Monsieur Mathieu Hérondart, secrétaire général adjoint du ministère de la justice.

Afin de préserver une possibilité effective de dialogue et de débat, je demande que les interventions liminaires se limitent aux observations principales. Ensuite, chaque commissaire qui le souhaitera pourra, naturellement, poser librement ses questions. Pour commencer, je donne la parole à Monsieur Roland du Luart, rapporteur spécial de la mission « Justice ».

Monsieur Roland du LUART, rapporteur spécial de la mission justice

Mes chers collègues, messieurs les présidents, depuis plusieurs années, l'aide juridictionnelle constitue un sujet de réflexion et d'action majeure dans le cadre des travaux de notre commission des finances au Sénat. Face aux inquiétudes manifestées par la profession d'avocat et devant l'accroissement considérable du nombre des missions d'aide juridictionnelle depuis 1991 (+ 160 %), j'ai décidé en 2007 de conduire une mission de contrôle sur le dispositif et les crédits de l'aide juridictionnelle.

Ce contrôle m'a permis de mieux cerner le rôle des CARPA dans la gestion des crédits de l'aide. Pourtant, certaines zones d'ombres pouvaient subsister. Il fallait les dissiper. De même, certains doutes pouvaient planer quant à l'optimisation de la gestion de ces crédits. Il fallait les lever.

Pour toutes ces raisons, j'ai proposé au président Arthuis de solliciter la Cour des comptes sur ce thème, au titre de l'article 58-2 de la LOLF. Les conclusions de l'enquête de la Cour étaient attendues. Ces conclusions sont à mon sens particulièrement solides, et c'est là un premier motif de satisfaction. La Cour a sélectionné un échantillon de treize CARPA, sur un total de 152. Cet échantillon couvre 23 % de la dotation annuelle de l'aide juridictionnelle, il représente 20 % des missions effectuées et concerne plus de la moitié des avocats français. Il s'agit donc d'un échantillon judicieux et significatif.

Un choix a été opéré entre les différentes grandes catégories de caisses. Quatre CARPA sont constituées d'un regroupement de caisses (comme par exemple la CARPA Anjou-Maine regroupant Angers, Le Mans et Saumur) cinq autres gèrent un protocole d'organisation de la défense, comme par exemple Paris. Enfin, les quatre CARPA restantes sont de taille moyenne et choisies dans des régions très différentes. Les principales conclusions de l'enquête vous seront données par le président Pichon.

D'une manière générale, l'enquête de la Cour des comptes ne met en lumière aucune irrégularité grave et manifeste, ni aucune dérive inquiétante dans la gestion des CARPA. Cela constitue un élément de satisfaction. Du point de vue du justiciable, le service public de l'aide juridictionnelle n'est nullement entravé par le fonctionnement des CARPA, qui jouent au contraire dans le système de l'aide un rôle moteur. Il faut le souligner : aucun justiciable n'est privé de l'aide juridictionnelle du fait d'un éventuel dysfonctionnement dans l'organisation des CARPA. Du point de vue de l'avocat, le système des CARPA, très autorégulé par la profession, semble également donner satisfaction, notamment s'agissant des délais de paiement (moins de cinq semaines en règle générale à compter de la délivrance de l'autorisation de fin de mission par le greffe).

Néanmoins, le tableau d'ensemble mérite d'être nuancé. La gestion de l'aide juridictionnelle par les CARPA peut être encore largement améliorée. Il s'agit là d'une responsabilité collective. La profession d'avocats se retrouve bien évidemment en première ligne sur ce terrain, mais elle n'est pas la seule. La Chancellerie représente un acteur à part entière du système de l'aide juridictionnelle et un interlocuteur privilégié. A ce titre, elle doit, elle aussi, assumer ses responsabilités.

Un premier élément d'amélioration du dispositif réside, malheureusement une fois encore, dans l'architecture informatique du système. Ainsi que le relève la Cour dans son rapport, l'UNCA a développé un logiciel d'aide à la gestion de l'aide juridictionnelle. Ce logiciel ne couvre toutefois pas toutes les CARPA. Il ne concerne ni celle de Papeete, ni celle de Nouméa, ni surtout celle de Paris qui pourtant représente plus de 18.000 avocats, 35.000 missions et 9,5 millions d'euros de dotations au titre de l'aide juridictionnelle. Outre qu'elle induit des surcoûts, cette absence d'unité sur l'ensemble du territoire laisse planer d'épineux problèmes de compatibilité entre les logiciels. Ces problèmes informatiques sont d'ailleurs bien trop souvent constatés dans notre système judiciaire, et les CARPA ne font malheureusement pas exception à la règle.

En outre, alors que le logiciel de l'UNCA aurait dû être homologué par les services de la Chancellerie, au plus tard le 1 er janvier 1998, cette homologation n'est toujours pas intervenue. Au regard de ce retard difficilement justifiable, la Chancellerie, comme le souligne la Cour des comptes dans son rapport, a fait défaut au moins à trois titres. Elle a, tout d'abord, laissé l'UNCA développer son logiciel sans lui imposer de cahier des charges. Elle n'a pas, ensuite, fait respecter le calendrier d'homologation très précis, qu'elle avait pourtant elle-même fixée à l'UNCA. Enfin, elle a accepté l'implantation dans les CARPA de ce logiciel non homologué, en prenant le risque de laisser les CARPA utiliser un outil informatique non fiable.

Un deuxième point d'amélioration importante dans la gestion des crédits de l'aide juridictionnelle par les CARPA renvoie à la relation entre ces caisses et leurs interlocuteurs au sein des tribunaux de grande instance (TGI), le bureau d'aide juridictionnelle (BAJ) et le greffe. Comme l'indique la Cour, la plupart des BAJ ont établis une liaison électronique avec la CARPA. Il reste toutefois une soixantaine de juridictions au sein desquelles cette liaison n'existe pas et où les notifications de décisions d'aide juridictionnelle aux CARPA s'effectuent encore sous format papier. L'existence d'une telle liaison électronique constitue pourtant non seulement un facteur de sécurisation supplémentaire, mais aussi un gain de temps. Il faut donc insister sur la nécessaire modernisation de cette liaison entre les BAJ et les CARPA. Cette liaison doit passer par Internet, dans un cadre qui garantirait la sécurité des données, le confort des utilisateurs et de considérables gains de temps.

Cet effort paraît nécessaire et doit permettre de surmonter des pratiques qui sont encore souvent archaïques. Ainsi, à la demande de la Chancellerie et pour des raisons de sécurité, la liaison électronique existant actuellement entre les BAJ et les CARPA prend simplement la forme d'un échange de disquettes (selon la Cour) et plus probablement (selon votre rapporteur spécial) d'un échange de cédéroms. Le recours le plus large possible aux nouvelles technologies dans les juridictions doit d'autant plus constituer un impératif catégorique qu'elles permettent d'accroître la productivité des personnels, en particulier des greffiers qui souffrent de réels sous-effectifs en juridiction.

De même, il ressort de l'enquête de la Cour des comptes une absence systématique de relations organisées entre le greffe et la CARPA. Après avoir délivré l'autorisation de fin de mission (AFM), le greffe n'est plus informé de la suite de la procédure, sauf si la CARPA demande une modification de l'AFM en cas d'erreur ou d'oubli. Au sein même des juridictions, il convient de remarquer que le circuit d'information est aussi fréquemment défaillant.

S'agissant de la gestion des crédits de l'aide juridictionnelle à proprement parler, plusieurs observations peuvent être faites. Tout d'abord, les taux de report d'une année sur l'autre de ces crédits sont très instructifs. Ainsi, les reports en 2007 sur 2008 représentent 54 millions d'euros, soit 21,5 % de la dotation globale versée aux CARPA en 2007. Au cours des trois précédentes années, ce taux a été de 24 % en 2005, 18,7 % en 2006 et de 19 % en 2007. Ces chiffres démontrent que des progrès restent à réaliser en matière de calibrage des dotations.

Le taux de couverture des charges des CARPA, lié aux frais de gestion des dossiers à l'aide juridictionnelle par des produits financiers, réalisés grâce au placement de la dotation déléguée en début d'année par la Chancellerie au titre de l'aide juridictionnelle, apporte également un éclairage intéressant. Ce taux de couverture était de 22,5 % en 2005, ce chiffre étant le plus récent à notre disposition. Ce faible niveau de couverture tient notamment à l'impact du faible niveau des taux d'intérêt au cours de la période. Il s'explique également par un éclatement des placements, dans la mesure où un nombre élevés de CARPA ne disposent pas de la surface financière pour mettre en oeuvre de véritables stratégies de placement à court et moyens termes. Plus d'un tiers des barreaux touchent moins de 750.000 euros de dotation par an.

De ce point de vue, les stratégies de placement des dotations attribuées aux CARPA par l'Etat présentent une grande diversité. La Cour relève d'ailleurs que ces stratégies obèrent souvent les rendements financiers et que le choix de produits financiers sophistiqués suppose une expertise qui n'est pas toujours à la portée des CARPA. Parlant des placements des comptes sur livret de l'une des CARPA contrôlée, la Cour évoque même un classement que l'on peut qualifier de « rustique ». Si les produits financiers résultent du placement de la dotation allouée aux CARPA, ils ne sont donc pas toujours maximisés.

La détermination des charges de gestion est parfois sous-estimée par les CARPA. Ainsi, pour les CARPA hébergées dans les locaux publics, la signature d'une convention d'occupation régulière s'avère indispensable afin que puissent être au moins définies les quotes-parts des frais à la charge des CARPA, tels que l'électricité, l'eau ou l'entretien, par exemple.

Concernant la chaîne des dépenses de l'aide juridictionnelle, la Cour des comptes met en lumière dans son enquête plusieurs lacunes en termes de contrôle. La Cour souligne notamment que les rapports des commissaires aux comptes des CARPA sont extrêmement laconiques, que les certifications avec réserve sont très rares et que les observations des commissaires aux comptes ne sont pas toujours prises en compte par les CARPA concernées. Le contrôle externe réalisé par la Chancellerie se révèle, pour sa part, tardif et peu efficace. Outre des faiblesses dans la méthode de contrôle, la Cour relève que les effectifs au bureau de l'aide juridictionnelle de la Chancellerie se consacrent majoritairement aux questions juridiques, tandis que les opérations de contrôle sont manifestement considérées comme subsidiaires.

