2. Les obstacles juridiques à la libéralisation

a) Le monopole d'exploitation de la SNCF

Dans les années quatre-vingt, la France et l'Europe vont suivre deux voies différentes, et même opposées. Alors que la CEE s'engage dans une politique générale qui l'amènera à promouvoir à la fin des années 1980 une libéralisation du secteur, la France choisit, en 1982, de confirmer le monopole.

Jusqu'en 1982, la Société Nationale des Chemins de Fer Français (SNCF) est, formellement, une société d'économie mixte à qui l'État a concédé l'exploitation de son réseau ferroviaire « d'intérêt général ». La construction de la première ligne à grande vitesse entre Paris et Lyon fera ainsi l'objet d'une concession spécifique à la SNCF. Sur ce réseau, la SNCF assure alors un monopole de fait, mais pas de droit, son cahier des charges lui imposant d'accepter les trains en provenance d'autres réseaux. La loi d'orientation des transports intérieurs - LOTI - (Loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982) consacre dans son article 18 le monopole de la SNCF, au moins dans le trafic voyageurs :

« Il est créé, à compter du 1 er janvier 1983, un établissement public industriel et commercial qui prend le nom de Société Nationale des Chemins de Fer Français. Cet établissement a pour objet (...) :

- d'exploiter les services de transport ferroviaire de voyageurs sur le réseau ferré national ;

- d'exploiter d'autres services de transport ferroviaire. »

Le monopole de fait est, cette fois, figé dans un texte.

L'évolution de la réglementation européenne vient heurter de front cette conception toute axée sur le monopole de la SNCF.

Les difficultés sont apparues très tôt. La séparation entre la voirie (le réseau ferroviaire) et l'exploitation du réseau, qui a aboutit à la création de Réseau Ferré de France en 1997, a été une première épreuve conduisant à une solution confuse (voir infra, III A).

b) Les exceptions au monopole

Le monopole de la SNCF sur le réseau ferré national a été consacré par la LOTI de 1982. En marge de ce monopole, deux situations doivent être évoquées.

D'une part, il existe des cas où le monopole n'est plus qu'une façade juridique alors que les trains sont exploités en pratique par d'autres compagnies.

En effet, le monopole n'interdit pas pour certaines lignes internationales des organisations qui, dans les faits et pour les voyageurs, sont très proches d'une entreprise séparée : on peut citer par exemple Thalys, Eurostar, l'ICE - Inter City Express - ou quelques trains à vocation touristique tels que « l'Orient express ». Même si ces trains ne sont pas, pour l'usager, des trains SNCF, ils le sont en droit. La fiction du monopole est préservée car tous ces trains sont juridiquement des trains de la SNCF, organisés par la SNCF (5 ( * )) . L'autorisation d'exploiter un sillon est présentée par la SNCF, pour le compte d'un opérateur étranger. Le train est, même de façon fictive, organisé par la SNCF, qui en assume la responsabilité et la sécurité devant les acteurs du secteur. Ainsi, Thalys/Eurostar sont des trains gérés en commun par coopération entre deux entités nationales.

D'autre part, de façon plus anecdotique, il existe quelques exceptions historiques de gestion privée sur des réseaux secondaires.

Les « trains privés » en France

Il faut distinguer deux cas.

la sous-traitance accordée par la SNCF à des sociétés privées sur le Réseau Ferré de France (RFF).

La LOTI prévoit que la SNCF est en charge de l'exploitation des services voyageurs sur le réseau ferré national. Mais l'article 4.1 du cahier des charges de la SNCF prévoit la possibilité de sous-traitance de ces services.

Cette sous-traitance est effective dans deux cas :

- en Bretagne, les lignes Guingamp-Paimpol et Guingamp-Carhaix, sous-traitées par la SNCF à Veolia ;

- dans la région Centre, la ligne de Blanc-Argent, exploitée sur une partie du parcours par Keolis, une filiale de la SNCF.

L'exploitation privée sur des lignes hors du réseau RFF.

Il existe quelques réseaux ferroviaires qui ne relèvent pas de RFF. L'exploitation échappe alors à la SNCF et incombe et à des sociétés privées.

On peut citer :

- la ligne Nice-Digne, dans la région PACA. Sur la ligne Nice-Digne, une concession avait été attribuée avant la LOTI. L'exception demeure après la LOTI. Le syndicat mixte Méditerranée Alpes en a reçu la concession de l'État en 1972, héritage d'une ancienne exploitation des Chemins de fer de Provence. L'exploitation a été confiée en 1974 à Chemins de Fer et Transport Automobile (CFTA). La compagnie ferroviaire du sud de la France (CFSF), filiale de Veolia Transport, a succédé à la CFTA en 2005 et a signé une délégation de service public pour l'exploitation de cette ligne Nice-Digne. En 2007, la région PACA s'est substituée au syndicat mixte ;

- les chemins de fer touristiques, exploités par des sociétés privées : tramway du Mont-Blanc (74), chemin de fer de la Rhune (64), de La Mure (38), de Tence (43).

* (5) En général, sur ce type de train, le conducteur et l'agent d'accompagnement sont des agents de la SNCF. Le montage technique de trains opéré en partenariat est toujours assez lourd car les agents des deux entreprises sont présents à bord.

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