3. La place et le rôle de la grande distribution

Quel est dans ce schéma le rôle et l'importance de la grande distribution ? Ou, pour poser la question autrement, y-a-t'il une pression de la distribution sur les prix ? Cette question est plutôt délicate dans le contexte qui entoure la préparation de ce rapport et est très suivie par tous les acteurs - politiques, économiques, syndicaux - impliqués dans cette question. On se bornera à quelques remarques.

Il serait tentant d'accuser la grande distribution, dont chacun connaît le poids et le fonctionnement en méga-centrales d'achats, de faire pression sur les prix du lait.

L'observation, qui doit être affinée, conduit à une analyse plus nuancée.

Première observation : les marges des distributeurs dépendent du produit vendu. La règle simple, générale, vérifiée sur tous les produits, est que plus un produit est élaboré, plus les marges de la distribution sont élevées.

Cette règle s'applique à tous les produits, y compris aux produits laitiers sans qu'il soit possible à ce jour, de connaître les données précises. Au moins en France ... car on s'apercevra que ces données sont accessibles au Royaume-Uni, comme l'indique le tableau ci-dessous réalisé à partir de données publiques, disponibles sur internet, établies par Datum, le service d'information de Dairy Co, sorte d'organe de promotion du secteur laitier britannique.

Répartition des marges
fabricant / transformateur, détaillant
l'exemple britannique (en pence/litre)

Lait

Fromage Cheddar

Juillet 2008

Mars 2009

Juillet 2008

Mars 2009

Prix producteur

25,82

23,37

25,82

23,37

+ marge brute fabricant

21,31

23,76

9,29

8,01

+ marge brute détaillant

13,16

19,13

31,06

38,36

= prix de détail

60,29

66,26

66,17

69,74

Source : DATUM, Dairy Co.

Ce tableau montre que la marge de distribution est au moins deux fois plus importante sur le fromage que sur le lait, que le gain du distributeur est supérieur au prix payé à l'éleveur pour le fromage, et inférieur pour le lait liquide, et enfin - curiosité britannique ? - que les marges réalisées par les distributeurs sont plus importantes en période de crise ! L'économie obtenue sur le prix du lait (en payant au producteur 2,5 pences de moins par litre) étant intégralement récupérée par les distributeurs. Une spécificité britannique probablement, mais générant suffisamment de doute pour qu'il soit nécessaire de le lever en France.

Deuxième observation : La crise conduit à certains mouvements commerciaux qui ne sont pas sans incidence sur le prix du lait

La crise affecte la consommation des produits chers (produits frais, fromages...), pas la consommation de lait, plus rigide. La concurrence se fait non sur la qualité - le lait est pratiquement le même partout, quelles que soient les marques - mais sur les prix. Les comparaisons sont faciles, immédiates. Le lait, produit de base, joue un rôle comparable à celui de l'essence aux abords des grandes enseignes. Le produit est identique et les prix sont immédiatement comparables et comparés. Ainsi, à travers quelques produits repères -l'essence, le lait...-  une enseigne commerciale peut se positionner en une enseigne « bon marché ». Le lait est donc un produit banal mais au coeur d'une compétition entre grands distributeurs .

Le lait liquide étant un produit qui n'est pratiquement pas transformé - à l'exception du conditionnement et du transport -, la compétition se fait en trois temps. D'abord, en glissant du lait de marque (« Candia », « Lactalis ») vers le lait de MDD, puis vers les premiers prix, proposés par les enseignes de hard discount et, maintenant (juin 2009) par toutes les enseignes de grande distribution (le lait « premier prix » en pack blanc et bleu est proposé autour de 60 centimes d'euros). Ensuite, en réduisant au maximum les marges commerciales. Enfin, en cherchant à payer la matière première le moins cher possible, c'est-à-dire en faisant pression sur le producteur - maillon le plus faible de la chaîne.

Ainsi, selon toute vraisemblance, il n'y aurait pas de marges nettes irresponsables sur le prix du lait liquide. La question se pose davantage pour les produits à valeur ajoutée puisqu'on peut estimer que les marges prises par les distributeurs sont alors supérieures aux prix payés aux producteurs.

Cette question des « marges » est au coeur des préoccupations du moment. En 2008, le Conseil économique et social a décrypté le circuit des marges entre les différents opérateurs-producteurs, transformateurs, transporteurs, distributeurs. Les tableaux réalisés montrent que les marges réalisées sur les MDD sont très inférieures aux marges réalisées sur les produits de marque. Selon toute vraisemblance, et même si l'exemple britannique évoqué ci-dessus est plutôt troublant, ces marges diminuent encore en période de grande compétition.

Éléments constitutifs du prix du lait au début 2008

Lait grande marque

Lait MDD

Prix producteur

0,32 €

0,32 €

Marge brute transformateur

0,25 €

0,12 €

Marge brute distributeur

0,40 €

0,25 €

Autres

0,08 €

0,07 €

TOTAL

1,05 €

0,76 €

Source : Mme Christiane Lambert - Rapport du CES
sur la formation des prix alimentaires 2009.

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