Au regard de ce diagnostic d'ensemble, une question centrale se pose. Faut-il encourager le regroupement des CARPA ? Et si oui, jusqu'à quel degré ?

Les bénéfices attendus d'un regroupement paraissent assez évidents. D'une part, un tel regroupement permet de faire jouer les économies d'échelle dans le fonctionnement au quotidien des CARPA. D'autre part, il permet d'atteindre une masse financière critique propice à l'optimisation des produits financiers, résultats des placements effectués par les CARPA.

Une évolution vers d'autres fusions de CARPA apparaît assez souhaitable. Elle ne doit toutefois pas remettre en cause le fonctionnement général d'un système qui donne globalement satisfaction. La réforme de la carte judiciaire et la réduction des nombres de barreaux dont elle s'accompagne militent d'ailleurs pour le regroupement de CARPA de petite taille autour d'une CARPA plus importante. Les premières fusions de ce type attestent d'ailleurs du caractère fructueux d'une telle réorganisation.

Au total, je crois pouvoir dire que la profession d'avocat a eu raison d'accepter de bien vouloir jouer le jeu de la transparence, dans le cadre de la mission confiée par la commission des finances du Sénat à la Cour des comptes. Les résultats sont probants, en dépit de certains dysfonctionnements qui doivent pouvoir être surmontés, et les pistes de réflexion sont riches et nombreuses. Elles doivent être exploitées en tirant autant que possible bénéfice des nouvelles technologies au service de la justice et en tenant compte, au plus près, des réorganisations liées à la réforme de la carte judiciaire. A titre personnel, je ne suis pas favorable dans un premier temps à un regroupement sous une seule CARPA nationale. En revanche, peut-être pourrions-nous regrouper les CARPA autour des cours d'appel. Je pense qu'il ne faut pas faire de systématisme dans ce domaine.

Avant de laisser l'échange se nouer dans le cadre de cette audition entre les protagonistes de l'aide juridictionnelle, je tiens tout particulièrement à remercier les équipes de la Cour des comptes, au premier rang desquelles le président de la 4 ème chambre, Monsieur Alain Pichon, pour la qualité de leur collaboration et la précision de leurs travaux.

Monsieur Jean ARTHUIS, président

L'enquête de la Cour des comptes permet donc de constater, globalement, un bon fonctionnement des CARPA et la satisfaction des justiciables ainsi que des avocats.

Je me tourne vers le président Pichon pour lui demander s'il a des observations à ajouter au résumé des travaux de la Cour que vient de présenter Monsieur Roland du Luart.

Monsieur Alain PICHON, président de la 4 ème chambre de la Cour des comptes

Je tiens à porter témoignage du fait que, après un premier round d'observation, nous avons reçu tant de la part de la profession au niveau national que de la part des treize CARPA, un accueil franc qui est allé dans une logique de franchise et de confiance croissante. Cela n'était pas simple, d'autant plus qu'à l'origine les CARPA n'ont pas été créées pour payer l'aide juridictionnelle.

La CARPA est une association de droit privé créée par la profession pour gérer les dépôts de fonds privés des clients. En 1991, on a constaté que les régies d'avances des tribunaux payaient trop tardivement les avocats. On a alors décidé de se tourner vers les CARPA. Nous ne remettons pas fondamentalement en cause ce système mais il est original, puisqu'en définitive il revient à confier à des associations privées, sous forme de convention de mandat, le soin de payer en bout de chaîne les avocats qui interviennent dans le cadre de l'aide juridictionnelle.

Pour mener à bien sa mission, la Cour a bien évidemment utilisé tous les ressorts et tous les moyens de la procédure à sa disposition. Les treize contrôles ont donné lieu à des visites sur place, à des investigations, à des rapports provisoire et à de la contradiction. Chaque CARPA a reçu le rapport qui la concerne et leurs présidents ont reçu beaucoup de remarques sur la gestion des caisses. Certains ont, d'ailleurs, commencé de les mettre en oeuvre et de les appliquer.

Je serai très bref, Monsieur le président, parce que le président du Luart a excellemment résumé le rapport dans toutes ses dimensions. Je souhaiterais toutefois revenir sur deux d'entre elles. Tout d'abord, le rapport a été fait avant la crise. Aussi, j'espère qu'il n'y a pas de sinistre sur les placements. Je n'ai pas d'information, mais sans doute la profession pourra-t-elle nous renseigner sur ce point. La logique de placement doit obéir plus que jamais à des critères de prudence, de sécurité et de liquidité. Par ailleurs, le rapport montre que le système fonctionne de façon satisfaisante pour la Chancellerie. Celle-ci ne voit pas d'inconvénient à ce que la répartition de l'aide juridictionnelle, quoiqu'un peu éparpillée, s'opère via les CARPA.

Toutefois, je ne me prononcerai pas pour ce qui est de l'avis du contribuable. L'économie du système mis en place en 1991 consistait à placer les dotations et à couvrir les frais de gestion des caisses par les produits financiers dégagés de ces placements. Mais les rendements se sont révélés décroissants, alors que les frais de gestion sont allés croissants. Nous avons constaté que si l'on divise les frais par le nombre de dossiers, il y a des variables et des variantes selon les CARPA : certaines sont plus chères que d'autres, notamment celle de Paris. L'éparpillement condamne la rentabilité financière. Plus vous êtes petit, moins vous pouvez faire de placements intéressants auprès des banquiers. Comme ces produits financiers ne couvrent pas des frais et des coûts de gestion croissants, qui vient à la rescousse ? Les produits financiers des placements des fonds privés. Ce n'est donc pas l'argent du contribuable, à travers la dotation placée, qui couvre les frais de gestion, mais l'argent des clients privés des avocats. Il y a là un transfert de charges implicite, pas forcément scandaleux, de l'ordre d'une dizaine de millions d'euros. Il faut garder cela en mémoire.

Par ailleurs, est-il bien sérieux aujourd'hui dans une France, certes décentralisée mais dotée tout de même de moyens techniques modernes, de continuer à gérer cela avec 152 petites caisses ? Vous l'avez évoqué et le rapport l'indique. Il faut accompagner le mouvement de regroupement des CARPA, beaucoup de réformes actuellement en cours peuvent d'ailleurs y pousser. Le premier président de la Cour des comptes, Monsieur Philippe Séguin, évoque dans sa lettre de transmission du rapport à la commission des finances du Sénat, l'idée d'un opérateur unique créé avec la profession. Il est vrai que c'est une réforme d'envergure. Mais cela serait un moyen d'optimiser les placements et d'économiser les frais de gestion, alors même qu'aujourd'hui les moyens informatiques permettent de gérer un million de dossiers.

En conclusion, deux éléments essentiels doivent être soulignés. Tout d'abord, la mission de la Cour s'est bien passée. En outre, dans la limite de nos investigations, nous n'avons pas trouvé de graves dysfonctionnements ou d'errements, a fortiori de graves détournements, et le système fonctionne bien.

Monsieur Jean ARTHUIS, président

Merci, Monsieur le président. Nous ne doutions pas, au moment où nous avons demandé cette enquête, qu'il en soit ainsi. De fait, les CARPA en sont en quelque sorte « de leur poche », car les frais de gestion ne sont pas couverts par les produits financiers. Au fond, quelles sont les ressources d'une CARPA ? On voit bien qu'elles gèrent pour le compte des avocats des mouvements de trésorerie, qu'elles peuvent momentanément disposer de fonds et qu'elles peuvent les placer en suivant des conseils avisés pour en tirer une ressource. Mais disposent-elles d'autres ressources que le produit de ces placements ?

Maître Paul-Albert IWEINS, président du conseil national des barreaux

Je remercie le Sénat et sa commission des finances, qui sont les premiers à s'être intéressés au problème de l'aide juridictionnelle et à son financement, avant même que les avocats ne manifestent avec force leur colère face à l'état de la situation. Nous avons salué les travaux de la commission des finances et ceux du sénateur du Luart. Nous sommes heureux que la représentation nationale se préoccupe de cette question dans la mesure où, pour les avocats, l'accès au droit constitue une question cruciale. L'enjeu est aussi celui de la survie d'une catégorie d'avocats qui assurent ce service public de la justice. Il est donc important que la représentation nationale s'en empare.

Vous avez convié à cette audition publique plusieurs personnes et je voudrais présenter les institutions, de sorte qu'il n'y ait aucune ambiguïté sur le rôle des uns et des autres. Je suis le président du Conseil national des barreaux (CNB) qui est l'institution représentant la profession d'avocat. C'est donc l'organe politique qui est la voix unique de la profession sur ce qu'il convient ou non de faire, notamment pour les CARPA et l'aide juridictionnelle. Vous avez également convié le bâtonnier de Paris, le barreau de Paris regroupant à lui seul 20.000 des 50.000 avocats français. Sa CARPA est la plus importante de France. Vous avez, par ailleurs, convié le président de la Conférence des bâtonniers, non seulement parce qu'il préside l'association de tous les bâtonniers de France, hors Paris, mais aussi, et c'est, me semble-t-il, une petite lacune du rapport de la Cour des comptes, parce qu'il préside la Commission de contrôle des CARPA, organisme institué par décret.

Enfin, vous avez convié Maître Alain Marter, président de l'UNCA, dont je tiens à préciser qu'il s'agit d'un organisme technique gérant les problèmes techniques relatifs aux CARPA au sein de la profession. J'ai lu dans le rapport de la Cour des comptes qu'il était le représentant des CARPA auprès des pouvoirs publics. Mais je crois qu'Alain Marter en conviendra, il n'est pas le représentant des CARPA auprès des pouvoirs publics. Il est le président d'une association créée par les organes politiques de la profession pour être l'interlocuteur de la Chancellerie sur tous les problèmes relatifs aux CARPA. Grâce à son dynamisme, à la technique de son personnel et au dévouement de ses membres, l'UNCA a permis de diffuser toute la technique qui fait que les CARPA marchent bien en France. On doit lui rendre hommage.

Ceci posé, vous avez rappelé que les CARPA sont une création de la profession. Le bâtonnier Lusson a dit, il y a fort longtemps, quand on a autorisé les avocats à gérer des fonds, qu'on ne pouvait laisser chaque avocat gérer des fonds et qu'il fallait créer une association, devenue obligatoire déontologiquement, pour que tous les fonds perçus par les avocats dans le cadre de leur profession soient placés sur des comptes communs et pour que les intérêts résultant de ces placements servent à des objectifs communs. Voilà l'origine des CARPA : une volonté commune des professionnels, une discipline que la profession s'est imposée d'abord par le volontariat puis, peu à peu, par l'obligation déontologique, qui est devenue une obligation légale. Ces fonds, qui individuellement ne rapporteraient rien, sont, d'une part, placés sous le contrôle déontologique du bâtonnier (ce qui permet la protection des clients) et, d'autre part, mis au service de missions d'intérêt commun.

Etant donné que le système donne satisfaction, l'Etat a peu à peu utilisé les CARPA pour reprendre les missions de service public qui ne fonctionnaient pas très bien. Vous l'avez dit tout à l'heure, les régies d'avances et de recettes payaient les avocats avec un an de retard. Les avocats ont dit « laissez nous gérer, les avocats seront payés plus vite ». Quand un avocat est payé plus vite, peut-être le client est-il servi plus rapidement, même si on ne doit pas faire de rapport entre le paiement de l'honoraire et le service donné au client. Je vous indique qu'il y a actuellement une réflexion à la demande de la Chancellerie sur la gestion des indemnités dues aux victimes. On s'aperçoit qu'un certain nombre de victimes n'ont pas pris d'avocat pour une constitution de partie civile à une audience et qu'il faut, en revanche, percevoir des fonds en provenance, par exemple, des détenus. On cherche qui pourrait gérer ces fonds pour que les victimes obtiennent leur dû.

L'UNCA a fait une remarquable étude sur le sujet, à la demande de la Chancellerie et des autorités politiques de la profession. Nous avançons dans cette direction. La CARPA est un outil dont la rigueur permet de rendre service à la justice et au public. Je signale au passage que ce n'est pas le seul cas. Dans l'extrême misère de la justice dans ce pays, les ordres d'avocats participent à d'autres missions. Les ordres, par exemple à Paris et dans d'autres tribunaux, assurent une partie de la mission du greffe, dans la mesure où ils collectent toutes les assignations et les distribuent dans les chambres. Dans un certain nombre de tribunaux d'instance, le barreau de Paris a été amené à offrir des télécopieurs, parce que le ministère de la justice n'avait pas les moyens de les payer. Très souvent, la profession d'avocat prend en charge un certain nombre de missions d'ordre public.

Que dit le rapport ? Le rapport indique que, de façon globale, cela marche bien. Il y a certainement de petits dysfonctionnements. De ce point de vue, la CARPA de Paris et les CARPA de province, grâce à l'UNCA, vont y remédier. J'ai entendu une critique à l'égard de la différence informatique entre Paris et la province. Je souhaite, à cet égard, rappeler que la CARPA de Paris est à l'origine du chantier informatique des CARPA. Malheureusement, sur beaucoup de sujets, les problèmes parisiens ne sont pas à l'échelle de ceux de la province.

Monsieur Jean ARTHUIS, président

Aucun logiciel n'est homologué ?

Maître Paul-Albert IWEINS

Non. Je remercie la Cour des comptes d'avoir noté que l'on nous fixe des calendriers et des exigences. Je ne veux pas entrer dans le débat technique qui sera celui que vous aurez avec la CARPA de Paris, le président de la Conférence des bâtonniers et le président de l'UNCA. Mais jusqu'où faut-il mutualiser et regrouper ?

Nous sommes évidemment, et depuis longtemps, pour le regroupement des CARPA. De la même façon, nous étions pour le regroupement des centres de formation régionaux des avocats, qui eux aussi étaient dispersés. En son temps, le législateur a donné au CNB le pouvoir de regrouper autoritairement les centres de formation, ce qui nous a permis de passer d'une trentaine de centres de formation à onze. Quand on donne à la profession d'avocat l'autorité suffisante, elle est capable d'attendre les objectifs fixés.

Néanmoins, du fait de l'origine des CARPA, il n'est pas très facile d'imposer à des confrères, qui se souviennent que c'est par leur discipline que la CARPA existe, d'aller de leur petite ville vers la grande ville. Or, les regroupements se font au niveau de la grande ville. On a beaucoup poussé, mais nous n'avons pas toujours été entendus. Grâce aux efforts de l'UNCA et à ceux des institutions de la profession, le mouvement de regroupement progresse, toutefois.

Sans doute faut-il aller plus loin. Nous sommes tous d'accord. Faut-il, pour autant, un opérateur unique ? Je devrais, en tant que président du CNB, sauter sur l'occasion pour augmenter le pouvoir de mon organisme national. Telle n'est pourtant pas mon intention. Au niveau de chaque barreau, le bâtonnier, la CARPA et le BAJ sont liés dans le fonctionnement de l'aide juridictionnelle. Nous allons, dans le cadre de l'évolution de la profession, vers des ordres régionaux.

Du fait de la réforme de la carte judiciaire, l'idée de barreaux de cour d'appel va progressivement s'imposer, même s'il faudra garder dans chaque TGI des bâtonniers qui seront les interlocuteurs du président et du procureur. Il est utile, sur le terrain des libertés publiques, qu'il y ait un représentant de la défense et un interlocuteur des clients en cas de difficulté avec un avocat. Il est important qu'auprès de chaque tribunal, il y ait un bâtonnier. Mais un barreau de cour semble s'imposer, au sein duquel les bâtonniers de TGI seraient, par exemple, membres de droit. Dans cette perspective, je crois, toutefois, que séparer la CARPA de ceux qui organisent la profession au niveau local serait une erreur tragique.

Il est absolument essentiel que le bâtonnier ait un oeil sur la CARPA, car il est le garant la déontologie de la profession. Il y a eu des périodes où des baronnies se sont créées dans certaines CARPA de province, voire la CARPA de Paris. On s'est alors aperçu que l'Ordre exerçait un contrôle insuffisant sur les CARPA. Il y a un lien que je qualifierai presque d'ontologique, entre le bâtonnier, la CARPA et le BAJ. Une structuration nationale ne serait pas, à mon avis, un facteur de gain d'énergie. Au contraire, un centralisme excessif induirait une véritable déperdition dans la qualité du service rendu au justiciable. Je crois donc que cela n'est pas une bonne idée.

J'évoquerai, en dernier lieu, les chiffres absolument désastreux des budgets de la justice et de l'aide juridictionnelle de ce pays. Je voudrais que l'on s'interroge sur la conception que l'on a de l'accès à la justice et de l'aide juridictionnelle. Le rapport du Conseil de l'Europe, rendu public il y a quinze jours, indique que la France est aujourd'hui au vingtième rang pour le budget public consacré à la justice : 53 euros par habitant et par an en France. Notre pays se situe ainsi entre Chypre et la Croatie. Le budget alloué à l'aide juridictionnelle par habitant s'élève à 4,8 euros en France, 6,8 euros en Allemagne, 16,5 euros en Suède, 21,5 euros aux Pays-Bas et 56,2 euros au Royaume-Uni. En valeur, l'écart va donc de un à plus de dix, ce qui témoigne d'un vrai problème dans notre pays. Les avocats supportent ce problème, mais ils ne le supporteront pas éternellement. Cela fait partie des travaux de la commission Darrois et de ceux de votre commission.

Je lance un vrai cri parce que, vous le savez, ces chiffres sont publics. Quand les avocats français se rendent compte que les chiffres européens confirment ce qu'ils disent, ils ne peuvent que ressentir un certain sentiment de colère. Les avocats qui traitent les dossiers à l'aide juridictionnelle se dévouent pour des gens démunis. A cet égard, je salue Madame Brigitte Marsigny, présidente de la commission d'accès au droit du CNB et avocate au barreau de Bobigny. Le barreau de Bobigny travaille aux deux tiers pour l'aide juridictionnelle. Les avocats de ce barreau ont le sentiment qu'ils sont méprisés dans leur mission de défense.

Monsieur Jean ARTHUIS, président

Le budget de la justice ne rend pas une image fidèle du coût de la justice, puisqu'une partie des dépenses est supportée par les avocats. Nous entendons bien votre message.

Maître Christian CHARRIERE-BOURNAZEL, bâtonnier de Paris

Je voudrais d'abord vous dire que, lorsque ce contrôle nous a été annoncé, notre réflexe a été de nous en réjouir. Il est toujours important que le regard public se porte sur ce qu'une profession fait dans l'intérêt collectif.

La première, la CARPA Paris a, en effet, eu l'idée de mutualiser des revenus provenant des fonds des clients dans un intérêt collectif. J'insiste sur ce point qui a été évoqué par Maître Paul-Albert Iweins, car on ne le mesure pas toujours à sa juste valeur. Le maniement de fonds de clients hors CARPA est une faute déontologique qui entraîne une poursuite disciplinaire. Les avocats sont tenus de ne manier l'argent de leurs clients que par le biais de la CARPA, qui gère le compte dans une banque. La BNP gère ce compte de manière historique. Le bâtonnier est titulaire du compte et il existe autant de sous-comptes que d'avocats ou de structures. Dans chaque cabinet ou dans chaque structure, il y a un compte par dossier, avec une imperméabilité totale d'un compte à l'autre. Il n'y a pas de chéquier. Il s'agit de virements qui sont contrôlés par la CARPA et réalisés en faveur du destinataire que l'avocat indique, après toute la série des vérifications effectuées dans le cadre du contrôle anti-blanchiment.

La CARPA est donc à la fois une sécurité pour les clients et une garantie de légalité au regard du principe de la lutte contre le blanchiment. Ces fonds, qui passent par la CARPA de Paris, ne rapporteraient rien aux justiciables, puisque les délais de dépôt sont de trois semaines à un mois. Mais ils permettent, de par leur volume, de produire des revenus. Les avocats ne se partagent pas ces revenus à titre personnel. Ils n'en ont pas un seul centime en retour, contrairement à d'autres professions qui ont par la Caisse des dépôts et consignations des avantages à titre personnel. Je dis cela pour répondre, Monsieur le président, à votre question. En effet, ce sont d'autres qui, au fond, paient à la place de l'Etat pour l'aide juridictionnelle, puisqu'on constate que les frais de gestion sont supérieurs aux produits financiers. Qui sont les autres ? Ce ne sont pas les clients proprement dits, qui n'auraient pas reçu individuellement d'intérêt sur des sommes déposées pendant trop peu de temps. C'est l'ensemble des clients, dont les fonds ainsi gérés produisent des fruits. Ces fruits, dans une forme de répartition assez juste, sont utilisés dans l'intérêt des plus démunis. Je pense que l'on peut être fier la façon dont la profession a su, il y a cinquante ans, organiser, à Paris d'abord, le système de la CARPA. Aujourd'hui, d'ailleurs, des pays de la sphère francophone s'intéressent à ce modèle. Le barreau de Paris a été à l'origine de la création de l'UNCA, pour diffuser un certain nombre de process à travers l'ensemble du barreau français. C'est là un motif de fierté.

Quand la Cour des comptes vient contrôler la CARPA de Paris, elle s'aperçoit qu'aucun centime n'a été détourné de la mission fondamentale. C'est le premier constat, sur lequel j'insiste avec beaucoup de force.

Le second point sur lequel je souhaite faire écho à la Cour des comptes, c'est le fonctionnement particulier de la CARPA de Paris s'agissant des frais de gestion, dont on a souligné qu'ils sont plus élevés qu'ailleurs. On fait beaucoup plus de choses à Paris, grâce au logiciel MAJE, qui permet de gérer l'aide juridique pour l'accès au droit et à la justice. En relation avec le BAJ, le logiciel fonctionne déjà parfaitement. Paris fonctionne admirablement avec un logiciel qui sert un peu plus de 20.000 avocats et qui permet d'assurer un nombre de missions plus importantes que celles assurées par les CARPA en province. Il ne s'agit pas d'une critique. Je vais vous le démontrer de manière extrêmement simple.

Le service d'accès au droit et à la justice à la CARPA de Paris regroupe les missions suivantes : le renseignement des usagers, la gestion de la liste des volontaires pour l'aide juridictionnelle, la garde à vue et l'accès au droit, le traitement des réclamations et le changement d'avocat désigné sur décision du bâtonnier, la vérification de la participation effective des avocats aux permanences, la gestion des crédits aide juridictionnelle, la commission de discipline, la saisie des données (relevé d'identité bancaire des avocats, structures, décisions d'aide juridictionnelle, avis de fin de mission, imprimés de CERFA, paiement, production des états de plaidoiries, production d'états récapitulatifs et mise en place des permanences). Les CARPA en province ne font pas tout cela, car l'Ordre en fait une partie. C'est la raison pour laquelle vous avez une différence de traitement. Mais ce qui me paraît très important, c'est de souligner qu'en 2006, à Paris, 55.000 dossiers d'aide juridictionnelle et de gardes à vue ont été traités, ce qui représente une dotation de 3,67 euros de l'Etat par dossier. Quand la Cour des comptes constate que nous aurions une dépense de gestion par dossier d'environ 24 euros (page 68 du rapport définitif), cela veut dire que nous assumons nous-mêmes la charge par dossier de 20,33 euros. Par conséquent, la question n'est pas de savoir si nous sommes chers ou non dans le traitement d'un dossier, mais ce que représente le traitement d'un dossier. Ce que les fonds d'Etat rapportent ne représentent par le sixième de ce que coûte le dossier et que nous supportons. J'insiste sur cet aspect désintéressé et généreux qui n'est pas simplement la marque de Paris, mais celle de la profession toute entière.

Je voudrais insister sur un troisième point. Il ne m'appartient pas de parler des regroupements des CARPA en province. Je pense qu'il est indispensable, comme l'a dit Maître Paul-Albert Iweins, de regrouper les CARPA par région ou par coûts. Je vous demande de manière très instante de ne pas songer un instant à une CARPA nationale, y compris sur le plan de l'aide juridictionnelle. Je reviens sur le problème des permanences. Le bâtonnier de Paris est en même temps l'autorité de poursuite. C'est lui qui, lorsqu'un signalement anti-déontologique est porté à sa connaissance, décide de renvoyer devant l'instruction pour comparution éventuelle devant le Conseil de discipline. Nous avons ouvert, à Paris, 200 procédures disciplinaires depuis le début de l'année, car tout manquement mérite d'être l'objet d'une enquête et d'être traité. Il faut que tous les avocats dédiés à l'aide juridictionnelle, qui sont dévoués et généreux, soient contrôlés au plan de la compétence par des référents. Ces référents sont là en permanence pour voir comment les avocats plaident, comment ils assistent, s'il y a des manquements et pour s'assurer de leur assiduité. Le système de rémunération consiste aujourd'hui, en matière pénale par exemple, en un forfait par audience. Il arrive, heureusement rarement, qu'un avocat se présente à l'audience, prenne la première affaire, aille toucher son forfait et parte après avoir plaidé seulement la première affaire parce qu'il a autre chose ailleurs. Si nous étions dans le cadre d'un règlement par un organisme unique, nous supprimerions l'étroite dépendance entre le gestionnaire, président de la CARPA, l'aide juridictionnelle et l'autorité de poursuite. Un regroupement en province obéira aux mêmes règles. Si vous avez un barreau, un conseil de discipline et une autorité de poursuite par cour, l'unité sera maintenue. Il ne faut pas la rompre à Paris, car nous serions dans les plus grandes difficultés et nous reviendrions à des excès que nous avons connus par le passé.

De même, je veux, tout en remerciant la Cour d'avoir été tout à fait clairvoyante sur les compliments qu'elle nous décerne, relever ce qu'elle dit dans son rapport sur le caractère fictif de la CARPA de Paris. Pourquoi le dit-elle ? Elle constate que la CARPA, qui est une association, voit ses comptes approuvés non pas par son Assemblée générale mais par le Conseil de l'Ordre de Paris. C'est, en effet, le Conseil de l'ordre de Paris qui décide du budget et approuve les comptes de la CARPA. Sans dire que c'est illégal, cela est curieux. Mais cela s'explique de manière extrêmement simple. Il y a eu une époque où la CARPA de Paris était autonome. C'était devenu un duché de Bourgogne, avec une direction qui n'était pas d'une rigueur absolue, y compris dans son comportement personnel. Je parle de personnes qui ne sont plus de ce monde, à l'exception du bâtonnier Lusson qui n'a rien à voir avec tout ceci. Mais c'est la raison pour laquelle nous avons fait resserrer les liens. C'est aussi pour cette raison que le contrôle permanent est réalisé par l'organe représentatif de la profession, le Conseil de l'Ordre à Paris. Cela est d'autant plus nécessaire que, lorsque l'Assemblée générale de la CARPA a eu lieu au mois de juillet 2008 à la Sorbonne, seules 46 personnes y ont assisté, alors que les 20.000 avocats du barreau de Paris sont membres de la CARPA.

Monsieur Jean ARTHUIS, président

Peut-être un mot, si vous le permettez. La Cour nous indique que les ressources des CARPA se limitent au placement des fonds détenus et que ceux-ci ne représentent que le quart du coût de gestion. Y a-t-il d'autres ressources que le produit des placements ?

Maître Christian CHARRIERE-BOURNAZEL

La CARPA a le produit des placements qui lui sont propres, les placements des fonds d'Etat et les cotisations ordinales. Elle en tient une comptabilité, dont la Cour des comptes nous fait remarquer qu'elle est assez confuse. Finalement, la CARPA pourrait ne plus être une association mais un département de l'Ordre. Je ne vois pas en quoi, d'ailleurs, cela serait gênant.

Monsieur Jean ARTHUIS, président

La cotisation est assumée par chaque avocat. Quel est son montant ?

Maître Christian CHARRIERE-BOURNAZEL

Je n'ai pas ici les barèmes, mais je pourrais les communiquer ultérieurement à la Commission, si elle le souhaite. Ceci étant, les ressources de la CARPA viennent des fonds des clients, déposés et gérés sur une longue durée. Concernant l'aide juridictionnelle, ce sont les dotations de l'Etat. Il n'y a rien d'autre.

Monsieur Jean ARTHUIS, président

Il n'y a pas d'autre produit que le revenu des placements ?

Maître Christian CHARRIERE-BOURNAZEL

Il y a des produits théoriques de loyers, mais qui sont très faibles. La CARPA est propriétaire, soit directement soit en SCI, d'immeubles comme, par exemple, la Maison du barreau. Cette dernière peut-être louée par des associations professionnelles pour la rentabiliser et diminuer les frais. Ce sont des ressources tout à fait résiduelles et marginales. L'essentiel des ressources résident dans les revenus des comptes clients.

Je reviens au problème d'économie d'échelle ou de la meilleure performance des fonds placés de l'Etat. La Cour des comptes le relève à très juste titre : les fonds de l'Etat versés au mois de février et au mois d'octobre sont des fonds qui doivent être mobilisables à tout moment. Ils doivent être liquides. Le rendement de cet argent est une préoccupation subalterne, car si nous nous aventurions à jouer avec l'argent de l'Etat, je ne sais pas ce que vous nous diriez aujourd'hui.

Monsieur Jean ARTHUIS, président

Que faites-vous alors ? Prenez-vous des bons du trésor ? L'Etat vous verse des fonds et, avec ceux-ci, vous financez la dette de l'Etat ?

Maître Christian CHARRIERE-BOURNAZEL

Nous bénéficions de 3,5 % d'intérêt dans les meilleures périodes. Ce n'est pas la masse de l'argent qui fait les intérêts. A Paris, ils sont faibles non parce que nous n'en voulons pas (nous serions ravis d'en avoir plus), mais parce que nous devrions alors investir ces fonds dans des produits qui pourraient être totalement perdus. Je vois avec plaisir le président Pichon qui me fait signe de rester prudent. Nous n'avons pas l'intention de faire autrement.

Une dernière chose pour que vous soyez convaincus que nous ne sommes pas les seuls à nous vanter. Nous venons d'obtenir de la Commission européenne le prix de la balance de cristal, qui favorise et récompense une organisation professionnelle particulièrement généreuse dans la solidarité qu'elle affiche à l'égard de ses concitoyens. Nous sommes très fiers de faire ce qu'aucune autre profession ne fait. Les avocats sont contents de pratiquer l'aide juridictionnelle et l'accès au droit, et d'être reconnus pour cela.

Monsieur Jean ARTHUIS, président

J'invite le président de la Conférence des bâtonniers à nous apporter son témoignage.

Maître Pascal EYDOUX, président de la Conférence des bâtonniers

Mesdames et messieurs, des débats techniques qui orientent dans votre Commission, à propos desquels je veux publiquement remercier le président Pichon et les conseillers qui l'ont accompagné dans ses missions, vous devez absolument retenir une chose : on ne peut plus continuer comme cela pour l'aide juridictionnelle. Le sénateur du Luart disait, voici quelques mois, que le système était à bout de souffle. J'ai le regret de vous confirmer qu'il l'est toujours, quels que soient les efforts que la Cour des comptes ait pu faire sur l'examen des conditions dans lesquelles les CARPA gèrent les fonds d'Etat.

Ce n'est pas un problème de technique mais de politique. La question est de savoir ce que l'on veut. Acceptons-nous, oui ou non, qu'il appartienne aux pouvoirs publics de faire respecter les dispositions de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'Homme sur le droit à un procès équitable et à un accès au droit, ou est-ce à la profession d'avocats que revient cette mission ? Je prétends que ce n'est pas la profession qui doit faire appliquer cet article. Par mon éthique, par mon investissement dans mon métier, je dois à mes clients ma compétence, mon dévouement, mon serment. Mais je ne dois pas au client, au justiciable de ce pays, autre chose que mon investissement intellectuel, et c'est les pouvoirs publics qui doivent l'accès au droit.

Si l'on m'explique que les budgets de la République ne sont pas suffisants pour qu'il en soit ainsi, je ne veux pas en assumer les conséquences en tant qu'avocat. La perversion du système dans lequel nous vivons c'est qu'à ce jour, l'avocat est contraint de tendre la main aux pouvoirs publics en disant « payez-moi davantage, pour que je puisse défendre les pauvres gens ». Ce faisant, celui au profit duquel la prestation est offerte, c'est-à-dire le client, est complètement étranger à la relation économique que le service suppose. Les gens considèrent par conséquent que l'avocat leur doit la prestation. Pourquoi pas ? Mais c'est l'avocat qui est contraint de se faire payer. Et l'on dit ensuite que les avocats veulent davantage d'argent. Qui plus est, ils gèrent cet argent. Ce raisonnement ne peut plus durer, parce que ce n'est pas ainsi que nous fonctionnons, ni les uns ni les autres. Nous avons deux solutions.

La première solution consiste à dire que les avocats ne s'occupent plus de l'aide juridictionnelle. Dans ce cas, les pouvoirs publics, que je respecte et avec lesquels je veux toujours travailler, prennent la responsabilité de gérer l'aide juridique. L'avocat défendra le plus humble avec lequel il contractualisera son honoraire, avec tous les engagements de modération que l'on attendra de lui. Le justiciable ira ensuite devant les services publics se faire payer ce qui lui revient, par un système de tiers payant. Mais l'avocat n'assumera plus cette question. Cela fait huit ans que je réfléchis, à titre personnel, autour de ce sujet avec les amis de ma profession, et nous n'en sortons pas.

Une autre solution réside dans la recherche d'une amélioration du système. On m'accordera que je fais beaucoup d'efforts en cherchant de telles améliorations, mais cela fait aussi partie aussi de mes fonctions. Ce qui nous est démontré par le rapport de la Cour des comptes, c'est que la profession d'avocat n'a rien à gagner à gérer les fonds de l'aide juridictionnelle. Cela nous satisfait assez comme conclusion. Mais, actuellement, nous gérons des fonds publics et nous le faisons avec autant d'imagination que possible pour permettre à chacun d'accéder au droit et à la justice. Si nous gérons ces fonds maintenant, c'est parce qu'à une époque nous n'étions pas assez vite payés et que la solution a été bonne, ou considérée comme telle, pour remédier à ces retards.

Qu'est-ce qui ne fonctionne pas aujourd'hui ? Le rapport de la Cour des comptes explique qu'un BAJ sur deux fait la moitié de son travail. Je serais moins diplomate que ce que j'ai lu dans le rapport. Les revenus des gens ne sont pas suffisamment vérifiés. Des méthodes automatiques d'octroi d'aide juridictionnelle dans les procédures d'urgences pénales sont adoptées. On manque d'effectifs, mais on l'entend tellement partout que cela n'est plus une nouvelle, c'est une confirmation. Ainsi, les décisions d'aide juridictionnelle sont prononcées, selon les endroits, au petit bonheur.

Vous souhaitez que l'on regroupe les CARPA ? Vous avez raison et je suis le premier à le dire. Regroupons également les BAJ. Faisons en sorte que les bureaux d'aide juridictionnelle soient des organes administratifs compétents. Les moyens technologiques sont tels qu'aujourd'hui, grâce à Internet, on peut faire la même chose avec la plus efficacité. Cela nous a été expliqué dans le fin fond de nos provinces pour la réforme de la carte judiciaire. On peut très bien le reproduire ailleurs et cela me convient même très bien. On a désormais la possibilité de travailler dans un cabinet d'avocats du village le plus reculé de la province, indépendamment de l'endroit où se trouve la juridiction.

Mais vous aurez toujours une contradiction et vous devez, par conséquent, vous posez un certain nombre de questions sur l'accès au droit. En matière civile, il n'y a pas de souci. Je vais engager une procédure après avoir fait tous les préalables. Cela prend du temps, notamment pour que le BAJ prenne sa décision. En matière pénale, il y a une totale inadéquation entre les procédures rapides qui sont mises en oeuvre (que ce soit la comparution avec reconnaissance préalable de culpabilité, la composition pénale, la comparution immédiate...), et l'accès au droit.

Que se passe-t-il aujourd'hui ? Sur le plan de la sécurité publique, je n'ai pas d'états d'âme sur le sujet. On arrête le voleur ce matin, on le fait comparaître cet après-midi devant le tribunal correctionnel. Comment voulez-vous que l'on fasse pour qu'il ait une bonne défense ? Comment fait-on sur le plan de l'aide juridictionnelle ? On peut certes accorder finalement l'aide juridictionnelle à tout le monde. Mais sur le plan économique, c'est absurde. Le riche comme le pauvre, le mineur comme le majeur, tout le monde aurait droit à l'aide juridictionnelle. Les avocats vous répondent : « nous le faisons, mais on est payé à coups de lance pierres parce que le budget est réduit puisque tout le monde a droit à l'aide juridictionnelle ». Personne n'est content, mais l'honneur est sauf dès lors que la défense est assurée devant un tribunal correctionnel.

Une autre solution est d'essayer d'adapter, autant que possible, les procédures. Il s'agit d'imaginer une procédure pénale respectueuse des délais nécessaires préparer une défense. Cela permettrait, en même temps, de tenir la dépense liée à l'aide juridictionnelle. Autrement dit, celui qui serait éligible à l'aide juridictionnelle le démontrerait, parce qu'on aurait le temps d'avoir sa déclaration de revenus, de connaître la fortune de ses parents s'il est mineur ou sa fortune immobilière s'il en a une. Vous ne pouvez pas accepter des procédures précipitées, vouloir que tout le monde soit défendu convenablement et, en même temps, gérer de façon satisfaisante les fonds et les flux affectés à la défense. C'est incompatible.

Cela passe-t-il par l'extension de l'aide juridictionnelle pour tout le monde ? Pourquoi pas ? C'est un choix politique. Ou par une régulation des procédures de façon à ce que les choses se passent différemment ? C'est une question que vous devez vous poser. Moi, je ne peux plus y répondre. Ce que je constate simplement, c'est que dans les barreaux, les avocats se sont organisés pour créer ce que l'on appelle aujourd'hui les groupes de défense pénale. Je pense que cela a aussi un effet pervers dans l'exercice de mon métier. C'est que nous passons notre temps à entretenir des groupes de confrères qui, par la gestion économique et humaine que cela suppose, ne font plus que cela. Cela identifie les avocats comme étant dépendants du budget de l'aide juridictionnelle et, par conséquent, nous sommes contreproductifs par rapport à l'avenir et l'éthique de notre profession telle qu'elle doit être conçue.

Comment pouvons-nous faire autrement ? Je ne sais pas, mais cela fait partie des questions que nous devons nous poser. Ce sont par conséquent des questions que l'on ne résoudra pas forcément avec l'idée que les CARPA doivent se regrouper dans le cadre de l'aide juridictionnelle. Je vous le disais tout à l'heure : regroupez les BAJ au niveau des cours. Mais ce n'est pas la faute des avocats, ni celle des bâtonniers, s'il y a tant de résistances à ces regroupements. Cela fait des décennies que l'on dit aux gens « vous avez besoin au pied de chez vous de juridictions pour avoir un accès au droit convenable. ». Cela fait des dizaines d'années que l'on dit aux avocats qu'ils sont identifiés non pas pour le conseil qu'ils apportent, mais pour le procès qu'ils conduisent. Par conséquent, on ne cesse d'identifier mon métier avec le tribunal, et les gens m'identifient comme étant son représentant et son assistant. Il faut que cela change parce que ce n'est plus la réalité.

Et lorsque, du jour au lendemain, on vient de dire à ces avocats, à ces bâtonniers et à ces ordres que c'est terminé et qu'ils doivent à partir d'aujourd'hui fusionner, il est normal qu'ils résistent si vous ne leur donnez pas l'argumentaire technique pour les convaincre de le faire. Ce n'est une injure faite à personne, c'est naturel. Si l'on démontre par un rapport de la Cour des comptes sur la gestion de l'aide juridictionnelle, la raison pour laquelle les regroupements sont nécessaires, on lie alors utilement la réforme des procédures devant les cours d'appel, la postulation et la gestion des relations informatiques des greffes et des cabinets. J'ai fait voter, lors d'une assemblée générale de la Conférence des bâtonniers organisée à Lille la semaine dernière, une délibération selon laquelle les bâtonniers sont d'accord pour désigner un référent de chacune des cours et l'un des leurs pour être l'interlocuteur de celui qui va mettre en oeuvre les nouvelles liaisons informatiques. Je ne m'arroge pas ce que je considère comme étant un succès. Mais c'est la démonstration que la profession est prête à avancer sur beaucoup de sujets. Donnez-lui l'argumentaire technique, mais répondez également à un certain nombre de questions que je viens de vous présenter. Nous pourrons progresser. Nous le ferons avec vous, jamais contre vous. Mais cela signifie également résoudre un certain nombre de contradictions avec le ministère de la justice et la représentation nationale.

Monsieur Jean ARTHUIS, président

Merci Monsieur le président de nous avoir conduits dans une réflexion, au-delà du fonctionnement des CARPA, sur le respect des règles de droit. Nous ne sommes pas des dogmatiques du regroupement. Nous sommes, en revanche, préoccupés par la situation des finances publiques. Nous avons, tout comme vous, l'ambition de tendre vers l'équilibre des recettes et des dépenses publiques. Nous sommes donc à la recherche de modalités opérationnelles aussi efficaces que possibles, notamment les systèmes informatiques. Il n'est pas question ici de regrouper pour regrouper. Il s'agit de voir si la dispersion répond à une nécessité, et les systèmes d'information nous paraissent au coeur d'un certain nombre de réformes. C'est sans doute là qu'il y a une pédagogie à diffuser. Je ne suis pas sûr que la réforme de la carte judiciaire, dans sa première phase, constitue une référence pédagogique. Il faut que nous prenions le temps d'expliquer ce que nous voulons et les raisons de nos réformes.

Maître Christian CHARRIERE-BOURNAZEL

Parmi les réflexions que vous aurez à élaborer, je vous informe que le Conseil de l'Ordre de Paris a voté le principe d'une expérimentation d'avocats dédiés, par contrat avec l'Ordre, à l'aide juridictionnelle (sans en exclure les autres), avec un système de rémunération forfaitaire et un quota d'affaires à traiter par mois ou par trimestre. Les avocats ne seraient pas rémunérés à la tâche mais forfaitairement, sous le contrôle d'un contrôleur d'Etat désigné.

Monsieur Jean ARTHUIS, président

Nous sommes très ouverts à toutes les expérimentations. La parole est à Monsieur le président de l'UNCA.

Maître Alain MARTER, président de l'UNCA

Nonobstant la transition de Monsieur le bâtonnier de Paris, il est difficile d'intervenir après le discours politique du bâtonnier Eydoux, qui touche à la refondation même de l'aide juridictionnelle. Pour ma part, je suis le président de l'Union nationale des CARPA, une institution technique de la profession. Je n'ai d'autres revendications que celle d'être un bon technicien au profit de la profession.

Je voudrais, tout d'abord, remercier le président du Luart pour ses propos relatifs à la transparence qui a été constatée et celle avec laquelle la Cour des comptes a pu conduire sa mission. J'ai retrouvé ce propos en entendant monsieur le président Pichon, et j'ai également entendu avec plaisir, que des relations de confiance avaient pu être nouées. Je dois dire que l'UNCA se retrouve totalement dans cette expression.

Je formulerai un certain nombre d'observations techniques, qui colleront le plus possible aux indications qui ont été fournies par le rapport de la Cour des comptes. S'agissant des systèmes informatiques en place, l'ensemble des CARPA doit beaucoup au barreau de Paris. La première CARPA a été créée il y a 50 ans par le barreau de Paris. L'UNCA doit aussi beaucoup au barreau de Paris. C'est le même bâtonnier de Paris, dont le nom a déjà été prononcé (le bâtonnier Lusson), qui est origine de la création de l'une, comme de l'autre.

Quand, en 1975, l'UNCA a été créée pour réunir les CARPA, ces dernières avaient déjà prises des initiatives dans le domaine de l'informatique. Globalement, la CARPA de Paris avait créé ses propres services informatiques et les autres CARPA recouraient à deux prestataires. Ce n'était sans doute pas un marché très significatif. Ces deux prestataires ont fait faillite l'un après l'autre, et c'est comme cela qu'historiquement l'UNCA est devenue l'organisme créateur des logiciels des CARPA de province. Le barreau de Paris, qui en a les moyens, a des services informatiques intégrés qui lui ont créé ses propres logiciels. L'UNCA a progressivement reconstruit tous les autres logiciels pour l'ensemble des autres CARPA, dans de multiples domaines. C'est ce qui explique l'existence d'un second logiciel, celui mis en place par l'UNCA. J'ai entendu les noms de Papeete et Nouméa. S'agissant de Papeete, nous sommes en train de le mettre en place. Cependant, la distance ne facilite pas toujours, dans ce domaine, les avancées quotidiennes, mais nous y travaillons concrètement. S'agissant de Nouméa, la Caisse ne relève pas du système de 1991 en matière d'aide juridictionnelle. La question ne se pose donc pas. Mais, j'évoquerai avec plaisir le cas de la CARPA de Mayotte, toute récente. Mayotte, dans le cadre de la départementalisation qui lui a été annoncée, revendique (et cela me semble légitime) de pouvoir disposer en matière d'aide juridictionnelle des mêmes dispositions. Nous sommes en train de créer, avec le barreau de Mayotte, une CARPA et de mettre en place des logiciels.

Le deuxième domaine d'observation est la liaison BAJ / CARPA. Il y a 50 tribunaux de grande instance dans lesquels cette liaison n'existe pas encore. C'est insupportable. On peut se référer à mon discours d'arrivée à la présidence de l'UNCA. J'avais dit que cela serait l'une de mes priorités. J'ai un écho très favorable des services de la Chancellerie et je lui rends hommage

Monsieur Jean ARTHUIS, président

Que se passe-t-il ? La Chancellerie ne suit-elle pas ?

Maître Alain MARTER

Nous avons un peu avancé. Il existe un certain nombre de réticences locales.

Monsieur Jean ARTHUIS, président

Le blocage est-il du côté des juridictions ?

Maître Alain MARTER

Quand nous discutons de cette question dans les juridictions, on nous explique que le personnel que l'on affecte au BAJ n'est pas forcément celui qui est le plus compétent du tribunal de grande instance. C'est donc aussi nécessairement le personnel qui a le plus de réticences et de difficultés à changer ses habitudes.

Je rejoins totalement les observations de la Cour des comptes. C'est une perte d'énergie et cela a un coût pour les tribunaux, pour la Chancellerie et pour les barreaux. Par ailleurs, la liaison informatique représente une garantie supplémentaire de sécurité et un gain de temps, même si, dans les lieux où cela fonctionne avec des documents papiers, il n'a pas non plus été remarqué, me semble-t-il, de manquements particuliers. Ce n'est pas pour autant qu'il ne faut pas prendre des mesures de sécurité supplémentaires. Il est temps que l'on passe à de nouvelles technologies (clé USB, cédéroms,...). Nous pouvons étudier cela très rapidement avec la Chancellerie. C'est simplement un domaine avec lequel il faut prendre des sécurités. Il faut que nous conservions un moyen de transmission tout à fait sûr des données informatiques sensibles.

J'ai noté aussi dans les observations de la Cour des comptes qu'il n'y avait pas de retour entre la CARPA, le BAJ, au moment des paiements d'aide juridictionnelle. Là encore, l'utilisation des nouvelles technologies pour les liaisons devrait nous permettre de faire de nouvelles propositions de retour d'information, à partir du moment où l'ensemble des liaisons BAJ / CARPA seront numérisées

S'agissant des placements et des coûts de gestion, les placements sont nécessairement des placements totalement sûrs. Il s'agit donc de placements monétaires et de montages qui excluent tout placement sophistiqué dans ce domaine.

Monsieur Jean ARTHUIS, président

Quelle est la nature de ces placements monétaires ? Est-ce des titres publics ?

Maître Alain MARTER

Il s'agit de SICAV monétaires. Cet argent doit pouvoir être mobilisé très rapidement. J'ajoute à ce sujet, puisque vous avez formulé une observation sur le fait qu'il y avait un report de l'ordre de 20 % d'une année sur l'autre, que plus le montant du report serait réduit, moins il y aurait de marge de manoeuvre pour les placements et plus on diminuerait l'apport au coût du financement de la gestion de l'aide juridictionnelle. Par ailleurs, un report de 20 % correspond à deux mois de règlement. Il ne me semble pas anormal qu'il existe une avance de deux mois de règlement quand nous sommes en début d'année civile.

Je partage, également, les observations de la Cour des comptes relatives aux coûts de gestion. Il peut incontestablement être amélioré. Mais ce n'était pas un souci prioritaire des CARPA, dans la mesure où elles assument les trois quarts du coût de gestion. Le fait de rendre des états à la Chancellerie où, de toute façon, l'on constate un différentiel jusqu'à présent pris en charge par les revenus des autres placements des CARPA, ne motivait pas énormément les caisses. On peut améliorer la situation, prendre en compte le coût d'un loyer théorique lorsqu'il n'existe pas et valoriser le bénévolat, qui est considérable dans la gestion de l'aide juridictionnelle. Tout le travail de contrôle repose sur des confrères bénévoles, qui ont d'autant plus de mérite qu'il ne s'agit pas d'une tâche gratifiante.

Le regroupement des CARPA est un sujet sensible pour le technicien que je suis. Compte tenu des regroupements qui existaient déjà au moment de la mise en chantier de la réforme carte judiciaire, il existe actuellement 182 barreaux et 150 CARPA. Il est évident que le mouvement existait spontanément et prenait son envol, mais la réforme de la carte judiciaire a brisé ce mouvement. Personne ne voulait se regrouper à un moment où on ne savait pas quel barreau allait exister demain. Certains, même si ce propos n'a aucun sens, se demandaient si l'existence d'une CARPA pré-regroupée ne pouvait pas avoir une influence sur le choix de la disparation de tel ou tel barreau. J'ai entendu ce propos. Il est absurde, mais il démontre que la profession devenait extrêmement méfiante sur les idées de regroupement de CARPA.

Cette question est de nouveau à l'ordre du jour, alors qu'elle était paralysée. Deux regroupements sont actuellement en chantier. Nous accompagnons ce mouvement, qui est désiré par l'UNCA. Avec la réforme de la carte judiciaire, il restera 36 barreaux de moins de 50 avocats. Un barreau de 50 avocats ne dispose pas d'une taille qui permette de gérer utilement des dotations. On ne peut pas organiser les contrôles sérieusement. Nous sommes, sur la base des constats techniques, les premiers à dire qu'il faut que les CARPA se regroupent. Nous encourageons ces regroupements, même si nous ne pouvons qu'avoir un rôle incitatif s'agissant de l'UNCA.

Monsieur Jean ARTHUIS, président

Peut-on dire que l'objectif est que la carte des CARPA corresponde à celle des cours d'appel ?

Maître Alain MARTER

Cela peut être un objectif. L'approche pragmatique des CARPA s'en satisferait totalement. Je formulerai une observation supplémentaire : il convient de prendre en compte le nombre d'avocats concernés et la situation financière que cela entraîne pour les CARPA. Nous avons encore quand même, parfois, des barreaux qui ont une taille plus importante que toute une cour en France.

Monsieur Jean ARTHUIS, président

A-t-on fait une évaluation du fonctionnement des CARPA qui se sont regroupées ? Cette évaluation est-elle le bon argumentaire pour convaincre ?

Maître Alain MARTER

Je peux vous donner deux informations à ce sujet. La crainte des CARPA réside dans une perte d'indépendance politique du barreau regroupé. Je ne connais pas aujourd'hui une situation de regroupement de CARPA où l'une d'entre elles désirerait sortir de ce regroupement ou affirmerait n'y avoir trouvé aucun intérêt. Monsieur le président de la Conférence des bâtonniers a prévu, je crois, de consacrer une assemblée générale spéciale sur ce thème, dans les mois avenirs. Je lui ai immédiatement indiqué mon total soutien et ma totale disposition pour présenter des exemples concrets de regroupement ainsi que des témoignages de barreaux qui avaient des inquiétudes, désormais dissipées au regard du succès de leur regroupement.

Je rejoins tout particulièrement mes confrères intervenus avant moi : il faut maintenir une proximité et avoir le souci des effets de seuils. Au-delà d'un certain seuil, le regroupement n'a qu'un effet négatif et perd de l'intérêt.

Je vais conclure dans un sens qui correspond tout à fait à l'un de vos soucis de départ quand vous avez souhaité cette enquête. C'est celui des économies que peut réaliser l'Etat dans le domaine de l'aide juridictionnelle et du système tel qu'il existe aujourd'hui.

Je suis frappé par le fait que les recouvrements effectifs des indemnités d'aide juridictionnelle ne sont jamais comptabilisés dans les études. Lorsque le bénéficiaire de l'aide juridictionnelle gagne son procès, son adversaire doit rembourser à l'Etat le montant de l'aide juridictionnelle. C'est une disposition légale absolue. Il y a un recouvrement qui est opéré, mais ces chiffres de recouvrement ne sont jamais communiqués et pris en compte. Pour qu'il y ait recouvrement, il faut un avis de recouvrement mis en oeuvre par les juridictions. Je note qu'en 2005, il a été émis 17 millions d'avis de recouvrement. Je veux bien que le montant des budgets de l'aide juridictionnelle stagne depuis quelques années, mais il convient peut être de sensibiliser les juridictions à cette question.

Je formule une seconde observation concernant la possibilité de réaliser des économies. L'article 37 de la loi de 1991 permet aux juridictions de condamner une partie, indépendamment de la disposition que je viens d'évoquer, à payer les indemnités dues à un avocat et de supprimer l'aide juridictionnelle. La juridiction peut fixer une indemnité à verser à l'avocat de la personne qui bénéficiait de l'aide juridictionnelle. L'adversaire est condamné à lui verser une indemnité. Cette indemnité correspond au coût réel de l'intervention de l'avocat. Dans ce cas, il y a retrait de l'aide juridictionnelle. Tout le monde y trouve son intérêt. L'avocat est rémunéré de façon plus satisfaisante et l'Etat fait l'économie du paiement de l'aide juridictionnelle qui avait été accordée.

Il y a lieu de sensibiliser les magistrats à cette situation. Je sais que la Chancellerie s'en préoccupe. Une formation au profit des magistrats a été organisée à Chambéry, à laquelle ont été associés les avocats, à l'initiative de la Chancellerie. Nous avons mis en place une parfaite collaboration entre la Chancellerie et l'UNCA sur une série de formations destinée à nos confrères dans ce domaine. De façon emblématique, la Chancellerie et l'UNCA ont exposé ensemble cette possibilité à la convention nationale de la profession qui a eu lieu il y a quelques jours à Lille.

Monsieur Jean ARTHUIS, président

S'il est vrai que les CARPA ont pu être confrontés à des problèmes de systèmes informatiques, je n'exclus pas que certaines juridictions aient également rencontré de telles difficultés. Je me souviens d'une visite au tribunal de grande instance du Mans. On voyait bien qu'il y avait des marges de progression en la matière.

Monsieur Jérôme POIROT, conseiller du garde des sceaux

Dans un premier temps, je voudrais transmettre les remerciements du garde des sceaux au président du Luart, qui a eu l'idée de solliciter la Cour des comptes, à vous-même, monsieur le président de la commission des finances, qui avez accepté de solliciter la Cour des comptes, et à la Cour des comptes, pour la grande qualité du rapport qu'elle a produit. Les remerciements de la Chancellerie s'adressent également aux CARPA qui contribuent, cela a été souligné par le président Pichon, à la qualité du service public apporté aux justiciables dans le domaine de l'aide juridictionnelle. Cela mérite d'être souligné.

Le rapport montre qu'il n'y a pas de dysfonctionnements majeurs quels que soient les intervenants dans cette chaîne relativement complexe. Néanmoins, le rapport souligne qu'à chaque étape de cette chaîne, des progrès peuvent être réalisés. S'agissant de la Chancellerie, un certain nombre de reproches ont été faits et des améliorations ont été suggérées. Sur un certain nombre de ces sujets, il y a d'ores et déjà des avancées programmées. C'est tout l'intérêt d'un rapport de cette nature sur un sujet qui, souvent, n'est pas un thème prioritaire dans l'action des juridictions et de la Chancellerie. Mais les remarques et les propositions du rapport permettent de modifier les choses.

Par exemple, sur l'homologation des logiciels qui est effectivement une histoire très ancienne, il est prévu que les services informatiques de la Chancellerie procèdent à l'expertise, parce qu'ils en ont la capacité, et à l'homologation de ces logiciels. Cette initiative est envisagée pour le premier trimestre de l'année 2009. Nous aurons dans les prochains mois rétabli une situation qui n'est pas satisfaisante aujourd'hui. Il faut expertiser effectivement ce qui existe, mais le rapport de la Cour des comptes souligne que, a priori , les systèmes d'information, qui ont été développés et sont aujourd'hui utilisés, ne présentent aucune anomalie particulière. Il convient, cependant, d'effectuer formellement cette expertise et il faut procéder à l'homologation. Sur les liaisons informatiques, ce serait une amélioration considérable de faire en sorte que toutes les juridictions et les CARPA puissent communiquer par voie électronique. Un certain nombre de choses sont en train d'être faites dans ce domaine. La Chancellerie est en train de rattraper son retard dans tous les domaines informatiques et elle procède, de manière accélérée, à sa modernisation dans ce domaine. Le travail en cours doit permettre que, courant 2009, l'essentiel des 50 juridictions soient équipées d'une liaison informatique.

Concernant les BAJ et la qualité des personnels affectés, je n'ai pas noté que le rapport de la Cour des comptes indiquait que si la moitié des BAJ ne faisaient pas leur travail, cela était dû à la qualité des personnels. Je pense que l'on ne peut pas accepter cette affirmation. Il y a dans les BAJ, comme à d'autres endroits de la chaîne, des améliorations qui peuvent être apportées qui tiennent à l'organisation, à la nature des ressources qui sont affectées. Dans le domaine du contrôle, il y a également des choses à faire. Mais on ne peut pas considérer que les BAJ sont une espèce de « ventre mou » et de point noir dans le fonctionnement des juridictions.

S'agissant du recouvrement, j'ai de bonnes nouvelles à vous annoncer. Dans le cadre du budget de la loi de finances pour 2008, il a été prévu, et la Chancellerie a pris cet engagement, de recouvrer 8,9 millions d'euros. Nous sommes aujourd'hui à la fin du mois d'octobre et cet objectif sera tenu. Pour l'année 2009, la Chancellerie a pris l'engagement d'arriver à recouvrer un minimum de 13 millions d'euros. Tout cela ne se fait pas facilement. Cela a nécessité un travail considérable, notamment avec la direction général des finances publiques.

Monsieur Jean ARTHUIS, président

Il y avait manifestement un problème d'articulation entre les services. On avait vu au Mans que les logiciels n'étaient pas, par exemple, compatibles entre les décisions des juridictions et les circuits de la comptabilité publique pour le recouvrement. L'informatique peut vous aider puissamment.

Monsieur Jérôme POIROT

Ces progrès, monsieur le président, ont été réalisées. Cela nous permet aujourd'hui d'avoir des montants de recouvrement substantiels. D'ailleurs, la Chancellerie y a un intérêt, puisque ces crédits ont vocation à être rétablis sur son budget. Nous avions des problèmes de systèmes d'information et de capacité du ministère du budget à rétablir ces crédits une fois qu'ils étaient recouvrés et versés au budget général.

Monsieur Jean ARTHUIS, président

Ces crédits sont-ils inscrits dans la loi de finance pour 2009 ? Bien souvent, les crédits informatiques disparaissent avec les régulations budgétaires.

Monsieur Jérôme POIROT

Nous avons créé des procédures informatiques, mais surtout des procédures comptables avec la comptabilité publique, qui permettent le recouvrement effectif et le rétablissement de crédit. L'affaire a été très technique et compliquée. Le travail a duré un certain nombre de mois et a été mené entre les services de la Chancellerie et les services du ministère du budget.

Sur l'application de l'article 37 de la loi de 1991, il y a un travail étroit entre la Chancellerie et l'UNCA sur le sujet. Des actions de formation importantes ont été faites par les services de la Chancellerie. Ces derniers ont une expertise qui permet de faire progresser les juridictions, d'inviter les magistrats, dans le respect de leur indépendance, à porter, quand cela est nécessaire, des progrès en matière de gestion.

La Chancellerie prend acte des différentes interventions faites sur le projet de regroupement des CARPA. C'est effectivement une idée très intéressante qui sera à même de résoudre un certain nombre de difficultés soulignées dans le rapport et d'améliorer la gestion du service. On peut envisager un regroupement des BAJ pour avoir à la même échelle une CARPA et un BAJ. C'est une réflexion qui va être menée à la Chancellerie. Il s'agit là d'un chantier intéressant qui permettra d'apporter beaucoup d'améliorations dans le fonctionnement, la gestion et le contrôle du système de l'aide juridictionnelle.

Monsieur HERONDART, secrétaire général adjoint, ministère de la justice

Je répondrai à certaines questions posées par le sénateur du Luart. Une question a été posée sur le taux de report des crédits. Il convient d'expliquer le système. Nous subventionnons les CARPA. Pour le début de l'année, il faut qu'il y ait, par définition, un fonds de roulement. Il est normal qu'il y ait ces éléments. En revanche, la remarque fort judicieuse de la Cour des comptes portait sur une évolution un peu supérieure, c'est-à-dire qu'un effort a été fait sur les reports. L'année 2007 a été un peu particulière, car il s'agissait de l'année de la réforme de la carte judiciaire. Nous pensons qu'il y a eu un rapport de cause à effet entre ces deux évènements.

Nous en avons tenu compte dans la subvention 2008 et nous ajusterons l'année suivante pour tenir compte de ce fonds de roulement sous-utilisé. Au-delà de cela, nous pensons être, cette année, dans une situation normale de report, c'est-à-dire autour effectivement de 20 %. Mais c'est une sorte de socle technique liée au fonctionnement des CARPA.

Une autre question a été soulevée par le président du Luart sur le contrôle externe. Nous avons indiqué que le regroupement des CARPA faciliterait les contrôles externes du circuit de la dépense. Nous avons là aussi, en tenant compte des observations de la Cour, renforcé les effectifs du service d'accès au droit d'une personne, avec un agent spécifiquement dédié à cette action de renforcement du contrôle externe.

Monsieur Jean ARTHUIS, président

Je crois que l'on a fait le tour des différents intervenants qui avaient à s'exprimer sur cette mission conduite par la Cour des comptes et à laquelle il a été rendu hommage par tous les intervenants. Je vais donc ouvrir le débat maintenant et inviter ceux de nos collègues qui souhaitent s'exprimer, ou poser des questions, à le faire.

Monsieur DETRAIGNE, rapporteur pour avis au nom de la commission des lois

A mon tour, je joins mes félicitations au travail qui a été fait par la Cour des comptes, à l'initiative de notre collègue du Luart. Ce travail permet de vérifier toute l'activité menée par les CARPA et montre les insuffisances du système actuel. Il y a des pistes de réflexion sur lesquelles nous aurons peut-être l'occasion de retravailler.

Monsieur Jean ARTHUIS, président

Notre collègue Jean-Pierre Fourcade a dit nous quitter car il rencontre l'un de vos collègues, Monsieur le président Pichon, pour préparer une autre audition pour suite à donner.

Jean-Pierre Fourcade aurait, toutefois, voulu dire lui-même qu'il est favorable au regroupement des CARPA au niveau des cours d'appel, mais il veut être sûr que la Chancellerie a bien mis l'interface nécessaire. S'il y a une CARPA au niveau des cours d'appel, cela n'exclut pas qu'il y ait dans les juridictions un bureau d'aide juridictionnelle. En effet, les justiciables et les avocats doivent quand même ouvrir des dossiers au niveau de la juridiction.

Monsieur Jérôme POIROT

Les demandes transmises aujourd'hui dans les BAJ sont faites par différents moyens, y compris par courrier. Demain, les transmissions entre le demandeur et le bureau d'aide seront de plus en plus dématérialisées. Vous soulignez là effectivement un sujet qui doit être pris en compte dans notre réflexion. Il s'agit de savoir comment cela peut être articulé entre les tribunaux de grande instance et une partie de la compétence regroupée au niveau de la cour d'appel.

Maître Paul-Albert IWEINS

Il y a sur ce point un effet indirect de la suppression des avoués à la cour qui remet en cause la postulation. On progresse vers une postulation par cour d'appel. Dès lors, on tend vers des barreaux de cour. Il faudra laisser des antennes du BAJ.

Maître Pascal EYDOUX

Je souhaiterais faire une observation technique. On lit dans le rapport de la Cour des comptes le regret que les informations des BAJ ne soient pas directement envoyées au greffe. Cela me fait penser à ce que vous dites à l'instant. Le fait qu'une décision soit prise par un BAJ régional au niveau d'une cour d'appel, n'empêche pas que la décision soit transmise au greffe. Il est inutile de délocaliser une structure. Cela peut très bien se faire par la technologie.

Madame Michèle ANDRE

Il faut se poser la question de l'accès au droit et de l'analyse des dossiers au regard de la problématique des comparutions immédiates. Nous avons eu l'occasion, invités par Monsieur le président du Sénat, de faire des stages en juridiction. Je suis allée à Nanterre. Au regard du quotidien (les affaires de la nuit ou du matin jugées à partir de 14 heures ou 15 heures, en fonction du temps, des escortes disponibles, de tous les problèmes que vous connaissez bien...), on se demande comment assurer une défense de fond tout en ayant vérifié la possibilité ou la nécessité d'une aide juridictionnelle. C'est un énorme problème. C'est celui sur lequel la commission des lois et nous-mêmes avons sans doute à travailler. Il y va du droit du citoyen à se défendre en justice.

Je pense que le rapport soulève des points extrêmement intéressants, mais qu'il pose surtout cette question centrale. Nous sommes dans un système plein de bonne volonté, mais qui peut tendre un piège et poser un problème de fond.

Maître Christian CHARRIERE-BOURNAZEL

Madame la sénatrice Michèle André aborde un sujet important. En matière pénale, où la défense est exercée dans des conditions de rapidité ou d'urgence particulières, l'assistance juridictionnelle est donnée, sous réserve de vérifier a posteriori si la personne devait ou non en bénéficier. Mais c'est trop tard car l'avocat a déjà plaidé. Aussi fait-il les frais de cette situation, parce qu'il n'est pas payé. Il y a là une réflexion à mener. En outre, à Paris, nous avons les AFM en même temps que le jugement. Nous faisons un paiement par quinzaine, ce qui fait que les délais d'attente sont de quinze jours à trois semaines. En matière prud'homale, le jugement est prononcé par écrit six à huit mois après qu'il a été prononcé. Nous ne disposons de l'instrumentum à partir duquel peut être délivré l'AFM que des mois après, et l'avocat n'est pas payé avant un an.

Monsieur Yves DETRAIGNE

Je voulais dire quelques mots en complément des propos de Michèle André sur les procédures accélérées développées ces dernières années. La commission des lois a fait, en 2005-2006, une mission sur ces procédures accélérées, qui se développaient beaucoup à l'époque. Ses conclusions sont globalement tout à fait favorables. Il est vrai qu'il y a, sans aucun doute, un effet induit sur la consommation au titre de l'aide juridictionnelle. Néanmoins, cela ne doit pas pour autant remettre en cause ces procédures accélérées. Il y a sûrement des réglages à faire entre le développement de ces procédures et l'impact sur l'aide juridictionnelle, ainsi que l'impact négatif sur un certain nombre de vos confrères. Mais cela ne doit pas pour autant remettre en cause ces procédures, tant il est vrai qu'il est nécessaire que des faits délictuels soient sanctionnés. Il ne serait pas sain que ce type de faits, considérés comme mineurs par rapport à d'autres, ne soient examinés que des mois ou des années après qu'ils ont été commis. La sanction perdrait beaucoup de son effet.

Maître Christian CHARRIERE-BOURNAZEL

Il n'est pas question de contrarier la justice. Il faut qu'elle continue.

Monsieur Jean ARTHUIS, président

Nous sommes au terme de cette audition. Je vais demander à Roland du Luart s'il a des commentaires à formuler.

Monsieur Roland du LUART

Non. Je suis heureux que cette audition ait pu avoir lieu. On a entendu les avis des uns et des autres. Nous avions quelques a priori et ils sont tombés. Je vous remercie, monsieur le président, d'avoir permis que l'on puisse faire ce travail en s'appuyant sur l'expertise de la Cour des compte, qui a été pour nous très utile. On suggèrera probablement dans le rapport certains regroupements de CARPA, mais pas de façon impérative. La suggestion d'aller vers des CARPA regroupées au niveau des cours d'appel paraît assez cohérente. Nous poursuivrons donc cette idée tout en étant réservés, je le mentionnerai dans le rapport, sur une CARPA unique au niveau national. J'ai bien compris que vous considérez tous que cela serait une erreur. Je crois qu'il faut, dans un premier temps, se limiter au niveau des cours d'appel.

Les observations du président Eydoux m'ont interpellé sur un certain mal-être au sein de votre profession. Je crois qu'il faut que nous en tenions bien compte. Il faut également que la Chancellerie ait le souci d'apporter les améliorations nécessaires au dispositif de l'aide juridictionnelle.

Monsieur Jean ARTHUIS, président

Je voudrais, à mon tour, me réjouir de cette audition et de la richesse des échanges qu'elle a suscités. Je remercie à nouveau le président Pichon, et les magistrats de la Cour des comptes qui l'ont accompagné, d'avoir diligenté cette enquête à la demande de la commission des finances. La démonstration est faite que le contrôle n'a pas pour but de stigmatiser des comportements ou de rechercher des anomalies, mais de vérifier que tout va bien. Alors même que la Constitution vient d'être modifiée pour souligner le rôle du Parlement, qui n'est pas seulement de voter des lois mais aussi de contrôler l'action du gouvernement et d'évaluer les politiques publiques, je crois que nous devons, les uns et les autres, avancer dans cette voie. Avant de légiférer, il convient de mieux connaître le fonctionnement de la sphère publique et ne pas nous précipiter dans des lois nouvelles qui peuvent parfois être l'aveu d'une impuissance à agir.

Les CARPA fonctionnent bien à la satisfaction des justiciables (ce qui ne veut pas dire que ces derniers soient complètements satisfaits de l'aide juridictionnelle) et des avocats. Je crois que l'appréciation des CARPA nous invite forcément à observer le fonctionnement du service de la justice et dans ce domaine, nous sommes tous conscients qu'il y a des progrès à faire. Mais au fond, l'institution judiciaire n'est que le point de rencontre de tous les malaises et de toutes les difficultés d'une société. Par conséquent, dans les temps que nous traversons, son fonctionnement ne peut pas être complètement idéal.

Nous avons pu identifier des problèmes s'agissant des systèmes d'information. Je ne reviendrai pas sur la régulation des versements entre le budget de la Chancellerie et les CARPA. On a compris que c'est une façon de mettre à disposition des fonds de roulement pour faire face aux nécessités de paiement et faire quelques placements. Pour peu que les SICAV monétaires contiennent des bons du Trésor, chacun y trouve son compte. C'est en définitive la charge de la dette de l'Etat qui constitue les ressources des CARPA.

S'agissant du regroupement des CARPA, je rejoins tout à fait les conclusions esquissées par Roland du Luart. Pour le bon fonctionnement de la justice, sous l'autorité de la commission des lois, nous veillerons à légiférer à bon escient et à légiférer d'une main tremblante pour stabiliser les règles de droit.

Je dois maintenant me tourner vers mes collègues de la commission des finances et leur demander s'ils sont favorables à la publication du rapport par la commission des finances. Ce rapport contiendra naturellement le rapport d'enquête conduit par la Cour des comptes, l'ensemble des observations formulées ce matin et les conclusions que nous venons d'esquisser.

Mes chers collègues, êtes-vous favorables à cette publication ?

Les membres de la commission des finances s'expriment à l'unanimité en faveur de la publication du rapport.

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